1825 Fortia preservatif 61825 - Préservatif contre la Biographie nouvelle des contemporains

Par M. le Comte de Fortia-Piles
[Alphonse-Toussaint-Joseph-André-Marie-Marseille de Fortia de Piles, comte de Piles, duc de Fortia (1758-1826)]
Ancien officier au régiment du Roi

Auteur du Nouveau dictionnaire français, des cinq mots, qui en sont la suite, etc. N°6. P-SAND.

Ainsi, de notre langue, de nos monnaies et de nos régicides,
ceux-ci sont ce que nous avons de mieux voilà qui est convenu une fois pour toutes.
(Page 41.)

À Paris
Imprimerie de Madame veuve Porthmann
43, rue Saint-Anne, vis-à-vis la rue Villedot.
Octobre 1825

N.B. Ce numéro comprend les 16e, 17e et 18e volumes de la Biographie

Article Saint-Martin, pages 169-172.

SAINT MARTIN (Louis-Claude), dit le Philosophe inconnu, né en 1743, entra au service à vingt-deux ans dans le régiment de Foix, et le quitta au bout de quelques années pour se livrer exclusivement à ses Recherches spirituelles : il a succédé à Martinez Pasqualis, chef de la secte des Martinistes, pour laquelle fonction son nom l'a bien servi. En 1775, il publia son livre des Erreurs et de la Vérité, ouvrage qu'on peut regarder comme inintelligible, le très petit nombre de personnes qui ont prétendu le comprendre n'ayant jamais pu l'expliquer à d'autres. En 1776, je passai plusieurs semaines à la campagne avec ce M. de St.-M., que j'étais loin de soupçonner l'auteur de cet ouvrage, qui faisait alors beaucoup de bruit. Il avait accompagné une dame (la marquise de la Croix), qui aurait pu être sa mère, ce qui n'empêchait pas qu'elle ne fût l'élève, et lui le maître. Cette dame, qui prétendait entendre l'ouvrage parfaitement, et qui le trouvait sublime, ainsi que toutes les personnes qui avaient cette prétention, voulut me l'expliquer. Je me rendis chez elle, et sa première leçon, à laquelle je ne compris rien, [page 170] fut aussi la dernière. 

Elle me congédia, en me disant que j'étais trop jeune ; en effet, je n'avais pas dix-huit ans ; mais la veille, elle m'avait trouvé assez âgé pour recevoir ses leçons, et je n'avais pas rajeuni pendant la nuit. Au reste, M. de St.-M. me parut un homme fort ordinaire ; peut-être ne trouvait-il pas la société capable de l'apprécier ; peut-être aussi, ce qui est plus probable, n'étais-je pas moi-même en état. Cependant, quelques années plus tard, je le retrouvai à Paris chez cette dame, et j'en portai le même jugement, quoique je le connusse alors pour l'auteur du fameux livre. « St.-M. n'aimait que les sociétés où l'on s'occupait de bonne foi d'exercices qui annonçaient des vertus actives ; il voyait une science des esprits dans les principes de Martinez, et une science des âmes dans les visions de Swedenborg. » Je conclus de cette phrase qu'il ne voyait rien du tout. « Quant aux phénomènes du magnétisme somnambulique, il y croyait, quoiqu'il les regardât comme étant d'un ordre sensible inférieur. » Très inférieur, assurément ; au moins y croyait-il de bonne foi, et non pour gagner de l'argent, comme quelques personnes qui n'avaient que l'air d'y croire. « Il raconte que pour convaincre Bailly de l'existence d'un agent magnétique indépendant du malade, il lui cita des opérations de ce genre pratiquées sur des chevaux. Bailly lui répondit : Que savez-vous si les chevaux ne pensent pas ? » En effet, la question n'est pas facile à résoudre ; mais pourquoi ne rencontrerait-on pas quelques chevaux qui pensent, lorsqu'on rencontre tant d'hommes qui ne pensent pas ? [page 171]

St.-M. a voyagé en Allemagne [St-M. n’est jamais allé en Allemagne, à moins que l’auteur considère Strasbourg en Allemagne. St-M a vécu à Strasbourg de 1788 à 1791.], en Angleterre [Londres en janvier 1787] et en Italie [en 1774 avec Antoine Willermoz.], où il s'occupa avec ardeur de ses Recherches spirituelles, et à l'étude des ouvrages des illuminés. En 1788, il accompagna à Rome le prince Alexis Galitzine, « qui ne se croyait un homme que depuis qu'il avait connu St.-M. » Il l'a même dit à quelqu'un de ma connaissance qui se trouvait à Rome, et que cite la Biographie universelle. Cette déclaration est bien honorable pour St.-M. je ne sais si elle l'est autant pour le prince russe. Selon les auteurs, il avait été question de lui pour être gouverneur du premier dauphin ; c'eût été un triste choix. St.-M. était un fort honnête homme : c'est ce qui n'a jamais été contesté. Je suis loin d'affirmer la même chose sur tous les affiliés à ces sectes que je vais nommer, qui s'accordent sur des points que St.-M., en qualité d'honnête homme, n'aurait pas adoptés. Mais l'héritier d'un grand royaume ne doit pas être élevé par un rêveur, et St.-M. l'était dans toute l'étendue du mot. La secte qui porte son nom, celles des illuminés, de francs-maçons des hauts grades (car les gradés inférieurs sont un enfantillage), des idéologues, invention moderne, qui a formé en France des professeurs, ne comprenant pas eux-mêmes le jargon qu'ils ont adopté ; ce qui, comme l'on sait, constitue ce qu'on appelle galimatias double. Toutes ces sectes peuvent être confondues sous cette même dénomination de rêveurs. Nous savons au moins que l'idéologie ne ferme ni les portes de l'Institut, ni de la Chambre des Pairs, ce qui a bien son agrément. Dans la nomenclature des ouvrages de St.-M., les Biographes en citent qui ne [page 172] sont pas de lui, ou, au moins, que la différence de principes permet d'attribuer à d'autres.

bouton jaune  Article Saint-Martin, pages 169-172.