1862 Saint Albin1862 – Saint-Albin – Les Francs-Maçons

Alex. De Saint-Albin

Paris

E. Dentu, libr.-éditeur.

Palais Royal,
Galerie d’Orléans, 15 et 17.
Amb. Bray, libr.-éditeur,
Rue des Saint Pères, 66
M DCCCLXII

Deuxième classe. Pages 202-210

[page 202] Deuxième Classe.

La deuxième classe est appelée le Conseil Des Élus. Ce conseil est composé des trois chambres (formant trois grades dans l'écossisme).

La 1ère chambre est celle des Élus Des Neuf (1).

[203] La 2e est celle des Élus Des Quinze (1).

La 3e est le sanctuaire ou le conseil des Chevaliers ÉLUS (2).

En 1786, le Grand Orient de France a substitué le seul élu secret aux élus ci-dessus du rite ancien, qui présentent, dans leur légende, une suite non interrompue d'événements. Mais nous devons avouer que la fusion [204] n'a pas toujours été heureuse. Par exemple, nous venons de voir, dans l’Elu français, que l'assassin d'Hiram s'étant poignardé lui-même, le cri nekum devient ridicule, puisque, par la mort d'Hiram, la vengeance se trouve accomplie. De même, on ne peut que sourire au vaillant exploit de Johaben, qui est censé couper bravement la tête à un homme mort. Ces inconvénients, et quelques autres, n'ont pas lieu, en divisant en trois scènes le mythe de la mort d'Hiram (1).

Dans l'écossisme réformé de saint Martin, il n'y a pareillement qu'un seul élu, dont les mots sacrés sont necum, moabon (2).

Dans ce grade, le nom du récipiendaire est Gabaon (en hébreu Ghibbon, Collis (3).

En recevant ce nom, le maître contracte l'obligation de garder, dans son cœur, les secrets de l'ordre, avec autant de fidélité que les Gabaonites, réconciliés depuis avec les enfants d'Israël, en mirent à garder le dépôt qui leur était confié (4).

[page 205] La figure emblématique de la mort d'Hiram et de la vengeance qui s'en est suivie, a servi de prétexte à ceux qui, dans tous les sens possibles et même les plus opposés, ont voulu en faire usage pour décrier, avec la logique de la haine, et incriminer la Franc-maçonnerie.

Les contradictions les plus frappantes se sont rencontrées dans ces divers chocs de l'envie contre l'innocence des Maçons ; et l'on peut dire que c'est en quelque sorte à la fausse direction de tant d'armes réunies contre lui, que notre ordre a dû son triomphe et la honte de ses ennemis.

Ceci nous amène naturellement à parler de quelques ordres qui, sous l'ancienne enveloppe maçonnique, cachaient le but de leurs travaux occultes.

Il ne peut entrer dans notre sujet d'attaquer ni de disculper les Templiers des noirceurs dont les chargea l'ignorance et même la méchanceté; nous regrettons que des imputations fausses aient traîné, longtemps après elles, des souvenirs flétrissants, que les lumières de la raison n'effacent que difficilement, tant l'action de la vérité est lente et presque imparfaite sur l'esprit des hommes.

La mémoire des Templiers, quoique réhabilitée auprès des philosophes et des hommes impartiaux, est encore chargée, pour le vulgaire crédule, de ces taches indélébiles [page 206] qu'impriment, en caractères de feu, les coups hardis de l'imposture et de la calomnie. C'est cette ombre que les ennemis de la Franc-maçonnerie ont cherché vainement à évoquer contre elle; c'est dans l'hypothèse épisodique de la mort d'Hiram, une des fictions de la construction allégorique du temple de Jérusalem, que l'animosité, guidée par l'ignorance, a cru trouver, dans son aveugle délire, la preuve des prétendus crimes imputés jadis aux Francs-maçons.

D'antres hommes, se disant habiles dans l'art des rapprochements, ont retrouvé, dans le massacre d'Hiram, toutes les figures nécessaires à leurs projets.

Voici comment raisonne, sur ce grade, un sectateur du temple.

Le maître, dit-il, est indubitablement le Templier, qui, secrètement, a perpétué dans sa famille l'ordre malheureux des Templiers persécutés. Il avait, besoin d'un voile pour parvenir à rendre aux familles des autres nations leur droit héréditaire à l'ordre renversé. On trouva ce voile dans les symboles maçonniques, et l'on a comme tissé à l'histoire de ses mystères les circonstances secrètes des malheurs arrivés aux Templiers, pour la conservation et la propagation de leur ordre.

Ainsi, le Templier trouve, dans les initiales des mots sacrés des trois grades, J\ B\ M\, les noms du grand-maître de leur ordre, brûlé à Paris : Jacobus Burgundus Molay.

 II croit reconnaître, dans les trois compagnons assassins d'Hiram, Squin de Florian, Noffodeï, et l’Inconnu, sur les dépositions desquels Philippe-le-Bel accusa l'ordre devant le pape ; ou bien encore, les trois abominables, Philippe-le-Bel, Clément V et Noffode.[ Pour Nogaret ?]

[page 207] Voici, sur ce sujet, l'opinion fort raisonnable du frère Dumast, et que nous partageons.

« Le plus grand nombre des initiés-Templiers, en cessant, au quatorzième siècle, de former un ordre reconnu, rentrèrent simplement au sein de la grande famille des Maçons, qui n'avait jamais cessé d'exister (10), mais qui s'accrut et s'honora de leurs débris. Les Maçons continuèrent à se réunir dans des loges, pour y cultiver la sagesse, l'instruction et la bienfaisance. Seulement, il arriva que, menacés de temps en temps par les souverains, à qui l'on faisait craindre mal à propos de trouver en eux les vengeurs des Templiers, ils eurent moins de facilité pour correspondre et pour régulariser leurs travaux, ce qui, joint à l'ignorance épaisse du Moyen-âge, augmenta cette confusion du rite dont il a déjà été parlé. Le grade de maître élu, interprété par la prévention et la peur, contribua surtout à donner une lueur de vraisemblance aux imputations calomnieuses. Cependant, pour qu'il eût pu, même alors, prêter justement à quelque défiance, il aurait fallu deux choses : qu'il ne fût pas, comme il l'est, beaucoup plus ancien que l'ordre du Temple, et que la maîtrise, dont il forme un simple accessoire, se rapportât réellement à des faits historiques, tandis qu'elle ne tient qu'à des faits physiques et moraux (11). »

Les Maçons et les philosophes déplorent les abus du pouvoir et les crimes nés des fureurs sacrées ; mais leur antipathie contre le fanatisme n'en fait point des fanatiques. [page 208] Ils ne désirent ni ne provoquent les vengeances; mais, observateurs religieux des antiques cérémonies funèbres de l'Orient, ils célèbrent, dans leurs temples, la disparition apparente du dieu qui a les pyramides pour tombeau : l'Osiris des Egyptiens, le Memnon des Ethiopiens, le Mytras des Perses, le Bacchus grec, l'Athis de Phrygie, l'Adon de Babylone, etc., tous héros, législateurs ou princes, qui jamais n'ont existé sur la terre, quoique les peuples aient célébré leur naissance, leur passion, leur mort, et leur résurrection.

Les jésuites (j'ignore s'il en existe encore en France), n'ont pas eu moins de prétentions sur l'ordre maçonnique.

Les trois compagnons scélérats représentent, pour eux, les trois royaumes qui les ont chassés au commencement du seizième siècle, savoir : l'Angleterre, l’Ecosse et la France.

Les trois pas sont une répétition des trois vœux.

Le maître est reçu dans la chambre du milieu, et le Jésuite dans le sanctuaire, où il fait sa profession; il y meurt pour le monde. Il enjambe de l’équerre au compas, c'est-à-dire de l'obéissance au commandement.

Le tablier maçonnique est l'habit de l'ordre des jésuites. L'initiale de Jehova, et Jehova lui-même, ne signifient que jésuite.

Moins adroits ou moins heureux dans l'interprétation des trois lettres S\, F\, B\, qu'ils changent en F\, S\, P\, parce qu'ils traduisent for\, sag\, b\, par fortitudo, sapientia, pulchritudo, leur indique clairement, d'après le chiffre jésuitique, le but de la Maçonnerie, c'est-à-dire, fraternitas societatis patrum ( fraternité de la société des pères }.

[page 209] Le nombre sept indique les sept ordres, ordinations de la prêtrise indispensables pour entrer dans l'Ordre des Jésuites.

La lettre G\ au milieu de l'étoile flamboyante représente le Général des Jésuites ou le général de l'ordre. Ordre et univers étaient synonymes, parce que l'ordre jésuitique devait gouverner l'univers. On dit ensuite l'univers pour l'ordre, parce que le monde entier fourmille de Maçons dédiés à saint Jean, et que ces Maçons innombrables sont des esclaves enchaînés par les Jésuites, des pierres brutes qu'ils voulaient tailler. Ainsi, pour exprimer l'assemblage de toutes les loges, ils disaient allégoriquement l'univers, comme on dit, à Paris, l'université, pour exprimer la réunion de tous les collèges parisiens.

Le soleil est l'ordre des Jésuites ; il a neuf rayons, pour exprimer les neuf fondateurs de l'ordre.

La lune est l'ordre des Francs-maçons ; elle tire sa lumière du soleil, c'est-à-dire de la société des Jésuites.

Disons un mot de cette milice des papes (12), milice indocile, qui finit par se rendre suspecte à ses maîtres, parce qu'ils découvrirent en elle le dessein caché de la monarchie universelle (13).

Dans le moment qu'une branche du système maçonnique avait produit la réformation, fille de la renaissance des lumières, à laquelle il n'était plus possible de s'opposer, s'éleva un homme hardi, soldat de profession, Ignace Loyola, qui forma une société tournée à soutenir les usurpations et l'opinion de l'infaillibilité des [page 210] papes contre les réformés…

Notes

(1) « ... De tous les grades de l'écossisme, le neuvième est celui qui doit inspirer le plus de défiance à tout investigateur de bonne foi... Avant d'assigner son origine plus que probable, nous devons nous assurer d'abord s'il dérive directement de l'initiation, ou si, par une imitation insidieuse, on ne l'a pas intercalé pour faire abhorrer l'initiation. (F\ Vassal, p. 306.)

« Ce grade a pour titre Maître élu des neuf, et le cahier est loin de justifier ce titre, car à peine a-t-on parcouru quelques pages, que l'historique nous apprend que Salomon choisit quinze maîtres au lieu de neuf.

« ... Ce grade ne paraît basé que sur la dissimulation, l'astuce et sur des représailles plus ou moins fondées, mais non autorisées. (Ibidem, p. 343.)

« Le grade d'élu n'appartient point à l'initiation primitive, attendu que c'est un grade de sectes et de partis, tandis que l'initiation est universelle et qu'elle n'a jamais intenté la vengeance... Le rite écossais a eu tort de l'admettre, attendu qu'il est en dehors de l'initiation, puisqu'il n'en est qu'une imitation (a), d'où nous concluons que l'élu ne doit plus figurer [203] parmi les grades maçonniques que comme grade historique, et que le Grand Orient doit interdire aux chapitres de conférer un grade qui flétrirait et ferait abhorrer l'initiation (b). »

(a) Etrange naïveté du frère Vassal, qui n'ignorait pas que les hauts grades n'ont été qu'une Maçonnerie appliquée par des chefs de secte pour voiler un but devenu irréalisable aujourd'hui.

(b) Détrompez-vous ; ôtez le but templier, ou autre but profane, à certains grades de l'écossisme, et vous rentrerez dans la voie initiatique indiquée dans le rite français.

(2) On trouve cette assertion étrange du frère Vassal en tête au compte qu'il rend de ce grade :

« Quoique l'histoire d'Hiram soit tout allégorique, les auteurs des cahiers de l'écossisme se sont figuré qu'elle était positive, et la plupart des grades capitulaires ne sont que les développements de cette histoire. » (p. 321.),

Cet auteur ajoute, à la page suivante :

« Les auteurs du système de l'écossisme, en établissant l'historique de chaque grade, ne prévirent pas que tôt ou lard quelqu'un s'occuperait sérieusement de leur système, et que, pour arriver à la vérité, on compulserait les annales du monde pour y vérifier l'exactitude des faits qu'ils consignaient, et qui devraient se trouver dans l'histoire positive... Eh bien! l'histoire prouve que l'historique de ce grade est matériellement faux… »

«.... La doctrine semble prouver qu'il a été tiré du Pentateuque. (Ibid., p. 324.) »

(3) «.... Ce grade renferme un seul point de morale et aucune instruction; c'est assez vous faire pressentir d'avance sa presque nullité... C'est encore à l'inépuisable Salomon qu'on attribue l'institution de ce degré; on dirait qu'il a consacré sa vie entière à créer des grades, et que l'initiation fut son unique occupation. » (F.-. Vassal, p. 326.)

« Il n’est pas même jusqu'au titre du grade qui ne décèle l'ignorance de son auteur; en effet, ce grade est intitulé Sublime Chevalier élu; voilà donc que l'on fait créer des chevaliers par Salomon, tandis que l'origine de la chevalerie ne remonte qu'an milieu du huitième siècle de l'ère vulgaire. » (Ibid., p. 329.)

«.... D'où nous concluons que ce grade doit disparaître de la catégorie qui compose le rite écossais...» (Ibid., p. 330.)

(4) Alors la Maçonnerie, aux yeux exercés du Maçon instruit et zélé, présentait des altérations progressives qui tendaient à la faire dévier de sa brillante origine et de la pureté de son but.

« Ce furent ces vérités fortement senties qui provoquèrent le convent des Gaules en 1778, de Williams Bad, en 1782, de Paris en 1785, 86 et 87; leurs travaux et leurs résultats indiquent le but auquel il faut tendre, et les changements à opérer pour y parvenir. » (Miroir de la Vérité, tom. Il, p. 293.)

(5) Ce dernier mot a été la parole primitive de maître. Voir son explication, p. 170.

(6) Alors la Maçonnerie, aux yeux exercés du Maçon instruit et zélé, présentait des altérations progressives qui tendaient à la faire dévier de sa brillante origine et de la pureté de son but.

« Ce furent ces vérités fortement senties qui provoquèrent le convent des Gaules en 1778, de Williams Bad, en 1782, de Paris en 1785, 86 et 87; leurs travaux et leurs résultats indiquent le but auquel il faut tendre, et les changements à opérer pour y parvenir. » (Miroir de la Vérité, tom. Il, p. 293.)

(7) Ce dernier mot a été la parole primitive de maître. Voir son explication, p. 170.

(8) On sait que le tabernacle que Moïse avait construit dans le désert, par ordre du Seigneur, après avoir été déposé successivement à Ghilgal, à Schilo, à Nob, le fut, à la mort de Samuel, dans la ville de Gabaon, dont Josué avait autrefois réduit en servitude les habitants. Il y resta jusqu'au temps de Salomon. (Paralipomènes, l. II, c. 1, v. 3.)

(9) Si nous voulons examiner les noms donnés aux trois principaux élus, nous y trouvons la plus grande confusion ; ce sont tantôt : Sterkin on Stolckin, Zéomet, Eléham; tantôt : Johaben ou Johabert, Elechior, Tercy ; tantôt : Toffet (de thopel, ruina), Tabaor (tebuch, occisio), Edom (sanguineus).

Le nom du premier des neuf maîtres envoyés à la recherche du meurtrier, est Jahaben. Il y a lieu de croire, dit Delaulnaye, qu'au lieu de ce mot il faut lire Jabin ou Habin, qui signifient intelligent; moins qu'on ait voulu faire allusion à l'intrépidité de Joab, fils de Sarvia, que son oncle David chargeait des expéditions les plus périlleuses, avant que l'ambition ait porté ce général à s'écarter de son devoir. (Rois, I. II, c. II ; Paralipomènes, 1,1, VI, XVIII.)

(10) Jacques lord Steward reçut dans sa Loge, à Kilwin en Ecosse, dans l'année 1286, les comtes de Glocester et d'Ulster, l'un Anglais et l'autre Irlandais.

(11) Page 151 du poème.

(12) Dans plusieurs actes, l'ordre du Temple est appelé milice de Salomon.

(13) Arnaud, Nouvelle Hérésie des Jésuites

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