Calendrier perpetuel 1853Année 1853

– Annales de la Société académique de Nantes - Étude historique et morale sur le compagnonnage
– Bibliothèque universelle de Genève - La baronne d’Oberkirch
– Louis Blanc - Histoire de la Révolution française
– Lerminier - Philosophie du droit
– Mercier - Tableau de Paris - Amour du merveilleux
– Nodier – Contes de la veillée - M. Cazotte
– Précis analytique des travaux de l’Académie de Rouen : Compte-rendu du livre de Caro
– Recueil de l’Académie des jeux floraux - Éloge du Comte Joseph de Maistre
– Revue des Deux Mondes - Compte-rendu du livre de Caro
– Simon- Étude historique et morale sur le compagnonnage
– Journal du magnétisme
– Krasinski - Histoire religieuse des peuples slaves- Chapitre XV. Russie : Les martinistes
– Ragon - Orthodoxie maçonnique etc. : Rite des élus Coëns & Rite des Philalète [sic] & Rite du Martinisme 
– Le Soleil mystique

1853 – Annales de la Société académique de Nantes 

1853 AnnalesSociété académique de Nantes et de la Loire-Inférieure,
Annales de Société académique de Nantes et de la Loire-Inférieure
Tome XXIV
Imprimerie de Mme Ve Camille Mellinet
Imprimeur de la Société Académique
1853

Étude historique et morale sur le compagnonnage en France par M. C.-G Simon

I. Origine du compagnonnage - Extrait, pages 132-133

Trois ouvrages particulièrement, publiés récemment en France, suffiraient à peu près seuls au besoin de la tâche :

1° Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie et des Sociétés secrètes anciennes et modernes, par F.-T.-B. Clavel. — Paris, 1844.

2° Histoire philosophique de la Franc-Maçonnerie, par MM. Kauffman et Cherpin. — Lyon, 1850.

3° Histoire générale de la Franc-Maçonnerie, basée sur les anciens documents et les monuments élevés par elle, depuis sa fondation en l'an 715 avant Jésus-Christ, jusqu'en 1850, par Emmanuel Rebold. — Paris, 1851.

De tous les auteurs qui ont écrit sur la Franc- Maçonnerie, Rebold, l'un des plus réservés, n'en fait remonter la naissance qu'à l'an 715 avant l'ère chrétienne; la plupart des autres veulent y voir une filiation directe, découlant sans interruption ni lacune des anciens mystères religieux*, des initiations égyptiennes et grecques, et mêmes de celles de la Perse et de l'Inde.

Saint-Martin l'illuminé ne va pas moins qu'à prétendre que la [page 133] Franc-Maçonnerie est née avec l'univers; et Smitz veut qu'Adam, le premier des initiés, ait été, dans les bosquets de l'Eden, le dépositaire de la science maçonnique.

Note * : Dans le texte original du livre est ajouté : « des Juifs ».

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1853 – Bibliothèque universelle de Genève

1853 bibliotheque geneveBibliothèque universelle de Genève
Tome vingt-quatrième
Genève
Joël Cherbuliez, libraire, rue de la Cité
Paris. Joël Cherbuliez, place de l’Oratoire, 6
Allemagne. J. Kessmann, Genève, rue du Rhône, 171
1853

La baronne d’Oberkirch. Extrait, page 98

Notre baronne est, nous allions l'oublier, grande amie du magnétisme et du somnambulisme dont le merveilleux séduisait son esprit chercheur. Elle connaît les systèmes de Martinez Pasqualis et de Saint-Martin, rend de fréquentes visites à Mesmer et magnétise elle-même chez la duchesse de Bourbon en séance publique. Elle nous rend également compte de plusieurs faits étonnants dont elle a été le témoin chez Cazotte et chez M. de Puységur, fervent [page 99] adepte de Mesmer et l'un des plus ardents propagateurs du somnambulisme.

L. Larchet

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1853 – Louis Blanc - Histoire de la Révolution française

1853 Blance t5Histoire de la Révolution française par M. Louis Blanc
Édition française, faite à Paris sous les yeux de l’auteur.
Paris, chez Langlois et Leclercq, rue de la Harpe, 81.
Pagnerre, rue de Seine, 11.
Perrotin, place de Doyenne, 3.
Tome cinquième. 1853

Chapitre VI. Interrègne. Extrait, page 452

Il est certain que tandis qu’ils repoussaient avec tant de véhémence l’idée de république, les constitutionnels de l’Assemblée se laissaient aller, sans y prendre garde, sur une pente qui y conduisait tout droit, par l’adoption des mesures les plus propres à avilir, dans Louis XVI, et le monarque et le chef de famille. Il avait été décrété, on l’a vu, qu’un gouverneur serait nommé au dauphin ; et, dans la séance du 28 juin, l’Assemblée avait déclaré que nul de ses membres ne pouvait être désigné pour cet emploi, se réservant toutefois de former elle-même la liste indicative des candidats : cette liste, qu’attendait impatiemment la curiosité publique, parut enfin. Parmi beaucoup de noms obscurs et qui étonnèrent, elle en contenait quelques-uns de connus, mais qui se trouvaient singulièrement rapprochés : Berquin, Bougainville, Ducis, Condorcet, Bernardin de Saint-Pierre, Lacépède, le mystique Saint-Martin, Hérault de Séchelles, Cérutti, Bossu, Dacier l’académicien, l’ancien avocat général Servan.

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1853 – Lerminier - Philosophie du droit

1853 LerminierEugène Lerminier, ancien professeur au Collège de France
Troisième édition, revue, corrigée et augmentée de plusieurs chapitres
Paris. Librairie de Guillaumin et Cie, éditeur du Journal des Économistes, de la Collection des principaux Économistes, du Dictionnaire de l’Économie politique, etc.
14, rue Richelieu – MDCCCLIII
1853 - 535 pages

Livre III – Chapitre III - Extrait, pages 151-152

Outre ces travaux éminents d'une orthodoxie positive, le catholicisme de l'Allemagne méridionale a produit encore de remarquables écrits de philosophie religieuse. Franz Baader, mort il y a plusieurs années, est incontestablement le plus attachant de ces théosophes. Il a donné de Jacob Boehme et de Saint-Martin, le philosophe inconnu, de profonds commentaires.

L'ambition de la théosophie est de s'élever à la pleine possession des vérités premières de la religion et de la nature [page 152] et de saisir en toute chose le sens caché. On pourrait, sous certains rapports, comparer la théosophie à ces écoles ésotériques, c'est-à-dire intérieures, de la philosophie antique, où un enseignement supérieur était donné à quelques adeptes. Il y a toujours eu des âmes ardentes, des imaginations contemplatives qui éprouvent le besoin d'un aliment plus fort, et d'une audacieuse recherche des plus hautes vérités.

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1853 – Mercier - Tableau de Paris

1853 MercierLouis-Sébastien Mercier
Tableau de Paris
Étude sur la vie et les ouvrages de Mercier, notes, etc. par Gustave Desnoiresterres
Paris. Pagnerre, éditeur, rue de Seine, 14 bis
V. Lecou, éditeur, rue du Bouloi, 10.
1853

XXII. Amour du merveilleux. Extrait, pages 77-78

Une secte nouvelle, composée surtout de jeunes gens, paraît avoir adopté les visions répandues dans un livre intitulé les Erreurs et la Vérité, ouvrage d'un mystique à la tête échauffée, qui a néanmoins quelques éclairs de génie (1).

Cette secte est travaillée d'affections vaporeuses ; maladie singulièrement commune en France depuis un demi-siècle ; maladie qui favorise tous les écarts de l’imagination, et lui donne une tendance vers ce qui tient du prodige et du surnaturel. [page 78] Selon cette secte, l’homme est un être dégradé, le mal moral est son propre ouvrage ; il est sorti du centre de vérité ; Dieu par sa clémence le retient dans la circonférence, lorsqu’il aurait pu s’en éloigner à l’infini ; le cercle n’est que l’explosion du centre : c’est à l’homme de se rapprocher du centre par la tangente.

Pour pouvoir enfiler cette tangente, les sectateurs de ces idées creuses vivent dans la plus rigoureuse continence, jeûnent jusqu’à tomber dans le marasme, se procurent ainsi des rêves extatiques, et éloignent toutes impressions terrestres, afin de laisser à l’âme une liberté plus entière et une communication plus facile avec le centre de vérité.

L’activité de l’esprit humain qui s’indigne de son ignorance ; cette ardeur de connaître et de pénétrer les objets par les propres forces de l’entendement ; ce sentiment confus que l’homme porte en lui-même, et qui le détermine à croire qu’il a le germe des plus hautes connaissances : voilà ce qui précipite des imaginations contemplatives dans cette investigation des choses invisibles ; plus elles sont voilées, plus l’homme faible et curieux appelle les prodiges et se confie aux mystères. Le monde imaginaire est pour lui le monde réel.

Note
1) Des erreurs et de la vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science, par un philosophe inconnu. Ce livre est du marquis Louis-Claude de Saint-Martin, écrivain mystique, né à Amboise en 1743, mort à Aunay, près Châtenay, en 1803. (Note de l'éditeur).

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1853 – Nodier – Contes de la veillée

1853 NodierContes de la veillée
Par Charles Nodier, de l’Académie française
Paris, Charpentier, libraire éditeur, 19, rue de Lille
1853

Jean-François les bas bleus – Extrait, pages 11-12

… Je croyais, dit-il, que toutes ces rêveries (car je lui avais raconté sans oublier un mot ma conversation avec Jean-François les Bas-Bleus ) étaient ensevelies pour jamais avec les livres de Swedenborg et de Saint-Martin dans la fosse de mon vieil ami Cazotte ; mais il paraît que ce jeune homme, qui a passé quelques jours à Paris, s'y est imbu des mêmes folies. Au reste, il y a une certaine finesse d'observation dans les idées que son double langage t'a suggérées, et l'explication que tu t'en es faite ne demande qu'à être réduite à sa véritable expression. Les facultés de l'intelligence ne sont pas tellement indivisibles qu'une infirmité du corps et de l'esprit ne puisse les atteindre séparément. Ainsi l'altération d'esprit que le pauvre Jean-François manifeste dans les opérations les plus communes de son jugement peut bien ne s'être pas étendue aux propriétés de sa mémoire, et c'est pourquoi il répond avec justesse quand on l'interroge [page 12] sur les choses qu'il a lentement apprises et difficilement retenues, tandis qu'il déraisonne sur toutes celles qui tombent inopinément sous ses sens, et à l'égard desquelles il n'a jamais eu besoin de se prémunir d'uni' formule exacte. Je serais bien étonné si cela ne s'observait pas dans la plupart des fous ; mais je ne sais si tu m'as compris.

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M. Cazotte – Extrait, pages 49-50

Indépendamment du motif principal de ce voyage, mon père se promettait à Paris le plaisir de revoir quelques amis plus ou moins célèbres alors, et qui le sont devenus davantage. Delille de Salles, dont le roman métaphysique, intitulé Philosophie de la Nature, conservait encore quelque vogue, avait été son confrère dans l'ordre de l'Oratoire. Legouvé se souvenait d'avoir reçu de lui [page 50] les premiers éléments de la rhétorique et les premiers principes de la versification. Des relations formées dans le monde, et entretenues par un goût commun pour la littérature, le tenaient depuis longues années en correspondance avec Collin d'Harleville et Marsollier des Vivetières, qui fut depuis la féconde providence de l'Opéra-Comique. Une affection beaucoup plus étroite l'unissait à l'honnête Jacques Cazotte, son aîné de vingt ans, dont il avait fait la connaissance à Lyon, chez un jeune officier nommé Saint-Martin, thaumaturge passionné d'une philosophie toute nouvelle, qui se recommandait peu par l'enchaînement des idées et par la clarté des formules, mais qui avait au moins, sur la triste philosophie du dernier siècle, l'avantage de parler à l'imagination et à l'âme. Mon père, qui était né avec un certain penchant pour le merveilleux, n'avait cependant pas conservé une longue fidélité aux théories des martinistes. Il s'était arrêté depuis nombre d'années à des systèmes moins séduisants, mais beaucoup plus positifs, sans cesser d'aimer Cazotte et ses rêveries, sur lesquelles il ne le contrariait jamais. Le bon Cazotte, qui regardait cette tolérance quelque peu ricaneuse comme une adhésion formelle, se félicitait tous les jours de plus en plus de la résipiscence de son adepte égaré, et ses visites se multipliaient en raison de l'opinion qu'il se formait de ses progrès, car jamais homme ne fut animé d'une plus rare ferveur de prosélytisme. Son arrivée était toujours accueillie avec la plus vive satisfaction par notre société ordinaire, qui se composait, avec les personnes que j'ai déjà nommées, de quelques femmes aimables et spirituelles de la connaissance de ma mère, ou que le hasard avait réunies dans notre hôtel ; mais il n'y avait certainement pas un seul habitué de nos veillées à qui elle fût plus agréable qu'à moi. …

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1853 – Précis analytique des travaux de l’Académie de Rouen

1853 academie rouenPrécis analytique des travaux de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Rouen pendant l’année 1852-1853.
Rouen, imprimerie de Alfred Péron, rue de la Vicomté, 55. - 1853 

Compte-rendu du livre de Caro - Pages 324-325

Classe des belles Lettres.
Extrait du Rapport de M. le Secrétaire perpétuel de la Classe des Lettres et des Arts.

Entre tous les rapporteurs qui, chaque année, consacrent tant de labeur et de judicieuse sagacité à extraire, des nombreux ouvrages qu’on renvoie à leur examen, tout ce qu’ils jugent digne d’intéresser notre Société, M. Lévesque, le digne vice-président de l'Académie, se distingue toujours par son exactitude à rendre bonne justice à tous, et à ne laisser aucun mérite dans l’ombre. Cependant, nous sommes forcé, comme pour beaucoup d'autres, dont les rapports ne concernent que des mémoires de Sociétés savantes, d’omettre la plupart de ses travaux ; mais il en est un que nous ne saurions passer sous silence, parce qu’il a trait à un ouvrage important, sous les auspices [page 325] duquel l’auteur a été admis parmi les membres de l’Académie. Nous voulons parler de l’ouvrage de M. Caro, professeur de philosophie au Lycée de Rouen, lequel a pour titre : Du Mysticisme au XIXe siècle ; essai sur la vie et les ouvrages de saint Martin, le philosophe inconnu.

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Rapport au sujet du livre de M. Caro - Pages 509-522

1853 academie rouen caroDu Mysticisme au XIXe siècle ; essai sur la vie et les ouvrages de saint Martin, le philosophe inconnu.
Par M. Caro, professeur de philosophie au Lycée de Rouen

Rapport fait par M. Lévesque, et lu dans la séance du 18 juin 1853.

Messieurs,

Vous avez renvoyé à une Commission, composée de MM. l’abbé Picard, l’abbé Neveu et Lévesque, l’examen d’un ouvrage dont a fait hommage à l’Académie M. Caro, professeur de philosophie au Lycée de Rouen, et qui a pour titre : Du Mysticisme au XIXe siècle. Essai sur la vie et la doctrine de saint Martin, le philosophe inconnu. Je viens, au nom de cette Commission, qui certes aurait pu être ici bien mieux représentée, vous rendre compte du travail que vous lui avez confié.

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1853 – Recueil de l’Académie des jeux floraux 

1853 academie jeux florauxRecueil de l’Académie des jeux floraux
1853 - Toulouse
Imprimerie de Jean-Matthieu Douladoure, rue Saint-Rome, 41

Éloge du Comte Joseph de Maistre, l’abbé Lagrange - Extrait, pages 240-242

… Telle était donc la manière large et profonde de philosopher du comte de Maistre ; toutefois, il ne s'en tient pas strictement aux dogmes révélés, et dans le champ des pures opinions humaines, il fait des excursions périlleuses. Au XVIIIe siècle, au sein de la fermentation des esprits et de la confusion des doctrines, on vit ce qui se produit toujours après un grand mouvement philosophique, d'un côté le scepticisme, de l'autre quelques âmes livrées à la ferveur du mysticisme et aux rêveries de l'illuminisme. Le représentant le plus remarquable de cette tendance est le philosophe inconnu, Saint-Martin, dont les écrits ont été assez familiers au comte de Maistre. Par un côté aventureux de son génie, l'auteur des Soirées incline a un mysticisme voisin de cet illuminisme ; il crée, dans toute la liberté du sens individuel, des théories qu'il essaie ensuite, par un coup hardi, de rattacher au dogme précis du catholicisme ; il se livre [page 241] sur les songes, sur les nombres, sur la vertu des noms, sur d'autres questions encore, à des spéculations tout orientales et pythagoriciennes ; il s'abandonne à la hardiesse de l'hypothèse, à la libre méthode des pressentiments, aux vues prophétiques, et semble alors n'avoir que du dédain pour la science, l'expérience et la raison. Est-ce une faiblesse de ce puissant esprit, une défaillance de sa raison supérieure, un épuisement de son génie ? Au contraire, c'est une surabondance de force et de lumière, une aspiration vers la vérité par toutes les puissances de son être. Tout n'est pas illusion dans le mysticisme ; l'homme n'est pas une pure intelligence privée d'amour et de sentiment, et l'erreur des mystiques n'est pas de s'abandonner à l'inspiration et à l'extase, mais de faire une méthode constante de ces passagères impressions. La raison ne parle pas seule ; tout en nous a une voix pour nous apprendre notre origine et nos désirs ; nos passions même nous rendent capables de saisir, ou d'entrevoir du moins, des vérités que la pensée plus calme ne découvre pas par elle-même... Sous ces réalités que nos mains étreignent, sous ces vérités que notre raison découvre, il y a , il doit y avoir une vérité plus haute, celle que contemple et respire l'âme affranchie, lorsque de ce monde de mouvement et d'analyse, elle s'est élancée à la lumière. Platon disait que les songes viennent du ciel ; et pourquoi pas ? Pourquoi, si le ciel nous appartient, si en définitive nous sommes faits pour lui, n'y aurait-il pas dès à présent des lueurs de l'avenir, des espaces entrevus, des délices pressenties ? C'est dans ce monde invisible, mais réel, que le comte de Maistre ne craint pas de s'aventurer pour y goûter de sublimes ravissements, au risque d'étreindre quelque chimère. Intelligence platonique, il arrive à la vérité [page 242] par la route lente et pénible du raisonnement ; mais il peut aussi la découvrir par intuition, s'élancer avec les ailes de l'amour et se plonger dans la lumière. Toutefois, et c'est ce qui le sépare profondément des illuminés, et le préserve de toute erreur grave, même dans ses plus hardis élans, il n'abandonne pas le guide supérieur auquel il a soumis sa raison, il se rattache toujours aux dogmes révélés et à l'autorité de l'Eglise. C'est donc par un abus manifeste de ses paroles et par le désir de s'abriter sous un grand nom, que la plus novatrice des sectes religieuses de notre âge a osé interpréter dans son sens ses pressentiments sur la régénération morale du monde. Quand il dit : « Si la Providence efface, sans doute c'est pour  écrire. Je suis si persuadé des vérités que je défends, que lorsque je considère l'affaiblissement général des principes moraux, la divergence des opinions, l'ébranlement des souverainetés qui manquent de base, l'immensité de nos besoins et l'inanité de nos moyens, il me semble que tout vrai philosophe doit opter entre ces deux hypothèses : ou qu'il va se former une nouvelle religion, ou que le christianisme va être rajeuni de quelque manière extraordinaire. C'est entre ces deux suppositions qu'il faut  choisir, suivant le parti qu'on a pris sur la divinité du christianisme » ; son choix à lui n'est pas douteux ; ce rajeunissement du christianisme n'est que le triomphe inévitable de l'éternelle et immuable Eglise. Nul n'est plus soumis à la foi que cet aventureux génie ; nul n'accepte plus pleinement le principe d'autorité ; on l'accuse même de l'avoir exagéré, et c'est le grand reproche qu'on a fait à son livre du Pape.

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1853 – Revue des Deux Mondes

1853 revue 2mondes t3XXIIIe année – Seconde série de la nouvelle période - T 3
Bureau de la Revue des Deux mondes, rue Saint Benoît, 20 - 1853

Compte-rendu du livre de Caro – pages 406-408

Du mysticisme au XVIIIe Siècle, Essai sur la rie et la Doctrine de Saint-Martin, le Philosophe inconnu, par E. Caro, professeur agrégé de philosophie au lycée de Rouen (Note : Paris, 1 vol. in 8°, chez Hachette).

Il se pourrait très bien que le mysticisme reprit du crédit. Lorsque l'esprit humain est mécontent des réalités, lorsque l'expérience a déçu la raison et que notre sagesse s'est vue la risée des événements, on se sent triste et humilié, et si l'on ne se jette dans une incrédulité moqueuse ou dans l'activité absorbante des intérêts matériels, on est tenté de se réfugier dans le monde spirituel et de remonter vers l'invisible. Dans toute société policée, ce refuge existe, il est publiquement, officiellement ouvert à tous, c'est la religion établie, et parmi nous, grâce à Dieu, la religion établie, c'est le christianisme. Toute religion est au fond un mysticisme, et le christianisme lui-même en est un, si l'on prend ce mot dans sa meilleure part, et s'il n'exprime que la foi dans une révélation directe de Dieu à l'homme; mais on sait que ce mot a un sens particulier; car dans le sein même du christianisme il y a des mystiques, secte innocente, touchante, admirable quelquefois, et qui peut rester orthodoxe, quoique toujours au moment de cesser de l'être ; secte dangereuse, hérétique, profanatrice, et qui peut arriver aux plus grands égarements sur le dogme et la morale. C'est que la disposition mystique, le tour d'esprit qu'elle suppose et le genre d'idées auxquelles elle conduit, sont en soi des choses difficiles à régler, comme tout ce qui ne reconnaît pas la loi de la raison; et lorsque la mysticité pénètre au sein du christianisme même, elle en accepte rarement le frein, elle trouve encore trop lourd le joug léger de l'Évangile, et, s'efforçant témérairement d'anticiper sur la vie éternelle, elle tend à se faire elle-même un ciel, et peut, sans le savoir, se tourner en une nouvelle sorte d'idolâtrie.

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1853 – Simon - Étude historique et morale sur le compagnonnage

1853 SimonÉtude historique et morale sur le compagnonnage et sur quelques autres associations d'ouvriers depuis leur origine jusqu'à nos jours
Par M. Claude-Gabriel Simon, membre de la Société académique de Nantes, secrétaire adjoint de la Société industrielle de la même ville, associé correspondant de la Société industrielle de Mulhouse
Paris, Capelle, libraire éditeur, rue Soufflot, 16, près le Panthéon.
1853

Chapitre premier – Origine du compagnonnage – Extrait, pages 1-3

Si peu qu'on y réfléchisse, on est vite amené, en étudiant les faits, à se convaincre que le Compagnonnage et la Franc-Maçonnerie ont une origine commune. « Les sociétés de métiers, dit Charles Nodier, sont probablement anciennes comme les métiers. On retrouve des traces de leur existence et de leur action dans toutes les histoires. La Maçonnerie n'est autre chose, dans [page 2] sa source comme dans ses emblèmes, que l'association des ouvriers maçons ou bâtisseurs, complète en ses trois grades : l'apprenti, le compagnon et le maitre ; et l'origine réelle de la Maçonnerie, c'est le Compagnonnage. »

Le Compagnonnage est l'enfant dégénéré, mais durci au travail et à la fatigue, d'une antique et grande institution : la Franc-Maçonnerie, telle qu'elle existe de nos jours, en est la fille aristocratique; fille douée de nobles vertus, de généreux sentiments, mais un peu quintessenciée de son caractère et pleine d'ambitieuses prétentions.

Rechercher l'origine primitive du Compagnonnage, c'est donc rechercher l'origine des Francs-Maçons. Des hommes plus compétents et plus intéressés que nous à cette étude, s'en sont occupés avec beaucoup de zèle et de soin ; ils disposaient pour cela de nombreux matériaux, et comme ils ont publié dans toutes les langues de l'Europe le résultat de leurs investigations, nous n'avons plus, – c'est le parti le plus simple et le meilleur à prendre, qu'à puiser à pleines mains dans leurs écrits. Trois ouvrages particulièrement, publiés récemment en France, suffiraient à peu près seuls au besoin de la tâche :

Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie et des Sociétés secrètes anciennes et modernes, par F.-T.-B. Clavel. — Paris, 1844. 

Histoire philosophique de la Franc-Maçonnerie, par MM. Kauffman et Cherpin. — Lyon, 1850.

Histoire générale de la Franc-Maçonnerie, basée sur les anciens documents et les monuments élevés par elle, [page 3] depuis sa fondation en l'an 715 avant Jésus-Christ, jusqu'en 1850, par Emmanuel Rebold. — Paris, 1851.

De tous les auteurs qui ont écrit sur la Franc-Maçonnerie, Rebold, l'un des plus réservés, n'en fait remonter la naissance qu'à l'an 715 avant l'ère chrétienne; la plupart des autres veulent y voir une filiation directe, découlant sans interruption ni lacune des anciens mystères religieux des Juifs, des initiations égyptiennes et grecques, et mêmes de celles de la Perse et de l'Inde.

Saint-Martin l'illuminé ne va pas moins qu'à prétendre que la Franc-Maçonnerie est née avec l'univers; et Smitz veut qu'Adam, le premier des initiés, ait été, dans les bosquets de l'Eden, le dépositaire de la science maçonnique.

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1853 – Journal du magnétisme

1853 journal magnetisme t12Journal du magnétisme
Rédigé par une Société de magnétiseurs et de médecins sous la direction de M. le Baron Du Potet
Tome douzième
Paris. Bureaux : rue de Beaujolais, 5 (Palais-Royal)
1853.

Controverses. Manifestations spirituelles. A Mademoiselle Anna Blacwell. Extrait, pages 304-310

Ces réflexions, que je vous livre en toute simplicité de cœur, à l'occasion des faits qui se produisent, me sont inspirées par l'opinion et les sentiments d'un homme que je n'hésite pas à regarder comme une autorité péremptoire dans la question. Je veux parler de Saint-Martin, le philosophe inconnu, intelligence vaste et profonde, qui, dans son vol, a traversé à la fois la phase émouvante de la révolution française et la phase du mouvement astral qui se produisit à son époque comme à la nôtre.

D'abord adepte du fameux Martinez Pasqualis, Saint-Martin a été spectateur de toutes les expériences extraordinaires [page 305] qui se firent alors. Mais il se sépara bientôt de cette théurgie qu'il ne pouvait nier, mais qu'il ne pouvait non plus regarder comme le véritable moyen de réhabilitation pour l'âme humaine. Il s'en sépara, toutefois, pour méditer plus profondément sur ces faits et sur l'ordre de choses dont ils émanent. Les œuvres de ce penseur inspiré, ses méditations scientifiques et mystiques à la fois, se recommandent à votre intelligence et à votre cœur, qu'elles éclaireront d'une nouvelle lumière.

Ame élevée, au-dessus du commun des âmes, nature tendre et douce, esprit poétique et généreux, vivifié par un ardent amour de Dieu et de l'humanité, Saint-Martin me semble tout particulièrement destiné à servir de guide à ceux qui se préoccupent sérieusement des phénomènes du monde astral qui se reproduisent aujourd'hui. Il faut voir avec quelle lucidité et quelle profondeur, le philosophe inconnu s'explique sur tous les rapports de Dieu et de la nature avec l'âme humaine! avec quelle puissance il a recherché les moyens de rendre à l'homme la conscience des prérogatives de son origine! comme il exalte dignement la bonté du Dieu tout-puissant, et l'attrait irrésistible qui ramène toujours notre essence vers sa source !

J'en ai trop dit de Saint-Martin, pour ne pas finir cette lettre par quelques passages de cet auteur. Ils vous seront certainement agréables et utiles, et je les tire de deux de ses ouvrages (Note 1 : Le Ministère de l'homme-esprit, et l'Esprit des choses) et d'une biographie publiée récemment par un homme d'esprit, de conscience et de talent (Note 2 : Essai sur la vie et la doctrine de Saint-Martin, par E. Caro.), quoique encore sceptique à l'égard des idées de Saint-Martin.

« D'après ce que nous avons dit sur la nécessité de la communication d'un sensible immatériel parmi les hommes, il convient de montrer en quoi consiste le dangereux état auquel nous a exposés la chute et la dégradation. — Elle consiste en ce qu'elle nous a soumis au règne élémentaire, et [page 306] par conséquent au règne astral ou sidérique, qui en est le pivot ; elle consiste en ce que nous sommes tombés au-dessous du firmament, tandis que, par notre nature, nous devions être au-dessus ; et c'est cette transposition qui est vraiment périlleuse pour nous, car tout nous vient aujourd'hui par ce firmament ; or, qui sait quels tristes mélanges les choses peuvent éprouver avant d'arriver jusqu'à nous? »

Après avoir divisé la science sidérique et ses rapports, en sidérique — astrologie — astronomie, et en avoir défini les caractères, Saint-Martin ajoute :

« On s'est moqué de ceux qui ont voulu faire dériver de l'influence astrale tous les événements politiques de la terre. On a eu raison, dans le droit, parce que l'homme avait celui d'élever au-dessus de cet astral tout ce qui tient à son être ainsi qu'à son association ; mais on a eu tort, dans le fait, parce qu'à mesure qu'il descend au-dessous de ses véritables privilèges, il tombe sous cette influence astrale, qu'il n'aurait pas dû connaître, et il en devient réellement le jouet. Ainsi, il est vrai de dire que l'ordre social terrestre ne devrait pas être régi par le pouvoir astral ; mais il n'en est pas moins certain que, généralement parlant, il n'est pas mené par une autre puissance. »

Des dissertations curieuses sont faites par l'auteur au sujet du sidérique qui, selon lui, tient plus à la marche des principes et agents supérieurs, qu'à celle des principes inférieurs et élémentaires ; mais il a deux branches, l'une passive et l'autre active. C'est de la première que vient le somnambulisme, et d'elle encore que naissent une infinité de communications fausses de tout genre.

« Toute la nature est en somnambulisme, dit-il, et lorsque l'homme se laisse subjuguer exclusivement par le régime de cette nature, il participe à ce somnambulisme que l'on voit régner sur tous les êtres qui la composent. »

C'est à cette funeste transposition qu'il attribue l'état d'incertitude et les tâtonnements ténébreux que l'on remarque dans les doctrines humaines et dans l'esprit de tous ceux qui s'avancent pour nous enseigner avant de s'être réveillés de leur état de somnambulisme, c'est-à-dire avant d'être [page 307] instruits eux-mêmes par ces lumières simples et naturelles, que notre source nous a conservées, malgré notre chute, et qu'elle ne demande pas mieux que de développer en nous, pour nous aider à assurer notre marche.

« L'effet puissant et terrible que l'attrait de la région ténébreuse où nous sommes a opéré sur l'âme humaine, consiste surtout à lui avoir, pour ainsi dire, voilé toutes ses facultés en les plongeant dans cet universel somnambulisme, dont l'homme est le sujet et la victime dans son enfance, puisqu'il n'offre alors que la stupidité et le tâtonnement d'un être qui n'est pas encore dans sa mesure, et qui malheureusement, dans un âge plus avancé, ne fait, par sa fausse marche, que prolonger ce somnambulisme, duquel il devrait effacer jusqu'aux moindres traces. »

L'auteur établit la différence du somnambulisme au magisme réel et divin, du somnambulisme naturel au somnambulisme magnétique, qui s'étend beaucoup plus loin, et dont le danger consiste en ce qu'il n'opère qu'en exposant à nu la racine de l'âme, avant le temps et les préparations convenables.

« Nous ne devons employer nos facultés-racines, dit-il, que par la puissance de la volonté et l'opération de la voie-racine, sans quoi nous leur faisons courir des risques, comme on en a tant d'exemples parmi les somnambules magnétiques. »

« .... J'engage l'homme de désir à considérer le champ du Seigneur, et à chercher à y travailler selon ses forces et selon l'espèce d'ouvrage auquel il sera propre, soit aux œuvres vives, s'il lui est donné d'en opérer, soit au développement de la nature de l'homme, s'il lui est donné d'en apercevoir les profondeurs ; soit même à arracher les ronces et les épines que les ennemis de la vérité et les faux docteurs ont semées et sèment tous les jours sur l'image humaine de l'éternelle sagesse. Car c'est être aussi, en quelque sorte ouvrier du Seigneur, que d'instruire ses semblables de leurs véritables devoirs et de leurs véritables droits ; c'est être utile à l'agriculture, que de préparer et mettre en état les instruments du labourage ; cependant il faut avoir grand soin d'examiner scrupuleusement ce que l'on est en état de faire dans tous ces genres. Celui qui prépare ou distribue des instruments [page 308] aratoires, répond de ce qu'il fournit, comme le semeur répond de ce qu'il sème.

« Mais, comme, il est impossible d'être véritablement ouvrier dans le champ du Seigneur, sans être renouvelé soi-même et réintégré dans ses droits, je tracerai souvent aussi les voies de restauration par lesquelles nous devons nécessairement passer pour pouvoir être admis au rang des ouvriers.

« Je dois également un avis à tous mes frères, en les invitant à se mettre en état d'être employés parmi les ouvriers du Seigneur. Le commun des hommes, quand ils entendent parler des œuvres vives et spirituelles, ne conçoivent autre chose par là que l'idée de voir des esprits, ce que le monde ténébreux appelle des revenants.

« Dans ceux qui croient à la possibilité de voir des esprits, cette idée n'enfante souvent que la terreur ; dans ceux qui ne sont pas sûrs de l'impossibilité d'en voir, cette idée n'enfante que la curiosité; dans ceux qui sur cela récusent tout, cette idée n'enfante que le mépris et les dédains, tant de ces opinions elles-mêmes que de ceux par qui elles sont mises au jour.

« Je me crois donc obligé de dire à ceux qui me liront, que l'homme peut avancer infiniment dans la carrière des œuvres vives spirituelles, et même atteindre à un rang élevé parmi les ouvriers du Seigneur, sans voir des esprits.

« Je dois dire, en outre, à celui qui, dans la carrière spirituelle, chercherait principalement à voir des esprits, que non seulement en y parvenant il ne remplirait pas le principal objet de l'œuvre, mais qu'il pourrait encore être très loin de mériter d'être au rang des ouvriers du Seigneur.

« Car s'il faisait tant que de croire à la possibilité de voir des esprits, il devrait croire à la possibilité d'en voir de mauvais comme de bons.

« Ainsi, pour être en mesure, il ne lui suffirait pas de voir des esprits; mais il lui faudrait en outre pouvoir discerner d'où ils viennent, pour quel objet ils viennent, si leur mission est louable ou illégitime, utile ou funeste, et il lui faudrait examiner d'ailleurs, et avant tout, si lui-même, dans le cas où il serait de la classe la plus parfaite et la plus pure, il se trouverait en état d'accomplir les œuvres dont ils pourraient le charger pour le vrai service de leur maître.

« Le privilège et la satisfaction de voir des esprits ne seront jamais que très accessoires, relativement au véritable objet que l'homme peut avoir dans la carrière des œuvres [page 309] vives, spirituelles, divines, et en étant admis parmi les ouvriers du Seigneur; et celui qui aspire à ce sublime ministère n'en serait pas digne, s'il ne s'y portait que par le faible attrait ou la puérile curiosité de voir des esprits; surtout si, pour obtenir ces témoignages secondaires, il se reposait sur les mains incertaines de ses semblables, et particulièrement de ceux qui n'auraient que des puissances partielles, que des puissances usurpées, ou même que des puissances de corruption. »

Ecoutez maintenant cette définition du miracle, tirée de la grandeur de l'homme.

« De l'homme-miracle, et des miracles en permanence.

« Les hommes disent, pour la plupart, qu'ils attendent les preuves pour croire à quelque chose, et quand ils réclament des miracles pour cela, et que des maladroits leur disent que l'homme ne peut ni faire, ni voir des miracles, voici ce qu'on pourrait leur répondre, pour réfuter d'un seul trait l'aveugle désir de celui qui ne voudrait croire qu'à des miracles, et la fausse solution de ceux qui prétendent qu'il n'en existe point ; car c'est là le vrai sens de ceux qui disent qu'il n'en existe plus.

« Un miracle n'est-il pas, selon toutes les opinions, une chose surnaturelle, une chose qui est au-dessus et à part du cours de la nature ? Or, de parler, de penser, de combiner, de transposer volontairement toutes les substances qui nous environnent; de varier à son gré, comme fait l'homme, tous les actes de son être ; de s'élever dans sa pensée jusqu'à la source d'où tout provient ; de s'élancer par sa prière et par les désirs de son cœur, hors de cette nature ténébreuse qui ne le peut entendre, pour aller comme converser avec son auteur, c'est-à-dire avec le seul être où son intelligence trouve à se nourrir et à se reposer, n'est-ce pas là réellement un phénomène surnaturel, puisque ce phénomène n'existe dans aucun autre être de la nature ? Enfin, n'offre-t-il pas par là ce que l'on peut appeler un miracle, selon toute la rigueur de la définition ?

« Ainsi l'homme, même le plus ordinaire, étant au moins en puissance un miracle presque continuel, c'est être bien éloigné de la justice et de la vérité, que de demander d'autres miracles qui ne pourront jamais être qu'inférieurs à celui-là, puisqu'ils n'en seraient que les conséquences; et, en [page 310] même temps, l'homme étant ainsi, par ses titres naturels, un miracle presque continuel, il faut être bien peu réfléchi et bien peu observateur, pour dire que nous ne sommes plus dans le temps des miracles, puisque, au contraire, tant qu'il y a des hommes il y a nécessairement devant nos yeux un foyer de miracles perpétuels, et que les miracles ne pourraient cesser qu'autant que l'espèce humaine disparaîtrait tout entière de dessus la terre, et laisserait l'univers entier abandonné aux simples lois communes qui dirigent son existence, et aux phénomènes uniformes et monotones de la nature.

« Quant aux miracles si recherchés, si admirés, mais si inférieurs au miracle de l'homme, ils ne pourraient avoir d'autre utilité que de le ramener à la connaissance et à la vive persuasion de la dignité de son espèce, lorsqu'il a eu le malheur de détourner les yeux de dessus cet être miraculeux que l'on appelle l'homme. Ainsi, mortel, qui que vous soyez, eussiez-vous dans sa plénitude le don des miracles inférieurs, ne les comparez jamais à l'homme-miracle ; ne les regardez que comme un supplément aux véritables moyens que vous pourriez employer auprès des hommes ; gémissez lorsque, par le honteux oubli d'eux-mêmes où vous les verriez descendus, vous seriez réduit à vous servir de ce pis-aller, et n'en faites usage que quand ils ne méritent plus que vous mettiez en œuvre, avec eux, les trésors de l'intelligence et de la persuasion.

« La raison qui s'en présente, vous pouvez vous la donner vous-même, en vous rappelant tous nos principes. Quand même vous feriez mouvoir à votre gré toutes les puissances de la nature, vous ne développeriez là, que la gloire de l'homme, puisque vous n'agiriez que sur les miroirs de l'homme, et que la nature est votre apanage ; au lieu qu'en donnant tous vos soins à la culture de l'homme intellectuel et en vous unissant à ce foyer des merveilles divines, c'est le miroir de Dieu que vous mettez en action, c'est l'être des êtres lui-même, dont vous avez le bonheur de devenir par là le témoin et dont vous réfléchissez la majesté devant l'universalité des régions, qui ne désirent rien de plus que de la contempler. »

Après de semblables principes, il n'est guère possible d'abuser de la prophétie suivante, par laquelle je terminerai mes citations : [page 311]

« Dans les époques vers lesquelles nous marchons, les prodiges seront plus généraux que sous le Christ, et en même temps ils seront d'un autre ordre que dans l'époque antérieure à lui, parce qu'ils auront pour objet de ramener les hommes à la croyance de l'éternel principe, dont l'idée s'est comme effacée pour eux. — Aussi ces prodiges s'opéreront peu par la puissance de l'homme, de peur que ceux qui en seraient témoins ne portassent pas leur esprit plus loin que l'homme, et ne le prissent pour la divinité suprême ; mais ils s'opéreront beaucoup dans l'ordre des puissances de la nature, afin que les nations ne puissent former de doutes sur les pouvoirs de l'esprit et sur ceux de la main supérieure qui les fait agir. »

Je vous laisse méditer sur ces paroles du Philosophe inconnu, et vous réitère l'expression de mes sentiments affectueux.

Votre amie,
H. Wild.
Paris, 16 mai 1853.

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1853 – Krasinski - Histoire religieuse des peuples slaves

1853 Krasinski2Histoire religieuse des peuples slaves
Par le comte Valérien [Walerjan Skorobohaty] Krasinski
Avec une introduction par M. Merle d’Aubigné
Paris - Joël Cherbuliez, libraire éditeur, place de l’Oratoire, 6
Genève – même maison
1853

Chapitre XV. Russie (suite). Les martinistes. Pages 276-281

Les martinistes ou francs-maçons religieux et leurs utiles travaux. — Ils sont persécutés par l'impératrice Catherine. — Ils reprennent leurs travaux sous l'empereur Alexandre.

Je terminerai cette esquisse des différentes sectes religieuses de la Russie par quelques mots sur les martinistes, qui tiennent une place honorable dans les annales de la religion, comme dans celles de la franc-maçonnerie, car ils répandirent, au moyen des loges maçonniques, les préceptes sublimes de la religion; jamais peut-être la franc-maçonnerie n'eut une aussi noble sphère d'activité que celle qu'elle obtint en Russie sous le nom de martinisme.

1. Le chevalier Saint-Martin est né en 1743 et mourut en 1803. Voici quels sont ses principaux ouvrages : De l'erreur et de la vérité. Des rapports entre Dieu, l'homme et la nature. On trouve un exposé détaillé de sa vie et de ses ouvrages dans la Biographie Universelle.

Chacun des membres de l'association franc-maçonnique prenait part à ces nobles travaux, non seulement par ses dons, mais par ses efforts personnels, son influence sur ses parents et ses amis, et par son exemple. Lorsqu'ils découvraient dans quelque province éloignée un homme de talent, ils cherchaient à lui procurer l'emploi pour lequel il était le plus apte. Ce fut ainsi qu'un des membres les plus actifs de la société, M. Tourgueneff, apprit l'existence d'un jeune homme bien doué, dont les facultés n'avaient pas l'occasion de se développer, car il vivait dans une [page 278] province éloignée ; il le fit venir à Moscou et le fit entrer à l'université. Ce jeune homme devint le célèbre historien de la Russie, Karamsine, non moins distingué par ses talents que par son noble caractère.Le chevalier Saint-Martin n'est pas aussi connu qu'il mériterait de l'être (1). Je ne pourrais, sans dépasser les limites de cet ouvrage, donner la biographie de cet homme remarquable qui, à l'époque où une philosophie incrédule dominait en France, s'efforçait de faire revivre les doctrines de la religion, en y mêlant malheureusement une forte teinte de mysticisme. Il se servit des loges maçonniques pour répandre la doctrine qu'il enseignait, et chercha à leur donner une tendance religieuse.

Il eut peu de succès dans sa patrie, quoiqu'il eût acquis quelque influence dans les loges de Lyon et de Montpellier ; mais un Polonais, le comte Grabianka et un Russe, l'amiral Plestcheyff, répandirent ses idées en Russie, et les firent recevoir dans les loges de cet empire, où elles ont dès lors pris un grand développement. Les ouvrages de Jacob Boëhme, d'écrivains protestants, tels que Jean Arndt, Spener et de quelques autres de la même école, devinrent le symbole de cette secte qui s'étendit dans les plus hautes classes de la société. Leur but n'était pas seulement de se livrer à des vues spéculatives, mais de mettre en pratique les préceptes du christianisme. Ils ne se bornaient pas aux œuvres [page 277] de charité, mais s'occupaient d'éducation et de littérature. Moscou était le centre de leur action. Ils y avaient fondé une société typographique pour l'encouragement de la littérature ; cette société achetait tous les manuscrits qui lui étaient offerts, en prose ou en vers, productions originales ou traductions; ceux de ces manuscrits qui ne méritaient pas l'impression étaient détruits ou laissés de côté, et on livrait les autres à l'impression. Cette société encourageait avant tout la publication des ouvrages qui avaient une tendance morale et religieuse, mais elle publiait aussi des livres sur toutes les branches de la littérature et de la science ; de sorte qu'elle enrichit promptement la littérature russe d'un grand nombre de productions nouvelles, et surtout de traductions des langues étrangères. Elle établit une grande bibliothèque qui coûta plus d'un million de francs; composée principalement de livres religieux, elle était accessible à tous ceux qui voulaient s'instruire. Elle fonda aussi une école, et fit appeler de toutes parts des jeunes gens de talent qui recevaient une instruction première, puis on leur donnait tous les secours nécessaires pour poursuivre leurs études dans le pays ou dans des universités étrangères. Novikoff fut un des membres les plus distingués de cette société ; il se fit surtout remarquer par le dévouement avec lequel, dès sa jeunesse, il se consacra de cœur et d'âme au bien de son pays. Il commença par publier des écrits littéraires périodiques, destinés à répandre des idées utiles et à combattre les préjugés, les abus et tout ce qui était répréhensible. Il créa ensuite une revue scientifique et un autre recueil périodique d'un genre plus populaire, mais avec une tendance sérieuse; le produit de ces publications était consacré à l'établissement d'écoles primaires gratuites. Plus tard il transféra sa résidence à Moscou, où il fonda la société typographique dont j'ai parlé.

Le zèle que les martinistes mettaient à leurs œuvres de charité, égalait celui qu'ils déployaient pour le développement intellectuel de leur pays. Ceux qui ne pouvaient pas donner de l'argent donnaient leur temps et leurs travaux. Quelques-uns d'entre eux consacrèrent leur fortune entière à soutenir des établissements utiles, fondés par leur société, et à soulager les souffrances de leurs semblables. Ainsi, Lapoukhin, qui appartenait à l'une des plus grandes familles de la Russie, dépensa de cette manière une fortune princière, ne se réservant que le strict nécessaire. Étant sénateur et juge de la cour criminelle de Moscou, il dévoua sa vie à la défense des opprimés ; classe très nombreuse en Russie, grâce à l'état où se trouve la justice dans ce pays. On pourrait citer bien des exemples de personnes qui sacrifièrent leur fortune, et qui se soumirent à de rudes privations pour travailler efficacement au noble but de leur société.

Il est malheureusement bien rare qu'un Polonais ait l'occasion de parler des Russes de la manière dont je le fais maintenant ; et je dois ajouter qu'il s'est trouvé parmi eux plusieurs personnes dont la conduite a été diamétralement opposée à celle que le gouvernement a tenue envers les compatriotes de celui qui a écrit ces lignes. Elles ont allégé la misère de plus d'une victime de la persécution à laquelle j'ai fait allusion. Et ce qui prouve peut-être plus encore la noblesse de leurs âmes, c'est qu'elles ont su adoucir les cruelles blessures qu'avait reçu le sentiment national, chez des gens dont les sympathies étaient si différentes des leurs. Ce ne serait pas rendre service à ces nobles cœurs, que de les désigner par leurs noms, mais si ces lignes parviennent jamais jusqu'à eux, qu'ils sachent que mes compatriotes n'ignorent pas leurs généreux procédés, et qu'ils les apprécient comme ils le méritent. Je ne peux m'empêcher d'exprimer le respect plein de reconnaissance qu'éprouvent mes compatriotes pour la mémoire du feu prince de Galitzin, gouverneur général de Moscou. Il montra une sollicitude toute paternelle pour des jeunes Polonais, victimes d'une persécution systématique contre leur nationalité. Cette persécution commença en 1820 dans la Pologne russe ; ils furent exilés du lieu de [page 279] leur naissance et transportés dans l'intérieur de la Russie, sans aucun motif plausible, si ce n'est leurs talents et leur caractère moral qui opposaient des obstacles à l'objet de la persécution. Je n'hésite pas à affirmer que le point de vue sous lequel je viens de représenter ces faits, est celui de tous les Polonais de cœur, dont un grand nombre ont préféré les souffrances de l'exil aux avantages personnels considérables qu'ils auraient retirés en acceptant un système politique auquel ils font maintenant opposition. Une cause juste ne sera jamais gagnée par une haine nationale aveugle, car de tels sentiments lui nuisent au lieu de la fortifier. C'est par des motifs de conscience, et non par intérêt, qu'un honnête homme restera attaché a la cause qu'il a embrassée, quels que soient ses adversaires ou ses promoteurs. Il n'en abandonnera pas la défense, lors même qu'il y aurait, dans le camp opposé, des hommes qu'il aime et qu'il respecte; il n'y demeurera pas moins fidèle, parce qu'il aura le chagrin d'être parfois en désaccord avec plusieurs de ses défenseurs.

Je reviens aux martinistes. On ne peut douter que, s'il leur eût été permis de poursuivre leurs nobles travaux, la civilisation n'eût fait de grands progrès en Russie. Non seulement ils répandaient des connaissances littéraires et scientifiques dans les différentes classes de la société, mais ils cherchaient à éveiller dans l'Église nationale un esprit religieux qui ne s'y trouve pas ; car cette Église n'offre guère qu'un assemblage de formes extérieures et de croyances superstitieuses. Les loges maçonniques se multiplièrent peu à peu dans tout l'empire, et leur salutaire influence s'y faisait sentir chaque jour davantage. Elles se recrutaient parmi les hommes les plus éminents de la Russie, les hauts fonctionnaires, les savants, les commerçants, parmi les hommes de lettres et les libraires. Il se trouvait aussi dans le nombre plusieurs hauts dignitaires de l'Église et de simples prêtres.

Ce fut une époque glorieuse dans les annales de la franc-maçonnerie; elle ne s'ouvrit peut-être jamais une si noble carrière, quoique si courte, hélas! que pendant son existence en Russie, sous la direction des martinistes. Elle aurait insensiblement amené cette nation à poursuivre un but bien différent de celui qu'elle suit maintenant; au lieu de dépenser ses forces et son énergie a agrandir ses États, elle les eût employées à travailler à sa civilisation. Mais rien de ce qui est bon et noble ne peut fleurir sans l'air bienfaisant de la liberté; chaque chose doit [page 280] se flétrir tût ou tard au souffle empoisonné du despotisme ; s'il peut quelquefois être animé de bonnes intentions, il les abandonnera aussitôt qu'il les croira contraires à ses intérêts. Ce fut ce qui arriva aux martinistes. L'impératrice Catherine qui, pendant quelque temps, avait favorisé des réformes conçues dans un esprit vraiment libéral, revint aux errements du despotisme, à mesure qu'elle avança en âge. Les craintes que lui inspira la Révolution française lui firent abandonner les idées de réforme, après avoir recherché les adulations des auteurs qui préparèrent, par leurs ouvrages, cette terrible commotion. Elle ne s'occupa plus du développement intellectuel de ses sujets, si ce n'est pour l'arrêter. Dès lors, elle se défia de l'action des francs-maçons et de la société typographique en particulier. L'agent le plus actif de cette société, Novikoff, dont j'ai raconté les efforts généreux pour la bonne cause, fut enfermé dans la forteresse de Schlusselburg, et Lapoukhin, le prince Nicolas Trubetzki et Tourgueneff, furent relégués dans leurs terres; les ouvrages d'Arndt, de Spener, de Bœme [sic] et d'autres encore, furent livrés aux flammes comme dangereux pour l'ordre public. 

2. Quelle qu'ait pu être la conduite de l'empereur Paul, en général, et on ne peut douter qu'elle n'ait été en grande partie influencée par une maladie mentale, il n'est aucun Polonais qui puisse oublier sa conduite chevaleresque à l'égard de Kosciusko, à qui il alla lui-même annoncer qu'il lui rendait sa liberté : lui disant que s'il eût été sur le trône, jamais il n'eût permis le partage de la Pologne. A peine ce souverain fut-il le maître de l'empire, qu'il accorda aux provinces polonaises, saisies par sa mère, la permission de conserver leur langue, leurs lois et leur administration nationale.

L'empereur Paul, lors de son avènement au trône, rendit la liberté à Novikoff, mais ses épreuves n'étaient pas à leur terme. Il recouvra la liberté, mais il trouva sa maison désolée, sa femme était morte et ses trois enfants succombaient à une maladie terrible et incurable. L'empereur Paul, dont les capricieux accès de despotisme provenaient d'un esprit inquiet et maladif, qu'il devait aux injustes traitements de sa mère, mais dont le caractère était naturellement bon et chevaleresque (2), demanda à Novikoff, lorsqu'il parut devant lui en sortant de la forteresse, ce qu'il pourrait lui accorder qui pût lui faire oublier les souffrances et l'injustice dont il avait été l'objet; « rendre la liberté à tous ceux qui en ont été privés en même temps que moi, » fut la noble réponse de Novikoff.

Les martinistes ne purent pas reprendre leurs premiers [page 281] travaux, mais ils continuèrent cependant à propager dans l'ombre leurs vues philanthropiques. L'empereur Alexandre, après la guerre de France, montra des sentiments religieux, empreints d'un mysticisme qu'il devait à l'influence de madame de Krüdener; il désirait sincèrement le bien de ses sujets, et appela dans ses conseils des martinistes. Il confia à l'un d'entre eux, le prince Galitzin, le département des cultes et celui de l'éducation publique. Galitzin et d'autres martinistes se remirent en mouvement, ils fondèrent des sociétés bibliques protégées par le gouvernement; on répandit la traduction de plusieurs ouvrages religieux tels que Jean Stilling, etc. N. Labzin publia en russe un journal périodique, écrit dans un sens tout à fait mystique : « Le Messager de Sion. » Il eut un grand nombre d'abonnés qui adoptèrent, à ce qu'il paraît, les vues de son auteur ; mais l'absence de publicité qui règne en Russie empêche de se faire une juste idée de l'état réel des esprits. Une chose, cependant, n'est que trop certaine, c'est que les tendances libérales et religieuses, qui s'étaient manifestées sous le règne d'Alexandre, se sont évanouies et ont fait place à une politique qui tend à ramener les divers éléments nationaux et religieux que renferme ce vaste empire à un système uniforme ; politique qui me semble plus propre à affaiblir qu'à fortifier les éléments de vie qui conservent une nation. J'ai déjà parlé de la persécution contre l'Église grecque unie, qui a eu lieu sous le gouvernement actuel, et les efforts qu'il a faits pour détruire le protestantisme dans les provinces de la Baltique sont bien connus. C'est par la même politique que les sociétés bibliques ont été supprimées, et que les missionnaires protestants qui évangélisaient les provinces asiatiques de la Russie ont reçu la défense de poursuivre leurs travaux.

J'avoue que j'ai trouvé de la douceur à m'étendre sur des faits qui jettent un jour favorable sur la triste, mais trop fidèle peinture qui a été souvent faite de la position sociale de mes frères slaves de la Russie. L'exemple des martinistes et des malakanes, pris dans les hautes et dans les basses classes de la société russe, prouve que le despotisme, qui pèse depuis des siècles sur ce pays, n'a pas détruit chez ses habitants les germes des nobles qualités morales qui, sous des auspices plus favorables, se fussent admirablement développées.

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1853 – Ragon - Orthodoxie maçonnique suivie de la Maçonnerie occulte et de l’initiation 

1853 RagonOrthodoxie maçonnique suivie de la Maçonnerie occulte et de l’initiation hermétique
par Jean Marie Ragon, auteur du cours interprétatif des initiations anciennes et modernes, etc.
Paris, E. Dentu, libraire éditeur, Palais Royal, galerie Vitrée, 13
Août 1853 - 613 pages

 CHAPITRE XII. Maçonnerie philosophique. Rite des élus Coëns - Pages 149-150

CHAPITRE XII. Maçonnerie philosophique. RITE DES ÉLUS COENS OU PRÊTRES. (1754.)

Ce rite, appelé d'abord du nom de son auteur rite de Martinez-Paschalis, fut composé, en 1754, par ce chef de la secte des martinistes. On croit Martinez portugais et juif. Il forma, d'après Swedenborg, une école de cabalistes, dits Coëns ou Cohens (prêtres, en hébreu), à Marseille, à Toulouse, à Bordeaux, etc., et à Paris, où il l'apporta en 1767 ; mais il ne put l'y faire adopter que huit années après. Il mourut à Port-au-Prince (Saint-Domingue), en 1779; ses œuvres sont : le Protée, les Axiomes, la Roue, le Monde.

Ce régime forme une série de neuf grades, divisés en deux classes, savoir :

1ère CLASSE :          1. Apprenti,                       2e CL. :           6. Compagnon Coën,

          —                    2. Compagnon,                       —               7. Maître Coën,

          —                    3. Maître,                                —               8. Grand-architecte,

          —                    4. Grand-élu,                          —               9. Chev. commandeur.

          —                    5. Apprenti Coën.

[page 150]

Le but de ce régime est la régénération de l'homme et sa réintégration dans sa primitive innocence et dans les droits qu'il a perdus par le péché originel ; c'est le système de Swedenborg et de tous les grands mystificateurs de l'époque. Ses partisans, choisis avec une grande circonspection, s'adonnaient aux connaissances surnaturelles et professaient en général des opinions singulières en matière de religion mystique. Cet ordre était autrefois répandu en Allemagne ; on trouvait, dans la plupart des grandes villes, des sociétés qu'on désignait sous le nom de loges de Coëns. (V. Swedenborg, ci-après).

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Rite des Philalète [sic] ou chercheurs de la vérité - Page 153

Rite des Philalète [sic] ou chercheurs de la vérité (1773.)

Le rite des Philalètes ou Philalèthes (1. Du grec philos, ami, et alèthéia, vérité) fut fondé à Paris, en 1773, dans la loge des Amis Réunis (formée exprès), par les frères Savalette de Langes, garde du trésor royal , Court de Gébelin, de Saint James, le vicomte de Tavannes, le président d’Héricourt, le prince de Hesse, etc.

Le but moral des Philalètes était le perfectionnement de l’homme et son rapprochement vers celui dont il émane, suivant les principes de Martinez ou du martinisme ; la régénération de l’homme et sa réintégration dans sa primitive innocence, ainsi que dans les droits qu’il a perdus par le péché originel.

Ce rite était divisé en douze classes ou chambres d'instruction, partagées en deux divisions de chacune six grades, portant les noms de petite et de haute Maçonnerie, savoir :

Petite                   1. Apprenti,              Haute                       7. Rose-Croix,

Maçonnerie          2. Compagnon,         Maçonnerie.             8. Ch. du Temple

                            3. Maître,                                                   9. Philosop.incon.,

                            4. Elu,                                                        10. Sublime philos

                            5. Ecossais,                                                11. Initié,

                            6. Chev. d'Orient.,                                     2 Philalète ou M. à tous grades

Cette société possédait de fort belles archives, et tout ce 

[page 154]

Cette société possédait de fort belles archives, et tout ce que sa bibliothèque avait de précieux en ouvrages mystiques fut trouvé chez un libraire de Paris en 1806, et acheté pour les archives du rite écossais philosophique, ainsi que l'indique son annuaire de 1809, p.116.

[page 156]

Le 28 décembre, on lit au commissariat du convent des lettres du prince Ferdinand de Brunswick et de Lunebourg, des frères Mesmer, professeur de magnétisme, à Paris, et de Saint-Martin, par lesquelles ils refusent de participer aux opérations de la réunion.

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Rite du Martinisme, pages 167-168

Rite du martinisme

Nota : Rappelons que Louis-Claude de Saint-Martin n'a jamais crée ni de grade, ni de rite portant son nom !

Louis-Claude, marquis de Saint-Martin, officier au régiment de Foix, théosophe célèbre, dit le philosophe inconnu, né à Amboise, en 1743. Nourri des systèmes de Paschalis [sic] et de Swedenborg, il en composa une philosophie particulière, toute de spiritualisme pur, qui rapporte tout à Dieu, et la prêcha avec succès à Paris. On a de lui : Des Erreurs et de la Vérité (ouvrage mystique) ; Rapports entre Dieu, l’homme et l’univers ; l’Homme de désir ; le Ministère de l’homme esprit ; Traductions de quelques ouvrages de Bohême [sic].

Dans ce rite, qui porte son nom, il modifia les doctrines de son maître Martinez-Paschalis. (V. le rite des Elus-Coëns.) On trouve dans les grades de Saint-Martin, comme dans tous ses ouvrages, des superstitions ridicules et des croyances absurdes. [page 168]
On appelle loges martinistes celles qui professaient le rite de Martinez-Paschalis ou celui de Saint-Martin.
Ce dernier était primitivement composé de dix grades divisés en deux temples, dont le premier comprend sept degrés et le second trois. En voici les noms:

                              1. Apprenti,                                                        8. Prince de Jérusalem,

                              2. Compagnon,                                                  9. Chevalier de la Palestine,

                              3. Maître,                             2d Temple             10. Kadosch ou homme saint.

1er Temple.           4. Ancien-maître,

                              5. Elu,

                              6. Gr.-architecte,

                              7. Maçon du Secret,

Ce rite a été réduit à sept grades dans le régime ayant pour titre : Ecossisme réformé de Saint-Martin, répandu en Allemagne et en Prusse, savoir :

                              1. Apprenti,                                                        5. Élu,

                              2. Compagnon                                                   6. Ecossais,

                              3. Maître,                                                           7. Sage.

                              4. Maître parfait,

bouton jaune  Rite du Martinisme

Système de la Stricte observance, pages 230-231

Le système templier s’était aussi répandu en Alsace et en Lorraine, sous les auspices du duc de Chartres ; mais par crainte de quelques démêlés avec la police, ses membres réunis au convent de Lyon, changèrent leur nom contre celui de Chevaliers bienfaisants de la Cité sainte. Saint-Martin, dit le philosophe inconnu, et Willermez [sic], de Lyon, furent les principaux mobiles de ce changement, qui n’avait non plus rien de [page 231] maçonnique. Ils composèrent plusieurs grades mystiques dont l’esprit a été divulgué par les écrits de cette école, tels les archives mytho-hermétiques, des erreurs et de la vérité, etc., etc.

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Ordre des philosophes inconnus, pages 373-375

Chapitre XXV.

Le régime suivant, appelé ORDRE DES JUGES PHILOSOPHES INCONNUS, EN DEUX GRADES, appartient au système jésuitico-templier, continué dans l'Ordre du Christ. Il est intéressant, en ce qu'il fait connaître les moyens employés par un Ordre puissant pour choisir, attirer et retenir ses adeptes. L'introduction ne serait pas déplacée dans le discours d'un orateur de loge, un jour d'initiation. Il y a de la vérité dans le jugement porté sur les hauts grades et sur le rite écossais ancien et accepté. On y avoue que les templiers modernes et les jésuites ont pris, pour mieux se propager, le voile de la Maçonnerie. Les interprétations sur quelques grades, faites au point de vue templier, ne sont pas sans intérêt. Il résume, à lui seul, beaucoup de grades relatifs à l'Ordre du Temple, voilà pourquoi nous avons jugé convenable de le reproduire presque en entier. Ce rituel remarquable n'a de maçonnique que la forme : le bijou de l'adepte est un poignard et son travail, la vengeance; enfin, c'est un haut grade : lui seul est la vérité, tous les autres sont dans l'erreur ; [page 374] c'est ainsi que les fabricateurs de toutes ces productions se rendent mutuellement justice.

Ordre des philosophes inconnus, en deux points.
Premier point
Grade de novice
Introduction

Le genre humain jouissait en paix du bonheur de la vie. Dirigé par les simples lois de la nature, il coulait des jours sereins. Dans ces temps heureux, régnait l'innocence, et tout conservait, sans vouloir en sortir, l'équilibre que le Créateur lui avait donné. La félicité était générale et parfaite, rien ne pouvait y ajouter, comme aussi aucun souci n'avait encore fait verser aucuns pleurs. L'âge d'or, enfin, fleurissait, et Pandore n'avait pas encore apporté la boîte fatale. Ce calme ne dura pas assez ; bientôt de l'ambition : mère impure, naquit le monstre qui devait être la mère de tant d'autres monstres et donner la mort à l'humanité. L'infernale tyrannie, digne fruit d'une telle mère, fixa son séjour sur cette terre jadis si heureuse, et y établit son règne ; elle mit tout en œuvre pour tout asservir et n'y réussit que trop. Cachant ses abominables desseins sous l'apparence de la protection et de la bienveillance, elle séduisit facilement des hommes simples et droits ; ses succès furent au-delà de son attente ; elle fut elle-même étonnée des progrès que faisait sa domination et de leur rapidité; rien ne l'arrêta plus et elle se surpassa elle-même. Par des récompenses distribuées avec art, et qu'elle savait bien reprendre, elle sut augmenter le nombre de ses adulateurs ; ce nombre devint prodigieux ; elle sut si bien en imposer à tous, elle sut si bien les enchaîner dans ses liens qu'elle n'hésita bientôt plus à lever le masque et à se montrer à découvert.

Ce fut alors que l'on s'aperçut de l'artifice ; mais il était déjà trop tard ; les chaînes étaient rivées ; le bonheur était disparu et jusqu'à l'espérance de le voir renaître ; le siècle de fer, en un mot, avait pris la place du premier, le vice dominait la vertu, et, jusqu'à nos jours, tous les efforts ont été impuissants pour rappeler la félicité du premier âge, de cet âge heureux bien digne de nos [page 375] regrets, De cet âge que les poètes nous enseignent comme le plus heureux des temps et dans lequel les arts florissaient et où l'art destructeur de Bellone était encore ignoré.

Cependant, tout espoir n'était pas perdu ; au milieu de l'esclavage général, quelques sages échappèrent au pouvoir du despotisme et surent se conserver libres. Ces intrépides philosophes conservèrent fidèlement le dépôt précieux confié à leur garde, et, d'âge en âge, ils le transmirent jusqu'à nous. Puissent les mânes de ces illustres ancêtres voir de leur céleste retraite et applaudir aux efforts le grand œuvre dont ils nous ont laissé les éléments.

C'est dans la vue de rappeler ces temps heureux, c'est dans la vue d'en perpétuer à jamais l'histoire, ainsi que des événements funestes qui le sont fait évanouir, que la triple puissance a entrepris d'élever un tabernacle soutenu par 26 colonnes de fer, portant chacune le nom d'une des lettres de l'alphabet des philosophes. Ces colonnes sont destinées à recevoir les anneaux d'or que doivent fournir les adeptes au jour de leur initiation, de telle sorte que la première colonne appelée Abraxas recevra tous les anneaux envoyés par les frères, dont les noms commenceront par A, et ainsi de suite.

Par l'exactitude de cette correspondance, le monde maçon verra arriver le jour où, par le nombre infini de ses ouvriers, il aura contribué à l'édification d'un autel, dont les colonnes seront du métal le plus pur, quoiqu'elles aient été de fer dans leur origine, ce qui alors symbolisera la grande époque de la régénération.

A cette époque fortunée, l'Ordre distribuera des récompenses aux frères dont les noms se trouveront dans le Saint des saints, et qui seront connus par les hiéroglyphes insérés dans leurs anneaux, après avoir servi à la construction d'un temple éternel, qui sera dévoilé aux chapitres jouissant de neuf années d'installation.

Tel est le but de ce sublime grade. Que les nouveaux initiés se pénètrent bien des principes qu'il renferme; les grandes et sublimes vérités qu'il contient ne contribueront pas peu à les consoler dans l'adversité et à faire luire dans leur âme quelque rayon d'espoir d'un meilleur avenir.

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1853 – Le Soleil mystique 

1853 soleil mystiqueJournal de la maçonnerie universelle
Sciences, littérature, voyages.
Paris - A. Goubaud et Compagnie, rue Richelieu, 92
1853

Une fête maçonnique et chapitrale – Extrait, page 162

… Nos premiers pères ne se nourrissaient que des fruits de la terre : une longue existence, une force surnaturelle, une intelligence supérieure, furent leur partage.

Anathème à celui qui, le premier, chercha dans le sang et la chair une nourriture détestable ! ce furent tes fils, Cham ! maudit de ton père, qui, les premiers, plongèrent le couteau dans les entrailles palpitantes d'un être qui avait eu vie, et la race humaine s'abâtardit, juste vengeance que le ciel accorda aux cris de la nature opprimée... Il n'entrera pas dans la Jérusalem céleste, disent Swedenborg et Saint-Martin, celui qui est souillé de sang !... Christ est venu abolir la loi du sang comme celle de l'esclavage ; toutes deux seront abolies. [...]

Origine de tous les rites maç connus [page 163]

[...] Nous avons encore le rite persan ou philosophique ; de H. D. M. Kilwinning; des Ecossais philosophiques d’York; des écossais fidèles ou de la vieille bru; de Zinnendorf; égyptien de Cagliostro; martiniste ou des élus coëns; des éons, dits de Zoroastre; des FF. de la rose-croix ; de royal arche ; de la Palestine; des chevaliers scandinaves; des chevaliers du désert; des chevaliers de la Cité sainte; ordre du Christ.

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Le tuileur universel - Extrait, pages 182-183

Le F.de Saint-Martin fut l'un des plus célèbres réformateurs français ; il composa un nouveau rite.

Ses doctrines sont fondées sur celles de Martines Pascalis; elles enseignent les principes et la pratique du martinisme ; il divisa son rite en dix grades, dont sept forment le premier temple, et trois le second ; il [183] a aussi suivi les opinions de Swedenborg, et même modelé, ses instructions sur celles des élus Coëns, c’est-à-dire qu’elles traitent de la création de l'homme, de sa désobéissance, de sa punition, de sa régénération et de sa réintégration dans son innocence et dans les biens perdus par le péché originel ; son but est le perfectionnement de l'homme afin qu'il puisse s'approcher du souverain être dont il est émané.

Lorsque l'adepte par ces nouveaux ordres a recouvré ses droits primitifs, il se rapproche de son créateur, il peut connaître les secrets de la nature, ceux des sciences occultes et de la théologie mystique.

Les cérémonies sont entièrement tirées de la Bible.

Martines Pascalis est un Allemand, né vers 1700, d'une famille pauvre mais noble : à l'âge de seize ans il savait le grec et le latin; il alla en Turquie, en Arabie et à Damas, il s'instruisit dans les mystères du Temple, il établit un ordre particulier de R.R.+.+.

Le rite de Saint-Martin a produit la L.des Philalèthes à Paris, qui avait douze grades, et dont toute la science reposait sur la chimie et sur les sciences occultes. Cette L. avait une bibliothèque riche en monuments maç.et littéraires.

La France, en 5800 [sic pour 1800], était partagée dans les croyances maç.suivantes :

Le rite écossais philosophique et celui d'H.R.M.
Le chap.primordial des R.R.+.+.d'Arras, et chap.de son ressort.
La Cité Sainte ou la stricte observance, dont les rentres se trouvaient à Lyon, à Bordeaux et à Strasbourg.
Les Philalèthes ou chercheurs de la vérité.
Le régime primitif.
Le rite d'Adonhiram.
Le rite de Saint-Jean d'Écosse, établi à Marseille.
Le régime hermétique, qui avait son centre à Montpellier.
Les sublimes élus de la vérité, dont le centre était à Rennes.
Le rite de Saint-Martin.
Le rite des Élus Coëns.
Le rite des trois grades symboliques, et enfin de la nouvelle réforme adoptée par le G.O.

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Extrait, page 213

… Dans le maître d'Israël, on donne le mot benchorim, qui signifie fils de nobles ; les prêtres coëns étaient les anciens maîtres d'Israël, et se regardaient comme nobles et privilégiés.

… Dans le chev. de la Palestine, rite de saint Martin, on commémore Godefroy de Bouillon, ce prince, chef célèbre des croisés, qui fut chanté par le Tasse dans sa Jérusalem.

bouton jaune Extrait, page 213