Tome premier - Les Martinistes. Extraits, pages 280-282

Vers la fin de l'année 1778, les directoires écossais d'Auvergne et de Bourgogne firent des convocations pour une assemblée à Lyon, à l'effet d'instituer un Convent national des Gaules ; cette assemblée eut lieu en novembre et décembre. Là on changea la dénomination de chevaliers du Temple contre celle de chevaliers bienfaisants de la Cité sainte, et l'on fit au rituel de la Stricte Observance quelques modifications peu importantes, sans toutefois rompre avec cette dernière

Le centre de la suprême sagesse que ces « chevaliers bienfaisants » dispensaient dans leurs hauts grades, était la loge des Amis-Réunis, à Paris, dont nous avons eu déjà occasion de parler (page 270), et dont les membres étaient eux-mêmes éclairés par un petit nombre d'amis fidèles, qui avaient appartenu, dans le principe, au grade des Philosophes inconnus et qui, plus tard, prirent le nom de Philalètes et donnèrent à leur société celui d'Ordre divin. Les livres symboliques par lesquels cet ordre voulait découvrir au monde maçonnique la seule et véritable lumière, étaient, d'une part, le célèbre ouvrage intitulé des Erreurs et de la Vérité (traduit de [sic pour en] l'allemand par le Fr. Claudius), de l'autre, le Tableau naturel des rapports entre Dieu, l'homme et l'univers (Egalement traduit en allemand. Reval et Leipzig, 1783). Les principaux apôtres de cette lumière étaient les Fr. Villermoy, Saint-Amand, le comte de Lerney, Saint-Martin et d'autres. C'est de ce dernier que les partisans du système mystico-théosophique, dont il a été question plus haut, reçurent le nom de Martinistes.

L. C. de Saint-Martin, né à Amboise, en 1743, mort à [page 281] Paris, en 1803, officier français, parcourut, en qualité de disciple de Martin Paschalis et d'admirateur de J. Böhme, dont il avait traduit quelques écrits en français, la carrière de mystiques chimères ouverte par son maître, avec d'autant plus de succès, qu'outre les connaissances étendues qu'il possédait, il était doué d'un extérieur agréable, et réussissait à s'attirer les sympathies de ceux qui l'entouraient. Il porta ses vues sur la franc-maçonnerie, qu'il considérait comme une émanation de la divinité, et fonda un nouveau système de dix grades, partagés en deux temples. Le premier temple comprenait les grades : 1° d'élève, 2° de compagnon, 3° de maître, 4° de maître ancien, 5° élu, 6° de grand-architecte, 7° de maçon du secret. Le second temple embrassait ceux : 8° de prince de Jérusalem, 9° de chevalier de Palestine, 10° de kadosch ou saint. Lors du Convent de Lyon (1778), ce système se réunit avec la branche française de la Stricte Observance.

Tous les chapitres et loges dont il a été fait mention précédemment (voir page 270) étaient indépendants du Grand-Orient, et non seulement ils se refusèrent à aucun rapprochement, mais encore ils éludèrent toutes les tentatives de celui-ci pour les réunir tous ou en partie sous sa haute direction.

Toutes ces résistances le firent enfin renoncer à ses premières prétentions, ou du moins, provoquèrent une modification dans sa politique. Il déclara aux divers directoires maçonniques qu'il n'était pas en son pouvoir, et que jamais, sa volonté n'avait été de représenter exclusivement l'autorité supérieure de toutes les associations maçonniques de France qu'il reconnaissait à chacun la liberté de chercher partout ailleurs les lumières que le Grand-Orient ne pourrait lui donner. Il ajoutait que sa juridiction ne s'étendait [page 282] qu'aux loges du rite français, et que son pouvoir se fondait seulement sur la libre volonté de ceux qui voulaient lui appartenir, etc. Cependant par ces déclarations et d'autres semblables, le Grand-Orient ne cherchait qu'à endormir la vigilance des directoires d'autres systèmes et, en secret, il n'en poursuivait pas avec moins d'activité son ancien plan.

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