1847 dictionnaire heresies t11847 - Dictionnaire des hérésies

Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes ou mémoires pour servir à l’histoire des égarements de l’esprit humain
Par Pluquet

Publié par l’abbé Migne, éditeur de la Bibliothèque universelle du clergé

Tome premier

Se vend cher J.-P. Migne éditeur
Aux ateliers catholiques, rue d’Amboise, au Petit-Montrouge Barrière d’Enfer de Paris

Articles : Martinistes français, martinistes russes

Voir : Dictionnaire des hérésies – T 11

Martinistes français, Martinistes russes

Pages 968-970

[p.968] Martinez Pasqualis, dont on ignore la patrie, que cependant on présume être Portugais, et qui [p.969] est mort à Saint-Domingue en 1799, trouvait dans la cabale judaïque la science qui nous révèle tout ce qui concerne Dieu et les intelligences créées par lui (1). Il admettait la chute des anges, le péché originel, le Verbe réparateur, la divinité des saintes Écritures. Quand Dieu créa l’homme, il lui donna un corps matériel : auparavant, c’est-à-dire avant sa création, il avait un corps élémentaire. Le monde aussi était dans l’état d’élément : Dieu coordonna l’état de toutes les créatures physiques à celui de l’homme.

Martinez fut le premier instituteur de Saint-Martin, né à Amboise en 1743, tour à tour avocat et officier, mort à Aulnay, près Paris en 1804. Saint-Martin prend le titre de philosophe inconnu, en tête de plusieurs de ses ouvrages. Le premier, qui parut en 1775 (2), avait pour titre : Des erreurs et de la vérité. « C’est à Lyon, dit l’auteur, que je l’ai écrit par désœuvrement et par colère contre les philosophes ; j’étais indigné de lire dans Boulanger que les religions n’avaient pris naissance que dans la frayeur occasionnée par les catastrophes de la nature. C’est pour avoir oublié les principes dont je traite que toutes les erreurs dévorent la terre, et que les hommes ont embrassé une variété universelle de dogmes et de systèmes. Cependant, quoique la lumière soit faite pour tous les yeux, il est encore plus certain que tous les yeux ne sont pas faits pour la voir dans son éclat ; et le petit nombre de ceux qui sont dépositaires des vérités que j’annonce est voué à la prudence et à la discrétion par les engagements les plus formels. Aussi me suis-je promis d’en user avec beaucoup de réserve dans cet écrit, et de m’y envelopper d’un voile que les yeux les moins ordinaires ne pourront pas toujours percer, d’autant que j’y parle quelquefois de toute autre chose que de ce dont je parais traiter.» -Saint-Martin s’est ménagé, comme on le voit, le moyen d’être inintelligible ; et il s’est si bien enveloppé, que ce qu’il y a de plus clair dans le livre, c’est le titre.

Le Ministère de l’homme esprit, par le philosophe inconnu, parut en 1802, in-8°. Dans un parallèle entre le christianisme et le catholicisme, comme si ces deux choses n’étaient pas identiques, il s’est donné libre carrière à dénaturer et à calomnier le catholicisme, « qui n’est, dit-il, que le séminaire, la voie d’épreuves et de travail, la région des règles, la discipline du néophyte pour arriver au christianisme. Le christianisme est le terme, le catholicisme n’est que le moyen ; le christianisme est le fruit de l’arbre, le catholicisme ne peut en être que l’engrais ; le christianisme n’a suscité la guerre que contre le péché, le catholicisme l’a suscitée contre les hommes (3). » Assurer d’un air tranchant, voilà toutes ses preuves.

Il serait difficile de présenter le résumé des [970] idées de ce philosophe inconnu, le corps de sa doctrine. Ses disciples contestent la faculté de l’apprécier à quiconque n’est pas initié à son système : or, tel ne l’est qu’au premier degré, tel autre au second ou au troisième ; et tous ont voué la .prudence et la discrétion, par les engagements les plus formels. Mais, si le système du maître est aussi intéressant et avantageux à l’humanité qu’ils le prétendent, pourquoi ne pas le mettre à la portée de tout le monde, Il est permis d’élever des doutes sur l’importance et les avantages d’un système qui ne s’abaisse pas jusqu’à l’intelligence du vulgaire : car, en fait de religion et de morale, il est de la bonté de Dieu et dans l’ordre essentiel des choses que ce qui est utile à tous soit accessible à tous. Au surplus, Saint-Martin a dit encore : « Il n’y a que le développement radical de notre essence intime qui puisse nous conduire au spiritalisme [sic] actif. » Si ce développement radical ne s’est pas encore opéré chez bien des gens, il n’est pas étonnant qu’ils soient encore à grande distance du spiritalisme actif ; et que n’étant encore que des hommes de torrent, ils ne puissent comprendre l’homme de désir (4). Cet illuminé a écrit le Nouvel homme, à l’instigation d’un neveu de Swedenborg, et traduit divers écrits du visionnaire Bœhm. P.[970]

MARTINISTES RUSSES.

La conformité des dogmes des martinistes français avec ceux d’une secte qui naquit dans l’université de Moscou vers la fin du règne de Catherine II, et qui eut pour chef le professeur Schwarts, a fait donner le nom de martinistes aux membres de cette secte. Ils étaient nombreux à la fin du dix-huitième siècle. Mais ayant traduit en russe quelques-uns de leurs écrits, et cherché à répandre leur doctrine, plusieurs furent emprisonnés, puis élargis quand Paul monta sur le trône. Actuellement ils sont réduits à un petit nombre. Ils admirent Swedenborg, Bœhm, Ekartshausen et d'autres écrivains mystiques. Ils recueillent les livres magiques et cabalistiques, les peintures hiéroglyphiques, emblèmes des vertus et des vices, et tout ce qui tient aux sciences occultes. Ils professent un grand respect pour la parole divine, qui révèle non seulement l’histoire de la chute et de la délivrance de l’homme ; mais qui, selon eux, contient encore les secrets de la nature : aussi cherchent-ils partout dans la Bible des sens mystiques. Tel est à peu près le récit que faisait de cette secte Pinkerton, en 1817 (5).

Notes

1. Grégoire, Hist. des Sectes relig., tom. II, pag. 217-229.
2. In-8°. Edimbourg.
3. Pag. 5, 6, 13, 104, 168, 371, 572, et passim.
4. Titre d'un ouvrage de Saint Martin.
5. Intellectual Repository of the new Church, n. 25, p. 34 et suiv.