la_verite_lyon_1865-05-28_sm04Dans la série Les précurseurs du spiritisme : Saint-Martin - 4e article

La Vérité - Journal du Spiritisme, paraissant tous les dimanches - Bureaux à Lyon, rue de la Charité, 48 - Troisième année – n° 14 – Dimanche, 28 mai 1865 - Pages 54-55 - (4e article. — Voir le dernier numéro.)

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Voici quelles sont à cet égard les raisons du théosophe : L'astral, selon lui, est, ainsi que nous l'ayons dit, le monde mauvais et ténébreux ; et qu'entend-il par l'astral ? La terre et son tourbillon inférieur de globes dégradés, plus ou moins adonnés au mal, et la terre ou son tourbillon fournissent la grande majorité des Esprits qui se communiquent. Qu'y a-t-il donc d'étonnant à ce qu'il se défie souverainement des manifestations sensibles et physiques, obtenues dans l'école de Martinez Pasqualis, et dans les autres sectes d'illuminés ? Parmi ces Esprits il y en a d’étrangers à la terre, mais du même ordre, c'est-à-dire pervers et infimes, non régénérés. On ne peut placer en eux sa confiance. Quant aux morts qui nous ont précédés, on ne saurait, sauf de rares exceptions, avoir une foi sans réserve dans leurs manifestations ; car ils sont venus ici-bas habillés d'astral, c'est-à-dire pour des épreuves et des expiations, et, à part ceux qui en ont héroïquement triomphé, après leur transformation, ils ont encore emporté trop d'astral.

 

Saint-Martin, d'accord avec son maitre Martinez Pasqualis, divise les habitants de notre planète en majeurs et mineurs, en aînés et cadets. Les majeurs et les aînés sont des membres d'humanités supérieures, qui ont consenti par amour et par dévouement à prendre un corps dans notre séjour infime, pour y remplir des missions d'enseignement ou de charité; mais ils sont en très petit nombre, et ce sont les grands hommes de l'humanité. Le commun des hommes terrestres est composé de mineurs et de cadets. Quels résultats peut donc produire le spiritisme de ces Esprits élémentaires ? Le mieux qu'on a à en attendre c'est la médiocrité, mais souvent la perversité, sans compter le danger des possessions et des obsessions.

 

Il est vrai que Saint-Martin vivait au siècle précédent, que le monde spirituel a dû s'améliorer depuis ; amélioration certaine, si nous considérons que Dieu a permis formellement aux Esprits de toute espèce de se manifester à nous vers 1850, dans toutes les parties du globe ; les a reçus en quelque sorte comme auxiliaires à ses desseins éternels sur nous, tout en respectant le libre arbitre des pervers paralysé seulement par l'influence des bons. Philaléthès a fait ressortir dans plusieurs articles de la 1re année (Légitimité du spiritisme. — Foi nouvelle) l'importance de cette permission non plus secrète et obscure comme par le passé, mais générale et universelle. Il a démontré que de là datait une ère nouvelle pour l'humanité ; mais il faut convenir que Saint-Martin, il y a un siècle, n'avait pas tort de recommander sur l'évocation des Esprits ordinaires les plus grandes réserves qui sont encore de mise aujourd'hui, et qu'Allan Kardec, l'auteur le plus accrédité en spiritisme, préconise même de nos jours dans divers passages de ses excellents traités. Il ne faut donc pas trop se hâter de condamner la répugnance de Saint-Martin, et de mépriser ses conseils. Il montre plus de bon sens qu'Eliphas Lévy niant la communication des morts avec les vivants, l'attribuant à des illusions de la lumière astrale, ou que son élève Louis Michel qui l'explique par l'intervention des Esprits de la lune, ou des satellites reproduisant en faussaires consommés les traits, les allures, les habitudes, le langage et jusqu'à l'écriture des défunts.

 

Saint-Martin écrit en effet à Liebisdorf (21e lettre) : « Ne croyez pas que je sois insensible à tout ce que vous me dites sur la convenance harmonieuse des rapports de ce monde (des défunts) avec le nôtre; seulement je vous répète qu'il y a beaucoup d'illusions à craindre. » Dans une des suivantes, il dit : « J'ai connu une jeune ouvrière de 19 ans qui n'avait que son travail pour vivre, et qui a été préservée du mal et des séductions dangereuses de riches désœuvrés, par l'âme de son père défunt, intervenant pour lui donner des conseils, et renforçant l'agent d'en haut. » Saint-Martin entend sans doute par cette expression l'ange gardien auquel il croyait. .Ainsi il n'a garde de méconnaitre, comme quelques sophistes de nos jours, les beautés et les splendeurs de la communion des vivants et [55] des trépassés. C'est là ce qui constitue la grandeur morale du spiritisme.

 

Ce qu'il ne rejette aucunement d'ailleurs, c'est la possibilité pour les purs de communiquer avec les vertus supérieures, les agents célestes. Comment l'aurait-il nié, puisqu'elle éclate en lui ? Il se considère comme favorisé plus particulièrement du ciel. Il se nomme diviniste; non seulement il sert Dieu, mais il sert à Dieu, c'est un majeur, un ainé parmi les mineurs et les cadets; il est venu ici-bas avec une dispense, il n'a presque rien d'astral en sa personne, sa mission est d'instruire les autres et de leur crier Dieu. Il parle toujours de cette mission en termes élevés et convaincus ; maintes fois dans sa correspondance il fait mention de ses objets, et par ce terme il comprend les œuvres d'enseignement et d'exemple qu'il accomplit sur la terre.

 

Après ces explications préliminaires, indispensables pour la suite de ces études, nous allons reproduire in extenso une lettre capitale sur les manifestations spirites au XVIIIe siècle ; cette lettre, extraite de la correspondance inédite de Saint-Martin, jette une vive lumière sur le spiritisme de l'époque ; nous la rapporterons en la faisant suivre des réflexions de M. Matter et de nos observations personnelles. Quoique fort longue, nous n'en retrancherons rien, à cause de son importance dans l'histoire de nos doctrines, et nous l'insérerons textuellement.

A. P.

(La suite au prochain numéro).