1890 Guaita 011890 - Essais de sciences maudites - I. Au seuil du mystère

(Nouvelle édition corrigée, augmentée et refondue en divers points, avec deux belles figures magiques d'après Khunrath et un appendice entièrement inédit)

Stanislas de Guaita

Paris, Georges Carré, Éditeur
58, rue St-André-des-Arts

1890

- Extrait, page 60-61
- Appendice. II : Analyse de la Rose-Croix, d'après Henry Khunrath. Extrait, pages 108-110
- Sens comparatif ou psychologique de l’emblème. - Extrait, pages 134-135
- Extrait, page 169

Extrait, page 60-61

Nous ne ferons mention ni des alchimistes purs, dont plusieurs cependant, tels que Sendivogius (1566-1646) et Philalèthe (1612-1680) passent pour avoir réalisé la pierre philosophale ; ni des mystiques anglais et allemands qui pullulent surtout au XVIIIe siècle. Retenons cependant pour mémoire les noms du Président d'Espagnet, dont l'Enchiridion physicæ restitutæ, traduit en français l'an 1651 (Paris, in-12°), résume sous une forme très condensée la philosophie synthétique d'Hermès ; et du cordonnier de Goërlitz, Jacob Böhme (1575-1625), qui fut le maître posthume de Claude de Saint-Martin.

Nous avons été injuste pour Saint-Martin (1743-1803) dans la première édition de cet essai [Paris, G. Carré, 1886] : nous le jugions alors sur la lecture hâtive et trop superficielle des Erreurs et de la Vérité (1775), livre de début, fatigant et filandreux, où d'excellentes pages sont compromises par un parti-pris d'obscurité et des airs de mystère, dont l'auteur a su se défaire par la suite. – Son Tableau naturel (1782), [page 61] basé sur les clefs du Tarot, son Nouvel homme (1792) et surtout ses dernières productions, l'Esprit des choses (1800) et le Ministère de l'homme-esprit (1802), où l'influence de Böhme prend décidément le dessus sur celle moins pure d'un premier maître (1), témoignent de l'initiation du marquis de Saint-Martin aux plus hauts arcanes traditionnels.

1. Martinez Pascalis [sic], auteur d'un traité inédit de la Réintégration, dont M. Adolphe Franck a publié le premier chapitre à la suite de son excellent livre de la Philosophie mystique en France. (Paris 1865, in-12.)

bouton jaune  Stanislas de Guaita, I. Au seuil du mystère : Extrait, page 60-61

Appendice. II : Analyse de la Rose-Croix, d'après Henry Khunrath. Extrait, pages 108-110

Nous dirons quelques mots plus loin du système séphirothique ; il faut en finir avec l'emblème [page 109] central. Réduit aux proportions géométriques d'un schéma, il peut se tracer ainsi :

1890 guaita schemaUne croix renfermée dans l'étoile flamboyante. C'est le quaternaire qui trouve son expansion dans le quinaire.

C'est la pure essence qui se sous-multiplie, en descendant au cloaque de la matière où elle s'embourbera pour un temps ; mais son destin est de trouver dans son avilissement même la révélation de sa personnalité et déjà — présage de salut — elle sent, au dernier échelon de sa déchéance, sourdre en elle, en mode instinctif, la grande force rédemptrice de la Volonté.

C'est le Verbe, יהוה, qui s'incarne et devient le Christ douloureux ou l'homme corporel, ישוה, jusqu'au jour où assumant avec lui sa nature humaine régénérée, il rentrera dans sa gloire. [page 110]

C'est là ce qu'exprime l'adepte Saint-Martin, au premier tome d'Erreurs et Vérité, quand il enseigne que la chute de l'homme provient de ce qu'il a interverti les feuillets du Grand Livre de la Vie et substitué la cinquième page (celle de la corruption et de la déchéance) à la quatrième (celle de l'immortalité et de l'entité spirituelle).

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Extrait, page 114

C'est ש enfin, dont l'addition au quaternaire verbal, de la sorte que nous avons dite, engendre le quinaire ou nombre de la déchéance. Saint-Martin a très bien vu cela. Mais 5, qui est le nombre de la chute, est aussi le nombre de la volonté, et la volonté est l'instrument de la réintégration.

Sens comparatif ou psychologique de l’emblème. - Extrait, pages 134-135

Ce schéma géométrique équivaut et correspond strictement à l’hiéroglyphe dont usent les alchimistes pour emblème de l'œuvre hermétique parachevée, de la pierre philosophale obtenue : 1896 guaita bas — Le Grand [page 135] Œuvre consiste en effet à comprimer l'Esprit (symbolisé par le triangle), sous l'étreinte de la matière (symbolisée par la croix des 4 éléments). Le soufre des alchimistes, au contraire, c'est la Matière dominée par l'Esprit ; aussi les adeptes, qui sont logiques, l'expriment-ils par le même signe renversé : 1896 guaita ht (1).

Note

(1) Claude de Saint-Martin, dans son Tableau naturel (pages 261-262 du premier tome), a donné une explication foncièrement erronée de ces deux signes. Ce qu'il dit de l'un s’applique avec rigueur à l'autre et réciproquement. Rien de plus surprenant qu'une confusion pareille chez un théosophe de cette valeur.

bouton jaune Sens comparatif ou psychologique de l’emblème

Voici le texte de Saint-Martin

Le triangle, étant le symbole universel des lois particulières qui ont produit les corps ; doit s'appliquer au corps de l'homme, quant à ses principes constitutifs, comme à tous les autres corps.

La figure cruciale étant l'emblème du feu, du centre, du Principe, convient à l’Être intellectuel de l'homme, puisqu'il tient directement au centre du Principe supérieur et universel de toutes les Puissances.

En réunissant ces deux signes dans l'ordre même où les Chimistes les emploient, c'est-à-dire, en plaçant le triangle au-dessus de la figure cruciale 1890 SM ht, on a d'une manière évidente et sensible, le tableau des deux substances opposées qui nous composent, et en même temps celui

de l'imperfection de notre état actuel, où l’Être pensant se trouve surmonté et comme enseveli sous le poids de la forme corporelle ; tandis qu'étant destiné par sa nature à régner et à dominer sur elle, cette forme devrait lui être absolument subordonnée : et voilà comment toutes les lois des Êtres pourraient tourner à notre instruction. [page 262]

On peut même trouver là une nouvelle preuve de la nécessité des manifestations supérieures, pour aider l'homme à se rétablir dans son ordre naturel, et afin que notre essence intellectuelle, étant remise dans son rang primitif et supérieur à la matière, l'édifice qui avait été renversé suivant cette figure 1890 SM ht, se trouvât relevé ainsi 1890 SM bas.

bouton jaune Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers p.261-262

 

Discours initiatique, extrait, page 169

Ces quelques données sont précises, sur la « grande affaire (1) » de l'humaine destinée : à toi le soin d'en déduire le reste, et de donner au problème sa solution.

Mais comprends bien, mon Frère, une troisième et dernière fois je t'en adjure, comprends bien que l’Altruisme est la seule voie qui conduise au but unique et final, — je veux dire la réintégration des sous-multiples dans l'Unité Divine; la seule doctrine qui en fournisse le moyen, qui est le déchirement des entraves matérielles, pour l'ascension, à travers les hiérarchies supérieures, vers l'astre central de la régénération et de la paix.

1. Saint-Martin.

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