1837 arthur1837 – Guttinguer – Arthur

Paris. Eugène Renduel, 22, rue des grands Augustins

Imprimerie de P. Baudouin
Rue et hôtel Mignon, 2

Deux extraits où L.-C. de Saint-Martin est cité:

dans la  Lettre IV. – Arthur à Louise de et dans le paragraphe VII de Fragments

1837 - http://books.google.fr/books?id=05sTAAAAQAAJ - Voir également sur archives.org

Lettre IV. – Arthur à Louise de… - Extrait, pages 100-102

 … La femme du fermier passa en ce moment, et s'arrêtant : « Pardon, monsieur; je crois que ma fille a laissé dans cette chambre mon Imitation de Jésus-Christ : oui, la voilà près de cette cheminée. » Effectivement, j'aperçus un vieux livre bien propre encore, avec de nombreux [p.101] signets... J'avançai la main pour le prendre et le donner. « Si monsieur veut le lire, dit la fermière en regardant mes yeux qui étaient humides c'est bien consolant ! quand j'ai perdu ma fille aînée et mon frère curé, j'ai trouvé là ce qu'il me fallait pour ne pas mourir... peut-être que monsieur... » Et ses regards m'interrogèrent.

La pensée de cette fille aînée et de ce frère morts me brisa le cœur de tristesse et de honte. Qu'avais-je dans mes chagrins, à opposer à ces irréparables pertes ? ... les angoisses d'un indigne amour... Je regardai ce livre qui guérissait de si grandes afflictions. « Voulez-vous me le laisser? dis-je. — Oh! bien volontiers. » Et, seul, j'ouvris au hasard : j'y tombai d'abord sur ces paroles : « C'est un bien, Seigneur, que vous m'ayiez humilié afin que je m'instruise de votre justice. »

La soirée de la veille se présenta à moi plus vivement, et je restai longtemps en méditation sur le sens profond que renfermaient ces deux lignes.

Oui, c'est un bien, me répétais- je. Je n'aurais [p.102] pas su, sans cette humiliation, toute la misère des choses de ce monde et de ses distractions ; je n'aurais pas su que ce n'est pas la société qui peut nous consoler.

Je continuai, je lus quelques chapitres; qui me rappelèrent un mot charmant du philosophe inconnu : « De tout ce que j'ai rencontré en ce monde, je n'ai trouvé que Dieu qui eût de l'esprit. » J'allai moi-même remercier la bonne fermière du bonheur qu'elle m'avait donné. Il est certain que ce que j'avais senti pénétrer dans mon cœur à cette courte lecture faite au matin, à l'odeur de ces plantes saines, en présence de ces arbres de la ferme, me semblait tenir du prodige.

Mon cheval était prêt, je le poussai à toute bride hors des avenues du château ; il me tardait de sortir de son atmosphère ; arrivé au chemin du village, je me crus délivré, et je rentrai dans la ville au pas lent des coursiers d'Hippolyte.

VII. Extrait, pages 375-380

Je n'ai garde de t'oublier dans ce livre, ô toi que je regarde comme le plus beau de main d'homme qui nous ait été accordé.

Saint livre de l’Imitation, paraphrase divine du divin Evangile, encore si remplie de tendresse et de clarté ! tout a été dit sur toi. C'est mon souvenir seul que je te veux donner, livre au-dessus de toute louange humaine, livre mystérieux, [p.376] ouvrage des anges et des saints, tombé du ciel, et trouvé, sans doute, sous quelque arbre en fleurs à la clarté des étoiles.

Je t'ai lu après beaucoup d’autres, et tu as tout résumé en mon âme, tout complété, tout agrandi, tout expliqué : les mystères, la morale, la philosophie, la sagesse, tout ce qu'il y a de noble, de tendre, de profond, de divin dans notre nature, dans son état d'expiation et d'espérance.

Tu m'as appris, entre tant de choses, celles-ci : « Laissez au monde ses curiosités, et lisez toujours des livres qui servent plus à toucher le cœur qu'à divertir l'esprit. » [...]

« Écrivez, lisez, chantez mes louanges ; gémissez, priez dans le silence, et supportez courageusement tout ce qui vous arrive de pénible et de contraire. »

« L'homme a deux ailes pour s'élever au-dessus des choses de la terre : la simplicité et la pureté. »

« La simplicité doit régler ses intentions, et la pureté ses affections. » (Ce peu de paroles nous paraît pouvoir suffire à l'enseignement et a la règle de la vie la plus sainte.)

« Si vous aviez le cœur droit, toutes les créatures seraient autant de miroirs et de livres ouverts où vous verriez des modèles pour régler saintement votre vie. »

« Si vous étiez intérieurement bon et pur, rien ne vous empêcherait de voir et de comprendre toutes choses. Un cœur net et sans tache pénètre jusque dans le ciel et dans les enfers. »

(Nous ne connaissons que quelques traits de saint François de Sales et de Saint-Martin, qui se puissent comparer à de telles célestes beautés, [p.380] et peut-être est-ce parce qu'ils les avaient beaucoup contemplées ; nous les trouvons sous nos yeux en ce moment, et nous nous pressons de les y joindre : « Le moyen d'être simple gît à tenir son cœur proche de Dieu, lequel est un esprit très pur et très simple »

« II faut, pourtant, exercer le jugement et la prudence ; mais, en la conversation et aux rencontres, ce précepte est important : « Ami de tous et familier de peu. »

« Les tentations, telles qu’elles soient, nous troublent, parce que nous y pensons trop et que nous les craignons trop. Nous sommes trop sensibles ; car, sitôt que nous avons la moindre pensée contraire à nos résolutions, il nous semble que tout est gâté. Laissons courir le vent, et ne croyons pas que les frifillis des feuilles soient le cliquetis des armes. »

(A combien peu ceci convient, mon Dieu, et combien prennent le cliquetis des armes pour le frifillis des feuilles !)

« L’amour de la mort et passion de Notre Seigneur donne la mort à toutes nos passions ! [p.381] et en la mort de nos passions consiste la vie de notre pauvre cœur » – SAINT FRANÇOIS DE SALES –

« C’est du fond de mon être que je me suis dit souvent que nous nous flatterons en vain de réussir en quoi que ce soit, si, auparavant, nous ne prenons pas la précaution de prier. » – SAINT-MARTIN. – [Œuvres posthumes, T.1, 1807, § 182, p.26 in « Portrait historique et philosophique de Mr de St Martin, fait par lui-même »]

« La prière de l’Espagnol est celle-ci : « Mon Dieu, garde-moi de moi. » Ce qui peut se traduire ainsi : « Mon Dieu, ayez la bonté de m’aider à m’empêcher de vous assassiner. » – LE MÊME. – [Idem, § 26, p.80. Voici le texte complet : « 626. La prière de l'Espagnol : Mon Dieu , garde-moi de moi, tient à un mouvement bien salutaire, quand nous pouvons le reveiller en nous ; c'est celui de sentir que nous sommes le seul être dont nous devions avoir peur sur la terre ; tandis que Dieu est le seul être qui n'ait peur que de ce qui n'est pas lui. On pourroit ajouter à la prière ci-dessus, la prière suivante : Mon Dieu, ayez la bonté de m'aider à m'empêcher de vous assassiner ». Orthographe originale].

« A force de dire : notre Père ! espérons que nous entendrons dire un jour : mon fils. » – LE MÊME. – [Œuvres posthumes, T1,, « Pensées tirées d’un manuscrit de Mr St Martin » p.209]

Ah ! c’est de telles choses, sans doute, qu’on a raison de dire ce que cet excellent homme disait de Bœhme, son ami, et de ses œuvres, si parfaitement inconnues aujourd’hui de presque tous tant que nous sommes :« Il faut que l’homme soit [entièrement] devenu roc ou démon, pour n’en avoir pas profité. » [Œuvres posthumes, T.1, « Portrait », §334, p.42. Le texte complet : « Il faut que l’homme soit entièrement devenu roc ou démon, pour n’avoir pas profité plus qu’il n’a fait de ce trésor envoyé au monde il y a 180 ans »].