Notes

1. Nous croyons que M. T. se trompe quant à la langue allemande. M. de St-M. ne l'apprit que fort tard à Strasbourg, dans le seul but de traduire les ouvrages de Boehme qu'on lui fit connaître alors et dont il n'avait jamais entendu parler. Les extraits qu'on lui communiqua lui firent juger que les idées de Bœhme rempliraient quelques lacunes qui restaient encore dans son système. Il étudia aussitôt la langue de cet illuminé célèbre, qui ne ressemble nullement à l'allemand d'aujourd'hui. Ceux qui connaissent l'une et l'autre, pourront seuls apprécier le dévouement dont M. de St-M. fit preuve dans cette occasion. (N. des rédacteurs.)

2. Ce goût pour Rabelais paraîtra bizarre à ceux même qui ont lu le Crocodile de M. de St-M. Nous ne voyons guère de rapprochement entre lui et le curé de Meudon, que dans leur malveillance commune envers les princes des prêtres. Cependant Rabelais est souvent si obscur, et M. de St-M. était tellement amateur des choses cachées, qu'il peut avoir trouvé dans Pantagruel beaucoup de choses qui flattaient ses opinions, et que les profanes n'y sauraient découvrir. (N. d. R.).

3. C'est une méprise inexcusable que de confondre M. de St-M. avec Martinez-Pascali. Cependant la vérité veut que l'on convienne que l'un fut le disciple de l'autre, du moins dans une partie de ses opinions. M. de St-M. ne tint ni le langage, ni la conduite d'un chef de secte religieuse, et nous croyons avec M. T. qu'il fut exempt de toute ambition. Mais on pourrait le soupçonner d'avoir été, peut-être à son insu, l'apôtre d'une doctrine religieuse et politique. M. T. convient lui-même quelques pages plus loin, que dans le système social du philosophe inconnu, le régime théocratique était seul légitime. (N. d. R.)

4. Il est permis de douter un peu de cette assertion, quand on a jeté un simple coup d'œil sur les ouvrages de Jacob Bœhme, que M. de St-M. s'est donné tant de peine à traduire. Ils sont pleins d'une astronomie et d'une physique dont les principes sont probablement condamnés à un éternel oubli. (N. d. R..)

5. Ne pouvant réfuter ce que je ne comprends point, je me garderai de combattre sa théorie des nombres et de leurs vertus comme recelant de grandes vérités, du nombre parfait quatre, du nombre faux neuf, etc. J'eus un jour là-dessus avec lui une explication assez vive : en la rapportant, j'omettrai sans doute les mots sacramentaux dont il se servit, mais je ne m'écarterai pas du moins des idées que j'y attachai. Le sujet de notre conversation était un poète grec auquel M. de St-M. donnait quelques éloges ; il ne s'agissait point du traducteur ; je lui demandai s'il ne trouvait pas comme moi que les comparaisons fussent trop fréquentes chez ce poète.

St.-Martin. Mais on aime toujours les comparaisons, parce qu'elles supposent une réalité.

Moi. En effet les comparaisons rehaussent et anoblissent l'expression de la nature.

St.-Martin. Eh ! la nature qu'exprime-t-elle ? De qui est-elle le type ?

Moi. Je n'aime point à remonter au-delà. La nature comprend tout ce qui existe.

St.-Martin. Vous ne remontez pas au-delà !... pas même d'un échelon... d'un seul... pour arriver à l'universalité des êtres...

Moi. Ce serait remonter à l'infini

St.-Martin. À l'infini, si vous voulez ; mais arrêtez-vous à l'unité, nombre principe.

Moi. Alors, l'unité n'est qu'un nombre abstrait. La nature est la collection des individus. Les individus seuls existent, mais leur collection ou l'unité n'existe nulle part.

St.-Martin. Au contraire, tout individu est compris dans l'unité. La vertu, l'énergie ne peut être que dans l'unité. L'unité est le centre d'où émanent les autres nombres, comme autant de rayons ; ces nombres sont autant d'êtres qui n'existent que par leur rapport avec l'unité. Voulez-vous donc qu'il y ait des rayons sans centre.

Ici St.-Martin inscrivit un triangle dans un cercle. Vous allez, continua-t-il, pressentir les vertus des nombres. Puis, il simula des lignes tirées du centre à la circonférence ; et prétendit me montrer les rapports de un à quatre, rapports facultatifs, exprimant une série d'êtres immatériels, tenant à l'unité principe, etc.

Moi. Et vous voyez là les vertus des nombres.

— St.-Martin. Oui sans doute.

Moi. Je vous plains.

St.-Martin. Je vous invite à chercher.

— Moi. Mais j'ai lu là-dessus vos livres, et je plains ceux qui les comprennent.

St.-Martin. Ceux qui les comprennent ne sont pas à plaindre, ils ne cherchent plus, ils suivent la voie...

Là, nous fûmes interrompus ; j'étais humilié d'avoir montré quelque humeur, tandis que je n'avais pas remarqué en lui la plus légère émotion. Cependant ce jour-là même, nous nous quittâmes satisfaits l'un de l'autre. Quand j'eus occasion de le revoir depuis, je me gardai bien de toucher le même chapitre. (Note de l’auteur de cet article.)