1900 – La grande encyclopédie – T 29
La grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts par une société de savants et de gens de lettres.
Sous la dir. de MM. Berthelot,... Hartwig Derenbourg,... F.-Camille Dreyfus,... A. Giry,... [et al.]
Tome vingt-neuvième
accompagné de dix cartes en couleurs hors texte.
SAAVERA - SIGILLAIRES
Paris
Société anonyme de La Grande encyclopédie.
61, rue de Rennes
Date d'édition : 1885-1902.
Article Saint-Martin, p.222-223
SAINT-MARTIN (Louis-Claude de), théosophe, surnommé le Philosophe inconnu, né à Amboise en 1743, [page 224] mort en 1803. Il était avocat à Tours, lorsqu'il se décida à suivre la carrière militaire. Il entra dans le régiment de Foix, qui tenait garnison à Bordeaux. Martinez Pasqualis (V. ce nom) avait introduit dans la loge maçonnique de cette ville un rite des Elus dits Cohens ; Saint-Martin s'y fit initier. Puis trouvant la discipline de Martinez trop matérialisée en ses pratiques théurgiques, il s'en dégagea, n'en gardant que la doctrine relative aux lois des nombres, desquelles il résulte que l'homme est indestructible, parce que son principe générateur, émanant de l'unité, est l'unité même ; tandis que la matière doit être détruite, parce qu'elle n'est que le produit d'un principe secondaire. D'ailleurs, la nature indique qu'il n'y a que trois éléments la terre, l'eau, le feu ; dans les corps, trois dimensions seulement ; dans la géométrie, trois figures ; dans l'être, trois facultés innées pour l'homme, trois modes d'expiation. En un mot, dans les choses créées il n'y a rien au-dessus du nombre trois. Voilà pourquoi le monde doit périr. Au lieu du ternaire, la perfection serait dans le quaternaire universel. Si les corps étaient formés de quatre éléments, ils seraient indestructibles, et le monde serait éternel. Pour le reste, Saint-Martin se sentit attiré vers les révélations de Swedenborg, qui lui montraient un monde sentimental ; et il travailla à s'élever lui-même jusqu'au degré qu'il appelait le SPIRITUALISME. Il avait quitté le service militaire en 1771. Son premier livre fut imprimé en 1775, sous le titre Des Erreurs et de la Vérité ou les hommes rappelés ait principe de la science (Edimbourg, in-8). Il présente déjà les traits principaux de la doctrine de Saint-Martin la source d'où découlent perpétuellement les erreurs, c'est le matérialisme, qui s'efforce de s'élever à la connaissance de Dieu par l'étude des choses sensibles ; effort qui fait perdre le contact avec ce qui, par son essence, échappe nécessairement au domaine des sens. En effet, on ne peut point trouver la réalité dans l'apparence, ni l'immatérialité dans des corps. Le principe universel de la connaissance qui doit relever de leur déchéance la nature et l'homme, c'est Dieu. Malgré leur déchéance, l'homme et la nature ont conservé leur unité originelle, l'homme pouvant toujours contempler en lui-même son principe divin. Il doit donc chercher la raison des choses sensibles dans le principe, et non le principe dans les choses sensibles. A cet ordre d'idées appartiennent encore les ouvrages suivants Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers (1782); l'Homme du désir (1790). Dès 1788, Saint-Martin avait appris l'allemand, pour lire Bœhme (V. ce nom). Il finit par s'éprendre des idées de ce mystique visionnaire, dont il traduisit plusieurs ouvrages. Son Nouvel Homme (1792) atteste cette évolution. Sa doctrine avait trouvé des disciples zélés parmi plusieurs membres de la haute aristocratie : les dames de Lusignan, de Noailles, le prince de Galitzin et d'autres. Arrêté comme aristocrate, il fut sauvé par le mouvement du 9 thermidor. On l'envoya à Amboise cataloguer les bibliothèques du couvent. Outre les œuvres de Saint-Martin déjà citées, nous croyons devoir rappeler quelques autres Lettres à un ami ou Considérations politiques, philosophiques et religieuses sur la Révolution française (1795, in-8) Ecce Homo, contre la superstition ; l'Esprit des choses (1800) ; Ministère de l’homme-Esprit (1802) ; Œuvres posthumes (Tours, 1807) ; Correspondance (Paris, 1862, 2 vol. in-8).
E.-H. VOLLET.
Bibl. : Gence, Notice biographique sur Louis-Claude de Saint-Martin ou le Philosophe inconnu Paris, 1824. L. Moreau, Réflexions sur les idées de L.-C. de Saint-Martin le théosophe, suivies des fragments d'une correspondance entre Saint-Martin et Kirchenberger Paris, 1850. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t X. Caro, Essai sur la vie et la doctrine de Saint-Martin; Paris, 1852, in-8 Schauer, Correspondance inédite de Saint-Martin; Paris, 1862. MATTER, Saint-Martin, le Philosophe inconnu; Paris, 1862.
Source : Gallica - BnF : 1900 – La grande encyclopédie – T 29 : Article Saint-Martin, pages 222-223