Ouvarov graf archaeologist Avant-propos (pages V-IX, extraits)

Monsieur le Comte Alexis Ouvaroff m'ayant confié le soin de sa bibliothèque, me chargea d'en rédiger le catalogue, me laissant libre d'en arrêter le plan. J'avais à voir quel ordre je devais suivre ; j'abandonnai l'ordre alphabétique convenable pour une bibliothèque peu nombreuse, mais peu commode pour les recherches ; d'ailleurs de bonnes tables d'auteurs et d'ouvrages anonymes compensent largement les avantages de cet arrangement. J'ai donc suivi dans mon travail l'ordre systématique... [page V]

Tous les ouvrages catalogués ici, proviennent de l'idée religieuse depuis la plus haute antiquité ; — de l'idée religieuse des initiations — qui restée secrète entre les mains des adeptes des anciens cultes, reprit son travail sourd dans le Gnosticisme qui embarrassa les pas du Christianisme naissant. Les Pères qui posèrent les bases des dogmes fondamentaux de la Tradition, combattirent les sectes issues de la Gnose et les anéantirent, mais ils ne purent entièrement détruire les idées qui en étaient sorties. Bon ou mauvais, l'humanité ne laisse pas périr le produit de la pensée, et lorsqu'à un moment donné, elle croit en avoir besoin, on voit ces idées reparaître avec les modifications que le temps leur a fait subir.

La Théosophie ou Mysticisme est la plus haute expression de la pensée religieuse portée à son point extrême ; ses théories vagues et indéterminées sont propres à séduire les esprits poussés par nature à se jeter dans la vie contemplative. Certains ouvrages de cette classe sont permis par plusieurs églises, d'autres sont repoussés comme hétérodoxes ; il faut être théologien pour s'y reconnaître. J'avouerai pourtant que l'église catholique non seulement admet mais recommande des œuvres qui, selon moi, contiennent des doctrines délétères, et favorisent des dévotions malsaines ; je citerai seulement celles de Marie d'Agrada, Anne Catherine Emmerich, Marie Alacoque, la Sœur de la Nativité, etc. ; n'ayant pas à trancher dans cette question, je me suis conformé à l'usage, et j'ai porté ces ouvrages à la théologie orthodoxe.

La Franc-Maçonnerie est encore un développement de la pensée religieuse. Qu'elle qu'ait été son origine, ses ramifications, elle est née du besoin qu'a éprouvé une classe d'hommes, de se communiquer ses idées sur la marche de l'esprit humain. Qu'elle ait été persécutée dans beaucoup de pays, cela est facile à comprendre. Outre sa qualité de société secrète, la hardiesse de ses recherches devait éveiller l'ombrage des gouvernements et des cultes constitués, qui n'admettaient pas la discussion de leurs actes et de leurs doctrines. Depuis que de tous les côtés, la pensée est émancipée dans de justes bornes, depuis que la conscience humaine n'est plus forcée d'abdiquer son libre arbitre, la Franc-Maçonnerie n'est plus qu'une société de bienfaisance et de fraternité généralement protégée par les gouvernements. Quant aux Sociétés secrètes nées et mortes depuis un siècle et demi, je n'ai rien à en dire. [page VIII]

Les rapports de l'Alchimie avec le Mysticisme, sont à la connaissance de toutes les personnes qui ont parcouru quelques-uns des ouvrages d'Albert-le-Grand, de Paracelse, de Basile Valentin, de Roger Bacon, de Raymond Lulle et de leurs successeurs. Il est permis aux lecteurs superficiels de ne voir dans la recherche de la pierre philosophale et du travail du grand-œuvre, qu'une idée de cupidité inspirée par le désir de transmuter les métaux. Les esprits d'élite qui préparaient les voies aux sciences physiques et chimiques par la route de l'empirisme, avaient des vues plus élevées. Ce ne fut que par la suite, que des fripons, et même beaucoup de gens de bonne foi, firent volontairement ou involontairement tant de dupes. Les alchimistes recherchèrent des lumières de tous les côtés ; ils s'adressèrent au Polythéisme et à ses initiations, au Christianisme et à ses mystères, consultèrent les mythologues, les Livres Saints et leurs interprètes ; mais les théosophes avec leurs idées vagues, indéterminées et surchargées de figures, les séduisirent particulièrement ; aussi les commentèrent-ils pour y trouver des guides dans leurs travaux. Les rapports des Alchimistes avec les Sociétés secrètes à leur naissance, n'ont pas besoin d'être discutés ; personne n'ignore les dangers qui environnaient les adeptes des sciences, au moyen âge et même à une époque plus rapprochée de nos jours ; sans trop aller chercher dans les provinces les plus reculées, le bas peuple n'éprouve-t-il pas, sinon de la terreur, du moins une crainte vague pour les personnes dont les connaissances dépassent celles du milieu dans lequel il vit. Les alchimistes n'eurent pas d'autres moyens de communiquer les uns avec les autres, et de se transmettre le résultat de leurs travaux, que de le faire sous le couvert, soit de la Franc-Maçonnerie, soit d'autres associations qu'ils fondèrent, comme les Rose-Croix par exemple ; associations qui disparurent sans laisser de traces, ou se fondirent dans celles qui existaient déjà. [pages VII-VIII]

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