1901.Les Partisans1901 - Les Partisans - L'Œuvre Martiniste

Revue de combat, d'art, de littérature et de sociologie,
bi-mensuelle illustrée
Sous la direction de MM. Paul Ferniot et Paul-Redonnel

La Maison d'art
Paris

20 janvier 1901, n° 6, pages 274-276

L'Œuvre Martiniste par R. SAINTE MARIE

Voilà qu'en cette fin du dix-huitième siècle après que les philosophes, les encyclopédistes, les illuminés vengeurs du temple ont jeté les ferments qui feront la mort de la vieille société ; après que théistes, panthéistes et sceptiques ont posé les bases de cette Babel dont le septième degré sera matérialiste, voilà qu'un petit officier vient de Bordeaux pour renouveler le monde.

1901.Les Partisans.oeuvre.martinistePendant qu'il exerçait là-bas la nonchalance du métier où son rang l'avait mis, il a connu cet homme étrange, Martines de Pasqually. Qui dira les entretiens du maître et de l'élève ? Quelles secrètes conversations furent les leurs ? Et quelle extraordinaire vision, celui qui savait appeler les êtres de l'au-delà, déroula-t-il aux yeux éblouis du jeune Louis-Claude de Saint-Martin ? Héritier et adaptateur des doctrines Swedenborgiennes, Martines se reliait à l'immense chaîne d'ininterrompue tradition qui unit les noms de Ram et de Krishna, à ceux de Moïse et d'Orphée, pour, avec le rayon vital du Dieu Incarné, aboutir à l'initiation Christique, Saint-Paul et Saint-Jean, Valentin, les Voyants mystiques, puis les Rose-Croix, Boehme et Swedenborg. Et sur la parole de ce maître, ce jeune homme qui commandait à vingt-deux ans, jugea qu'il lui fallait servir sous un autre drapeau, une autre patrie plus grande que la France.

Il est un axiome dans l'œuvre mystique, duquel sourd la plus considérable des forces c'est que toute œuvre doit être accomplie en esprit de patience. Détache-toi du fruit de l'acte. Ne considère point le but et le terme, mais l'effort actuel, disaient avant les Rose-Croix, les métaphysiciens hindous. Ce fut semble-t-il l'effort suprême de Louis-Claude, d'accepter sans douleur que ces graines qu'il a profusément lancées, la plupart, dussent germer bien un siècle après sa mort.

Je ne veux point insister sur l'action du maître. D'autres l'ont fait moins compendieusement. Et, d'ailleurs la fleur n'explique-t-elle point la racine ? L'arbre bon, a dit Ruysbrœck, est démontré par les bons fruits.

Quatre-vingts ans ont passé et voici que l'œuvre admirable, du silence où elle s'était enfouie ressuscite a la lumière du grand jour. C'est [page 275] une chose étrange pour l'observateur impartial que cette surrection immense. En quinze ans la Terre tout entière, je puis le dire, apprend la bonne nouvelle martiniste. Tous les pays d'Europe, l'Amérique, du nord au sud, élèvent une germination spontanée, les fleurs vivaces de l'Initiation. N'est-ce point la preuve qu'agit une volonté plus haute que de la terre, cette levée subite de milliers et de milliers de Martinistes s'avançant de toutes parts, hérauts et messagers du Maître divin.

1901.lcsm.les partisansIci nommerai-je, citerai-je surtout le chef admirable, haï, méprisé, calomnié, et qu'entoure aussi la plus énorme des amitiés, l'affection comme d'un peuple. Un fou disent les uns, un sorcier, un charlatan reprennent les autres. Mais un chœur immense dirai-je un cœur, répond « Nous l'aimons. L'amitié triomphe de toutes les haines. » Et la théorie, qui l'accompagne de ses frères Sédir, Rozier, Marc Haven et tant d'autres, si j'essayais leur louange, ne me reprocheraient-ils point [page 276] d'oublier que le titre d'Inconnus leur est trop cher pour que d'inutiles gratulations les en viennent priver.

Qu'est-ce donc que ce Martinisme dont l'essor excite autour de lui tant de curiosité. Certes, il faut peu de mots pour le dire. La porte d'un palais est prompte à s'ouvrir, qui laissera voir la longue suite des salles. Il est deux maîtres entre lesquels l'homme doit choisir. Laissant de côté le prince de ce monde, le Martinisme a voulu se vouer au Christ. En dehors de tout clergé, il est comme la chevalerie laïque de l'Homme Dieu. Et son but est bref à expliquer développer en ceux qui viennent à lui, le cœur et les sentiments pour qu'ils soient aptes à recevoir la véritable initiation et à y faire participer les autres. Ses moyens d'action sont immenses la pauvreté~ le silence, la patience et la foi. Comme il s'est soumis au Christ, il attend ses ordres, et les ordres viennent et le pouvoir vient aussi de les accomplir. Car, c'est une assurance formelle qu'il a reçue, d'être guidé par l'Ineffable Justice, à laquelle le rattache la chaîne des maîtres invisibles.

Aussi bien je n'ignore pas que voilà d'étranges assertions. Le nom d'illuminé a pris aujourd'hui une signification bien spéciale et de tels dires ne semblent pas faits pour remédier à ce fâcheux synonimat. Mais en toutes choses, l'expérience personnelle est seule probante. Citer des faits, apporter des témoignages à quoi bon ? Le raisonnement ne crée point la conviction. Le temps seul peut conclure et Dieu, en qui croient les Martinistes, est le maître du Temps. Ceux qui voudront voir verront, ceux qui frapperont pourront entrer. A tous les hommes de bonne volonté le Martinisme ouvre ses portes et, comme présent de bienvenue il leur donnera celui le plus précieux au milieu des tourments, des infortunes et des maux, la Paix du Cœur.

R. SAINTE MARIE

bouton jaune Source gallica.bnf.fr / BnF : 1901 - Les Partisans - L'Œuvre Martiniste, par R. Sainte-Marie