1859 - Collège des Philalèthes de Lille
Mémoires de la Société impériale des sciences, de l'Agriculture et des Arts, de Lille.
Année 1858, IIe série, 3e volume1859.
Lille, chez tous les libraires
Paris, chez Debache, rue du Bouloy, n°7
1859
Documents relatifs à l’histoire de la Société
Collège des Philalètes de Lille (1789)
Messieurs les membres de la Société Impériale des Sciences, de l’Agriculture et des Arts.
J'ai fait dernièrement une trouvaille qu'aussitôt j'ai désiré avoir l'honneur de vous communiquer. Plusieurs membres de votre société ont bien voulu m'encourager à le faire. Je ne cède, toutefois, à la tentation qu'en mettant ma lettre sous leur patronage, c'est la recommander à votre bienveillante attention.
Il s'agit des Philalèthes, dont le nom est resté en honneur parmi vous et auxquels vous avez emprunté votre devise [utile dulci].
Mais ce nom de Philalèthes ne désignait pas exclusivement la société dont le souvenir est toujours vivant dans cette enceinte. Il y avait en France, avant 89, plus de vingt loges maçonniques fondées sous le même nom, et celle de Lille n'avait formé un collège en dehors de la franc-maçonnerie, qu'afin de pouvoir compter dans ses rangs des religieux et des ecclésiastiques.
Je viens vous offrir un exemple de cette connexion dans une décoration maçonnique ayant appartenu à M. Armand Gaborria, membre des deux sociétés. Cette décoration fait connaître son grade dans la [page 208] loge ; déjà vous savez qu'il figure le troisième, en 1789, sur la liste des membres du collège, et qu'il avait présidé, par intérim, la séance publique du 20 novembre 1787.
Je me permettrai d'ailleurs de faire remarquer que la société avait retenu de la loge une des cérémonies de la réception. Je veux parler de l'épreuve imposée aux candidats. On leur posait des questions, et chaque récipiendaire devait lire, en séance solennelle, un mémoire de sa composition.
La décoration maçonnique, dont je joins ici l'empreinte, prouve aussi que la loge de Lille était affiliée à celle de Paris. M. Savalette de Lange, garde du Trésor royal, et quelques autres personnages, avaient fondé, en 1773, au moment de la scission du Grand-Orient de France et de la Grande-Loge, un rite particulier qui n'est plus en usage aujourd'hui. Un chimiste, du nom de Valentino, ouvrit à Lille une loge du même régime et au même nom. Les connaissances maçonniques y étaient distribuées en douze classes ou chambres d'instruction, dont la nomenclature se trouve dans l'histoire du Grand Orient de France. Les membres parvenus au quatrième grade recevaient le titre d'Élus, et la décoration de notre philalèthe lillois, sous la forme d'une étoile à sept rais, porte d'un côté, avec les abréviations maçonniques : Gaborria, chambre maçonnique des Philalèthes à l'Orient de Lille, 1785. Au revers : Veritatis electus.
Le régime des Philalèthes différait de la maçonnerie en général ; celle-ci n'offrait d'ordinaire à ses adeptes qu'un sujet de distraction, de bienfaisance et de secours réciproques, l'autre avait un but plus actif et plus scientifique : la recherche de la vérité. Vérité morale et chrétienne, vérité scientifique, telles étaient, comme le prouvent celles de leurs œuvres qui subsistent dans vos archives, les sources salutaires où voulaient se retremper des hommes que ne pouvait satisfaire le doute de leur époque.
S'ils pouvaient revenir au sein de cette assemblée, ils vous proclameraient certainement, Messieurs, les continuateurs de leur œuvre, et s'il leur était donné de compulser vos mémoires, ils y trouveraient avec [page 209] bonheur la solution de tant problèmes que leur esprit pénétrant avait posés, en même temps que votre amour éclairé des lettres et des arts leur présenterait la complète et féconde application de leur devise : Utile dulci.
Daignez agréer, Messieurs, l'assurance du profond respect,
De votre très humble serviteur,
E. VAN HENDE.