traite priereVI. Comparaison Balzac et Saint-Martin - 1ère partie 

1. Le Traité de la prière

2. Louis Lambert

3. Les proscrits

 

Source de l’image :  P. Berthault, Traité de la Prière d'Honoré de Balzac,

VI. Comparaison Balzac et Saint-Martin - 1ère partie 

1. Le Traité de la prière

Balzac a esquissé un Traité de la prière en 1824 qui ne fut jamais terminé. Philippe Bertault, en complément de sa thèse de doctorat en lettres, l’a publié en 1942 avec une longue introduction ([1]). Le propos de Balzac, ici, est purement philosophique (p. 95) dont le principe est

« qu’il est en l’homme, une certaine disposition de l’âme, qui le rend capable de jouir d’un plaisir inconnu à beaucoup d’êtres, mal organisés ou bien organisés, nous ne discuterons pas la question, et que ce plaisir, donné par la prière méditative est d’une telle vivacité, d’une telle immensité que les êtres disposés au sublime s’y sont dévoués tout entiers » (p.101-102).

Dans cet ouvrage, P. Bertault compare un extrait du Traité de la prière de Balzac avec un extrait de l’Homme de désir :

Traité de la prière, pp. 43 et 109. l’Homme de désir, chant 46.

… et ton âme franchissant les espaces ouvrait la porte des cieux, marchait sur les parvis et assistait à la fête de ces deux âmes de retour dans les cieux, leur première partie, et, en voyant le sourire des anges, qui tressaillaient d’amour à l’aspect du mélange de ces deux âmes mille fois heureuses, tu disais : ô mon père….

Comment aurais-tu pu penser à la terre en planant parmi les torrents de lumière de l’Eden, en respirant d’avance l’odeur de ces roses éternelles, en écoutant les voix des harpes célestes, en voyant de tes yeux s’agiter les plumes des anges et briller les étincelles de leurs auréoles et mêlant tes discours aux discours pleins d’amour qui forment leurs concerts.

[...] O mon père, que je puisse parcourir la ligne radieuse que parcourt le soleil….

 

 







Mais suivant rapidement la ligne de l’infini, où elle a puisé sa naissance, elle s’élevait vers le sommet des cieux et tendait sans la moindre déviation, vers ce centre unique qui, siégeant de toute éternité au rang suprême, ne pourra jamais décliner, ni descendre de ce trône vivant, où il n’a jamais eu besoin de monter (v.24).

 

 

 

 

[…] je voyais l’âme humaine s’élever, comme le soleil radieux sort du sein des ondes (v.22).

A mesure que l’âme humaine parcourait les degrés de cette ligne infinie, je voyais les puissances des régions s’approcher d’elle, la soutenir de leurs ailes… (v.25). […] tracer sur elle, avec leurs mains de feu, l’attestation authentique de son initiation… (v.26).

Après être parvenue au dernier degré de cette ligne de vie, je la voyais prendre sa place sous les portiques de la sainte Jérusalem… (v.27).

Ce texte de Balzac fait allusion aux Méditations sur le Pater de sainte Thérèse d’Avila ([2]).

P. Bertault ajoute en note :

« On remarque ici quelque similitude de l’homme-esprit vers l’unité divine :
« Réjouissez-vous, régions sacrées, voici les saints cantiques qui se préparent, voici les harpes pures qui s’avancent ; réjouissez-vous, les hymnes divins vont commencer ; réjouissez-vous, il y a si longtemps que vous ne les avez entendus ! Le chantre choisi vous est enfin rendu, l’homme va entonner les chants de la jubilation, il n’y a plus d’obstacles qui puissent retenir sa voix ; il vient de dissoudre, de démolir et d’embraser tout ce qui servait d’obstacle à sa prière. Dieu de paix soit béni à jamais. Amen » ([3]).

Dans ce Traité de la prière qui est resté à l’état d’esquisse, Balzac emprunte à Saint-Martin la notion de sublime. Pour le Philosophe inconnu, il existe sept sortes de sublime :

« Le sublime, c’est Dieu, et tout ce qui nous met en rapport avec lui. Le sublime, c’est Dieu, parce que Dieu est le plus grand et le plus élevé des êtres.
Tout ce qui tient à sa sagesse vivante et sacrée a sur nous un empire irrésistible. Toutes les vertus, tous les sentiments estimables, toutes les lumières de l’esprit sont autant de rayons de cet éternel et impérissable soleil.
Un autre être nous offre tous les genres de sublime :

Le sublime de l’intelligence et du discernement ;
Le sublime de la douceur et de l’amour ;
Le sublime de l’héroïsme et du courage ;
Le sublime de l’éloquence et de la logique ;
Le sublime de la sainteté et de la prière ;
Le sublime de la charité et du dévouement » ([4]).

Balzac ne retient que deux sublimes dans son Traité : « Le sublime de la sainteté et de la prière » et « Le sublime de la charité et du dévouement » :

« Or dans la religion, il réside deux espèces de sublime. Le sublime qu’offre la partie agissante d’une vie religieuse… […] A côté de ce sublime d’une vie chrétienne, marche le sublime de la vie contemplative : la prière ! […] la prière méditative est d’une telle vivacité que les êtres disposés au sublime s’y sont tous dévoués. […] La prière envisagée comme nous allons l’exposer, fait disparaître le vice provenu des hommes et rendra aux âmes amoureuses des choses célestes et sublimes un des grands véhicules de l’âme vers les célestes régions, et la religion catholique devra recevoir un nouveau lustre de cette doctrine large et magnifique dans ses effets. » (pp. 91-92, 94, 102 et 111.)

P. Bertault ajoute en note :

« En fait, par les exemples alléguée ici, il rassemble dans la religion le sublime de la douceur et de l’amour ; le sublime de l’héroïsme et du courage dans celui de la charité » ([5]).

Ajoutons une autre correspondance entre nos deux auteurs, que P. Bertaut relève : il s’agit de l’expression « Eden » que l’on retrouve dans le Traité de la prière :

« Comment aurais-tu pu penser à la terre en planant parmi les torrents de lumière de l’Eden » (p. 109).

Dans l’Homme de désir, on trouve 3 fois ce mot :

« Mais les arbres d’Eden sont descendus avec moi jusqu’aux lieux les plus profonds de la terre. Ils me ramèneront à la région de l’air libre et pur » (c.25, v.8).

« La fève des arbres d’Eden opérera pour moi toutes ces merveilles. Elle est la lumière, elle est la vie. Elle mettra sous mes yeux tous les tableaux de l’histoire naturelle de l’homme » (idem, v.11).

« Ne dites point que vous n’avez point d’huile ; les champs sont remplis d’oliviers, et vous-mêmes pouvez vous regarder comme les cultivateurs du jardin d’Eden » (c.98, v.9).

Une lecture attentive de Séraphita, montre que le véritable Traité de la prière dont Balzac avait esquissé les premiers éléments dès 1818, se trouve dans la sixième partie, Le chemin pour aller à Dieu. Et Balzac ne peut pas être plus clair :

« Séraphita ! Là sera le grand coup, là je recevrai les froides plaisanteries du Parisien, mais là j’aurai frappé au cœur de tous les êtres privilégiés. Il y a un traité de la prière, intitulé : le Chemin pour aller à Dieu, où sont les dernières paroles de l’ange ; qui donne envie de vivre par l’âme. Ces idées mystiques m’ont envahi. […] On ne fait Séraphita qu’une fois dans sa vie » ([6]).

2. Louis Lambert

LM, p. 348 – Bruxelles, p. 199 – PL, p. 691. L’Homme de désir, c.152, p. 225.
L’Unité a été le point de départ de tout ce qui fut produit, il en est résulté des Composés, mais la fin doit être identique au commencement. De là cette formule spirituelle : Unité composée, Unité variable, Unité fixe. L’univers est donc la variété dans l’unité. Le Mouvement est le moyen, le Nombre est le résultat. La fin est le retour de toutes choses à l’unité qui est Dieu. v.1 - Unité fixe, unité variable, unité composée : voilà les trois quaternaires qui embrassent l’universalité des êtres.

3. Les proscrits

LM, p. 45-46 – Bruxelles, p. 236. L’Homme de désir, c.68, p. 119.
« Selon lui [le docteur] la parole divine nourrissait la Parole spirituelle, la Parole spirituelle nourrissait la Parole animée, la Parole animée nourrissait la Parole animale, la Parole animale nourrissait la Parole végétale, et la Parole végétale exprimait la vie de la Parole stérile ».





v.8 - La parole divine nourrit la parole spirituelle. La parole spirituelle nourrit la parole animée. La parole animée nourrit la parole animale. La parole animale nourrit la parole végétale. La parole végétale nourrit la parole stérile.

v.9 - Mais fuis cette parole stérile, si tu ne veux pas être dévoré par la parole morte ; car le cercle se ferme là, pour abréger ton séjour dans les déserts et te ramener dans la ligne de la vie.


Notes

[2] Sainte Thérèse d’Avila, Œuvres de Sainte Thérèse divisées en deux parties. Traduction d’Arnaud d’Andilly. Paris, Pierre le Petit, 1671 ; Les Méditations sur le Pater pour s’en servir durant les sept jours de la semaine, se trouvent dans le tome second, pp. 661-682 (164-185). Dans ce petit abrégé, distribué pour les sept jours de la semaine, la sainte explique une demande du Pater par jour; et elle considère le Seigneur sous les divers rapports de père, de roi, d'époux, de rédempteur, de médecin et de juge.

[3] L.-C. de Saint-Martin, Le Ministère de l’homme-esprit, Paris, Migneret, an XI – 1802, pp. 463-464.

[4] Saint-Martin, L’Homme de désir, op. cit., chant 166, versets 6, 7, 13, pp. 243-244.

[5] P. Bertault, Traité, op. cit., p. 91, note 4.

[6] H. de Balzac, Lettres à l’étrangère, op.cit., 11 mars 1835, p. 238. Voir supra, La prière, p. 22 et sq.