1920.Eon.revue spiritualiste copie1920 – ÉON - Le Martinisme

ÉON

Revue spiritualiste

Fondateur D. P. Semelas

N° 1 – 1er décembre 1920

Directeur : R. Well

Le Martinisme, pages 6-7

Dans les dernières années avant la guerre, le docteur Encausse, connu sous le pseudonyme de Papus, fut, comme président du Suprême Conseil de l'Ordre Martiniste, le promoteur d'un fort mouvement spiritualiste.

Dans les dernières années avant la guerre, le docteur Encausse, connu sous le pseudonyme de Papus, fut, comme président du Suprême Conseil de l'Ordre Martiniste, le promoteur d'un fort mouvement spiritualiste.

Papus mourut en 1916, et l'on cessa dès ce moment d'être au courant des travaux de son école. La Revue l’Initiation ne parut plus et un silence absolu se produisit subitement, laissant ainsi supposer que l'Ordre Martiniste rayonnant de Papus avait été emporté dans la tombe avec lui.

Ayant appris dernièrement que quelques-uns de ses disciples et amis essayaient de reprendre les travaux de leur maître défunt, je me rendis au siège de l'Association des Amis de Claude de Saint-Martin, 31 bis, avenue de la République, Paris, et priai le président de l'Association, M. Gaston Dupré, de vouloir bien m'exposer l'état actuel du Martinisme :

— Le Martinisme, me dit-il, est, si je puis dire, plus vivace que jamais ; car si, pendant cinq ans, il est rentré dans le silence et l'oubli, les maîtres qui veillent sur l'Ordre l’ont épuré et, avec une vie nouvelle, lui ont redonné la jouissance de son intégrale initiation.

— L'Ordre Martiniste ne possédait donc pas l'initiation purement martiniste ? demandai-je.

— Si, l'Ordre Martiniste était maître de lui-même, mais la prudence du maître Papus était grande. Il avait à combattre le matérialisme, si puissant, surtout à cette époque ; l'antagonisme des sociétés, les superstitions, le fanatisme. Il avait à faire ressortir nettement aux yeux du monde profane la réalité de l'esprit. Pour cette fin, il enseigna l'occultisme, et, par des conférences, des publications, des expériences, il réussit à faire pénétrer dans toutes les sociétés, le désir de la recherche et la conviction de l'immortalité de l'esprit, de la survivance de l'homme, de la réalité des forces latentes en nous et des moyens de les développer pour le bien de l'humanité ; car Papus n'a vécu que pour un seul but : l'altruisme. Il réservait ses causeries vraiment martinistes pour une sélection de Frères, et groupait aussi autour de lui des Martinistes inconnus.

— L'occultisme n'est pas le fond de l'initiation martiniste ?

— Non ! Monsieur, l'occultisme est une preuve extérieure, exotérique, si vous préférez ce terme. La doctrine de Claude de Saint-Martin est philo-théosophique ; elle est basée sur des clefs numériques qui donnent à l'homme (dans la mesure de la conception humaine), les rapporte vrais qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers. Par l'étude des clefs données lors de l'initiation, l'horizon intellectuel du Frère s'ouvre et, s'il ne peut exprimer [7] sa connaissance, il l'a du moins en lui-même, l'approfondit chaque jour par l'étude et la méditation, et arrive à la compréhension de beaucoup de mystères.

— Monsieur Gaston Dupré, interrompis-je, le Martinisme est-il religieux et chrétien, ou tire-t-il vers, la franc-maçonnerie spiritualiste ?

— Le Martinisme n'est sous la dépendance d'aucun dogme. Il est chrétien, parce qu'il reconnaît le Verbe Divin venant en l'homme. Le Verbe Divin n'est le monopole d'aucune des quarante religions qui se disputent l'orthodoxie chrétienne. Il est universel et, qu'on l'admette ou non : il est. Le Martinisme le reconnaît ainsi que son action dans l'humanité.

— Vous vous détachez ainsi de la méthode enseignée par l'École de Papus et vous restaurez le Martinisme ?

— Non, nous ne nous détachons d'aucune méthode, et nous ne restaurons rien. Nous faisons simplement approfondir les enseignements de Claude de Saint-Martin dans les différents degrés de l'Ordre. Nous n'avons plus à faire campagne pour prouver le Spiritualisme ; non ! le matérialisme est battu et c'est précisément dans cette lutte que le regretté maître Papus a trouvé la mort. Il a été martyr de la bonne cause.

Le Martinisme n'est pas non plus une franc-maçonnerie spiritualiste, mais Papus ayant cherché à dématérialiser la franc-maçonnerie, avait fait alliance avec les rites dits : irréguliers, voulant se servir de leurs propres armes pour les conquérir.

— Et quelle sera votre action dans cette nouvelle ère de l'Ordre Martiniste ?
— L'Ordre a failli être dévoré par ses ennemis. Mais l'Invisible veillait. Nous étions une vingtaine de S. I. dépositaires de l'initiation, des rituels de tous les degrés, des clefs et du fameux Tarot Martiniste que très peu connaissent. Il fallait tout d'abord préserver l'Ordre et la tradition de toute atteinte. Nous avons donc garanti son existence en le déclarant officiellement. Ce premier pas fait, sûr que des mains non autorisées ne pourraient plus l'accaparer en faveur de leurs intérêts ou même le supprimer, nous nous sommes mis à la recherche des anciens Frères.

Plusieurs ont déjà répondu à notre appel et sont prêts à former des groupements et à transmettre notre initiation. Dans notre centre, ici même, les travaux sont en bonne voie et nous sommes heureux de pouvoir, par le moyen de la Revue « EON », prier tous les Martinistes répandus dans l'univers de se rallier à nous. Quelques petites formalités sont nécessaires, car nous ne voulons pas être envahis par de faux Martinistes. Nous acceptons à l'Initiation tous les hommes ou femmes de désir, et nous nous sommes entendus depuis un an avec un organe spiritualiste : "La Force de la Vérité" pour la publication de nos travaux. Nous avons publié de l'inédit.

— Vous n'avez pas de Grand Maître depuis la mort de Papus ?
— Non, nous l'attendons.

À la mort de Papus, la direction de l'Ordre fut assurée par le Frère Ch. Détré-Téder, homme très érudit et remarquable historien maçonnique. Mais c'était en pleine mauvaise période ; tous les Frères, étaient aux armées, et aucune activité ne se fit sentir. Beaucoup de formations, à cette époque, arrêtèrent leurs  travaux. Actuellement, nous n'avons pas de Grand Maître. Je suis pour un temps président de l'Ordre, et quand le Grand Maître viendra — car il est jeune encore — et s'il est digne, moi ou mon successeur lui remettrons l'Ordre. Notre mission aura été ainsi une régence.

Le président de l'Association se mit à ma disposition pour tout complément d'informations futures, et je le quittai avec l'impression qu'une œuvre solide allait sortir du Martinisme pour le triomphe de la cause spiritualiste.

LE REPORTER