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Les Vêtures « L'enveloppe du corps »

Amandine Rousguisto-de Backer

Amandine Rousguisto-de Backer est née le 22 juin 1980 à Nice.
Elle a une formation de technicienne des métiers du spectacle et un diplôme universitaire « Interaction : art et psychothérapie ».
Elle réalise aujourd’hui sa première exposition personnelle de sculptures textiles « Les vêtures » à la Galerie Chave - 06140 Vence :  printemps à fin octobre 2013 -

Je remercie particulièrement Amandine de m’avoir autorisé à présenter son exposition.
Mes remerciements à la Galerie Chave et à Patrick Rosiu pour l’autorisation de publier leur texte.

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Les Vêtures « L'enveloppe du corps », par Patrick Rosiu.

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Suspendre le temps. Puis circuler, déambuler, s'arrêter ou s'activer devant la prise de possession des lieux, du lieu même mis en scène par les vêtures, inquiétantes et surprenantes figures du désir, livrant leur paraître dans l'absence de leur regard. Celui là, qui devient le notre malgré nous.

Se pencher, se tourner ou se détourner, revenir subitement, s'éloigner, l'effet de l'œuvre est saisissant. En un instant elle exprime sans pourquoi, quelque chose d'essentiel qui nous échappe et nous traine vers cet inconnu remarquable : l'inquiétante étrangeté que Freud élabore dans son essai « das unheimliche » de 1919 , qui implique un familier en dehors de soi.

S'impose alors la différence, celle du dedans non perçu vers un autre, le notre dans son tressaillement procurant une glissade, un écart innommable imposé par une mise en abîme des vêtures même. Célibataires du temps présent tant celui ci s'extrait de toute investigation du familier. Solitaire désir du corps ébauché, enveloppé de sa parue noire en quintessence de l'être non-figé par la torpeur de l'espace, mais revêtue de sa profonde noirceur qui nous plonge dans la face cachée du vide.

De cette façon nous sommes traversés par l'ensemble des suivantes.

Prise une à une, les vêtures se dressent dans le vide de l'instant et non dans la mesure de l'espace. Ces êtres incertains aux robes tombantes, flirtants ou pas avec le sol, suspendus, figés dans leur tenu de tissus rares aux matières changeantes, éprouvent un détachement : étrange arrêt sur la figure féminine.

Secret inaccessible, qui s'ajuste avec les épingles, seul moment visible pour l'œil défait par la sensualité des attitudes, véritable théorie de nos fantasmes.

La figure féminine, elle, n'a rien à montrer. Elle est là dans son absence à dévoyer son visage. Enveloppée d'une capuche souveraine, elle est l'obscure, ouvrant ainsi notre regard à la lumière absorbée par l'élément divin de noir vêtu. Le lumineux, alors s'ajuste d'un dehors venant envelopper un dedans. La masse devient ligne, bord de toute chose qui creuse le temps pour en faire sortir l'événement en son corps happé par les fantômes agités d'un sommeil intenses.

Ce secret de l'œuvre, nous donne une émotion immédiate, sans emphase, faisant circuler le désir inaccessible jusqu'à une conscience du manque, éprouvée dans la circulation de l'air, véritable respiration des âmes imprégnée du beau.

L'espace n'est pas là avant toute chose, il n'est pas présence mais plutôt absence de corps. C'est ce qui se passe dans l'émotion à regarder ce qui est et ce qui disparaît : l'extase. Celle là même qui s'invite dans ces suspensions déambulatoires de formes molles, s'érigeant en corps sublime renversant l'illusion du corps montré dans son vêtement et figé dans ses attitudes, en corps absent mais vêtu d'un vrai-sensible, dévoilant l'autre corps, celui d'un regard captivé et ré-pulsé à la fois.

Ces remarques à propos de l'œuvre d'Amandine Rousguisto, sont celles de l'entrelacement d'une certaine idée de la sculpture en mouvance façonnant l'espace en extension. Ainsi cette œuvre questionne à son tour dans les détours de la forme le plein et le vide que procure toute masse, d'autant plus vivement qu'elle inclus l'Autre dans un vagabondage, une dérive de sa vraisemblance.

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Robes noires, capuchonnées, assemblées par des épingles, suspendues. Cela surprend et donne à voir la forme dans un mouvement et une légèreté de fait. L'expérience des formes molles traverse l'art contemporains, et celui-ci abolit les frontières consacrées des différents modes d'expression artistique. Ainsi, la mode appartient pleinement à l'art contemporain et le vêtement est un moment de la sculpture non répertorié. C'est dans cette faille de l'art que se situe Amandine Rousguisto, à questionner la forme féminine non pas dans sa représentation à saisir les divins mouvements ou les divines lignes d'un corps accroche regard que les peintres ont essayé de capturer soit du côté de la peinture ou de la sculpture voire de la photographie. Pour cette artiste, le féminin ne se conjugue pas avec l'extase du corps mais plutôt avec l'impossible de voir.

La mariée mise à nue par ses célibataires même, titre énigmatique d' un tableau non moins énigmatique de Marcel Duchamp, le grand verre, interpelle déjà le regard dans son objet entre la lettre, le signe et le support. Ici, l'objet du regard n'est pas dans la forme même, célibataire de toute présence, mais dans son absence puisque les vêtures, mises à nue , donne à voir précisément ce qui n'est pas à savoir ce qui sort d'elle.

De noir vêtu, il suffit de s'attarder un instant pour en saisir toute la portée. Ce qui apparaît alors, c'est ce qui est caché, enveloppé, rien que du noir. Sombres tissus, qui révèlent la singularité du regard à se perdre dans l'œil à fouiller ce qui est enfoui du désir. Son ouverture à l'être doublé du volume des corps absents certes mais tellement présents dans ce regard qui s'affirme, se méprend ou s'infiltre. Joyeuses divinités, princesses, celles des contes qui ravivent nos mémoires ou nos rêves dans l'antre de nos pensées à suivre Amandine Rousgisto dans ce qu'elle écrit sur son œuvre : « Ce travail est une sorte d'entre deux . Un lien immuable entre différents pôles. Une recherche à travers un rien ; ou plutôt une sorte de rien qui fait qu'il y a. » Ce rien à ne pas douter qu'il est, celui de la présence et donne toute la dimension à l'œuvre dans l'espace imposant le « il y a » de toute chose.

Rien que cela. Non. Encore. Les objets ne sont pas faits uniquement pour être vus, mais pour être écoutés et touchés. Le désir s'active de cela, dans l'écoute et l'haptonomie. Le fantasme est à l'œuvre. Cette double hélice du désir s'exprime pour cette artiste de cette manière : «  J'aime ce troublant, j'aime ces sons, j'aime ces touchers, j'aime ce qu'il fait qu'ils soient. » A prendre au pied de la lettre ce qui est dit ici, c'est suivre la vision en profondeur. Celle qui ne souffre pas d'être bafouée par l'illusion du vraisemblable que procure toute œuvre d'art, mais qui révèle l'acte même de voir dans l'abolition des espaces du corps à s'extraire des espaces du monde.

Patrick Rosiu, mai 2013

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 {tab Entre-deux}Ce travail est une sorte d’entre-deux.

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Un lien immuable entre différents pôles.
Une recherche à travers un rien ; ou plutôt une sorte de rien qui fait qu’il y a.
Une aventure, un détour, un certain vagabondage dans un de mes univers qui habite, habille mes pensées. Un gainage de ce qui fait qu’il soit.
Le noir me fascine, j’y perçois plusieurs tons, rythmes, nuances selon l’armure ou la matière de la fibre. Car en effet il est bien question du textile, de la matière, du son, du touché ; de ce qui fait qu’il il y en a une multitude.

Chaque accord ou discordance fait de cette unicité, une singularité.

J’aime ce troublant,
j´aime ces sons,
j'aime ces touchés,
j’aime ce qu’il fait qu’ils soient.

Dans ce qu’il est de coutume de craindre, il me semble percevoir qu’il y a, juste à cet endroit, une puissance sourde, une matière qui est du domaine d’un touché universel.

Point aveugle
Un non-repère, où justement une sorte de voile «buvardesque» absorbe toute appartenance pré-pensée de ce que l’on croit, pour réellement être.
D’une sorte de parallèle entre mysticisme et concret, de ce qui fait que l’art est du domaine de ce qui échappe, ce qui n’enlève rien à un certain après-coup de sens.
Juste pour le simple plaisir d’un faire... De vivre ces instants.
Les prendre à tout corps ; tels qu’ils surgissent, tels qu’ils sont.
Point d'ailleurs

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Tout commence par une matière, je la touche, l’écoute.
Puis une autre vient s’y mailler ; une rencontre s’opère ; les formes arrivent les unes par les autres. Elles se creusent, s'articulent, prennent ; opèrent.
A ce moment-là chaque pièce est juste ce qui m’échappe.
Des postures, des attitudes, des gestes saisis. Des arrêts pour permettre de regarder, d'essayer de voir ce qui n’y est.
De se faire prendre par le regard, et peut-être de comprendre...
Touche unaire
Une limite, une «touche», à travers une matière tant vaporeuse que dense.
Un endroit, un lieu qui jusque-là n’était en butée.
Un court instant d’espace/temps suspendu car moulé.
Condensation par convergence
Une concentration d’histoire, une tension de murmure. Presque une vie totémique.
Une borne balisant ce qui a été. Des récits plus ou moins apparents ; où il faut se pencher, chercher pour percevoir la subtilité de qu’il peuvent nous dévoiler.

Présentation à la Galerie Chave {/tabs}