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1893 - De l'état des Sociétés secrètes

Le texte présenté ici, écrit par Papus (docteur Gérard Encausse) a paru la première fois dans La nouvelle Revue internationale (n°8, 15 novembre 1893, p.622 et suiv.).

Papus publie cet article dans un tiré-à-part en 1894 chez Chamuel (8 pages) avec le titre De l'état des sociétés secrètes à l'époque de la Révolution française. En 1895, il publie Martines de Pasqually : sa vie, ses pratiques magiques, son œuvre, ses disciples, suivis des catéchismes des élus coëns d'après des documents entièrement inédits. Paris, Chamuel, 1895, dans lequel cet article se trouve pages 138 et suiv. Et en 1906, il est publié dans la revue L'Initiation (n°7, avril 1906, p.50-66), Partie initiatique.

Dans le journal hebdomadaire L'Avant-Garde, l'article est publié en trois parties dans les numéros 50 (9 décembre 1893, p.7-8), 51 (16 décembre 1893, p.8) et 52 (24 décembre 1893, p.1-4.


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1er article : De l'état des Sociétés secrètes à l’époque de la Révolution

L’Avant-Garde, n°50, samedi 9 décembre 1893, p.7-8.

Sous ce titre, La nouvelle Revue internationale [1er trimestre 1893, p.622 & suiv.], dirigée par la veuve de Ratazzi, veuve aujourd'hui en troisièmes noces du député aux Cortès espagnoles. M. de Rute publie dans son numéro du 15 nov. un article dû à la plume de M. Papus, un des chefs actuels de l'Occultisme à Paris. Établi sur des documents presque totalement inédits, cet article donne des détails fort intéressants que nous reproduisons à titre de document en faisant remarquer que l'auteur n'est nullement dans nos idées.

État des sociétés secrètes en 1785

« En 1785 existaient trois grandes associations secrètes réunies en apparence sous le voile de la franc-maçonnerie, mais ayant chacune un esprit et des tendances bien particulières.

» 1. Le Grand Orient de France, constitué depuis 1772 par la fusion de plusieurs centres maçonniques dont nous verrons plus loin l'histoire.
» L'esprit du Grand Orient est nettement démocratique (mais non démagogique). Le but poursuivi est surtout la création, dans la société, du régime représentatif pratiqué dans les loges. La guerre au cléricalisme n'est pas encore poursuivie, du moins dans les loges, puisque, sur 629 loges actives que comprendra le Grand Orient en 1789, nous trouverons 33 membres du clergé, dont 27 vénérables (5 à Paris et 22 en province) et 6 députés au Grand Orient parmi les hauts dignitaires (Amiable et Colfavru. La Franc-Maçonnerie au XVIII siècle. Paris, 1889).
» Le Grand Orient est donc, quant au nombre, la puissance la plus importante.

» 2. Le Grand Chapitre général de France, formé par la fusion du « Conseil des Empereurs d'Orient et d'Occident » et des Chevaliers d'Orient.
» L'esprit du Grand Chapitre est révolutionnaire ; mais la Révolution doit être accomplie surtout au bénéfice de la haute bourgeoisie avec le peuple comme instrument.
» Le Grand Chapitre, constitué sous le régime des hauts grades, est issu du rite templier, c'est-à-dire que les membres les plus éminents sont animés du désir de venger Jacobus Burgundus Molay et ses compagnons, de l'assassinat dont ils ont été victimes de la part de deux puissances tyranniques : la Royauté et la Papauté.
» Les membres du Chapitre sont peu nombreux, mais, en général, bien plus instruits et bien plus disciplinés que les membres du Grand Orient.
» C'est en confondant les Sociétés issues du rite templier (de Ramsay) avec les suivantes, que la plupart des historiens commettent de grosses erreurs.

» 3. Les Loges Martinistes, créées par Martines de Pasquallis, et dont le centre est à ce moment à Lyon, dirigé par Willermoz.
» L'esprit du martinisme est aristocratique. Tout est subordonné à l'intelligence et les recherches poursuivies portent presque uniquement sur la haute philosophie et les sciences occultes.
» Les Martinistes sont très difficiles dans le choix de leurs membres, et les travaux préparatoires sont longs et arides. Ils s'occuperont donc fort peu de politique ; mais, par contre, auront une très grande influence dans la direction intellectuelle des travaux maçonniques.
» C'est sous l'inspiration des Martinistes que, dans l'année qui nous occupe (1785), viennent d'être tenus les deux convents ou congrès scientifiques qui eurent une grande importance par la suite : le convent des Gaules en 1778 et le convent de Wilhemsbad en 1782. Ces réunions étaient de véritables assises académiques où les plus hautes questions étaient discutées.
» Inutile de dire que plusieurs individus faisaient partie de deux de ces grandes [page 8] associations ou même, comme Willermoz, des trois.

» Tels sont les trois grands groupes dont nous allons maintenant étudier la genèse ; nous avons négligé dans cet exposé synthétique, les sectes dérivées de ces grandes sources. Nous en parlerons dans le cours de notre travail. »

LE GRAND ORIENT DE FRANCE

« Le Grand Orient de France est issu d'une insurrection de certains membres contre les constitutions et la hiérarchie traditionnelles de la franc-maçonnerie. Quelques lignes d'explications sont ici nécessaires.
» La franc-maçonnerie a été tout d'abord établie en Angleterre par des hommes appartenant déjà à l'une des puissantes fraternités secrètes d'Occident : la confrérie des Rose-Croix. Ces hommes, et surtout Ashmole, eurent l'idée de créer un centre de propagande où l'on pourrait former à leur insu des membres instruits pour la Rose-Croix. Aussi les premières loges maçonniques furent-elles mixtes et composées partie d'ouvriers réels, partie d'ouvriers de l'intelligence (libres maçons). Les premiers essais (Ashmole) datent de 1646 ; mais c'est seulement en 1717 que la Grande Loge de Londres est constituée. C'est cette loge qui donne des chartes régulières aux loges françaises de Dunkerque (1721), Paris (1725). Bordeaux (1732), etc., etc.
» Les loges de Paris se multiplièrent rapidement, nommèrent un Grand Maître pour la France, le duc d'Antin(1738-1743), sous l'influence de qui fut entreprise, la publication de la grande Encyclopédie, comme nous le verrons tout à l'heure. Voilà l'origine réelle de la révolution, accomplie d'abord sur le plan intellectuel avant de passer de puissance en acte.
» En 1743, le comte de Clermont succéda au duc d'Antin comme grand maître et prit la direction de la Grande Loge anglaise de France. Ce comte de Clermont, trop indolent pour s'occuper sérieusement de cette société, nomma substitut un maître de danse. Lacorne, individu très intrigant, mais de mœurs très déplorables. Ce Lacorne fit entrer dans les loges une foule d'individus de son espèce, ce qui amena une scission entre la loge constituée par Lacorne (Grande Loge Lacorne), et les anciens membres qui formèrent la Grande Loge de France (1756).
» Après un essai de rapprochement entre les deux factions rivales (1756), le scandale devint si grand que la police s'en mêla et ferma les loges de Paris.


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2e article : De l'état des Sociétés secrètes à l’époque de la Révolution (suite)

L’Avant-Garde, n°51, 16 décembre 1893, p.8.

» Lacorne et ses adhérents mirent ce repos à profit et obtinrent l'appui du duc de Luxembourg (16 juin t 1731) (1. : Amiable et Colfavru, op. cit.). Forts de cet appui, ils réussirent à rentrer dans la Grande Loge d'où ils avaient été bannis, firent nommer une commission de contrôle dont les membres leur étaient acquis d'avance. En même temps, les frères du rite Templier (Conseil des Empereurs) s'associent en secret aux menées des commissaires et, le 24 décembre 1772, un véritable coup d'État maçonnique est accompli par la suppression de l'inamovibilité des présidents des Loges et par l'établissement du régime représentatif. Des révoltes victorieuses fondèrent ainsi le Grand Orient de France. Aussi un maçon contemporain a-t-il pu écrire : « Il n'est pas excessif de dire que la révolution maçonnique de 1773 fut le prodrome et l'avant-coureur de la Révolution de 1789 (2. : Ragon. Orthodoxie Mac., p. 56). »

» Ce qu'il faut bien remarquer, c'est l'action secrète des frères du rite Templier. Ce sont eux les vrais fomentateurs des révolutions, les autres ne sont que de dociles agents.

» Ainsi, le lecteur peut maintenant comprendre notre assertion : le Grand Orient est issu d'une insurrection.

Nous avons dit que les faits auxquels s'attachent surtout les historiens n'étaient, le plus souvent, que des conséquences d'actions occultes. Or, nous pensons que la Révolution n'eût pas été possible si des efforts considérables n'avaient été prudemment faits pour orienter dans une nouvelle voie l'intellectualité de la France. C'est en agissant sur les esprits cultivés, créateurs de l'opinion, qu'on prépare l'évolution sociale, et nous allons trouver maintenant une preuve péremptoire de ce fait.

Le 24 juin 1740, le duc d'Antin, grand maître de la Franc-Maçonnerie pour la France, prononçait un important discours dans lequel était annoncé le grand projet en cours ; témoin l'extrait suivant :

« Tous les grands maîtres en Allemagne, en Angleterre, en Italie et ailleurs, exhortent tous les savants et tous les artisans de la confraternité de s'unir pour fournir les matériaux d'un dictionnaire universel des arts libéraux et des sciences utiles, la théologie et la politique seules exceptées. On a déjà commencé l'ouvrage à Londres ; et, par la réunion de nos confrères, on pourra le porter à sa perfection dans peu d'années.


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3e article : Discours du duc d'Antin. — 24 juin 1740

L’Avant-Garde n°52, samedi 24 décembre 1893, p.1-4. De l'état des Sociétés secrètes à l'époque de la Révolution (Extrait de la Revue Internationale)

Le duc d'Antin prononçait ce discours en 1740. On sait que, dès 1741, Diderot préparait sa grande entreprise. Le privilège indispensable à la publication fut obtenu en 1745. Le premier volume de l'Encyclopédie parut en 1751. » (Amiable et Colfavru. La Franc-Maçonnerie au XVIIIe siècle).

Ainsi la Révolution se manifeste déjà par deux étapes :

1. Révolution intellectuelle par la publication de l'Encyclopédie due à la Franc-Maçonnerie française sous la haute impulsion du duc d'Antin (17401.
2. Révolution occulte dans les loges, due en grande partie aux membres du rite Templier et exécutée par un groupe de francs-maçons expulsés, puis amnistiés (groupe Lacorne). Fondation du Grand-Orient sous la haute impulsion du duc de Luxembourg (1773) et présidence du duc de Chartres.

La Révolution patente dans la Société, c'est-à-dire l'application à la Société des constitutions des Loges ne va pas tarder.

Reprenons l'histoire du Grand-Orient au point où nous l'avons laissée.

Une fois constituée, la nouvelle puissance maçonnique fit appel à toutes les Loges pour ratifier la nomination comme grand maître du duc de Chartres. En même temps (1774), le Grand-Orient s'installait dans l'ancien noviciat des Jésuites, rue du Pot-dc-Fer, et procédait à l'expulsion des brebis galeuses (2. Amiable et Colfavru, op. cit.), 104 loges firent d'abord adhésion au nouvel ordre de choses, puis 195 (1776) et enfin, en 1789, il y avait 629 loges en activité.

Mais un fait, à notre avis considérable, s'était produit en 1786. Les Chapitres du rite Templier s'étaient officiellement alliés au Grand-Orient et avaient même opéré leur fusion avec lui. Nous avons vu comment les frères du rite avaient aidé à la révolte d'où était sorti le Grand-Orient ; résumons donc rapidement l'histoire du rite Templier.

LE RITE TEMPLIER

La Franc-Maçonnerie, nous l'avons vu, avait été établie en Angleterre par des membres de la Fraternité des Rose Croix désireux de constituer un centre de propagande et de recrutement par leur ordre. La Franc-Maçonnerie anglaise ne comprenait que trois grades : Apprenti, Compagnon, Maître. À cet exemple, la Franc-Maçonnerie française et le Grand-Orient qui en était l'émanation principale étaient formés de membres pourvus seulement de ces trois grades ou de quelques-uns de ces trois grades. Mais bientôt certains hommes prétendirent avoir reçu une initiation supérieure, plus conforme aux systèmes de la fraternité des Rose-Croix, et des rites se créèrent, décernant des grades supérieurs à celui de Maître, appelés hauts grades.

L'Esprit des rites à grades supérieurs ainsi créés était, bien entendu, différent de celui de la maçonnerie proprement dite. C'est ainsi que Ramsay avait institué, en 1728, le Système écossais dont la base était politique et dont l'enseignement tendait à faire de chaque frère un vengeur de l'Ordre du Temple. De là, le nom de rite Templier que nous avons donné à cette création de Ramsay. Les réunions des frères pourvus de hauts grades prirent le nom, non plus de loges, mais bien de chapitres. Les principaux chapitres établis en France furent :

1. Le Chapitre de Clermont (Paris 1752) d'où sortit le baron de Hundt, créateur de la haute maçonnerie allemande ou illuminisme ;
2. Après le Chapitre de Clermont parut le Conseil des Empereurs d'Orient et d'Occident (Paris 1758) dont certains membres se séparant de leurs frères, formèrent :
3. Les Chevaliers d'Orient (Paris 1763). Chacune de ces puissances délivrait des chartes de loges et même les principaux frères (Eshondy, Boileau, etc.) créèrent en province des rites officieux.

En 1782, le Conseil des Empereurs et les Chevaliers d'Orient se réunirent pour former le Grand Chapitre général de France dont les principaux membres avaient aidé à la constitution du Grand-Orient par leurs intrigues.
Aussi voyons-nous, en 1786, ces frères amener la fusion du Grand Chapitre général de France et du Grand Orient de France. Que résulta-t-il de cette fusion ?
Les membres du Grand Chapitre, tous bien disciplinés, poursuivant tous un but précis et possédant l'intelligence, se trouvaient disposer du nombre fourni par le Grand-Orient. — On comprend maintenant la genèse maçonnique de la Révolution française.
La plupart des historiens confondent ces membres du rite Templier, véritables inspirateurs de la Révolution (Certains auteurs prétendent même que l'internement de Louis XVI au Temple fut le résultat de la décision des frères du rite Templier.) avec les Martinistes dont il nous faut maintenant parler

LE MARTINISME

En 1754, Martinès de Pasquallis, initié aux mystères de la Rose-Croix, avait établi à Paris un centre d'illuminisme. Le recrutement des frères était très méticuleux, et les travaux poursuivis portaient sur l'étude de la magie cérémonielle, sur le rituel des évocations d'esprits et sur la domination absolue de l'homme sur ses passions et ses intérêts.
Parmi les disciples les plus célèbres de Martinès, nous citerons le Prince de Lusignan, Louis Claude de Saint-Martin (le philosophe inconnu) et Jean-Baptiste Willermoz, gros négociant lyonnais, le réalisateur véritable de l'ordre.

Le martinisme se répandit rapidement en France, et, dès 1767, beaucoup de loges de l'ouest demandaient leur affiliation à ce rite, ainsi qu'en témoigne la correspondance de Martinès que nous possédons.
Les groupes martinistes et les centres d'études dérivés du Martinisme laissèrent donc toujours la politique de côté pour ne s'occuper que d'études scientifiques. C'est à ces groupes que l'on doit les réunions ou convents qui ont fait faire les plus grands pas à la science maçonnique. — Ainsi les Philalèthes (1773), les Illuminés d'Avignon, l'Académie des Vrais Maçons de Montpellier (1778) dérivent directement du Martinisme.

Voici du reste la marche des rites maçonniques à Lyon.

En 1752 est fondée la loge la Parfaite Amitié d'après les constitutions maçonniques ordinaires. En 1756 cette loge obtint la confirmation de sa charte par la Grande Loge de France. Willermoz est vénérable de cette loge de 1752 à 1762, soit pendant dix ans. Mais, en 1760, les frères pourvus du grade de maître avaient fondé une Grande Loge des Maîtres réguliers de Lyon dont Willermoz fut également le grand maître président, jusqu'en 1763.
En 1765 fut établi un chapitre formé des frères pourvus des hauts grades : le Chapitre des Chevaliers de l'Aigle Noir. Ce fut le frère de Willermoz, Jacques, docteur-médecin, qui fut placé à la tête de ce chapitre.
En 1767, le rite martiniste fut introduit à Lyon et ses membres se recrutèrent uniquement parmi les frères pourvus des plus hauts grades, ce qui indique la valeur de ce rite martiniste.

LES SOCIÉTÉS SECRÈTES DE LYON (1772)

En 1772, voici quelles étaient les grandes puissances maçonniques représentées à Lyon :

1. La Grande Loge des Maîtres représentant le rite français et présidée par le frère Sellonf ;
2. Le Chapitre des Chevaliers de l’Aigle Noir représentant le rite templier et présidé par Jacques Willermoz, médecin ;
3. Les Élus Coëns représentant le rite martiniste et présidés par Jean-Baptiste Willermoz lui-même ;
4. Sellonf, Jacques Willermoz et Jean-Baptiste Willermoz formaient un conseil secret ayant la haute main sur tous les centres lyonnais.

C'est sous l'instigation de Jean[-Baptiste Willermoz que furent tenus deux grands convents Le convent des Gaules (1778) et le convent de Wilhemsbad (1782).

Il résulte des lettres de Martinès de Pasquallis que les martinistes, loin d'appuyer dans leurs projets politiques les frères du rite Templier, les combattirent au contraire toujours et de toutes leurs forces. Les contemporains eux-mêmes réfutent les calomnies énoncées à ce propos. Témoin l'extrait suivant :

« La secte des francs-maçons martinistes avait son centre dans la loge de la bienfaisance à Lyon. Cette loge méritait le nom qu'elle avait choisi, par les secours abondants qu'elle donnait aux pauvres. M. Robinson a dit que ses membres et leurs correspondants étaient des impies et des rebelles. J'ai connu beaucoup de martinistes, soit de Lyon, soit de différentes villes des provinces méridionales. Bien loin de paraître attachés aux opinions des philosophes modernes, ils faisaient profession de mépriser leurs principes. Leur imagination, exaltée par l'obscurité des écrits de leur patriarche, les disposait à tous les genres de crédulité : quoique plusieurs fussent distingués par des talents et des connaissances, ils avaient l'esprit sans cesse occupé de revenants et de prodiges. Ils ne se bornaient point à suivre les préceptes de la religion dominante ; mais ils se livraient aux pratiques de dévotion en usage dans la classe la moins instruite. En général, leurs mœurs étaient très régulières. On remarquait un grand changement dans la conduite de ceux qui, avant d'adopter les opinions des martinistes, avaient vécu dans la dissipation et la recherche des plaisirs. M. Barruel soutient que les francs-maçons de cette secte sont idéalistes, c'est-à-dire qu'ils n'admettent pas l'existence des corps. Cet absurde système ne fut jamais approuvé que par de pieux enthousiastes : mais il le leur attribue pour pouvoir les accuser de croire qu'on ne se rend jamais criminel par le sens, et d'approuver la prostitution. Je n'hésite pas de déclarer solennellement que cette assertion est une calomnie, dont la fausseté m'est démontrée par les preuves les plus certaines. » (J. Mounier. De l'influence attribuée aux francs-maçons dans la Révolution française, Paris, 1822, p. 155-156).

GRAND-ORIENT ET ILLUMINISME

Ainsi, les Martinistes portaient leur association dans un domaine bien plus élevé que celui des luttes politiques.

De 1786, les Martinistes, alliés aux Illuminés du baron de Hund, restent seuls en face du Grand-Orient fusionné avec le rite Templier. Aussi, la Révolution est-elle particulièrement cruelle pour les disciples de Martinès. — Mais ne sortons pas de notre sujet.

Nous avons voulu indiquer quelle était la situation respective des différentes Sociétés secrètes et forces franc-maçonniques aux environs de l'année 1789. Si nous résumons ce qui précède, nous trouverons :

1. D'une part. le Grand-Orient (rite français) dans lequel s'est fusionné le Grand Chapitre (rite Templier), possédant presque toutes les loges du royaume. Les tendances de ces centres sont purement révolutionnaires.

2. D'autre part, les Martinistes à tendances purement scientifiques, passant pour des aliénés souvent, mais méprisant la politique. Quelques loges de Paris, de Bordeaux et de Lyon pratiquent le rite Martiniste, fort répandu, par contre, en Allemagne et en Italie.

Mais nous ne saurions trop insister sur ce fait, que la plupart des auteurs ont confondu les frères du rite Templier avec les Martinistes. Ce sont les premiers qui agirent avec le plus de violence, et les seconds supportèrent entièrement les réactions cruelles de la foule.
Encore une fois, nous n'avons pas eu la prétention de refaire l'histoire de cette époque, mais seulement d'éclaircir un point que beaucoup d'historiens ont jusqu'à présent laissé dans l'ombre.

PAPUS.