Calendrier perpetuel 1839

Année 1839

Balzac - Le Lys dans la vallée
Droz –  Histoire du règne de Louis XVI – Livre IV.
Revue de Paris : Les châteaux de France.
Petit bourg, par Léon Gozlan
Revue universelle – T I 
Le livre du peuple par M. F. de La Mennais.
Tennemann, Manuel de l’histoire de la philosophie
Philip. Damiron,
Essai sur l’histoire de la philosophie en France au XIXe siècle

Balzac - Le Lys dans la vallée

1839 Balzac le lysLe lys dans la vallée
Par M. [Honoré] de Balzac
Nouvelle édition, revue et corrigée
Paris, Charpentier, libraire éditeur, 6, rue des Beaux-Arts.
1839 - http://books.google.fr/books?id=z_sFAAAAQAAJ

La première édition, en tant que livre, date de 1835 et est publiée par Larousse. Mais la première publication est celle de la Revue de Paris de novembre 1835

Extrait, page 61-62

Amie intime de la duchesse de Bourbon, madame d'Uxelles faisait partie d'une société sainte dont l'âme était monsieur Saint-Martin, né en Touraine, et surnommé le Philosophe inconnu. Les disciples de ce philosophe pratiquaient les vertus conseillées par les hautes spéculations de l'illuminisme mys[62]tique. Cette doctrine donne la clef des mondes divins, explique l'existence par des transformations où l'homme s'achemine à de sublimes destinées, libère le devoir de sa dégradation légale, applique aux peines de la vie la douceur inaltérable du quaker, et ordonne le mépris de la souffrance en inspirant je ne sais quoi de maternel pour l'ange que nous portons au ciel. C'est le stoïcisme ayant un avenir. La prière active et l'amour pur sont les éléments de cette foi qui sort du catholicisme de l'église romaine pour rentrer dans le christianisme de l'église primitive. Mademoiselle de Lenoncourt resta néanmoins au sein de l'église apostolique à laquelle sa tante fut toujours également fidèle. Rudement éprouvée par les tourmentes révolutionnaires, la marquise d'Uxelles avait pris, dans les derniers jours de sa vie, une teinte de piété passionnée qui versa dans l'âme de son enfant chéri , la lumière de l’amour céleste et l'huile de la joie intérieure, pour employer les expressions mêmes de Saint-Martin. La comtesse reçut plusieurs fois cet homme de paix et de vertueux savoir à Clochegourde après la mort de sa tante, chez laquelle il venait souvent. Saint-Martin surveilla de Clochegourde ses derniers livres imprimés à Tours chez Letourmy.

Extrait, page 124-125

[…] Elle continua, disant qu'elle avait la certitude religieuse de pouvoir aimer un frère, sans offenser ni Dieu ni les hommes ; qu'il y avait quelque douceur à faire de ce culte une image réelle de l'amour [125] divin, qui, selon son bon Saint-Martin, est la vie du monde.

Extrait, page 163

[…] Ici le génie du mal est trop visiblement le maître, et je n'ose accuser Dieu. Malheur sans remède, qui donc s'amuse à vous tisser ? Henriette et son Philosophe Inconnu auraient-ils donc raison ? leur mysticisme contiendrait-il le sens général de l'humanité !

Extrait, page 242

Ah Natalie ! oui, certaines femmes partagent ici-bas les privilèges des Esprits Angéliques, et répandent comme eux cette lumière que saint Martin, le Philosophe Inconnu , disait être intelligente, mélodieuse et parfumée.

Droz - Histoire du règne de Louis XVI

1839 hre regle louis16 t1Histoire du règne de Louis XVI pendant les années où l'on pouvait prévenir ou diriger la révolution française
par Joseph Droz, de l’Académie française et de l’Académie des sciences morales et politiques
Tome premier
Paris. Jules Renouard, éditeur, 6, rue de Tournon
1839 - http://books.google.fr/books?id=UqsFAAAAQAAJ

Livre IV.

Extrait, page 426-427 [orthographe originale]

Le gouvernement nomma des commissaires pour observer les expériences magnétiques. On remarquait parmi eux Lavoisier, Franklin, Bailly. Ce dernier fit un rapport facile à résumer dans ce peu de mots : les magnétiseurs opèrent des effets singuliers; ces effets ne résultent point d'un fluide, dont rien n'annonce l'existence, ils sont produits par les moyens mis en œuvre pour exalter l'imagination des personnes magnétisées.(1) Ce rapport causa une vive sensation ; mais la [p.427] plupart des partisans de Mesmer conservèrent leur foi à l'existence du fluide. Plusieurs étaient distingués par leur esprit, leurs talens, leur position dans le monde : on citait l’avocat général Servan, le marquis de Chastellux, Bergasse, Duport, d’Espréménil, disposé en tout à l'exaltation. Ce magistrat qui disait, M. de Cagliostro, dont l'amitié m'honore, indigné de la représentation des Docteurs modernes, vaudeville où le mesmérisme était tourné en ridicule, publia une brochure où il comparait Mesmer à Socrate en butte aux traits d'Aristophane.

Des milliers de voix parlaient de détruire les préjugés, d'anéantir la superstition ; et, à la même époque, une mysticité bizarre enfantait des ouvrages recherchés, étudiés, commentés, dans un cercle plus étendu qu'on ne le croit communément. Le Philosophe inconnu publiait ses inintelligibles écrits, qui exerçaient toutes les facultés rêveuses et patientes de ses adeptes. Ce philosophe était Saint-Martin, homme de mœurs douces et d'une tendre piété. Boufflers qui l'avait connu, disait : en l'écoutant, on partageait ses sentiments, sans comprendre ses idées. Un livre, dont le titre annonce de la folie, fut traduit en 1788, et trouva des lecteurs enthousiastes. Ce livre est intitulé : Les Merveilles du ciel et de l'enfer, et des terres planétaires et australes, par Swédemborg [sic], d'après le témoignage de ses yeux et de ses oreilles.

Note
(1) Déjà Berthollet, après avoir suivi pendant un mois les leçons de Mesmer, s'était retiré, en déclarant par écrit que la doctrine du magnétisme est une chimère, que les effets obtenus doivent être attribués à l'imagination, aux frictions sur des parties nerveuses, et à la loi d'imitation.
Le docteur Deslon que son zèle pour le magnétisme fit repousser durement par ses confrères, pensait aussi que l'imagination joue un très grand rôle dans les opérations magnétiques, qu'il n'était même pas impossible que cette faculté fût la source unique des effets produits : « Mais, disait-il, ces effets n'en sont pas moins certains, observons-les, quel qu'en soit le principe; et si la médecine d'imagination est bonne, faisons la médecine d'imagination. »

Revue de Paris - T. 6 : Petit bourg

1839 revue paris t6Revue de Paris
Nouvelle série – Année 1839
Tome sixième
Paris. Bureau de la Revue de Paris, quai Malaquais 17
1839 - http://books.google.fr/books?id=GdoIcQG2RoMC

Article : Les châteaux de France. Petit bourg, par Léon Gozlan

Extrait, pages 176-178

Ce furent ces opinions, mais passées à l'état mystique le plus éthéré, qui lièrent d'une sympathie tendre le swedenborgiste Saint-Martin et la duchesse de Bourbon. Leur intimité commença avant la révolution, la traversa malgré les distances et l'exil, et se rétablit après la grande tourmente. Le sublime métaphysicien, cet homme rare dont les écrits ne sont pas connus de cent personnes en France, et qui aura un jour une impérissable célébrité, allait répandre dans le parc silencieux de Petit-Bourg ses harmonieuses doctrines, que recueillaient le marquis de Lusignan, le maréchal de Richelieu, le chevalier de Boufflers et surtout la duchesse de Bourbon. C'est là que fut expliquée pour la première fois en France la parole apocalyptique de Jacob Bœhm. Ainsi, il était écrit que les gens de qualité faciliteraient le passage à tous les grands courants d'idées affluant de toutes parts vers Paris. Un marquis protégeait le magnétisme, des barons et des ducs allaient transformer les états-généraux en constituante, [p.177] c'est-à-dire la monarchie en république; une duchesse, un chevalier, un maréchal, se passionnaient pour les plus larges écarts de l'instinct religieux.

Parmi les milliers de formes politiques enfantées par les exubérantes imaginations de l'époque, on ne doit pas oublier celle de la duchesse de Bourbon : 1° Rendre les hommes vertueux et libres; 2° qu'ils aient tout le nécessaire pour vivre; 3° qu'il n'y ait de distinction parmi eux que celles que doivent établir la vertu, l'esprit, les talents et l'éducation ; 4° donner à chaque homme les moyens de parvenir au degré que ses facultés naturelles pourraient lui permettre; 5° qu'il y ait liberté de religion ; 6° qu'il soit honteux d'être riche et de se mettre au-dessus des autres; 7° que celui qui reçoit salaire doive obéissance à celui qui le paie; 8° que la vieillesse soit honneur pour les jeunes gens; que la convenance des cœurs dicte les mariages; 9° que tous les états soient également honorables et honorés; 10° que la loi punisse le crime sans donner la mort; 11° que les juges soient irrécusables; 12° que tous les citoyens soient nés soldats; 13° être frugal et simple; 14° pour y parvenir, que ceux qui gouvernent donnent l'exemple de toutes les vertus; 15° que le choix des magistrats soit fait par le peuple d'après une liste faite par les ministres du culte, que je suppose des êtres divins; 16° quant au mode de gouvernement , je n'ai point d'idée sur cela ; mais en mettant en vigueur les règles que je viens d'établir, il serait bon, quel qu'il puisse être (1).

Voilà ce que pensaient à l'extrême fin du XVIIIe siècle et ce qu'osaient écrire les gens de cour, une duchesse de Bourbon, une princesse de sang royal.

Soit qu'en se rapprochant de la funeste réalisation de son système, la duchesse de Bourbon finit par en comprendre les dangers, soit que Saint-Martin eût pris de plus en plus de l'empire sur ses idées, elle se renferma dans son mysticisme derrière ses beaux arbres de Petit-Bourg, d'où la révolution ne devait pas tarder à l'exiler, et tête à tête avec le grand, l'immortel illuminé d'Amboise, elle écrivit sur la religion et le monde invisible. C'est à cette série d'écrits que Saint-Martin répondait de Lyon en 1793, par la publication de son Ecce Homo ou le Nouvel Homme; réfutation aimante, tendre, pleine d'inspirations voilées, mais allant au cœur et à la persuasion par on ne sait quel chemin; c'est par ces mots, adressés comme tout le reste du livre à la duchesse de Bourbon, que Saint-Martin termine son Ecce homo: [p.178] «Ne te donne point de relâche que cette ville sainte ne soit rebâtie en toi, telle qu'elle aurait dû toujours y subsister, si le crime ne l'avait renversée, et souviens-toi que le sanctuaire invisible où notre Dieu se plaît d'être honoré, que le culte, les illuminations, qu'enfin toutes les merveilles de la Jérusalem céleste peuvent se retrouver encore aujourd'hui dans le cœur du nouvel homme, puisqu'elles y ont existé dès l'origine. »

Rien n'est plus clair que ces paroles quand on s'est un peu brisé au langage des illuminés, hommes sur lesquels le dernier mot n'a pas été dit. Ils auront encore un jour dans les siècles; mais qu'on juge de l'attachement plus qu'humain qui s'était formé entre la duchesse de Bourbon et Saint-Martin par cette réflexion du Saint Jean de l'illuminisme :

«Il y a deux êtres dans le monde en présence desquels Dieu m'a aimé; aussi, quoique l'un fût une femme (M. B.), j'ai pu les aimer tous deux aussi purement que j'aime Dieu, et par conséquent les aimer en présence de Dieu, et il n'y a que de cette manière-là que l'on doive s'aimer si l'on veut que les amitiés soient durables. » Tout est mystérieux dans la vie et dans la mort de cet homme extraordinaire. Il prédit la minute de sa mort, quoique en parfaite sauté au moment de sa prophétie; sûr de ce qui devait arriver, il alla déjeuner chez un de ses amis, ancien sénateur, causa jusqu'au dessert, puis il se leva pour se reposer dans une autre pièce; là, il s'assit dans un fauteuil, regarda le ciel et mourut. C'était le 13 octobre 1803.

Note

(1) Mémoires du comte d'Allonville.

Revue universelle – T I

1839 revue universelle t1Revue universelle
Bibliothèque de l'homme du monde et de l'homme politique au XIXe siècle
Sixième année – Tome Ier
Bruxelles, Société belge de librairie, etc. [Louis] Hauman et COMPe 
1839, http://books.google.fr/books?id=1e1aAAAAQAAJ

Littérature. Beaux-Arts. Du radicalisme évangélique.

Extrait, page 358

Le christianisme, qui est un vaste système d'idées et de passions, a toujours été sollicité par les esprits énergiques qui l'ont embrassé et soutenu, de satisfaire à la vivacité de leurs désirs et de leurs pensées, et il a toujours été en mesure, par son étendue et sa profondeur, d'offrir un aliment aux diverses inclinations des hommes puissants qui l'interrogeaient. Il a des trésors infinis de mysticisme pour nourrir les tristesses et les extases des Fénelon et des Saint-Martin ; il a un bon sens et une solidité de raison qui font prévaloir dans les affaires de la vie les Suger et les Bossuet ; il n'est pas dénué non plus de ces ardeurs enthousiastes et révolutionnaires qui poussent les Pierre l'Ermite et les Savonarola. Tout système qui veut durer parmi les hommes doit avoir cette capacité un peu inconséquente.

Tennemann – Manuel de l’histoire de la philosophie

1839 Tennemann t2Manuel de l’histoire de la philosophie
Traduit de l’allemand de Tennemann par Victor Cousin
Seconde édition, corrigée et augmentée sur la cinquième et dernière édition allemande.
Paris. Librairie de Lagrange. Quai des Augustins, n° 19.
1839, http://books.google.fr/books?id=N3s3AAAAMAAJ

§ 419 – France – Philip. Damiron, Essai sur l’histoire de la philosophie en France au XIXe siècle. Paris, 2e édit., 1828, in-8.

(Pages 358-359)

Depuis Condillac, les Français demeurèrent sous l’empire de l’empirisme. La méthode psychologique de Condillac, la physique atomistique et l’idéologie étaient les derniers termes de la philosophie française ; un style populaire et spirituel en était la forme, l’agréable et l’utile son objet ; enfin, une philosophie appliquée à la vie, accompagnée souvent de vanité et de frivolité, était le but de tout savoir.

La théosophie renouvelée par l’ingénieux [p.359] mystique Louis Claude Saint-Martin, né à Amboise en 1713 [sic], mort en 1804 [sic], traducteur de Jac. Böhm, et partisan de la secte de Martinez Pasqualis, ne convenait point à. l'esprit français (1). Au contraire, la cranioscopie de Gall et de Spurzheim y trouvèrent un accueil favorable.

Note

1. Louis Claude Saint-Martin, Des erreurs et de la vérité. Lyon, 1775, in-8. Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers. Edimb., 1782, 2 vol. in-8. De l'esprit des choses. 1800, 2 vol. in-8. L'aurore naissante. Paris, 2 vol. 1800 ; Les trois principes de l'essence divine, 2 vol. 1802 ; De la triple vie de l'homme, 1809 ; Quarante questions sur l'âme, Paris ; 1807. L'homme de désir, Lyon, 1790. Œuvres posthumes de Saint-Martin, Tours, 2 vol., 1807.