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Madame Guyon et Louis-Claude de Saint-Martin

Dans la Correspondance entre Louis-Claude de Saint-Martin et Kirchberger (1), nous trouvons quelques lettres où le Philosophe inconnu, sollicité par son ami, donne son avis sur Madame Guyon.

 

Kirchberger (lettre 3) s’adresse à Saint-Martin pour avoir des explications sur les « agents intermédiaires ». Il cite le Tableau naturel (2), mais considère que ce sujet est traité d’une manière plus détaillée dans l’ouvrage d’une dame française, Madame Guyon.

 

A cette date (12 juillet 1792) Saint-Martin n’a encore rien lu de Mme Guyon et sur les conseils de son ami, il va lire quelques ouvrages, notamment les Lettres (3) de Mme Guyon dont il notera dans Mon Portrait (4) :

 

« Dans les lettres de Mme de Guyon tome 1er p. 392 j'ai lu un passage de St Philippe de Néri qui est ma véritable histoire : Seigneur, si vous ne me gardez je vous trahirai. Au reste cette femme célèbre confondait 1'œuvre de l’âme avec l'œuvre de Dieu, comme cela arrive aux spiritualistes mystiques. J'ai lu fort peu de ses ouvrages. Son élection n'était pas du genre masculin comme celle de mon ami B. [Bœhme]. »

 
 

Cette discussion sur les agents intermédiaires et Mme Guyon se situe entre le 30 juin 1792 (lettre n° 3 de Kirchberger) et le 25 août 1792 (lettre n° 8 de Saint-Martin). Par la suite, plus aucune allusion à Mme Guyon sera faite dans leur correspondance.


Notes

1 La correspondance inédite de L.-C. de Saint Martin: dit le philosophe inconnu, et Kirchberger, baron de Liebistorf, membre du Conseil souverain de la République de Berne. Du 22 mai 1792 jusqu'au 7 novembre 1797. Ouvrage recueilli et publié par Louis Schauer [de Marckolsheim] et Alphonse Chuquet, éditeurs propriétaires des Nombres et de l’Éclair sur l’Association humaine

 

2. Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803).Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers. Préface de Papus [Gérard Encausse]. Chamuel Paris 1900.

 

3 Il s’agit des Lettres chrétiennes et spirituelles sur divers sujets qui regardent la vie intérieure, ou l'Esprit du vrai christianisme. Cologne, 1717, 4 vol. in-8. Dutoit-Membrini en a donné une nouvelle édition en 1768, avec de nouvelles remarques.

 
 

Voici l’article complet du tome I des Lettres chrétiennes, pages 392-393

 

Lettre CXXIV. Qu’il est nécessaire à ceux qui se donnent à Dieu de persévérer dans la prière & la confiance en Dieu, sans découragement.

3. Donnez-vous entièrement à Dieu, & laissez lui prendre un pouvoir absolu sur votre cœur : dites lui souvent : « (a) Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir : mais, hélas ! si vous n'appliquez pas le baume salutaire sur mes plaies, qu'il est à craindre qu'elles ne s'envieillissent » ! Que la véritable connaissance que vous avez de votre faiblesse vous porte à vous remettre entre les mains de Dieu, persuadée que vous ne pouvez que vous opposer vous-même à un bonheur que vous voulez devoir à sa pure bonté. Protestez-lui, que quand vous pourriez vous guérir vous-même (ce qui n'est pas,) vous n'y voudriez pas mettre la main, afin de lui devoir toutes choses. O que votre salut sera bien mieux entre ses mains qu'entre les vôtres. Dites-lui souvent avec S. Philippe de Néri : Seigneur, si vous ne me gardez, je vous trahirai. Plus vous ferez persuadée de vo-[393]tre faiblesse, du peu de pouvoir que vous avez sur vous-même, & du besoin infini où vous êtes du secours de Dieu, plus vous vous sentirez portée à lui demander son assistance contre votre propre faiblesse ; vous vous découragerez moins ; & loin d'être de mauvaise humeur contre vous- même , vous ferez comme un enfant qui vient de tomber dans la boue , & qui va d'abord présenter ses mains toutes sales à son père, afin qu'il les essuie. Ce père le caresse en l’essuyant ; & l'enfant, loin de fâcher contre lui-même, se presse contre son père, témoignant par sa petite action qu'il ne veut plus se séparer de lui, puisqu'il tombe sitôt qu'il s'en éloigne. Tachez, Madame, de vous tenir proche de Dieu: & lorsque vous serez parvenue à ne plus vous éloigner de lui, à vous en approcher par un petit retour plein d’amour & de confiance, vous serez en assurance.

Note (a) Matth. 8. v. 2.

4. Louis-Claude de Saint-Martin, Mon Portrait historique et philosophique (1789-1803), publié par Robert Amadou. Julliard 1961. Article 854, page 368. Cet article a été écrit entre le mois de novembre 1797 (voir l’article 838) et le 18 janvier 1798 (voir l’article 861), jour de son 55e anniversaire.


Extrait de la Correspondance inédite

La correspondance inédite de L.-C. de Saint Martin, dit le philosophe inconnu, et Kirchberger, baron de Liebistorf, membre du Conseil souverain de la République de Berne

 

Du 22 mai 1792 jusqu'au 7 novembre 1797

 

Ouvrage recueilli et publié par Louis Schauer [de Marckolsheim] et Alphonse Chuquet, éditeurs propriétaires des Nombres et de l’Éclair sur l’Association humaine

 
Amsterdam. Van Bakckenes et Cie, libraires-édit.
Leipzig. J.-A. Brockaus, libraire-éditeur
Saint-Pétersbourg. Dufour et Cie, libraires
La Haye. Belinfante frères, libraires-éditeurs

Paris. E. Dentu, libraire éditeur, Palais Royal, galerie d’Orléans, n° 13

1862 - http://books.google.fr/books?id=DkYBAAAAQAAJ

La correspondance inédite de L.-C. de Saint Martin avec Kirchberger

Extrait de la Lettre 3 – Kirchberger à Saint-Martin. Morat, dans le canton de Berne en Suisse, le 30 juin 1792

 

Page 12

 

[…] Cette doctrine des agents intermédiaires est, suivant moi, supérieurement traitée dans le Tableau naturel, et encore, mais pas d'une manière aussi détaillée que dans les ouvrages d'une dame française qui, pendant sa vie, fut cruellement persécutée, ridiculisée et calomniée, pour avoir été l'amie de M. l'Archevêque de Cambrai, M. de Fénelon, dont la droiture et les talents blessaient l'ambition de Mme de Maintenon et l'amour-propre de M. de Meaux [Bossuet]. Cette femme extraordinaire dit des choses admirables sur les vertus dans le 8e volume de son Explication du Nouveau Testament, p. 114, ouvrage assez peu connu.

 

Extrait de la Lettre 4 - Saint-Martin à Kirchberger Paris, le 12 juillet 1792

 

Page 14

 

Je crois comme vous, monsieur que la sagesse divine se sert d'agents et de vertus pour faire entendre son verbe dans notre intérieur ; aussi devons-nous accueillir avec soin tout se qui se dit en nous. Madame Guyon, dont vous me parlez, a très bien écrit cela, à ce qu'on en a dit, car je ne l'ai point lue.

 


Extrait de la Lettre 5 - KIRCHBERGER À SAINT-MARTIN - Morat, le 25 juillet 1792

Page 18

… Je vous ai parlé des ouvrages de madame Guyon, sans lesquels je crois qu'il ne m'aurait guère été possible de comprendre plusieurs passages des Erreurs et de la Vérité et du Tableau naturel. Ceci est d'autant plus remarquable que vous ne les avez jamais lus ; plus que cela, il se trouve une conformité parfaite entre l'explication importante du tableau d'Élie, pag.7 et 8, tome II du Tableau Naturel, et plusieurs passages de madame Guyon. Voici comment le Tableau Naturel s'explique :

 

« Élie étant sur la montagne, il reconnut que le Dieu de l'homme ne se trouvait ni dans un vent violent, ni dans le tremblement de l'air, ni dans le feu grossier et dévastateur, mais dans un vent doux et léger, qui annonce le calme et la paix dont la sagesse remplit tous les lieux qu'elle approche ; et, en effet, c'est un signe des plus sûrs pour démêler la vérité d'avec le mensonge. »

 

Or ceci est tout l'abrégé de tout ce que madame Guyon dit de meilleur sur l'instruction d'Élie. La même conformité existe sur d'autres points essentiels entre madame Guyon et Jacob Bœhme, dont j'ai pu découvrir un volume in-4°. Cette ressemblance m'a d'autant plus frappé que je suis moralement sûr que madame Guyon n'a jamais su un mot d'allemand, et qu'il est impossible que notre ami Bœhme ait pu lire madame Guyon, puisqu'elle est née une vingtaine d'années après notre philosophe teutonique. Il y a des personnes pour lesquelles la lecture des ouvrages théosophiques serait une nourriture trop forte, auxquelles ont pourrait, si l'occasion s'en présente, indiquer les œuvres de madame Guyon pour leur faire aimer l'esprit du christianisme ; mais je crois que les ouvrages commencent à devenir rares en France. J'ai appris que des personnes bien intentionnées [il s’agit de Dutoit-Membrini], en Suisse, avaient fait réimprimer une édition complète, il y a deux ans ; elle se trouve chez L. Luguiens, libraire à Lausanne. Ses principaux ouvrages me paraissent être ses lettres, son explication du Vieux et du Nouveau Testament, et sa vie écrite par elle-même. Un entre-deux encore plus à la portée des gens du monde que les ouvrages de madame Guyon me semblent les Lettres spirituelles de M. de Fénelon, imprimées en 4 volumes, 1767, qui se trouvent à Paris et à Lyon. Ce recueil contient quelques lettres du duc de Bourgogne au duc de Beauvilliers, qui, selon moi, sont des chefs-d’œuvre pour faire aimer et pratiquer la religion à ceux qui sont au milieu du monde et des affaires. M. de [19] Fénelon n'a pas été canonisé par la cour de Rome, mais il le sera dans le cœur de tous les honnêtes gens qui liront ses ouvrages.

 

[…]

 

Quant aux manifestations soit intérieures, soit extérieures, je les regarde comme des moyens pour augmenter notre foi, notre espérance et notre charité, qui sont des avantages d'un prix inappréciable ; mais encore là-dessus, remettons-nous à la volonté suprême. Si elle juge à propos de nous ouvrir les yeux, elle le fera ; sinon la voie de foi sans lumière distincte ne peut pas déplaire au grand principe. Heureux ceux qui n'ont point vu et qui ont cru. Vous me dite supérieurement bien :

 

« Quand notre esprit a acquis par la grâce d'en haut ses propres mesures, les éléments deviennent ses sujets et même ses esclaves, de simples serviteurs qu'ils étaient auparavant. »

 

Notre esprit acquiert ses propres mesures, ce me semble, lorsque nous ne vivons plus de notre propre vie, et que le Verbe vit en nous dans toute sa plénitude, qu'il absorbe toutes nos facultés, que notre esprit se perd, pour ainsi dire, dans le sien. C'est ce degré le plus élevé auquel l'homme puisse atteindre que l'on peut appeler consommation en unité. Alors, ce n'est plus nous qui agissons, mais le Créateur qui agit pour nous, qui commande aux éléments. Que cet état apostolique soit possible encore dans notre temps, c'est de quoi je ne doute pas un instant ; non seulement la raison, mais encore l'expérience nous le prouve. Je ne citerai qu'un exemple : Lorsque le père Lacombe traversait le lac de Genève, il s'éleva un orage si violent que les bateliers ne conservaient plus aucune espérance ; alors le père Lacombe ordonna aux vagues de se calmer, et en même temps, les vagues se calmèrent. Ce fait est rapporté par un témoin oculaire dont la probité est au dessus de tout soupçon.

 

V. [voir] la vie de mad. G. [Guyon], je ne l'ai pas sous les yeux, mais je crois qu'il se trouve dans le second volume.

 

[…]

 

Vous approuvez la règle que je crois la plus essentielle pour avancer dans la lumière ; c'est là la porte étroite par où peu de monde passe. Mad. Guyon appelle ce qui s'oppose à cette suppression propriété, et notre ami B. Die selbheit. Je vous prie de remarquer la ressemblance entre ces deux terminologies sans qu'ils aient su quelque chose l'un de l'autre. Je recevrai tout ce que vous voudrez bien m'indiquer sur ces objets, et les chemins qui y conduisent, avec reconnaissance.


Extrait de la Lettre 8 - SAINT-MARTIN À KIRCHBERGER - Du 25 août 1792

Ne soyez point surpris, monsieur, des similitudes que vous apercevez entre mes idées et celle de madame G. [Guyon], de même qu'entre les siennes et celles de notre ami B. [Bœhme]. La vérité n'est qu'une, sa langue n'est qu'une aussi, et tous ceux qui marchent dans cette carrière disent tous les mêmes choses sans se connaître et sans se voir, quoique, cependant, les uns disent de plus ou moins grandes choses que les autres, selon le plus ou moins de chemin qu'ils ont fait. Prenez par exemple nos Écritures ; l'on y voit partout la même idée et la même doctrine malgré la diversité du temps et des lieux où ont vécu les écrivains sacrés. Je puis assurer que moi, indigne, j'ai inséré dans mes ouvrages, nombre de germes dont je n'avais pas moi-même tout les développements et dont néanmoins, je sentais la vérité, et que ces mêmes germes, je les trouve tous les jours en plein rapport avec mon cher B., ce qui me comble de joie : 1° à cause de la similitude, 2° parce que cela me procure de douces récoltes que je n'aurais peut-être jamais faites sans cela. Il y a cinq ou six ans que je reçus tout naturellement dans mes spéculations, une ouverture sur la géométrie et les nombres, qui me transporta du plus vif ravissement ; eh bien ! un an après, je trouvais ce rayon de lumière tracé tout au long dans les traditions chinoises, rapportées dans les lettres édifiantes de nos missionnaires. Cela avait été écrit, il y a quatre mille ans et à quatre mille lieues de moi. Et ce rapport ne fit que décupler mon ravissement au lieu de m'humilier ; car la première chose qu'il y ait à savoir c'est que nous ne pouvons rien inventer et que nous recevons tout. Je crois, comme vous, que les différents ouvrages dont vous me parlez peuvent être une excellente introductions (sic); mais les introductions verbales des personnes exercées me paraissent encore plus profitables que les livres, à moins qu'ils ne soient de l'ordre de ceux de mon ami B[œhme]. ; encore aimerais-je mieux l'écouter que le lire. Je suis dans une maison où madame G[uyon]. est très en vogue (1). On vient de m'en faire lire quelque chose. J'ai éprouvé à cette lecture combien l'inspiration féminine est faible et vague en comparaison de l'inspiration masculine, telle que celle de J[acob]. B[œhme]. Je trouve dans l'une du tâtonnement, du moral et du mystique en place des lumières ; quelques heureuses interprétations, mais beaucoup d'autres qui sont forcées, enfin, plus d'affection et de sentiments que de démonstrations et de preuves, mesure qui est peut-être plus avantageuse au salut de l'auteur, mais qui sert à la véritable instruction de celui qui cherche. Dans l'autre, je trouve un aplomb d'une solidité inébranlable, j'y trouve une profondeur, une élévation, une nourriture si pleine et si soutenue que je vous avoue que je croirais perdre mon temps que de chercher ailleurs. Aussi, j'ai laissé là les autres lectures. Cependant, je les laisse aux personnes de la maison qui s'en occupent, et je leur cache même mon auteur favori, parce qu'elles ne seraient pas de force à le suivre, et que, d'ailleurs, j'aurais trop de peine à les traduire.

 

[…]

 

Je n'ai qu'un misérable dictionnaire allemand où ce mot Rähs ne se trouve seulement pas. Quant au mot Selbneit, que madame G.[Guyon] traduit par propriété, il rend parfaitement, dans les deux langues, les obstacles que nous mettons nous-mêmes à notre avancement ; mais j'ai trouvé sur ce point, madame G. portée à une mesure qui me paraît outrée (peut-être faute d'être digne de la comprendre). L'ami B. me rend la chose simple et sensible en me montrant toutes les chaînes que pose sur nous celui qu'il appelle l'esprit de ce monde. Voilà la vraie mort qu'il faut subir, la vraie propriété qu'il faut chasser de nous ; mais quand la propriété divine daigne la remplacer en nous, il nous est permis de la conserver avec grand soin, et c'est sur cela que je ne trouve Madame G. ni claire ni mesurée. La voie des opérations partielles et spirituelles est très voisine de cet esprit du monde, et surtout de cette région astrale où il fait sa demeure et qui est presque universellement employée par les opérations sans excepter le maître que j'ai eu et les disciples qui ont suivi cette voie opérative. Elle est par là très susceptible d'accroître en nous ces propriétés dont nous devons nous défendre, vu les avantages et les plaisirs qu'elle nous procure. Aussi suis-je persuadé que c'est là la principale des Selbneit sur laquelle nous devons être en garde, et c'est un sens que je n'aurais jamais compris sans les ouvertures de l'ami B.


Note

1 Il s’agit de la maison de la duchesse Bathilde de Bourbon


Extrait de la Lettre 9 - KIRCHBERGER À SAINT-MARTIN - Le 7 septembre 1792

Les mêmes raisons qui ont procuré des embarras m'ont aussi occasionné des obstacles qui m'empêchèrent de lire notre ami B. [Bœhme]. Le peu que j'en ai lu confirme néanmoins très complètement le jugement que vous en portez et la comparaison que vous faites de ses écrits avec ceux de madame Guyon. Je lui trouve une précision, un aplomb et une solidité inébranlables. J'adopte, comme vous voyez, votre jugement, tout votre jugement, et rien que votre jugement. Cet homme, privé d'instruction et d'études, serait inconcevable sans la lumière d'en haut. J'ignore si la vie de notre ami se trouve dans votre édition ; si elle ne s'y trouve pas, je vous en manderai les principales époques, et mon assertion sur l'inconcevabilité de ses talents vous deviendra lucide. Vous avez très bien présumé les questions que j'ai été tenté de vous faire sur le Tableau naturel ; mais comme je suis obligé de concentrer mes facultés sur un seul point, sur le seul nécessaire, sur le grand mystère que saint Paul confia aux Coloss., chap. 1, vers. 26, je réserve mes demandes pour un autre temps. En attendant, je vous suis réellement obligé pour vos éclaircissements sur vos deux nomenclatures, et je prévois que j'aurai bien des questions à vous faire sur celle de notre amis (sic) mise en parallèle avec les vôtres.

 

Je crois aux communications libres, mais mon goût est on ne peut pas plus éloigné de ce qui tient aux communications forcées, c'est à dire à celles qui ne sont pas une suite naturelle et spontanée de l'état de notre âme avancée aux degrés supérieurs ; et puis, lorsqu'on a bien soif de la source, l'on ne songe guère à s'arrêter dans les chemins agréables qui semblent y conduire, sans parler des dangers pour notre intérieur qui peuvent accompagner ces sortes de communications, dangers que vous avez très bien touchés dans l'Ecce Homo, p. 24.

 

[…]

 

Votre observation sur mad. G. [Madame Guyon], touchant son expression de propriété, est importante ; elle n'a pas eu soin de rendre cette idée principale assez lumineuse pour ses lecteurs, moyennant quoi il est vraisemblable qu'elle soit restée infructueuse chez plusieurs. Dans ce sens, il me paraît qu'on ne peut jamais avoir trop de lumières. Lorsque, dans ma lettre du 25 juillet, j'ai fait mention des lumières distinctes qui ne me paraissaient pas essentielles pour notre œuvre, je parlais des manifestations, des vues mystiques, des communications qui tombent sous le sens extérieur, et je trouve, comme vous, que mad. G. n'est ni assez claire, ni assez assurée sur la propriété qu'il faut conserver et sur celle dont il faut se défendre.