Calendrier perpetuel 1840Année 1844

- Encyclopédie des gens du monde - Saint-Martin
- Le magasin pittoresque - Tome XII, n° 45
- Manuel du libraire et de l'amateur de livres . Illuminés et autres fanatiques. Poésies.
- Nouvelle biographie classique - Article Saint-Martin
- Nouveau vocabulaire - Article Martinisme, Martiniste
- Plancy - Dictionnaire infernal - Article Bœhm
- Revue des Deux Mondes – T 7 - L’ultramontanisme – Article de Lerminier 
- Revue Le Semeur – n° 5 

1844 - Encyclopédie des gens du monde 

Calendrier perpetuel 1840Encyclopédie des gens du monde
Répertoire universel des sciences, des lettres et des arts, avec des notices sur les principales familles historiques et sur les personnages célèbres, morts ou vivants ; par une Société de savants, de littérateurs et d’artistes, français  et étrangers.
Tome vingtième
Paris, Librairie de Treuttel et Würtz, rue de Lille, n° 17 ;
Strasbourg, Grand’rue, n° 15.
1844 – Encyclopédie des gens du monde : Saint-Martin

Saint-Martin, p.758

SAINT-MARTIN (Louis-Claude), dit le Philosophe inconnu, titre qu’il prenait lui-même dans ses ouvrages, naquit à Amboise, le 18 janv. 1743, d’une famille noble. Ses parents le destinaient à la magistrature; mais, préférant à cette carrière celle des armes, il entra comme lieutenant dans le régiment de Foix en 1765. Il se fit initier aux mystères d’une secte de théosophes, appelés martinistes de Martinez Pasqualis, vraisemblablement Portugais de naissance, qu’elle reconnaissait pour chef. A la science des esprits, comme il appelait les doctrines de Martinez, il ajouta bientôt la science des âmes de Swedenborg, et, pour pouvoir se livrer tout entier à ses rêveries, il quitta le service militaire. Après un séjour de quelques années à Paris, ou il se lia avec le duc d’Orléans et d’autres personnages distingués, Saint-Martin se mit à parcourir la France, l’Allemagne, l’Angleterre et l’Italie, dans le but d’étudier l’homme et la nature, et de faire des adeptes à sa doctrine. Ce fut à Strasbourg qu’il eut pour la première fois connaissance des ouvrages de Jacob Bœhme, qu’il proclama la plus grande lumière humaine, et, quoique dans un âge déjà avancé, il apprit l’allemand pour traduire les visions de cet illuminé. Après 1794, il fut désigné comme élève à l’École normale par le district d’Amboise. Il mourut, le 13 oct. 1803, d’une attaque d’apoplexie, au village d’Aunay, près de Paris. Sa philosophie était un mysticisme tout spiritualiste. Ses principaux écrits sont : Des erreurs et de la vérité, Édimb. (Lyon), 1775, in-8°; Rapports entre Dieu, l’homme et l’univers, ibid., 1782, in- 8°; L’homme de désir, Lyon, 1790, in-8°; Le ministère de l’homme-esprit, Paris, au XI (1802) in-8°.

X

1844 - Le magasin pittoresque

Calendrier perpetuel 1840Le magasin pittoresque, rédigé, depuis sa fondation, sous la direction de
M. Édouard Charton
Douzième année
1844
Paris, aux bureaux d’abonnement et de vente, 29, quai des Grands Augustins
M DCCC XLIV - Le magasin pittoresque - n°45 - Citations de Saint-Martin

Tome XII, n° 45, page 356

[Citations de Saint-Martin]

« J’ai désiré de faire du bien, mais je n’ai pas désiré de faire du bruit, parce que j’ai senti que le bruit ne faisait pas de bien, comme le bien ne fait pas de bruit.

« La prière est la respiration de notre âme.

« La paix se trouve bien plus dans la patience que dans le jugement ; aussi il vaut mieux pour nous être inculpés injustement que d’inculper les autres, même avec justice. »

Saint-Martin

1844 - Manuel du libraire et de l'amateur de livres

Calendrier perpetuel 1840Manuel du libraire et de l'amateur de livres: contenant: 1. Un nouveau dictionnaire bibliographique ; 2. Une table en forme de catalogue raisonné.
Par Jacques-Charles Brunet
Quatrième édition originale, entièrement revue par l’auteur, qui y a répondu les nouvelles recherches, déjà publiées par lui en 1834, et un grand nombre d’autres recherches qu’il a faites depuis.
Tome cinquième
Table méthodique – Collections
A Paris chez Silvestre, libraire, rue des Bons Enfants, n° 30.
1844 

2. Illuminés et autres fanatiques. Extrait, page 42

Manuel du libraire et de l'amateur de livres : Illuminés et autres fanatiques

2207. Des erreurs et de la vérité, par un philosophe inconnu (le marquis de Saint-Martin), avec la suite. Edimbourg (Lyon), 1782, 2 vol. in-8.

2208. Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers (par le même). Edimbourg (Lyon), 1782, 2 vol. in-8.

2209. L'esprit des choses, par le même. Paris, 1800, 2 vol. in-8.

2210. L'homme de désir, nouvelle édition , par le même. Metz:, an X (1802), 2 vol. in-8.

2211. Œuvres posthumes du même. Tours, 1807, 2 vol. in-8. — Voir le n° 14125*

Poésies. Extrait, page 296

Manuel du libraire et de l'amateur de livres : Poésies

14125* Le crocodile, ou la guerre du bien et du mal, arrivée sous le règne de Louis XV, роème épico-magique en 102 chants, ouvrage posthume d'un amateur de choses cachées (le marquis de Saint-Martin). Paris, an VII (1799), in-8. —Voir les n° 2207-2211.

1844 – Nouvelle biographie classique 

Calendrier perpetuel 1840Nouvelle biographie classique contenant jusqu'a l'année 1840, la liste des principaux personnages de tous les pays, ainsi que leurs actions et leurs ouvrages les plus remarquable
Par M. L. Barré, professeur de philosophie
Seconde édition
Paris. Librairie de Firmin Didot Frères,
1844 - Nouvelle biographie classique : Article Saint-Martin

Article Saint-Martin, p.470

Saint-Martin (Louis-Claude de), dit le Philosophe inconnu, né à Amboise en 1743 étudia le droit, puis obtint une lieutenance dans le régiment de Foix. Mais, entraîné vers le mysticisme par la lecture d'un livre d’Abbadie, il donna sa démission, et se fit initier à la secte des martinistes, fondée par Martinez Pasqualis. Il a publié un grand nombre d'ouvrages, dont le spiritualisme touche aux doctrines des prétendus illuminés. Le premier et le plus célèbre est intitulé Des erreurs et de la vérité. Il m. en 1804.

1844 – Nouveau vocabulaire

Calendrier perpetuel 1840Nouveau vocabulaire ou Dictionnaire portatif de la langue française: avec la prononciation à coté de chaque mot ...

Par J. F. Rolland

18ème Édition. Revue par Mr A. P.

Librairie classique de Perisse frères, Lyon, grande rue mercière, 33. Paris, rue pot de Fer St Sulpice, 8.

1844 - Nouveau vocabulaire : Article Martinisme, Martiniste

 Article Martinisme, Martiniste, p.506

MARTINISME, s. m. Secte d’illuminés qui se vantent d’entretenir commerce avec les intelligences célestes.

MARTINISTE, s. m. Sectaire. Voyez Martinisme.

1844 - Plancy - Dictionnaire infernal 

1844 revue 2 mondes t7Dictionnaire des sciences occultes et des idées superstitieuses ou Répertoire universel des êtres, des personnages, des livres, des faits et des choses qui tiennent aux apparitions, aux divinations, à la magie, au commerce de l'enfer, aux démons, aux sorciers, aux sciences occultes, aux grimoires, à la cabale, aux esprits élémentaires, au grand œuvre, aux prodiges, aux erreurs, aux préjugés, aux impostures, aux arts des bohémiens, aux superstitions diverses, aux contes populaires, aux pronostics et généralement à toutes les fausses croyances merveilleuses, surprenantes, mystérieuses ou surnaturelles
Par Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy
Troisième édition, entièrement refondue, augmentée de 250 articles nouveaux, approuvée par monseigneur l’archevêque de Paris.
A Paris, chez Paul Mellier, éditeur, 14, place Saint André des Arts.
1844 - Dictionnaire infernal - Article Bœhm

Article Bœhm, page 91

Boehm (Jacob), — né en 1575, dans la Haute-Lusace. De cordonnier qu'il était, il se fit alchimiste, homme à extases, et chef d'une secte qui prit le nom de boehmistes. Il publia, en 1612, un livre de visions et de rêveries, intitulé l'Aurore naissante, que l'on poursuivit. Il expliquait le système du monde par la philosophie hermétique, et présentait Dieu comme un alchimiste occupé à tout produire par distillation. Les écrits de cet illuminé, qui forment plus de cinquante volumes inintelligibles, ne sont pas connus en France, excepté ce que Saint-Martin en a traduit : L'Aurore naissante, les Trois principes et la Triple vie. Ce songe-creux était anthropomorphite (1) et manichéen ; il admettait pour deuxième principe du monde la colère divine ou le mal, qu'il faisait émaner du nez de Dieu. On recherche, parmi ses livres d'alchimie, son Miroir temporel de l'éternité, ou de la Signature des choses, traduit en français, in-8°; Francfort, 1669 (2). Ses doctrines philosophiques ont encore des partisans en Allemagne.

Notes
1. Les anthropomorphites étaient des hérétiques qui donnaient à Dieu la forme humaine.
2. On peut voir encore Jacobi Bœhme, alias dicti teutonici philosophi, clavis præcipuarum rerum quæ in reliquis suis scriptis occurunt pro incipientibus ad ulteriorem considerationem revelationis divinæ conscripta. 1624, un vol. in-4°.

1844 – Revue des Deux Mondes – T 7

1844 revue 2 mondes t7Revue des Deux Mondes
Tome septième
Quatorzième année – Nouvelle série
Au bureau de la Revue des Deux Mondes
1844  

L’ultramontanisme ou l’église romaine et la société moderne, [livre de] M. Edgard Quinet (1) par Lerminier

Note 1 : Un vol. in-8°, au Comptoir des imprimeurs-unis, 15, quai Malaquais. [ L’ultramontanisme ou l’église romaine et la société moderne ]

Revue des Deux Mondes – T 7 – L’ultramontanisme

Extrait, pages 461-462

La révolution française préoccupe beaucoup, et à juste titre, l'auteur de l'Ultramontanisme. C'est elle qu'il oppose à l'esprit de l'église romaine. Mais alors pouvait-on s'attendre que M. Quinet représenterait la révolution française comme une espèce de plaie d'Egypte, dont Dieu a voulu frapper les méchants ? Nous citerons ses paroles : « II fallait qu'un grand châtiment vînt avertir l'église qu'elle se trompait. Ce châtiment sacré, la Providence le lui a envoyé en déchaînant contre elle la révolution française. Le ciel ne pouvait pas parler plus haut. A-t-il été entendu, compris ?...L'église niera-t-elle le châtiment ? Cela est impossible. Prétendra-t-elle que ce qui est vrai pour les autres n'est pas vrai pour elle ? Elle ne le peut pas davantage. L'avertissement n'a-t-il pas été donné avec assez de force. Faut-il que Dieu se répète ? Elle le pense encore moins. » Et M. Quinet, à quoi a-t-il pensé quand il a écrit de semblables lignes ? La révolution française n'est à ses yeux qu'un châtiment sacré que Dieu déchaîne pour punir l'église ! Nous pensions, nous, qu'elle était une source féconde de principes et d'idées, le développement légitime de la société française, et que les excès, même les crimes qu'on doit lui reprocher, ne sauraient abolir chez elle ce grand caractère d'une régénération nécessaire et glorieuse. Ce sont les ennemis de la révolution qui tiennent le langage que leur emprunte aujourd'hui M. Quinet, par la plus singulière des inadvertances. A son insu, M. Quinet apprécie la révolution française comme certains écrivains mystiques. Nous le renverrons à un écrit de Saint-Martin que ce théosophe publia en 1795. Cet écrit de quatre-vingts pages a pour titre : Lettre à un Ami ou Considérations politiques, philosophiques et religieuses sur la révolution française. L'auteur mystique y reconnaît la nécessité de la révolution, et la raison qu'il en donne, c'est que Dieu dans ses décrets avait condamné le clergé et l'église extérieure. Saint-Martin trouve naturel que Dieu verse du sang, arrache les fondements d'une société antique, dans l'unique intérêt de ses élus et de l'église invisible. M. Quinet devait-il donc se placer au même point de vue ? Que devient alors le peuple dans cette manière d'apprécier la révolution ? Il n'est plus qu'instrument et victime. Il est le jouet de Dieu, qui le pousse et qui l'immole. Il y a plusieurs années qu'en causant à Munich avec le célèbre mystique Franz Baader, je recueillis de sa bouche cette parole : La révolution française est un ordre de Dieu, [p.462] exécuté par le diable. Pour ma part, dans cette définition, j'acceptai Dieu, mais je retranchai le diable. M. Quinet reproche à un prélat espagnol d'avoir dit que la révolution française est une invention de l'enfer, et il accuse « Gœrres de faire écho sur ce point à l'évêque des Canaries. » II ne s'aperçoit pas qu'il dit presque la même chose en appelant la révolution française un châtiment sacré, en écrivant que la Providence a déchaîné contre l'église la révolution française. Il ne reste plus qu'à savoir comment la Providence envoie les châtiments et déchaîne les monstres; c'est un détail d'exécution. C'est assez sur ce point, mais nous voulions constater qu'il y a chez M. Quinet une sorte d'illuminisme poétique dont il n'a pas conscience; c'est souvent un mystique sans le savoir.

Des tendances littéraires en Angleterre et en Amérique – Article de Philarète Chasles

Extrait, pages 541-543 - Revue des Deux Mondes – T 7 : Des tendances littéraires en Angleterre et en Amérique

L'Amérique republie, pour onze sous, tous les romans que l'Angleterre édite pour trente francs. Les images du Pictorial servent à des clichés qui passent l'Atlantique, et vont assouvir la faim littéraire des settlers et des Ojibbeways. Chaque état de l'Union aura bientôt [p.542] son histoire en dix volumes ; les lettres de Washington, d'une extrême sagesse et d'une égale insignifiance, remplissent six volumes; Franklin en avait déjà fourni dix ; Jefferson et Quincy-Adams vont être exploités de même sorte. Ce ne sont donc pas les volumes imprimés qui manquent. Le globe en est couvert. Bientôt les forêts manqueront, et l'on élèvera des pyramides de livres dont on ne saura que faire. Un esprit bizarre et supérieur, le philosophe inconnu, autrement dit Saint-Martin, demandait comment on ferait pour se tirer, dans deux mille ans, de cet océan de livres qui répètent les mêmes idées avec une légère variation de nuances. Il proposait, dans une de ses œuvres les plus étranges et les moins connues, le procédé burlesque et facétieux que voici : « Réduire en pâte tous les livres existant, nourrir avec cette bouillie encyclopédique la jeunesse et l'enfance, et charger du rôle de nourrices les beaux esprits et les savants, auxquels une superbe cuiller d'honneur serait consacrée, selon le grade qu'ils obtiendraient dans cette nouvelle université; — cuiller d'argent, cuiller de vermeil, cuiller d'or ; — le dernier titre serait celui de grand'cuiller (Note 1 : Crocodile, liv. V.). » L'état intellectuel et typographique du monde donne quelque prix à cette plaisanterie contenue dans l'œuvre satirique et fantastique de Saint-Martin. Déjà cette pâte littéraire semble faite d'avance. Tout le monde écrit de la même encre, et dans quelque trois cents ans, Dieu sait, avec quelle joie et quel amour on recueillera le peu de livres, si petits qu'ils soient, qui auront un caractère et qui sembleront nés d'un cerveau humain, non d'un mécanisme intelligent. L'originalité, l'humour, la poésie, manquent de tous côtés. Aujourd'hui, en France, comme en Amérique et en Angleterre, les hommes supérieurs qui prétendent aux grands honneurs craignent de se montrer humoristes. Il n'y a guère que deux ou trois téméraires qui osent encore rêver, méditer, ne pas dogmatiser éternellement, se livrer au caprice, errer dans les fleurs de la pensée et jouir de la liberté. Toute l'Amérique ne possède pas un humoriste, l'Angleterre ne compte que Carlyle. Cependant, les vrais hommes sérieux, à libre pensée, ne se refusent pas le caprice, comme les tempéraments forts risquent une course à cheval trop longue, trop vive et sous le soleil, redoutée des maladifs et des chétifs. J'ai peu de foi dans ces gravités excessives et dans ces modérations de tempérament. Je me défie de ces dames si vertueuses, qu'elles marchent éternellement raides, craignent le froncement d'un pli au bas de leurs robes, et n'osent pas lire Molière à quarante ans.

[p.543] Si nous revenons sur nos pas, et que nous cherchions avec sincérité le sens définitif des observations fournies par cette longue course à travers toute sorte d'ouvrages, anglais, coloniaux, américains, poésie, prose, romans, contes, philosophie, nous retrouverons ce résultat que nous avions énoncé plus haut, la similitude et l'abaissement des produits. Le besoin d'une popularité facile et le mercantilisme se font sentir partout. On veut être compris de toutes les intelligences, et l'on commence à craindre singulièrement l'originalité, la profondeur, l'élévation, l'intensité, qualités qui ne sont pas de tout le monde, défauts pour qui ne les sent pas. De là diffusion, lenteur de style, abus de mots, facilité de verbiage, mélange d'ampoulé et de commun, des notions que l'on n'épure pas, des inventions que l'on néglige de concentrer, des faits que l'on ne vérifie point aux sources, des talents qui se perdent ou s'égarent; rien d'achevé. On craint le pédantisme; l'avidité coopère avec ce penchant, qu'elle fortifie et qui la sert; au nom du circulating-library, du cabinet de lecture, l'écrivain est sommé d'étendre son travail jusqu'à certaines dimensions; il ne peut plus produire d'œuvre contenue dans un petit cadre, plus de ces rayons purs qui tiennent peu de place et vont loin, — le Vicaire de Wakefield, — Manon Lescaut, — Adolphe. Il faut trois volumes post-octavo, selon la forme voulue et le goût du public. Allongez, délayez. Si c'est un voyage, trois volumes et gravures; si c'est un roman, trois volumes et de nombreux chapitres. La nécessité des gravures est un autre résultat de l'industrie matérielle envahissant les œuvres de l'esprit. Tous n'ont pas de génie : à quelques-uns l'imagination, au plus petit nombre la réflexion; mais tous ont des sens. Traduisez donc l'idée en images; faute de conquérir toutes les intelligences, vous ouvrez tous les yeux ; ce progrès était dans la fatalité des conséquences. Si vous consultez les catalogues, vous verrez que le même flot de lithographies et de bois gravés couvre les États-Unis, l'Angleterre, l'Allemagne et la France. Dans cette manufacture des choses imprimées, les Allemands sont les plus arriérés, et nous fabriquons plus que les Anglais. Le roman-feuilleton ne prospère que chez nous.

1844 – Revue Le Semeur – n° 5

1844 le semeur t13Le Semeur
Journal religieux, politique, philosophique et littéraire, paraissant tous les mercredis
Tome treizième – Du 1er janvier au 31 décembre 1844 -  – N° 5
Paris, au bureau du Journal, rue des Petites Écuries, n° 13.
31 janvier 1844 - Revue Le Semeur – n° 5 - Robinson

Robinson (fin)

Extrait, page 39

Nôtre siècle a inventé un autre Robinson : c'est l'homme perdu dans la foule, « ce vaste désert d'hommes. » L'idée est juste et féconde. L'isolement involontaire est la plus profonde comme la plus amère des solitudes. C'est dans ce sens que le théosophe Saint-Martin s'intitulait « le Robinson de la spiritualité. » Nous avons eu en littérature une foule de Robinsons ; on en rencontre aussi, dans le monde, de plus ou moins authentiques, qui ne portent pas un bonnet de poil de chèvre, ni un parasol de peau de bouc, mais qui ne manquent pas de perroquets. Quelques-uns sont à plaindre, quelques-uns sont plaisants. Il en est aussi d'odieux, aussi anciens dans le monde que le monde lui- même : ce sont les égoïstes. L'égoïsme est la solitude absolue. L'homme qui n'aime ni Dieu ni son prochain est un banni, un prisonnier volontaire ; mais s'il ne peut échapper au mépris, il échappe à la poésie : elle n'ira point, pour le peindre, s'enfermer avec lui dans son cachot : elle le marque du doigt, et passe (1).

Note
(1) Voir, dans les fables d'Arnault, le Colimaçon.