1er article, pages 199-2191863 Franck 1erarticle

Il y a peu d'écrivains, et surtout d'écrivains, mystiques, qui aient moins de droits que Saint-Martin à ce nom de philosophe inconnu dont il se plaisait à signer tous ses ouvrages.  Si obscures que soient pour nous ses doctrines (et nous pouvons affirmer qu'elles ne l'étaient pas moins pour ses contemporains), il les a vues de son vivant devenir un objet de graves méditations, et lui susciter, en France, en Allemagne, en Suisse, des disciples pleins de ferveur. Au moment où éclatait la Révolution française, son nom était si célèbre et si respecté, que l'Assemblée constituante, en 1791, le présentait avec Sieyès, Condorcet, Bernardin de Saint-Pierre et Berquin, comme un des hommes parmi lesquels devait être choisi le précepteur du jeune Dauphin. On se disputait sa personne dans les plus élégants salons ; ceux qui ne pouvaient le lire étaient jaloux de l'entendre, et le charme de sa conversation effaçait pour lui toutes les distances. Il a vécu dans la familiarité de la duchesse de Bourbon, de la maréchale de [page 200] Noailles, de la marquise de Coislin, du duc de Richelieu, du duc de Bouillon, du duc de Lauzun ; il était l'hôte et le commensal du prince de Galitzin, de lord Hereford, du cardinal de Bernis ; il a connu le chevalier de Boufflers, le duc d'Orléans, devenu plus tard Philippe-Égalité, Bailly, Lalande, Bernardin de Saint-Pierre. Il a soutenu, dans une assemblée de deux mille personnes, une discussion brillante contre Garat, l'ancien ministre de la Convention, nommé professeur d'analyse de l'entendement dans les écoles normales. Après s'être attiré, dans sa jeunesse, les sarcasmes de Voltaire, il n'a pu éviter, sur la fin de sa vie ceux de Chateaubriand, qu'il a aimé et admiré. Enfin, c'est dans ses écrits, et principalement dans ses écrits politiques, que l'auteur des Considérations sur la Révolution française et des Soirées de Saint-Pétersbourg a trouvé les fondements de son système.

Aussi les apologistes, les critiques et les biographes ne lui ont pas manqué, après sa mort. Sans parler de Gence, qui était un des siens, qui appartenait à sa famille spirituelle, et qui, ayant vécu dans son intimité, a pu nous laisser, dans la Biographie universelle, un récit exact de sa vie, Madame de Staël, en étudiant l'Allemagne, y a rencontré les traces encore vivantes de son influence. Par le coup mortel qu'il a porté, .longtemps avant Royer-Collard, à la domination de l'école de Condillac, et la lutte qu'il a soutenue toute sa vie contre le matérialisme du XVIIIe siècle, il a imposé à un illustre historien de la philosophie le souvenir de son nom et de ses écrits. II a forcé, sinon par la justice, du moins par la reconnaissance, le plus implacable ennemi de toute libre pensée, le comte Joseph de Maistre, à rendre hommage à son caractère et à son talent. M. de Sainte-Beuve lui a donné une place honorable dans sa galerie (1.Causeries du lundi, t. X, p. 190-225.). Sans se risquer avec [page 201] lui dans les voies souterraines qu'il aimait à parcourir, il a fait revivre à nos yeux, dans une fine peinture, la grâce de l'écrivain, les délicatesses de l'homme. Un critique religieux, chez qui l'ardeur de la foi sait toujours se concilier avec la bienveillance et la justice, M. Moreau, l'a considéré sous un autre point de vue. Tout en recueillant sur sa vie des renseignements jusque-là restés ignorés, et , sans négliger ses opinions purement philosophiques, il s'est proposé pour but de signaler les points sur lesquels son libre christianisme est souvent en désaccord et même en opposition avec l'orthodoxie catholique (2. Réflexions sur les idées de Louis de Saint-Martin le théosophe, par L. Moreau, un volume grand in-18, Paris, 1850.). Un philosophe, qui est en même temps un élégant écrivain, M. Caro, dans une thèse substantielle (3.Essai sur la vie et les doctrines de Saint-Martin, le philosophe inconnu, in -8°, Paris, 1852.), a voulu nous offrir la synthèse de ses idées tant philosophiques que religieuses, en les comparant avec les idées analogues des mystiques antérieurs ou contemporains. Enfin d'autres, par des extraits choisis avec art ou qui répondaient à leurs propres sentiments, se sont bornés à mettre sous nos yeux les éléments les plus précieux de sa doctrine et comme la fleur de ses pensées.

Quoiqu'il n'y ait pas plus de soixante ans que Saint-Martin est mort, et que, selon toute vraisemblance, il subsiste encore parmi nous, dans l'ombre de quelque loge, des débris vivants de son école, les différentes études dont il a été l'objet sont toutes, par un certain côté, plus ou moins incomplètes. Elles ont laissé subsister, dans sa vie et dans son système, un assez grand nombre de points obscurs, qui réclamaient depuis longtemps d'autres informations. Par exemple, que savions-nous de Martinez Pasqualis, ce mystérieux personnage [page 202] venu on ne sait d'où, qu'on rencontre partout et qu'on ne peut saisir nulle part, qui disparaît un jour subitement comme il était venu, allant chercher au loin une fin restée inexpliquée, comme sa vie, après avoir exercé, sur l'esprit de Saint-Martin, une décisive influence. Quelle fut au juste sa doctrine? A quelle source l'avait-il puisée? A quel point le philosophe inconnu y est-il demeuré fidèle? Quels rapports celui-ci a-t-il conservés avec ceux qui ont été nourris du même pain spirituel ? Par quel motif ou par l'intervention de quelle puissance a-t-il abandonné son premier maître pour se plonger, vers la fin de sa carrière, dans les sombres abîmes de Jacob Bœhm ?

Ces questions et plusieurs autres, qui ne manqueront pas de se présenter sur notre chemin, trouvent leur solution dans le nouveau travail que M. Matter vient de publier. « Une rare bonne fortune, dit-il (4.Préface, p. VIII et IX.), a fait tomber entre nos « mains, dans un voyage à l'étranger, les deux petits volumes manuscrits du traité de don Martinez, De la Réintégration, dont je ne connais que deux exemplaires, l'un en France, l'autre dans la Suisse française. » M. Matter a aussi mis à profit, avant qu'elle fût publiée par MM. Schauer et Chuquet la curieuse correspondance de Saint-Martin avec le baron de Liebisdorf, et une foule de lettres restées inédites de Divonne, de Maubach, de Madame de Bœcklin, tous les trois unis de cœur et d'intelligence avec l'illustre illuminé, surtout la dernière, objet d'une amitié passionnée, et qui a été pour lui, dans les voies du mysticisme germanique, ce que Béatrice a été pour Dante dans le troisième acte de la Divine Comédie. Ajoutons que M. Matter était préparé depuis longtemps à l'œuvre qu'il vient d'accomplir. Historien du [page203] gnosticisme et de l'école d'Alexandrie, c'est-à-dire du mysticisme ancien, profondément versé dans la connaissance des hérésies chrétiennes du moyen âge, il semblait naturellement désigné pour écrire l'histoire du mysticisme moderne. Cette étude sur Saint-Martin en est la première page, déjà suivie, à l'heure qu'il est, d'un volume sur Swedenborg (5. Emmanuel Swedenborg, sa vie ses écrits et sa doctrine, un volume in-8° ; librairie académique de Didier.). Cette page, quelle que soit la destinée de celles qu'elle nous annonce, fait le plus grand honneur à la vaillante vieillesse de M. Matter. Il a produit des ouvrages plus érudits et plus profonds ; il n'a rien écrit des plus complet, de plus clair, de plus attachant.

Pour se faire une idée du rôle que joue Saint-Martin dans l'histoire du mysticisme, il faut savoir quel est celui du mysticisme lui-même dans l'histoire de la religion et de la philosophie. On peut dire que la religion est au mysticisme ce que l'amour réglé par le mariage est à l'amour libre et passionné. Assurément le mariage a été calomnié par la comédie et la satire. Le mariage n'exclut pas l'amour; il le suppose au contraire, et ne peut se comprendre sans lui. Mais il lui impose des règles et des devoirs ; il le place sous l'autorité des lois, et ne lui permet pas de s'écarter des conditions sur lesquelles repose l'ordre social. Telle est précisément l'action de là religion sur l'amour divin, et, par suite, sur tous les actes et toutes les pensées dont se compose le commerce de l'âme et l'infini. Elle ne permet pas que dans les élans mêmes delà foi la plus exaltée, on s'éloigne de ses dogmes, de ses traditions, de sa discipline, ni qu'on les manifeste autrement que sous les formes qu'elle a consacrées. Elle est inséparable d'une société spirituelle qui a, comme la société civile, son [page 204] gouvernement, son organisation, sa législation. Le mysticisme n'admet rien de tout cela, quoiqu'il y ait nécessairement un fonds, mystique dans la religion même. Le mysticisme, comme la passion, comme l'amour humain quand il a envahi tout notre être, ne connaît ni règle, ni frein, ni limite. L'autorité est pour lui un vain mot; la tradition et les textes, quand il daigne les accepter, se changent, sous son regard, en symboles et en figures, comme certains corps, touchés par le feu, se changent en vapeur. Il va tout droit à l'objet aimé, c'est-à-dire à Dieu. C'est lui seul qu'il cherche, lui seul qu'il aperçoit dans la nature et dans l'âme, et il ne s'arrête qu'après avoir tout absorbé et quand il s'est lui-même abîmé en lui. De là l'affinité qu'on a toujours remarquée entre le mysticisme et le panthéisme.

Essentiellement différent de la religion, le mysticisme ne se distingue pas moins de la philosophie. La philosophie, c'est la raison dans la pleine possession d'elle-même. Elle ne se rend qu'à la lumière de l'évidence ou à la force irrésistible des démonstrations. Il lui faut des principes d'une autorité naturelle et universelle, des faits réfléchis par toutes les consciences, des raisonnements à l'abri de toute objection. Je n'affirme pas que ce but soit toujours atteint par la philosophie ; je dis que la philosophie le poursuit sans relâche, et qu'elle ne saurait y renoncer sans donner gain de cause à ceux qui prétendent qu'elle n'existe pas. Le mysticisme ne se propose rien de pareil. Le mysticisme, c'est la passion, et la passion a besoin de contempler, d'admirer, de croire à la perfection et à la possession de l'objet aimé ; elle ne raisonne pas. Elle observe, et quelquefois avec beaucoup de finesse, mais seulement ce qui la flatte ou la contrarie, ce qui, en l'exaltant par la résistance ou par la satisfaction, lui tient lieu d'aliment. Loin de chercher l’universalité dans les [page 205] principes et dans les faits, elle ramène tout à une expérience non seulement personnelle, mais exceptionnelle. « J'ai dit quelquefois, écrit Saint-Martin (6. « Portrait historique », n° 901, dans le t. Ier des Œuvres posthumes.), que Dieu était ma passion. J'aurais pu dire, avec plus de justice, que c'est moi qui étais la sienne, par les soins continus qu'il m'a prodigués et par ses opiniâtres bontés pour moi, malgré toutes mes ingratitudes ; car, s'il m'avait traité comme je le méritais, il ne m'aurait seulement pas regardé. » Presque tous les grands mystiques se sont bercés de cette illusion.

Le mysticisme n'est pas une effervescence passagère qu'on remarque seulement de loin en loin dans quelques natures privilégiées. Il a ses racines dans les profondeurs de l'âme humaine ; on le voit éclore dans toutes les races, sous l'empire des croyances et des civilisations les plus opposées, pourvu que le temps nécessaire à sa maturité ne leur manque point. Il appartient également à l'Inde brahmanique et bouddhiste, à la Chine convertie au culte de Fô et à la doctrine de Lao-tseu, à la Grèce païenne, lorsqu'elle mêle aux enseignements de Platon les inspirations de l'Orient, à la Judée attentive aux mystères de la kabbale et aux nations chrétiennes de l'Occident. Il sait se faire sa place dans la religion connue dans la philosophie, quoiqu'il diffère essentiellement de toutes deux. Les siècles de foi et d'incrédulité, de soumission et de libre examen, de ferveur catholique et de propagande protestante ne lui sont pas plus étrangers les uns que les autres. Mais c'est aux époques de décomposition et de révolution générale , quand l'âme ne sait plus où se reposer, quand toutes les idées et toutes les croyances sont mises en question, quand la philosophie, la religion et la [page 206] société elle-même ébranlées dans leurs fondements, remises au creuset pour être purifiées, n'offrent plus aucun abri aux cœurs timides et pacifiques, c'est dans les temps qui préparent la tourmente révolutionnaire, dans ceux qui précèdent et qui suivent la naissance du christianisme, qu'il se déploie avec une vigueur particulière, avec une variété de formes presque infinie, et que son action a le plus d'étendue.

On ne se figure pas tout ce que le XVIIIe siècle a vu s'élever en Europe de sanctuaires mystiques, dont chacun avait son grand prêtre et son culte séparé. On distinguait l'école de Lyon, fondée et gouvernée par Cagliostro ; celle d'Avignon, qui fut plus tard transportée à Rome ; celle de Zurich, suspendue aux lèvres éloquentes de Lavater ; celle de Copenhague ou du nord, qui ne jurait que par le nom de Swedenborg ; celle de Strasbourg, uniquement nourrie des écrits de Jacob Boehm ; celle de Bordeaux, attentive aux oracles de Martinez Pasqualis ; celle des Philalèthes de Paris, qui , cherchant sa voie entre Martinez et Swedenborg, empruntait également ses inspirations à l'un et à l'autre. Au sein même de la Terreur, était venue éclater l'aventure de dom Gerle et de Catherine Théot ; le mysticisme avait tissé sa toile autour de l'échafaud, et, quelques années auparavant le mesmérisme donnait le vertige à toute la France. De tous les chefs de secte que je viens de citer, Martinez Pasqualis n'est pas celui qui a jeté le plus d'éclat, mais c'est celui qui a laissé les traces les plus profondes ; c'est lui principalement qui a créé Saint-Martin.

Le nuage qui enveloppe sa vie n'est pas complètement dissipé par le livre de M. Matter, ni même par les documents inédits que M. Matter a eu la libéralité de mettre à ma disposition. Nous savons qu'il était le fils d'un Israélite portugais, qui est venu, on ignore à quelle date et pour quel [page 207] motif, s'établir à Grenoble. Je suis assez porté à supposer qu'à l'exemple de ses coreligionnaires, restés en Portugal après les édits de bannissement rendus contre eux, il professait extérieurement le catholicisme, tout en restant juif dans son intérieur. C'est ainsi qu'on s'explique l'isolement dans lequel il éleva son fils, et qui ne lui permit qu'à un âge assez avancé d'apprendre la langue de sa nouvelle patrie, et encore de l'apprendre d'une manière assez imparfaite. C'est ainsi qu'on peut également se rendre compte de la manière toute judaïque, toute kabbalistique, dont il entendait les dogmes du christianisme ; car, j'en demande pardon à M. Matter, il m'est impossible de ne pas reconnaître les éléments essentiels de la kabbale dans la doctrine enseignée plus tard par Martinez Pasqualis, et la forme même sous laquelle il l'a développée dans son traité de la réintégration ; ces discours placés dans la bouche des principaux personnages de l'Ancien Testament, ne sont qu'une imitation des midraschim ou commentaires allégoriques et mystiques de l'Écriture sainte, par les plus anciens docteurs de la synagogue. Il faut remarquer d'ailleurs que les principaux kabbalistes étaient d'origine espagnole, et que leurs traditions secrètes se prêtaient à merveille au mystère qui devait envelopper la vie et la pensée de ces tristes victimes de l'inquisition, obligées, pour sauver leurs têtes, de dissimuler leur foi.

Je ne puis donc partager l'opinion commune qui fait de Martinez Pasqualis un israélite converti au catholicisme ; on n'a jamais cité un seul fait qui démontre cette prétendue conversion ; il n'a jamais prononcé ni écrit un seul mot qu'on puisse interpréter comme une profession de foi catholique. Toute sa vie se passe à l'ombre des loges ou associations secrètes fondées dans l'intérêt d'un mysticisme libre. [page 208] Il s'y présente, non comme un disciple, mais comme un maître, qui a sa provision de vérités toute faite, et qui la tient de plus haut. Il y apporte des projets de conciliation, de fusion et sans doute aussi de domination personnelle. Telle est la cause de ses courtes et mystérieuses apparitions, tantôt à Paris, tantôt à Lyon, tantôt à Bordeaux. A ces tentatives générales, il joignait à l'occasion la propagande individuelle : car il avait son cénacle particulier, qui, sans être assez nombreux pour former une secte, était initié directement à sa pensée. L'abbé Fournié, un de ces élus, nous raconte de quelle manière il abordait ceux qu'il jugeait dignes de ses soins. Une fois assuré qu'il avait gagné leur confiance ou frappé leur imagination : « Vous devriez, leur disait-il, venir nous voir ; nous sommes de braves gens. Vous ouvrirez un livre, vous regarderez au premier feuillet, au centre et à la fin, lisant seulement quelques mots, et vous saurez tout ce qu'il contient. Vous voyez marcher toutes sortes de gens dans la rue ; eh bien ! ces gens-là ne savent pas pourquoi ils marchent; mais vous, vous le saurez. »

Martinez Pasqualis n'atteignit pas le but qu'il poursuivait. Au lieu de devenir, comme il l'avait rêvé, l'hiérophante suprême de toutes les sociétés mystiques de la France et peut-être de l'Europe, il ne vit jamais autour de lui qu'un petit nombre d'adeptes, qu'on a appelés à tort la secte des Martinézistes ; car ils n'ont jamais eu entre eux une assez grande conformité de pensées ni de relations assez suivies pour constituer une loge distincte. Découragé ou résigné, et n'aspirant plus qu'à l'obscurité et au repos, Martinez disparut un jour du milieu de ses amis, et l'on apprit qu'il était mort à Port-au-Prince, en 1779.

Pour exposer son système, il faudrait avoir sous les yeux [page 209] le document précieux dont M. Matter est l'heureux possesseur, le Traité sur la réintégration des êtres dans leurs premières propriétés, vertus et puissances spirituelles et divines. C'est le titre véritable de l'ouvrage de Martinez. J'espère bien que M. Matter le publiera quelque jour; je l'en conjure au nom de la philosophie et dans l'intérêt de sa propre renommée ; ce sera un des plus grands services qu'il aura rendus à l'histoire du mysticisme, qui lui en doit déjà tant d'autres, et particulièrement du mysticisme au XVIIIe siècle. Mais en attendant, l'analyse qu'il nous donne de ce singulier livre nous permet d'en reconnaître l'esprit et l'origine. Il découle tout entier du principe kabbalistique de l'émanation, conservé par Saint-Martin comme la partie la plus précieuse de l'enseignement de son premier maître, celle qui n'était communiquée qu'aux disciples les plus avancés et les plus pénétrants (7. Correspondance avec le baron de Liebisdorf, p. 15, de l'édition de M. Schauer. M. Matter, Saint-Martin, p. 25.). Au principe de l'émanation vient se rattacher le dogme de la chute, entendu dans un sens qui le distingue entièrement du dogme chrétien et le fait rentrer dans le système métaphysique du Zohar. Selon la doctrine de Martinez Pasqualis, l'homme n'est pas le seul être qui porte en lui les traces et qui subit les conséquences d'une défaillance première ; tous les êtres sont tombés comme lui ; ceux qui peuplent le ciel ou qui entourent le trône de l'éternité, comme ceux qui sont exilés sur cette terre ; tous sentent avec douleur le mal qui les tient éloignés de leur source divine, et attendent impatiemment le jour de la réintégration. Rien n'est plus facile à comprendre; car, avec le principe de l'émanation, la seule naissance des intelligences finies est une décadence, puisqu'elle les éloigne de [page 210] l'intelligence infinie, de l'existence souveraine et parfaite avec laquelle elles étaient primitivement confondues.

Le traité de Martinez, comme nous l'apprend M. Matter, s'étant arrêté précisément à la venue de Jésus-Christ, nous ne savons pas par lui-même de quelle manière il expliquait la réhabilitation ; mais nous pouvons nous en faire une idée d'après le témoignage de l'abbé Fournié, incapable de rien ajouter de son propre fonds à la doctrine qu'il avait reçue. Or, voici ce que l'abbé Fournié nous assure avoir entendu de la bouche de Pasqualis : « Chacun de nous, en marchant sur ses traces, peut s'élever au degré où est parvenu Jésus-Christ. C'est pour avoir fait la volonté de Dieu que Jésus-Christ, revêtu de la nature humaine, est devenu le fils de Dieu, Dieu lui-même. En imitant son exemple ou en lui conformant notre volonté à la volonté divine, nous entrerons comme dans l'union éternelle de Dieu. Nous nous viderons de l'esprit de Satan pour nous pénétrer de l'esprit divin : nous deviendrons un comme Dieu est un, et nous serons consommés en l'unité éternelle de Dieu le Père, de Dieu le Fils et de Dieu le Saint-Esprit, conséquemment consommés dans la jouissance des délices éternelles et divines (8. Voyez M. Matter, ouvrage cité, p. 35-37.). »

Tous les mystiques, sous une forme ou sous une autre, ont eu la même pensée; mais ici elle se présente comme une suite nécessaire des deux principes précédents. Certainement si toute existence renfermée dans ce monde est une émanation, et si toute émanation est une déchéance, c'est-à-dire un amoindrissement de la substance infinie, il faut chercher notre réhabilitation dans l'anéantissement des limites qui déterminent notre être, dans la destruction de notre [page 211] conscience et de notre volonté individuelle, dans le retour de notre âme au sein de l'esprit universel. La preuve que Martinez, en comprenant de cette façon la réparation de la première faute, ne cédait pas simplement à la pente générale du mysticisme, mais à une tradition positive, héréditaire dans sa race, c'est que la réintégration, selon lui, ne s'arrêtera pas à l'homme ; elle s'étendra à toute la nature et jusqu'au principe même du mal, à cette puissance indéfinie que nous appelons l'esprit des ténèbres : « Martinez Pasqualis, dit Saint-Martin (9. Correspondance inédite, édit. Schauer, p. 272.), avait la clef active de tout ce que notre cher Boehm expose dans ses théories ; mais il ne nous croyait pas en état de porter ces hautes vérités. Il avait aussi des points que notre ami Bœhm ou n'a pas connu ou n'a pas voulu montrer, tels que la résipiscence de l'être pervers, à laquelle le premier homme (10. Très certainement l'Adam Kadmon ; car telle est la traduction littérale de ces deux mots hébreux.) aurait été chargé de travailler. » La résipiscence de l'esprit pervers est à la fois un dogme persan et une idée kabbalistique. Mais si l'on songe que le Zend-Avesta n'a été publié qu'en 1771, à une époque où Martinez était retiré de la scène du monde, et que d'ailleurs, il est resté toute sa vie complètement étranger au mouvement scientifique de son temps, il faut bien admettre l'intervention de la kabbale.

Avec ces doctrines seules, Martinez n'aurait été qu'un métaphysicien ou un mystique spéculatif; mais nous savons qu’il était quelque chose de plus. A l'œuvre purement spirituelle de la parole, il joignait les actes matériels de la théurgie. Reconnaissant entre l'homme et le principe absolu des êtres une foule d'existences intermédiaires, spirituelles [page 212] comme notre âme, mais déchues comme elle, quoique restées en possession de facultés supérieures, il pensait qu'il y avait des moyens de les intéressera notre régénération, étroitement unie à la leur, et de les mettre en communication avec nous, de nous placer sous leur tutelle, d'en obtenir les secours ou les lumières indispensables à notre faiblesse. Ainsi s'explique les noms de majeur et de mineur appliqués, le premier aux esprits célestes, le second à l'âme humaine. Quant aux moyens employés par Martinez Pasqualis pour amener les relations qu'il désirait, et auxquelles, sans aucun doute, il croyait sincèrement, aucun de ses disciples ne s'est cru permis de les dévoiler ; mais une parole de Saint-Martin peut nous tenir lieu de tout autre renseignement. Comme il assistait un jour à ces opérations, probablement des actes d'évocation précédés de grands préparatifs, il lui arriva de s'écrier : « Comment maître, il faut tout cela pour le bon Dieu (11. Correspondance inédite, lettre IV, p. 15, de l'édition de M. Schauer. A ces paroles, dont l'authenticité ne peut guère être contestée, nous ne savons pas pourquoi M. Matter a substitué celles-ci : « Eh quoi, maître, faut-il tant de choses pour prier Dieu ? » Saint-Martin, p. 20.) ? » Et le maître répondait : « Il faut bien se contenter de ce que l'on a. » Cela voulait dire, si nous en croyons l'auteur de L'homme de désir, que ne pouvant atteindre directement, d'un premier élan de méditation et d'amour, jusqu'à la source de toute grâce et de toute réhabilitation, jusqu'au Réparateur, jusqu'au Verbe, jusqu'à l'Adam Kadmon, ou, comme Saint-Martin se plaît à l'appeler plus souvent, jusqu'à la Cause active et intelligente, nous devons nous adresser à des puissances inférieures et leur parler la langue qu'elles comprennent. Tout cet appareil extérieur n'était donc, pour parler comme Saint-Martin, que du remplacement, c'est-à-dire [page 213] une simple préparation à des voies plus hautes et plus pures que le mystérieux Portugais n'ouvrait qu'à demi à de rares adeptes.
Saint-Martin témoigne aussi de la puissance qu'il déployait dans cette œuvre étrange, ou des effets qu'il produisait sur l'imagination et les sens des assistants : « Je ne vous cacherai point, écrit le philosophe inconnu à son correspondant de Morat, je ne vous cacherai point que dans l'école où j'ai passé, il y a plus de vingt-cinq ans, les communications de tout genre étaient nombreuses et fréquentes, que j'en ai eu ma part comme tous les autres, et que, dans cette part, tous les signes indicatifs du Réparateur étaient compris (12. Correspondance inédite, lettre XIX, p. 62 de l'édition de M. Schauer.). »

Ces communications, il ne faut pas s'y tromper, c'étaient des apparitions, des manifestations sensibles, ce que Saint-Martin appelle ailleurs (13. Ibid., p. 75.), avec plus d'énergie, « du physique.» Les récits de l'abbé Fournié ne laissent subsister à ce sujet aucun doute. Il nous apprend, sur la foi de sa propre expérience, que Martinez avait le don de confirmer (c'est le mot consacré dans l'école), de confirmer ses enseignements par des lumières d'en haut, par des visions extérieures, d'abord vagues et rapides comme l'éclair, ensuite de plus en plus distinctes et prolongées (14. Voir le livre publié par l'abbé Fournié, sous ce titre : Ce que nous avons été ce que nous sommes et ce que nous deviendrons (Londres, 1801), et les extraits qu'en donne M. Matter, Saint-Martin, p. 42-53.). Cette puissance, il l'aurait conservée même après sa mort, si nous en croyons l'auteur que je [page 214] viens de citer : « Un jour, dit l'abbé Fournié, que j'étais prosterné dans ma chambre, criant à Dieu de me secourir, j'entendis tout à coup la voix de M. de Pasqualis, mon directeur, qui était corporellement mort depuis plus de deux ans, et qui parlait distinctement en dehors de ma chambre, dont la porte était fermée, ainsi que les fenêtres et les volets. Je regarde du côté d'où venait la voix, c'est-à-dire du côté d'un grand jardin attenant à la maison, et aussitôt je vois de mes yeux M. de Pasqualis, qui se met à me parler, et avec lui mon père et ma mère, qui étaient aussi tous les deux corporellement morts. Dieu sait qu'elle terrible nuit je passai ! Je fus entre autres choses, légèrement frappé sur mon âme par une main qui la frappa au travers de mon corps, me laissant une impression de douleur que le langage humain ne peut exprimer, et qui me parut moins tenir au temps qu'à l'éternité. O mon Dieu ! si c'est votre volonté, faites que je ne sois jamais plus frappé de la sorte ! car ce coup a été si terrible, que, quoique vingt-cinq ans se soient écoulés depuis, je donnerais de bon cœur tout l'univers, tous ses plaisirs et toute sa gloire, avec l'assurance d'en jouir pendant une vie de mille milliards d'années, pour éviter d'être ainsi frappé de nouveau seulement une seule fois (15. M. Matter, p. 43-44.). »

II y a, dans cette narration étrange, dont la bonne foi ne peut d'ailleurs être mise en question, des faits qui appartiennent plus à la physiologie et à la pathologie qu'à une étude philosophique du mysticisme ; mais il est impossible de n'y pas reconnaître les effets d'une âme fortement prévenue, les effets de la foi sur l'imagination, la sensibilité et la perception elle-même. Elle nous montre aussi ce que peut la [page 215] volonté, la conviction, l'autorité d'un homme supérieur sur ceux qui vivent habituellement dans son commerce. Elle nous fournit un nouvel argument contre cette critique superficielle et surannée qui n'admet dans l'histoire du mysticisme que des charlatans et des dupes.

L'abbé Fournié ne s'arrête pas là. Après les éclairs passagers et les visions qui représentent des créatures humaines, viennent des apparitions d'un ordre plus élevé : d'abord « un Être qui n'est pas du genre des hommes » (c'est l'abbé Fournié qui s'exprime ainsi) ; puis le Christ sous sa forme terrestre, crucifié sur l'arbre de la croix ou sortant plein de vie du sein de la tombe ; enfin, le Sauveur des hommes dans toute sa gloire, triomphant du monde, de Satan et de ses pompes. On n'aura pas de peine à reconnaître ici ces communications successives dont parle Saint-Martin, réparties suivant le rang ou suivant les forces de chaque initié, et dans lesquelles étaient toujours compris les signes indicatifs du Rédempteur. Ce n'est qu'après avoir parcouru la série entière des signes qu'on était admis en présence de la réalité ou du Réparateur lui-même, du Verbe, de la cause active et intelligente. Évidemment, cette initiation suprême devait être purement intellectuelle. Mais, une rumeur étrange circulait dans les loges. On attribuait à Martinez Pasqualis le pouvoir surnaturel de procurer à ses disciples les connaissances physiques, c'est-à-dire la vision du Verbe divin, et l'on citait comme exemple le comte d'Hauterive. Voici, en effet, ce qu'on racontait de ce personnage. Nous laissons la parole au correspondant de Saint-Martin, le baron de Liebisdorf, en priant le lecteur de se souvenir que c'est un Suisse qui écrit dans notre langue :

« L'école par laquelle vous avez passé pendant votre jeunesse me rappelle une conversation que j'ai eue, il y a deux [page 216] ans (16. La lettre de Kirchberger porte la date du 25 juillet 1792.) , avec une personne qui venait d'Angleterre et qui avait des relations avec un Français habitant ce pays, nommé M. d'Hauterive. Ce M. d'Hauterive, d'après ce qu'on me disait, jouissait de la connaissance physique de la cause active et intelligente ; qu'il y parvenait à la suite de plusieurs opérations préparatoires, et cela pendant les équinoxes, moyennant une espèce de désorganisation dans laquelle il voyait son propre corps sans mouvement, comme détaché de son âme ; mais, que cette désorganisation était dangereuse à cause des visions qui ont alors plus de pouvoir, sur l'âme séparée de son enveloppe, qui lui servait de bouclier contre leurs actions. Vous pourriez me dire, par les préceptes de votre ancien maître, si les procédés de M. d'Hauterive sont erreur ou vérité (17. Correspondance inédite, lettre V, p. 19 de l'édition de M. Schauer.). »

II est impossible, en lisant ces lignes, de ne pas se rappeler la légende qui circulait dans l'antiquité sur Hermotime de Clazomène. N'est-il pas extraordinaire qu'à vingt-quatre siècles de distance, et sans qu'on puisse accuser personne de plagiat, ni de mauvaise foi, le même don merveilleux ait été attribué par la Grèce païenne à un de ses plus anciens et plus obscurs philosophes, et par le mysticisme chrétien à un gentilhomme français de 1790 ? C'est que le mysticisme, qui est, comme nous l'avons déjà remarqué de tous les temps, de toutes les races, de toutes les religions, se trouve cependant renfermé comme dans un cercle infranchissable où il tourne constamment sur lui-même sans faire un seul pas en avant. Mais il faut que nous sachions ce que répond Saint-Martin à la question de son ami de Berne. Il connaissait d'Hauterive depuis de longues années, il était lié avec lui, ils s'étaient [page 217] livrés ensemble à une suite d'expériences magnétiques et théurgiques. Or, Saint-Martin, sans démentir complètement le fait sur lequel on le prie de s'expliquer, le ramène à des proportions moins fabuleuses.

«Votre question sur M. d'Hauterive, écrit-il (18. Correspondance inédite, édition citée, lettre X, p. 37.), me force à vous dire qu'il y a quelque chose d'exagéré dans les récits qu'on vous a faits. Il ne se dépouille pas de son enveloppe corporelle ; tous ceux qui, comme lui, ont joui plus ou moins des faveurs qu'on vous a rapportées de lui, n'en sont pas sortis non plus. L'âme ne sort du corps qu'à la mort; mais, pendant la vie, les facultés peuvent s'étendre hors de lui et communiquer à leurs correspondants extérieurs sans cesser d'être unies à leur centre, comme nos yeux corporels et tous nos organes correspondent à tous les objets qui nous environnent sans cesser d'être liés à leur principe animal, foyer de toutes nos opérations physiques. Il n'en est pas moins vrai que, si les faits de M, d'Hauterive sont de l'ordre secondaire, ils ne sont que figuratifs relativement au grand œuvre intérieur dont nous parlons ; et, s'ils sont de la classe supérieure, ils sont le grand œuvre lui-même. »

Pour ceux qui ont eu quelque commerce avec Saint-Martin, et qui savent quelle distance il établit entre les voies intérieures et les voies extérieures, le sens de ses dernières paroles ne peut donner lieu à aucun doute. Les faits de l'ordre secondaire, ce sont les apparitions ou les visions, qui, lorsqu'il s'agit du foyer de la volonté et de la conscience divine, ont une valeur purement symbolique. Les faits de la classe supérieure ou le grand œuvre, c'est l'union spirituelle de l'âme avec son principe suprême, c'est l'accomplissement de la fin à laquelle aspire tout mysticisme conséquent.

Note 19

19. « Si l'énumération des puissances et la nécessité de les classer est un domaine pour vous, l'ami B. (Boehm) vous procurera de grands secours sur ces objets L'école par où j'ai passé nous a donné aussi en ce genre une bonne nomenclature. Il y en a des extraits dans mes ouvrages, et je me contente de résumer ici mes idées sur ces deux nomenclatures. Celle de B. est plus substantielle que la nôtre, et elle mène plus directement au but essentiel ; la nôtre est plus brillante et plus détaillée, mais je ne la crois pas aussi profitable, d'autant qu'elle n'est, pour ainsi dire, que la langue du pays qu'il faut conquérir, et que ce n'est pas de parler des langues qui doit être l'objet des guerriers, mais bien de soumettre les nations rebelles. Enfin, celle de B. est plus divine, la nôtre est plus spirituelle ; celle de B. peut tout faire pour nous , si nous savons nous identifier avec elle ; la nôtre demande une opération pratique et opérative qui en rend les fruits plus incertains et peut-être moins durables, c'est-à-dire que la nôtre est tournée vers les opérations dans lesquelles notre maître était fort, au lieu que celle de B. est entièrement tournée vers la plénitude de l'action divine, qui doit tenir en nous la place de l'autre.... » (Correspondance inédite, lettre VIII, p. 29 et 30 de l'édition citée.) Il y a sans doute bien des énigmes dans ce passage ; mais il nous montre clairement, dans Martinez Pasqualis, le côté théurgique, l'œuvre des évocations employée uniquement comme moyen d'initiation à un degré plus élevé; ou, comme Saint-Martin le dit un peu plus loin (page 30), comme moyen d'établir par des preuves sensibles, « le divin caractère de notre être. » Je me fais un devoir d'avertir le lecteur que je me suis cru obligé de faire un léger changement dans le texte publié par M. Schauer. A la place de ces mots, qui n'ont aucun sens : « Je présume que voici mes idées... » j'ai substitué ceux-ci, que semblent exiger à la fois la pensée de l'auteur et la construction de la phrase : « Je me contente de résumer ici… » Je signalerai, en passant, bien d'autres incorrections dans l'édition de MM. Schauer et Chuquet : Prodage pour Pordage (surtout dans les premières lettres), origine pour Origène (p. 147); et, dès le début, le 22 mai 1792 au lieu de 1791. La première de ces dates n'est pas admissible, puisque la réponse à cette prétendue lettre du 22 mai 1792 est du 8 février de la même année (lettre II, p. 7).

[page 218] Nous possédons maintenant, dans ses éléments les plus essentiels, la doctrine de Martinez Pasqualis. Elle se composait de deux parties très distinctes: l'une intérieure, spéculative, spirituelle, à laquelle se rattachaient d'antiques traditions, si elle n'était tout entière dans ces traditions mêmes; l'autre extérieure, pratique, jusqu'à un certain point matérielle, ou du moins symbolique, qui dépendait, comme nous l'apprend Saint-Martin, de tout un système sur la hiérarchie des vertus et des puissances ou sur les degrés du monde spirituel interposés entre Dieu et l'homme (19). 1863 journal des savantsCes deux parties de la doctrine de Martinez, qu'on rencontre aussi dans l'école d'Alexandrie, dans le gnosticisme et dans la kabbale, n'ont pas eu, et ne [page 219] pouvaient pas avoir, la même destinée. La dernière qui n'est pas autre chose que la théurgie, après avoir produit des visionnaires, tels que l'abbé Fournié, le comte d'Hauterive, le comte de Divonne, la marquise de Lacroix (20. On trouvera sur tous ces personnages d'abondants et précieux détails dans le livre de M. Matter.), a fini par se perdre dans l'école de Swedemborg [sic], détrônée à son tour par le somnambulisme et le spiritisme. La première, sous le nom de théosophie, c'est-à-dire la science qui a non seulement Dieu pour objet, mais qui émane de Dieu, a captivé surtout l'esprit de Saint-Martin et s'est rajeunie entre ses mains au souffle d'une belle âme et à la lumière d'une noble intelligence.

AD. FRANCE.

La suite à une prochaine livraison.

bouton jaune   Adolphe Franck -  Compte-rendu du livre de Jacques Matter, Saint-Martin, le philosophe inconnu. 1er article

bouton jaune  Cet article a été également publié en 1863 dans le Journal des Savants (juin 1863, rubrique Livres nouveaux) par Adolphe Franck