1804

Nouveau dictionnaire historique, ou Histoire abrégée de tous les hommes

 

1804 Nouveau dictionnaire historique

Nouveau dictionnaire historique, ou Histoire abrégée de tous les hommes qui se sont fait un nom par des talents, des vertus, des forfaits, des erreurs, etc., depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours ; dans laquelle on expose avec impartialité ce que les Écrivains les plus judicieux ont pensé sur le caractère, les mœurs et les ouvrages des Hommes célèbres dans tous les genres ; avec des Tables chronologiques, pour réduire en corps d’histoire les articles répandus dans ce dictionnaire.

 

Par Louis Mayeul Chaudon et F. A. Delandine. - Huitième édition, revue et corrigée et considérablement augmentée. - Tome onzième - À Lyon, chez Bruyset aîné et Comp. An XII - 1804

Article Saint-Martin, pages 40-41

Saint-Martin, (N**) naquit à Amboise d’une famille distinguée par ses services militaires. Son père profita du voisinage de M. de Choiseuil [sic] à Chanteloup, et de l’amitié que celui-ci lui témoignait pour lui recommander son fils ; et le jeune Saint-Martin, sur la présentation de l’ex-ministre, obtint une lieutenance dans le régiment de Foix. Son caractère tranquille, son amour pour la retraite, son recueillement presque continuel ne pouvaient s’accorder avec l’activité des camps et le tumulte des armes ; aussi, après cinq ou six ans de service, il demanda et obtint sa retraite. Dès lors livré tout entier aux idées métaphysiques, il se mit à voyager et resta trois ans à Lyon où il vécut solitaire, presque inconnu, gardant le silence et ne le rompant qu’avec un très petit nombre d’amis. Après avoir parcouru d’autres contrées, il se retira à Paris, où sa vie paisible et obscure le mit à l’abri des fureurs de la révolution. Celle-ci le trouva impassible ; sans crainte, comme sans enthousiasme, n’approuvant ni ne blâmant rien avec excès, son âme, repliée sur elle-même, ne parut jamais oublier un moment les idées philosophiques qui lui étaient chères. Une grande douceur, l’exercice de la bienfaisance, une simplicité de mœurs extraordinaire, des connaissances variées, le goût de la musique et des autres arts, le don d’intéresser sans paraître y prétendre, lui acquirent des amis et même des admirateurs. Il est mort à Aunai, dans la maison du sénateur le Noir-la-Roche [sic] au commencement de l'an 12, à l’âge de près de 60 ans. Saint-Martin doit sa réputation au livre intitulé Des erreurs de la vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science. Quelle est cette science ? elle est inconnue, incompréhensible pour la plupart des lecteurs de l’ouvrage. Celui-ci parut en 1775 in-8°, et a eu un grand nombre d’éditions.

« C’est pour avoir oublié, dit l’auteur, les principes dont je traite que toutes les erreurs dévorent la terre, et que les hommes ont embrassé une variété universelle de dogmes et de systèmes.... Cependant, quoique la lumière soit faite pour tous les yeux, il est encore plus certain que tous les yeux ne sont pas faits pour la voir dans son éclat et le petit nombre de ceux qui sont dépositaires des vérités que j’annonce, est voué à la prudence et à la discrétion par les engagements les plus formels. Ainsi, me suis-je .permis d’oser de beaucoup de réserve dans cet écrit, et de m’y envelopper souvent d’un voile que les yeux les moins ordinaires ne pourront pas toujours percer d’autant que j’y parle quelquefois de toute autre chose que de ce dont je parais traiter. »

Avec une pareille explication, on peut être obscur et inintelligible tout à son aise, et l’auteur à cet égard tient parole sur ce qu’il promet. Ses raisonnements pour des lecteurs vulgaires paraissent ceux d’un fou ; mais ses disciples, appelés Martinistes du nom de leur maître, les révèrent comme ceux d’un sage. Tout au moins, l’auteur pourra passer pour le Lycophron de la métaphysique. Les profanes ont cherché à donner diverses explications du livre, et il en est même qui ont prétendu qu’il traitait de la constitution et de l’extinction des Jésuites, et que par le mot cause universelle, il fallait entendre leur Père général. On a imprimé à Londres, en anglais, un ouvrage en 2 vol., comme une suite de celui de Saint-Martin ; mais ce dernier n’y a eu aucune part ; et cette prétendue suite, dit-on, n’a aucun rapport avec la base du système et les opinions de l’auteur.

1804 gerando

Saint-Martin a encore publié un volume in-8°, sous le titre : Tableau de l’ordre naturel. Comme il était un peu moins obscur que le précédent, il a obtenu moins de succès ; car les énigmes sont toujours recherchées par un grand nombre de lecteurs…

Une conversation avec Saint-Martin sur les spectacles

 Titre :« Une conversation avec Saint-Martin sur les spectacles ». Archives littéraire de l’Europe, ou mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie. Par une société de Gens de Lettre, t. I, Paris, Henrichs, 1804, p.337-340. [Signée :] J.M.D. [Joseph-Marie de Gerando] p. 337-340 - Sur Google livres :Une conversation avec Saint-Martin sur les spectacles 
- Sur le site du Philosophe inconnu : Une conversation avec Saint-Martin sur les spectacles

* Cette conversation de M. J[oseph] M[arie de] G[érando] avec le philosophe inconnu nous a paru fournir un supplément intéressant à l’article qui précède. Elle fait connaître M. de St-M. sous un jour très favorable, et forme un contraste très piquant avec le dialogue de M. T. et de ce même philosophe sur la puissance des nombres. C’est une nouvelle preuve que les égarements ou l’exaltation de l’esprit peuvent se trouver réunis avec la bonté du cœur et la pratique des vertus. (N. d. R.)

- Voir sur ce site : Notice historique sur les principaux ouvrages du Philosophe inconnu

 

Villers - Essai sur l’esprit et l’influence de la réformation de Luther

1804 reformation

Par Charles Villers - Essai sur l’esprit et l’influence de la réformation de Luther.

Ouvrage qui a remporté le prix sur cette question proposée dans la séance publique du 15 germinal an X, par l’Institut national de France : « Quelle a été l’influence de la réformation de Luther sur la situation politique des différents États de l’Europe, et sur le progrès des Lumières ?

 - À Paris, chez Henrichs, libraire, rue de la Loi, n° 1231.- Et à Metz, chez Collignon, imprimeur libraire. - An XII - 1804

Sociétés secrètes; Francs-Maçons ; Roses-croix ; Mystiques ; Illuminés. Pages 336-348

Quand un certain nombre d'individus, formant une faible minorité au milieu des peuples, se trouvent dépositaires d’opinions qu’ils tiennent pour  importantes, et qu’ils n’osent rendre publiques, ou parce qu’ils les croient dangereuses pour la multitude, ou parce qu’ils s’exposeraient aux persécutions en les professant ouvertement, ou par toute autre cause : alors naît pour ces individus le besoin de réunions secrètes, où ils puissent en liberté professer leur doctrine ; il leur faut une intime fraternité entre tous les membres de l’association, des serments de ne se point trahir, des épreuves, des signes pour se reconnaître au milieu des étrangers. De là les mystères de l’Égypte, la Grèce, ceux de Pythagore, etc. — Il n’est pas douteux que depuis la chute de l’empire romain, il n’ait existé en Europe beaucoup de ces mystérieuses confréries, et que quelques-unes même n’aient traversé tout le moyen âge pour venir jusqu'à nous.

Sans nous arrêter à tous les récits vrais ou fabuleux que plusieurs d’entre elles donnent de leur origine, et qui souvent n’ont pour base qu’une tradition romanesque, des symboles trompeurs, des monuments supposés, nous nous arrêterons seulement à considérer, que jamais la nature des choses ne dut rendre ces sociétés aussi nécessaires      et aussi mystérieuses que ne les rendirent les abus du despotisme hiérarchique, l’inquisition, et toutes les sortes de vexations qu’exerçaient les agents de Rome dans les temps qui précédèrent la réformation. Il se trouvait assez d’individus de toutes les classes dont les yeux s’ouvraient sur ces abus, et qui en reconnaissaient l’énormité : mais ils renfermaient soigneusement dans leur âme un secret, qui s’il eût percé au dehors, les eût conduits sur un bûcher. Seulement quand ils rencontraient à l’écart un ami sûr, qui partageait leurs sentiments, alors leur poitrine oppressée s’exhalait, ils se soulageaient à voix basse du fardeau qui les accablait, avisaient aux moyens de se réunir, de se soutenir, et de former un cercle étroit où les tyrans de la pensée ne pussent pas les atteindre.

Il est plus que probable que de pareilles sociétés existaient lors de la réformation. Les Wicklefites en Angleterre et en Écosse, les Hussites en Bohême, en Silésie, en Moravie, aussi bien que les restes des Albigeois en France, devaient sans nul doute éprouver ce besoin de se communiquer, aussi bien que celui de se cacher soigneusement ; deux conditions qui jouent le principal rôle dans la formation de ces sociétés. Combien les circonstances ne devinrent-elles pas encore plus pressantes et plus générales ; quand la réformation éclata ouvertement en Saxe, et qu’elle redoubla partout l’activité et la surveillance des espions et des inquisiteurs de Rome ?

Il n’était point de pays catholique où les principes de Luther n’eussent gagné un grand nombre de partisans. La position de ces secrets adhérents de la réforme était excessivement périlleuse. Un simple soupçon les perdait, les livrait au supplice. La contrainte extrême qu’ils s’imposaient ne pouvait cesser et recevoir quelqu’allègement, que dans des conciliabules couverts du plus profond mystère. Si l’ordre des francs-maçons ne prit pas alors sa naissance (c’est-à-dire, vers la fin du seizième, ou le commencement du dix-septième siècle), au moins il reçut à cette époque, et de nouvelles modifications, et une nouvelle extension.

On n’a pas encore trouvé de titres qui soient irrécusablement à l’abri de la critique, et où il en soit fait une mention formelle avant l’année 1610. Le temple de Jérusalem, la stricte filiation des templiers, appartiennent probablement à la mythologie de cet ordre, plutôt qu’à son histoire. Il existe d’anciens statuts qui excluent les catholiques, et qui restreignent l’ordre aux seuls protestants. Les principes d’égalité et de fraternité entre les membres, sont très conformes à ce qu’on vit alors parmi plusieurs sectes ouvertes et déclarées. La position géographique de la Bohême et de la Saxe, d’où venait la lumière de la réforme, par rapport à l’Écosse, à l’Angleterre et à la France, semble expliquer la dénomination d’Orient qu’y prennent communément les loges.

Dans l’état de confusion et d’exaltation où se trouvaient tous les peuples, la conformité d’opinions étaient devenue plus importante aux individus que la conformité de patrie. Un luthérien de Bavière tenait plus à un luthérien de la Saxe, qu’à un Bavarois catholique. Le Suisse calviniste, devenu ennemi du Suisse catholique, regardait le Français et le Hollandais calvinistes comme ses vrais compatriotes. L’Écossais puritain fraternisait avec l’Anglais de sa secte, malgré l’antipathie nationale. Cependant les guerres civiles, celles de peuple à peuple, longues, sanglantes qui s’ensuivirent, surtout en Angleterre en Écosse, mirent souvent aux prises, et en danger de s’ôter mutuellement la vie, ces frères, ces alliés secrets. Chacun suivait au hasard les drapeaux sous lesquels le sort l’avait jeté. Combien de soldats, zélés protestants dans le fond du cœur, ne servaient pas dans les armées impériales de Ferdinand, dans celles de Philippe II ! Combien de calvinistes dans l’armée de la ligue, de presbytériens dans les rangs des épiscopaux ! Il fallait donc un signe mystérieux qui révélât le frère au frère, au milieu de la mêlée et du carnage. On sait qu’en effet les francs-maçons en ont un destiné à remplir ce but, et cela seul semble prouver évidemment que cet ordre appartient à la période sanglante de ses guerres du dix-septième siècle, pendant lesquelles on vit assez d’exemples d’individus sauvés au milieu des plus grands périls, par leurs ennemis même, qui à ce signe les reconnaissaient pour des associés et des frères.

L’état de travail et de fermentation dans lequel l’esprit humain se trouvait en général au moment où Luther parut, les efforts qu’il faisait sur plusieurs directions pour arriver à la lumière, et échapper aux ténèbres du moyen âge, donnèrent lieu à plusieurs évènements coïncidents dans le règne des sciences, qui se mélangèrent de mille manières différentes et avec les idées des sectes religieuses de ce temps, et avec la mystérieuse doctrine des sociétés secrètes. Un mélange bizarre de quelques aphorismes soi-disant de Hermès, de Pythagore, de Platon, ajustés au texte hébreu des livres de l’ancien Testament et de ceux de quelques rabbins, avait renouvelé les rêveries judaïques connues sous le nom de Cabbale. Les sectateurs de cette obscure doctrine, appelée aussi par eux philosophie hermétique, pythagoricienne, etc...,  voulaient y trouver les sources de la science et de la sagesse universelle. Reuchlin, Zorzi, Agrippa, lui donnèrent sa consistance dans le seizième siècle. Cardan et d’autres y joignirent l’astrologie judiciaire. Le fameux suisse Théophraste Bombast de Hohenheim, plus connu sous le nom de Paracelse, chimiste laborieux, maria sa science à la Cabbale, et prétendit pénétrer tous les secrets de Dieu, ou de la nature, qui pour lui étaient une même chose. Rechercher l’élément primitif, le grand menstrue [sic], fixer la lumière et l’asservir à ses opérations ; en un mot, trouver la pierre philosophale, guérir à son moyen toutes les maladies et faire de l’or, était le but, le grand œuvre de la nouvelle science, que ses nombreux partisans nommèrent quelquefois théosophie, philosophie du feu, etc....

Celui qui, après Paracelse, lui donna le plus de cours, fut le célèbre anglais Robert Fludd. Dans les laboratoires de cette secte se préparèrent les idées orientales de magie, d’apparitions, de génies, idées qui régnèrent vers ce temps, et qui n’ont pas encore cessé tout à fait de nos jours. La doctrine commune pour le fond de tous ces cabbalistes, astrologues, alchimistes, était le panthéisme de l’école d’Alexandrie ; par conséquent, au travers de toutes ses déviations, une sorte de platonisme, qui, comme tel, devait combattre de toutes ses forces le fameux aristotélisme défendu par les scholastiques, et le principal appui de la théologie romaine (1). Les sectes protestantes, ennemies de Rome, accueillirent donc et accréditèrent çà et là toutes ces nouveautés ; elles s’introduisirent surtout dans les associations secrètes dont nous avons parlé, qui reçurent çà et là dans leur sein de ces magiciens, souffleurs d’or, etc. Les idées religieuses de toute espèce, depuis la cabbale la plus extravagante, jusqu’au protestantisme le plus raisonnable ; les idées morales d’égalité, de fraternité, de bienfaisance entre tous les hommes ; celles de l’astrologie judiciaire, de la théosophie et de l’alchimie, avec, toutes leurs nuances et conséquences ; tels furent donc les éléments si variés et si hétérogènes dont se composa le fond mystérieux des secrets de toutes les nouvelles associations.

Selon qu'un individu, ou qu’une loge adoptait plus particulièrement l’une ou l’autre de ces vues, sa doctrine s’approchait davantage, ou du mysticisme religieux, ou du mysticisme politique, ou de l’astrologie, ou de l’alchimie, ou, etc. Cependant peu à peu les éléments purement moraux se séparèrent entièrement des mystères de l’alchimie et de la pierre philosophale. Ils se réfugièrent dans la société si connue le nom de Franche-maçonnerie, qui, soit que son origine remonte ou non plus haut que la réformation, reçut d’elle une croissance et une vigueur nouvelles.

Depuis longtemps même que les troubles de religion, sont apaisés dans l’Europe, et que toutes les sectes chrétiennes y sont admises, cette estimable société n’a gardé de son premier âge, que quelques formules mystérieuses, un secret, qui ne semble être là que pour rendre l’association plus intime, ou plus piquante, et un grand respect pour les livres saints, ce qui était le trait caractéristique des protestants. Le reste devint le partage de l’ordre des Roses-croix, qui, qui malgré l’histoire imposante du prétendu Fondateur Rosencreutz, et de sa sépulture, malgré la rose surmontée d’une croix que Luther portait dans son cachet, doit suivant toute apparence son origine au théologien wirtenbergeois Valentin Andreæ, qui y donna lieu dans de bonnes intentions, et qui s’en retira ensuite (2).

Quelquefois aussi les idées religieuses des théosophes restèrent unies à leur métaphysique du panthéisme, à leur mythologie des êtres surnaturels, à leur chimie, à leur manière de voir la nature. De là résulta, dans quelques têtes qui se prêtèrent à ce mélange, la doctrine la plus excentrique, et souvent la plus bizarre. Le plus fameux de ces mystiques théosophes a été un cordonnier de Gœrlitz en Lusace, Jacob Bœhm, dont les écrits lus avec avidité, lui firent une foule de sectateurs dans tout le nord de l’Europe ; il en est même parmi eux de très illustres par leur savoir ; je ne citerai que les deux Van Helmont, père et fils, de Bruxelles, et Pierre Poiret de Metz. A une époque toute voisine de nous, on pourrait encore compter Swedenbourg et la secte des martinistes, parmi lesquels Paracelse et Bœhm sont encore en grand honneur. Il est certain que ce Bœhm, et quelques autres mystiques, ont été des hommes d’un génie extraordinaire ; et que telles de leurs idées méritent un rang aussi honorable dans la haute philosophie, que telle découverte de Paracelse et des souffleurs d’or en mérite une dans la chimie. S’il n’y a pas de grand génie, au dire de Sénèque, sans quelque mélange de démence, il n’y a peut-être pas aussi de grande démence sans quelque mélange de génie.

Quoiqu’il en soit, ces sociétés secrètes n’ont pas été sans quelqu’influence sur la culture morale, et même sur les évènements qui se sont passé en Europe depuis la réformation. Il a donc été à propos de faire mention de l’influence qu’a pu avoir celle-ci sur leur existence. C’est sur elles que se sont enté et modelé quelques associations plus récentes, dont la plus connue est l’ordre des illuminés, dénomination générale qui a servi de masque et de prétexte à beaucoup de charlatans. Le projet des vrais illuminés n’était autre, à ce que je crois, que de propager les lumières, et de réaliser les idées libérales du droit de nature, en fondant une réunion d’hommes énergiques et bien voulants [sic], qui travaillassent, de toutes leurs forces réunies, à l’encontre d’un certain système d’obscurantisme qui tendait à un retour vers la barbarie, et qui était efficacement appuyé par certaines cours. Les illuminés, pendant la courte période de leur existence, ne négligèrent aucun moyen, pour faire triompher leurs vues, et pour y soumettre les grands de la terre. On peut les regarder en ce sens comme les jésuites de la philosophie, et comme les apôtres d’une secte politique, dont la croyance est fondée sur ce beau rêve, que ce sont les vertus et les talents qui doivent avoir la préséance et l’autorité parmi les hommes.

1. On ne peut nier que ces théosophes n’aient, aussi bien que les théologiens réformateurs, préparé les voies à Descartes dans le combat à mort qu’il livra aux restes de la philosophie scholastique. Il est impossible d’avoir l’intelligence des écrits de ce philosophe, non plus que de ses adversaires, tels que Gassendi, Poiret, etc. et en général de tous les ouvrages philosophiques de cette période, si l’on n’a parfaitement la clef des travaux des réformateurs,  et de ceux des sectateurs de Paracelse.

2. Il doit paraître sous peu en Allemagne un ouvrage du savant M. Buhle, professeur de philosophie à l’université de Gottingue, qui portera jusqu’à l’évidence ce qui est avancé ici sur l’origine de la Maçonnerie, et en offrira toutes les preuves. M. Buhle avait déjà lu une Dissertation latine sur le même sujet à la Société Royale des Sciences de Gottingue, à la fin de 1802 ; et il parut un extrait .de cette pièce dans les feuilles littéraires de là même ville en janvier 1803, nos 7 et 8.