bulletin lyon1907Louis de Combes Note sur les Illuminés martinistes de Lyon

Comment Jean-Baptiste Willermoz devint apprenti Rose-Croix (2e article)

Bulletin de la Société littéraire historique et archéologique de Lyon

 Janvier – Mars 1907 – Pages 153-167

Lyon. Au secrétariat de la Société, place Bellecour, 16.

  http://gallica2.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5458528m


bulletin lyon1907

III - À la recherche du fruit défendu.

J.-B. Willermoz n’a cessé de parcourir, pendant toute sa longue existence, les chemins de traverse de l’occultisme à la recherche du Christ et du fameux arbre de la science dont le fruit, s’il en pouvait manger, l’égalerait à Dieu.

Trois ans après avoir ouvert la Loge de La Parfaite Amitié, en 1756, il en avait créé une autre, La Sagesse. Autant la première s’affichait, en s’affiliant à la Grande Loge de France, autant la seconde voila d’abord ses travaux.

M. Vacheron écrit (1) : « Le sceau de cette Loge [154] dont nous avons trouvé une empreinte en cire, est formé d’un cartouche style Louis XV, au milieu duquel est la Sagesse ou Minerve sur une pierre cubique. Cette déesse porte au bras droit un bouclier orné d’une croix ; elle tient sur la main gauche l’emblème de l’agneau pascal et son casque est surmonté d’un hibou aux ailes éployées. Au sommet du cartouche est une couronne royale fleurdelysée d’où s’échappe de chaque côté un cordon auquel sont suspendus divers symboles maçonniques. Ce sceau ovale, de quatre centimètres de hauteur sur trois et demi de largeur, a pour légende : « Loge de la Sagesse de l’Oriant (sic) de Lyon. »

L’inventeur a-t-il voulu exprimer son loyalisme, son christianisme bizarre, son culte pour la victime du Golgotha et surtout sa volonté d’arriver à la vérité par la science mystico-hermétique ? On est en droit de le supposer, car lorsque Cagliostro vint à Lyon en 1784, il fut éconduit du Parfait Silence. Mais, c’est avec douze transfuges de La Sagesse qu’il fonda, aux Brotteaux, la loge templière égyptienne de La Sagesse Triomphante (2), presque le même nom, où il faisait apparaître les morts (3) et descendre le « Réparateur » sur un nuage bleu (4).

En 1764, le frère cadet de Jean-Baptiste Willermoz, Pierre-Jacques Willermoz, docteur en médecine de la Faculté de Montpellier, vint s’installer rue du Bât d'argent. Jeune encore, il avait environ vingt-neuf ans, [155] annobli par sa profession, il était précédé d'une réputation de savant que légitimaient ses titres nombreux, « démonstrateur royal de chymie en l'Université de médecine de Montpellier, membre de la Société Royale des sciences de Montpellier, associé de la Société d'agriculture de Lyon, associé correspondant des Académies royales des sciences de Toulouse, Bordeaux » (5), etc.

La même année le chevalier de Bonneville, développant la réforme templière de Ramsay, fondait dans un faubourg de Paris nommé la Nouvelle France, le Chapitre de Clermont, exclusivement recruté parmi les hauts grades secrets de la Franc-Maçonnerie (6).

Jacques Willermoz, esprit ardent, de doctrines plus avancées que celles de son frère, devait être depuis longtemps un initié. On le voit en effet, lui nouveau venu, adopter la réforme de Bonneville et recruter en 1765, parmi les frères de haut grade de La Parfaite Amitié, de La Sagesse, de l’Amitié, des Vrais Amis, des Amis choisis, du Parfait Silence, un nouvel atelier: Le Chapitre des Chevaliers de l’Aigle noir (7).

L’Adepte de l’Aigle Noir de Saint-Jean était le cinquième degré de la Maçonnerie de Ramsay et de Bonneville (8). Le champ de ses études est précisé par M. le docteur Papus (Encausse) :

[156]

« Les maçons qui voulaient conquérir les grades supérieurs, dit-il (9), devaient s’instruire dans l’occultisme et les premiers éléments de la Kabbale. Aussi le novice (devenue Royal Arche plus tard), apprenait-il les noms divins que voici :

« Iod (Principium),
« Iaô (Existens),
« Iah (Deus),
« Ehioh (Sum, ero),
« Eliah (Fortis),
« Iahib (Concedens),
« Adonaï (Domini),
« Elchanan (Misericors Deus),
« Iobel (Jubilaus),

« On lui faisait, en même temps, étudier les rapports des lettres et des nombres et les premiers éléments de la symbolique des formes. »

Revenons à la loge La Sagesse, dont le siège était rue Masson, près de la montée des Carmélites (10).

Les vénérables en furent Jean-Baptiste Willermoz de 1756 à 1761, Eynard de Cruzolles en 1761 et en 1762, Jean Alquier, négociant, en 1763 (11). Le 15 janvier 1763, deux de ses délégués, les frères Rigollet et Alquier, vinrent demander à la Grande Loge des Maîtres réguliers une agrégation qui lui fut accordée le 28 novembre (12).

Jean-Baptiste Willermoz, pour qu’il se soit décidé à lui donner un état maçonnique officiel, devait estimer [157] qu’elle ne réaliserait aucun avancement mystique. Il imitait le père qui dote sa fille lorsqu’il s’en sépare, et s’il prenait ce parti, c’est qu’il entrevoyait un autre champ d’activité.

Depuis quelques années, il n’était question, dans les loges du bassin du Rhône, que des merveilles dont Avignon était le théâtre: En 1760, le bénédictin dom Pernetti, alors âgé de 30 ans, originaire de Metz, et le frère Grabianca, avaient organisé une loge d’Illuminés à l’ombre du château des Papes (13). Ils se disaient disciples de Swedenborg, chrétien suédois encore peu connu en France, qui depuis 1744 voyait avec les yeux de « l’homme intérieur » Dieu, les anges, les esprits, les âmes des trépassés, qui parlait avec les invisibles leur langage muet et, sans quitter son fauteuil, parcourait les mondes planétaires, le Ciel et l’Enfer (14).

On sut bientôt qu’il y avait en France un autre illuminé. Martines de Pasqually, que M. Papus fait agréger par Swedenborg lui-même au grade de Rose Croix (15) (à la Nouvelle Jérusalem serait plus vraisembable [sic]), avait organisé à Paris, après 1754 (16), l’église nouvelle des coëns ou des prêtres. Dans sa doctrine, dont le christianisme était la base, les hommes et les anges, déchus par suite de la faute originelle, devaient poursuivre en commun leur réintégration pour devenir des fils de Dieu comme le Christ (17), [158] qu’il nommait le Verbe, la Cause active et intelligente.

Les anges ou esprits jouissent malgré leur faute de la vue de Dieu; leur état est plus parfait que le nôtre et il les appellait [sic] pour cette raison les majeurs. A l’en croire, il aurait eu la puissance de les évoquer, de les faire parler, de les transformer en agents de notre instruction religieuse et notre réintégration, en intermédiaires pour communiquer avec l’Eternel. A ses adeptes il promettait, par des initiations successives, d’en faire des coëns ou prêtres capables, par leurs puissances et leurs vertus, d’entrer en relations avec l’invisible (19).

Martines de Pasqually était le Grand Souverain de sa secte des Elus coëns.

A coté de lui se trouvait le Tribunal souverain, seul compétent pour donner les constitutions aux Loges qui demandaient à s’affilier (20). Nous n’en connaissons que deux membres: 1° Bacon de la Chevalerie (21), colonel d’infanterie, qui deviendra en 1772 le délégué de la Grande Loge de Lyon auprès de la Grande Loge de France (22) et qui remplissait les fonctions de Substitut du Grand Souverain (23) ; — 2° M. de Lusignan (24), [159] le châtelain de Châtelier en Berry dont la femme deviendra une amie si dévouée de Saint Martin (25).

Les frères étaient répartis en trois sections : les deux premières simplement maçonniques, puis d’étude de l’illuminisme ; la dernière de réalisation du mystère (26).

L’Eglise des Elus coëns, dont le but était de préparer par l’étude et la méditation des hommes régénérés (27), ne comprenait que les deux premières sections organisées en huit grades : apprenti, compagnon, maître particulier, maître grand élu, apprenti coën, coën, maître coën, grand architecte (28).

Là s’arrêtaient les pouvoirs du Tribunal souverain. Les coëns, prêtres prétendus, n’étaient dans cette organisation bâtarde que de simples lévites, attendant le sacrement de l’ordre par les trois grades de Rose Croix que Ragon et Clavel résument par un neuvième grade des coëns, celui de Chevalier commandeur.

Martines s’était réservé le sanctuaire. Là, disait-il, les majeurs s’incarnaient à sa voix et révélaient la vérité. Les adhérents auraient voulu être témoins du miracle. Pour y participer, il fallait être de la troisième section. Or Rose-Croix on ne le pouvait être que lorsque, sous la direction du Maître, on avait obtenu plusieurs manifestations surnaturelles. On ne parvenait à ce degré de puissance que par deux ou trois ans d’efforts.

[160] Aussi, malgré l’impatience de tous, personne n’avait encore rien vu.

Willermoz alla-t-il à Paris ? Martines de Pasqually vint-il à Lyon ? La correspondance suppose plutôt la première hypothèse. Quel que soit le lieu de la rencontre, Lyon avait sa loge des Élus coëns, peut-être à la fin de 1766, certainement avant le mois d’avril 1767, époque où Martines s’établit à Bordeaux. Le chef en était Jean-Baptiste Willermoz.

Celui-ci, dans une lettre de Martines du 19 juin 1767 (29), est traité selon le protocole grotesque de la secte de : « A notre Très Respectable et Très Haut Maître notre Inspecteur général chevalier, conducteur et commandeur en chef des colonnes d’Orient et d’Occident de nos ordres sublimes ». — La qualification de Très Puissant Maître est réservée aux Rose-Croix.

La lettre précitée contient un renseignement important. Toutes les Loges martinistes y sont clandestines. Le secret y a été si bien gardé par Saint Martin notamment, que sans M. Papus, dont nous ne saurions trop louer l’œuvre sincère, nous ne pourrions discuter ce qui s’y passait.

Willermoz monte en grade, le protocole devient plus étonnant encore. Martines lui écrit, le 20 juin 1768: « A notre T. H. T. R. et T. Puissant (il n'est pas encore R. +.) Mtre de Willermoz, inspecteur général né de l'ordre universel des chevaliers maçons élus coëns de l'Univers, juge souverain des sept puissants tribunaux de justice des basses et hautes classes de nos ordres, commandeur et conducteur en chef des [161] colonnes d’Orient et d’Occident de notre Grande Mère loge de France, suffragante et loge particulière qui seront élevées par lui à la gloire de l’Eternel sous les Très Puissantes constitutions. De nos sept T. R. et T. Puissant, chef de l’ordre entier sur son grand Orient de Lyon et surtout son département oriental (30). »

Quelle logomachie intolérable chez des hommes qui demandaient l’égalité civile ! Qui seront élevées est une trouvaille (31). La lettre annonce que d’Epernon et Sellonf, le vénérable de la Grande Loge des Maîtres réguliers, ont été reçus Élus coëns ; avec ces deux recrues les initiés ne seront que cinq en 1769 (32).

M. de Willermoz est le pendant de M. du Corbeau dans la fable. Le flatteur, tout grand souverain qu’il était, songeait déjà à la question du payement de ses dettes. Pouvait-il décemment envoyer sa missive à Jean-Baptiste Willermoz, maître mercier en son comptoir de la rue Quatre-Chapeaux ?

Les prétendus apôtres de la fraternité, aveuglés par leurs préjugés, ignoraient que ce qu’ils cherchaient était connu depuis longtemps par l’Église. Le Pape, eut-il écrit au dernier des serfs, signait : Serviteur des serviteurs de Dieu.


IV – L’initiation d’un apprenti Rose-Croix.

Martines de Pasqually, non sans quelque lenteur, [162] comme si ce moment eut été le quart d’heure de Rabelais, se décida à révéler à J.-B. Willermoz les arcanes du grand œuvre. « Quant aux moyens d’arriver au développement des facultés transcendantes, écrit M. Papus (34), ils se résument en un triple entraînement : alimentaire pour le corps physique ; respiratoire pour le corps astral ; musical et psychique pour l’esprit ».

Abordant d’abord la question de la vie matérielle, le Maître donne pour instruction dans sa lettre du 13 août 1768 (35), avec son langage incorrect : « vous ne mangerez plus de votre vie durante du sang de pas une espèce des animaux, vous ne mangerez non plus de pigeon domestique, vous ne mangerez non plus de pas une espèce de rognons, ni de la graisse de pas une sorte d’animaux ».

La lettre du 2 septembre (36) prescrit la prière obliglatoire [sic] une fois par semaine « qui est le jeudi au signe et jour de Jupiter ainsi que David usait pour sa réconciliation ». Dans la journée, à une heure facultative, l’office du Saint-Esprit ; le soir, avant le coucher, le De Profundis, la face contre terre, et le Miserere mei, debout, la face vers l'Orient.

Les opérations magiques se font toutes, pour les grades élevés, en s’isolant dans un cercle, ou plutôt dans trois cercles concentriques divisés par une grande croix en quatre segments répondant aux points cardinaux. Dans chaque segment l’opérateur écrit outre des [163] noms mystérieux appris par la tradition, ceux qui répondent aux vertus des quatre points cardinaux.

Willermoz ne va être consacré qu’apprenti Rose-Croix ; il se contentera d’abord du seul quart de cercle répondant à l’Orient, dans lequel il pourra inscrire un cercle de petite dimension. Il tracera aussi, à l’ouest de sa chambre, un cercle complet dit Cercle de retraite (37).

Le travail prescrit ne peut être tenté que deux fois par an, aux équinoxes de mars et de septembre, pendant trois jours de suite. Il est précédé d’un jeûne rigoureux commencé quatre ou cinq jours avant la pleine lune et accompagné des prières précitées (38).

Martines est à Bordeaux, Willermoz à Lyon ! Peu importe, Martines, précurseur de la télégraphie sans fil, agira à distance. La lettre du 11 septembre 1768 (39) décrit le cérémonial :

« Vous êtes averti au nom de l’Eternel de vous trouver prosterné dans le cercle qui est vers Ouest où le mot de I A B est écrit, à minuit précis du 27 au 28… vous placerez trois bougies à l’angle de votre quart de cercle ; une au centre intérieur du cercle qui est dans votre quart de cercle sur la barre ouest écrit R A P ; vous mettrez également deux bougies à chaque extrémité de votre quart de cercle et une seule au centre des quatre au milieu de la seconde ligne qui partage les noms et les hiéroglyphes qui y sont écrits dedans ; cette seule lumière est le symbole de ma présence sympathique à vos opérations. Le cercle où [164] vous devez faire votre prosternation sera à deux pieds de distance de l’angle d’ouest qui est en face de l’angle est où votre quart de cercle sera tracé. Après cette préparation faite vous ferez votre prosternation et habillement.

« Habillement. — Vous serez habillé dessus avec veste, culotte et bas noirs dénué de tout métal ; pas même une épingle sur vous; vous n’aurez pas même vos souliers aux pieds lors de votre prosternation; mais vous les aurez aux pieds en pantoufles lors de vos invocations... ; s’il était possible pour être plus parfaitement en règle, vous vous ferez faire des souliers et chapeau avec une semelle de liège afin de n’avoir rien dans le lieu et sur vous d’immonde et d’impur.... Ensuite vous aurez sur votre premier habillement une longue robe blanche autour de laquelle il y aura une grande bordure couleur de feu d’environ un pied de large et autour des manches qui sont faites en façon d’aube ; il y aura pareillement une bordure couleur de feu d’environ un demi pied ; il y aura pareillement un tour de collet de ladite robe, une doublure de la même couleur, en dehors dudit collet d'environ cinq travers de doigt ; vous aurez de plus sur vous toutes les couleurs de l’ordre, savoir le cordon bleu céleste en sautoir au col sans aucun attribut ; ensuite le cordon noir passé de droite à gauche, ensuite l’écharpe rouge de droite à gauche autour de la ceinture, en bas au-dessous du ventre ; ensuite vous passerez l’écharpe vert d’eau de gauche à droite, ensuite sur la poitrine. L’emplacement de ces deux écharpes sur votre corps font allusion aux séparations matérielles animales et spirituelles.

[165] La prosternation. — Etant ainsi habillé vous sortirez la lumière qui est allumée dans votre cercle de prosternation ; vous la placerez sur votre droite hors dudit cercle ; ensuite vous vous prosternerez dedans tout allongé tout le ventre par terre et vous appuierez votre front sur vos deux poings fermés. Cette prosternation durera sans maudire six minutes pris sur le temps de votre ordination de vertu. Ensuite vous vous lèverez debout, et vous irez allumer toutes les bougies qui étaient dans votre cercle de prosternation sans douter qu'il sera allumé du feu nouveau, et lorsque tout est allumé vous allez faire votre prosternation, dans votre quart de cercle en rangeant les deux bougies qui y sont dedans aux extrémités du quart de cercle, et lorsque vous prononcerez quelqu’un des noms qui sont tracés, vous demanderez à Dieu, en vertu de la puissance qu’il avait donnée à ses serviteurs tels et tels, en nommant tous les noms écrits dans l'angle, la grâce que vous lui demandez d’un cœur sincère et véritablement contrit et soumis et que, pour vous assurer de sa miséricorde, il vous fasse répéter l'hiéroglyphe ou quelqu’une des hiéroglyphes que vous aurez tracé devant vous, avec de la craie blanche, au milieu de la chambre, entre votre quart de cercle et votre cercle de retraite où vous serez toujours placé lorsque vous voudrez travailler à l'avenir… Après vos deux prosternations vous relèverez les mots des deux cercles, de même que ceux qui sont autour du quart de cercle, le genoux droit et les deux mains en équerre de plat sur la terre,, vous direz en relevant trois mots : in quali que die tel, tel, tel, invocavero te velociter exaudi me. Après que vous aurez fait toutes ces choses, vous prendrez vos [166] parfums que vous mettrez dans un petit plat de terre neuf, dans lequel il y aura du charbon allumé avec du feu nouveau, et vous irez parfumer votre quart de cercle d’est et votre cercle de retraite qui est vers l’ouest.

« Des parfums. — Pour 4 sols de safran et autant de chacune de ces autres subtances [sic] : encens mâle, fleur de souffre, grains de pavot blanc et noir, clous de girofle, canelle [sic] blanche en bâton, mastic en larmes (gomme), sandarac (gomme), noix muscade, graine de parasol.

« Mêler le tout ensemble et ensuite en jeter une bonne pincée dans ledit plat à poignée ; ensuite le passer en forme de cercle autour du quart de cercle ; ensuite remettre trois bonnes pincées dudit parfum dans ledit plat où est le feu nouveau et encenser pendant quatre fois l’angle d’ouest. Après cette cérémonie faite, vous ferez les invocations que je vous enverrai par le premier courrier…

« Vous observerez pendant les trois jours de l’opération de dire le matin votre office du Saint-Esprit, le soir, dans la chambre où vous travaillerez, les sept psaumes et les litanies des Saints. Vous entrerez dans votre laboratoire deux heures avant heure de minuit, afin de pouvoir tout retracer de nouveau.

« Les premiers jours de votre opération vous ne sortirez de votre cercle de retraite qu’à une heure et demie, près de deux heures après minuit, vous observerez de dîner ce jour-là à midi précis et de finir de manger à une heure fixe. Vous ne prendrez plus rien d’aliment que jusqu’à ce que vous ayez fini votre [167] opération. Vous pouvez boire de l’eau si vous en avez besoin ; mais point de café ni liqueur quelconque. Voilà un précis juste de ce que vous devez faire. »

Willermoz se trouva dans son cercle de retraite, étendu sur le plancher, le front sur les poings fermés, à minuit, non pas les 27, 28, 29 septembre 1768, un retard dans la remise de la lettre l'empêcha, mais à l'équinoxe de mars 1769. Il avait reçu l’ordre mineur d’apprenti Rose-Croix et sans doute trouvé dans ce travail (c’est le nom mystique très justifié) beaucoup de fatigue et encore plus de désillusion. Il n’avait ressenti aucune chair de poule, aucun picotement dans les yeux, ni aperçu aucune lueur blanche, bleue ou rose, signe de la présence des majeurs. Il en sera ainsi pendant treize ans.

Quant à Martines de Pasqually il a pu faire illusion à MM. Matter et Franck qui l’appréciaient d’après une légende faite de trouble et d’effroi. Au jour vrai de sa correspondance, il perd de son prestige. Ses procédés magiques manquent d’originalité. Ils sont renouvelés des anciens sorciers, du docteur Faust et de Ruggieri, et préconisés dans l’Ile de Laputa et dans le Diable amoureux. Je doute que ce soit avec de telles niaiseries que Saint Martin et le comte de Hautrive [sic], disciples qui ont dépassé le Maître, aient fait parler le Philosophe inconnu.

Louis de COMBE


Notes

(1) Ephémérides, p. 21.
(2) Ephémérides, p. 84.
(3) Charléty [Sébastien (1857-1945)], Histoire de Lyon, 187
(4) Papus, Martinésisme, etc., p. 31.
(5) Almanach de la Ville de Lyon pour l'année bissextile 1764, chez Aimé Delaroche, p. 163.
(6) Clavel, p. 167.
(7) Papus, Martinésisme, etc.., pp. 13, 87 a 91; —— Martines de Pasqually, p. 152. Steyer. — Histoire de Lyon, III, 430.
(8) Papus, Martinésisme, etc., p. 91.
(9) Martinésisme, 88.
(10) Ephémérides, 34.
(11) Ephémérides, Liste des Vénérables, VIII. [Pour Alice Joly, « On a plusieurs fois rapporté les nombreuses fondations que Jean-Baptiste Willermoz fit à Lyon entre 1753 et 1760… On lui attribue, sur la foi des Ephémérides des Loges lyonnaises, la création d’une société, connue sous le titre de la Sagesse… C’est aller un peu vite et enchaîner des hypothèses sur un renseignement incertain… Lorsqu’en 1763 la Sagesse demande à se faire constituer en loge, elle déclare comme son fondateur un certain Eynard de Cruzolles. Willermoz passe aussi parfois pour avoir créé les vrais Amis. Mais c’est là aussi une erreur ». Un mystique lyonnais et les secrets de la Franc-maçonnerie, Macon, 1938, p. 6.]

(12) Ephémérides, pp. 33-34.
(13) Clavel, 168 et 172.
(14) Matter, Emmanuel de Swedenborg, Paris,, Didier, 1863 pp. 68 et seq...
(15) Martinésisme, 6.
(16) Papus, Martines, 150.
(17) L'abbé Fournier, cité par Franck, Les mystiques au XVIIIe siècle, p. 14.
(18) Consulter Matter, Saint-Martin, le Philosophe inconnu, son Maître Martines et leurs groupes, 2e éd., Paris, Didier, 1862 pp. 8 à 38.
(19) Papus, Martines, pp. 67 à 75 et passim.
(20) Lettre de Martines du 19 juin 1767, dans l'ouvrage précité, pp. 158à 161.
(21) Papus, Martines, p. 43.
(22) Ephémérides, pp. 49 et 55.
(23) Lettre de Willermoz du 29 avril 1769 — dans Papus, Martines, p.P. 43.
(24) Loco cit.
(25) Matter, Saint Martin, 74.
(26) Papus, Martinésisme, 5 et 6.
(27) Papus, Martines, 156.
(28) Loco cit. — Ragon, Orthodoxie maçonnique — Clavel, 169
(29) Papus, Martines, 158 à 161
(30) Papus, Martines, 164.
(31) Loco cit., 165.
(32) Ephémérides.es. Tableau VIII.
(33) Lettre de Willermoz du 29 avril 1769 (Martines, 46)
(34) Martines, 73.
(35) Loco cit., 77.
(36) Loco cit., 78-79

(37) Papus, Martines, 79 à 81
(38) Loco cit, pp. 77 et seq.
(39) Loco cit., 81 à 87.