stebeuve causeries02Causeries du Lundi (1) de Charles-Augustin Sainte-Beuve

de l’Académie française (1804-1869)

(Tome dixième)

Paris. Garnier frères, libraires,
Palais Royal, 215 – Rue des Saints Pères, 6 - M DCCC LV

Saint-Martin - Le Philosophe inconnu

1ère partie,  pages 190-207

Présentation

Dans cet article, Sainte-Beuve nous parle de Saint-Martin en s’appuyant sur un livre du Philosophe inconnu qui a été publié en 1807 dans les Œuvres Posthumes par Nicolas Tournyer qui n’en a publié qu’une partie tronquée. Robert Amadou, dans l’introduction à la publication de Mon portrait historique et philosophique en donne une explication claire : « … Tournyer souhaite camper de Saint-Martin une image rassurante jusqu’à la banalité. Pour contredire – par Saint-Martin lui-même – la légende d’un Saint-Martin sorcier, autant que pour dissimuler certains traits authentiques du Philosophe inconnu que le brave Tournyer réprouvait, l’éditeur des Œuvres posthumes favorise une autre légende : celle d’un Saint-Martin parfaitement orthodoxe en religion, en politique et, si l’on ose dire, dans ses mœurs. Saint-Martin, selon Tournyer, devient le prédicateur de la piété. Un prédicateur, au pire sens du terme, c’est-à-dire un homme sans relief, à la personnalité faible ; et ce pêcheur morne enseigne une piété douceâtre, parce que Tournyer concevait ainsi la vie spirituelle » (1).

Selon Robert Amadou, Louis Moreau et Edme Caro ne connaissent du Portrait que les éléments publiés dans les Œuvres posthumes en 1807 (2).

Sainte-Beuve a eu la possibilité de consulter l’original du Portrait qui « des mains de la famille a passé dans celle de M. Taschereau » :

« Sans prétendre m'engager si avant, je profiterai de tout cela, et surtout d'un manuscrit autographe de Saint-Martin, que je ne crains pas d'appeler son meilleur ouvrage. Ce manuscrit intitulé Mon portrait historique et philosophique, et qui des mains de la famille a passé dans celles de M. Taschereau, à qui j'en dois communication, se compose d'une suite de pensées et de souvenirs tracés par Saint-Martin dans les dernières années, et ne s'arrête que peu avant sa mort. Ce sont ses mémoires à bâtons rompus, ses Confessions :

« Je ne me suis laissé aller, dit-il, à composer de pièces et d'idées détachées ce Recueil historique, moral et philosophique, que pour ne pas perdre les petits traits épars de mon existence ; ils n'auraient pas mérité la peine d'en faire un ouvrage en règle, et je ne donne à ce petit travail que des minutes très rares et très passagères, croyant devoir mon temps à des occupations plus importantes. Le vrai avantage qu'il me procurera, c'est de pouvoir de temps à autre me montrer à moi-même tel que j'ai été, tel que j'aurais voulu être, et tel que je l'aurais pu si j'eusse été secondé. »

Imprimé en grande partie dans le premier volume des Œuvres posthumes de Saint-Martin (1807), ce manuscrit renferme pourtant de nombreux articles encore inédits, la plupart concernant des personnes alors vivantes ; l'éditeur, par cette raison, avait dû les supprimer. Aujourd'hui, ce n'est plus que de l'histoire. En le lisant de suite, on peut se faire une idée très juste de l'homme, de ses sentiments, de ses délicatesses, de ses scrupules ou de ses ravissements de pensées, de ses petitesses aussi. Le dirai-je ? Saint-Martin, connu et abordé de la sorte, cesse tout à fait d'être dangereux ; il n'est plus même très imposant, mais il devient presque toujours plus touchant et plus aimable » (3).

Avertissement

Comme pour tous les ouvrages et articles que nous publions, nous avons mis entre crochets [..] la numérotation des pages.

Nous avons également mis entre crochets […], quand cela était possible, les références des citations du Portrait que Sainte-Beuve a citées, selon la numérotation de Robert Amadou dans l’édition Julliard de 1961.

Cet article sur Saint-Martin est tiré des Causeries du lundi, tome X, publiées à Paris en 1855, par Garnier frères, libraires, Palais Royal, 215 – Rue des Saints Pères, 6.

On peut trouver cet ouvrage

Cet article est un peu long. Nous avons pensé, pour faciliter la lecture, proposer plusieurs paragraphes en ajoutant un sous-titre entre crochets […] permettant une lecture plus agréable.

Notes

1. Louis-Claude de Saint-Martin, Mon portrait historique et philosophique (1789-1803), publié par Robert Amadou. Paris, Julliard, 1961. Introduction, page 31.

2. Idem, p. 43.

3. Sainte-Beuve, Les Causeries du lundi, Saint-Martin, pages 192-193.