1863 Le Couteux1863 - Les sectes et sociétés secrètes politiques et religieuses

Essai sur leur histoire depuis les temps les plus reculés jusqu’à la révolution française

Par J. H. E. [Jean Baptiste Emmanuel Hector] Comte Le Couteulx de Canteleu

Paris.

Librairie académique
Didier et Cie, éditeurs,
35, quai des Grands Augustins
1863.

Les sociétés secrètes au XVIIIe siècle - § V. La FM sous Louis XVI en Europe, Extrait, p.136

En dépit des nouveaux décrets de la Sorbonne, défendant d'entrer ou de rester dans la Franc-Maçonnerie, l'Ordre était donc en pleine prospérité, et son pouvoir n'allait donc qu'en augmentant. Martinez, dont je parlerai tout à l'heure, créait son nouveau rite des Élus Coëns, et en 1761 le grand conseil de Paris délivrait à un Juif, Stephen Morin, une patente de grand Inspecteur général, pour aller en Amérique propager la nouvelle Maçonnerie de perfection.

bouton jaune   § V. La FM sous Louis XVI en Europe

§ VII. Martinez Pasqualis et les Philalèthes, pages 143-146

Voir : — Manuscrits du prince de Hesse. — œuvres complètes de Saint-Martin. 17 vol. in-8° et 1 vol. in-12. — Papiers relatifs aux philalèthes et à Savalette de Lange. — (Collection du prince de Hesse en ma possession).

C’est vers 1750 que Martinez Pasqualis, dont l’origine est très obscure, introduisit en France sa nouvelle secte philosophique ; il la propagea d’abord à Marseille, ensuite à Bordeaux et à Toulouse, renouvelant l’ancienne pratique des rites cabalistiques et professant « que l’intelligence et la volonté sont les seules forces actives de la nature, que pour en modifier les phénomènes il suffit à l’homme de commander et de vouloir énergiquement, qu’il peut ainsi s’élever à la notion parfaite de l’essence universelle et à la domination des esprits. » Martinez ne reconnaissait, pour légitimes, ni les empires fondés par la violence, la force ou les conquêtes, ni même les sociétés qui doivent leur origine aux conventions et aux pactes les plus libres ; car il faudrait alors, disait-il, qu’un homme eût transmis à un autre un droit qu’il n’a pas, celui de disposer de soi et de sa liberté ; en somme, il n’admettait, en principe, qu’une seule autorité légitime, celle des temps antiques et de l’âge d’or, celle du père de famille.

[page 144] Après avoir introduit son système dans plusieurs loges maçonniques, entre autres dans celle d’Avignon qui en fut infestée, puis dans celles de Lyon où il fonda l’école de Lyon, il transporta son officine philosophique à Paris et de là alla mourir à Saint-Domingue. Après sa mort, sa doctrine se modifia petit à petit en admettant les croyances de Swedenborg, de Jacob Boëhm et des Illuminés allemands, malgré les efforts d’un de ses néophytes les plus jeunes et les plus ardents, le célèbre Saint-Martin, dit le philosophe inconnu, qui refusa cependant d’entrer dans l’école de Lyon, ne la trouvant pas assez spiritualiste.

Du reste, la secte avait déjà pris ouvertement une tendance politique des plus avancées. — Les frères d’Avignon, cachés sous le masque de charlatans et de visionnaires, et, ne parlant que de leur puissance d’évoquer les morts, de les faire apparaître, et de cent autres prodiges de cette espèce, en réalité nourrissaient au fond de leurs loges, et dans leurs arrière-secrets, des complots dignes des Illuminés allemands. Ils s’étaient donné des lois, avaient organisé leur société, avaient choisi leurs voyageurs, puis s’étaient enfoncés dans les autres loges maçonniques pour y chercher des hommes disposés à leurs croyances, et à remplir les nouveaux grades qu’ils voudraient leur communiquer, car la Franc-Maçonnerie a toujours été la pépinière chérie de toutes les sociétés secrètes nouvelles. C’est rue de la Sourdière, à Paris, dans [page 145] la loge des Amis réunis, que ces prétendus Philalèthes fondèrent leur rite. — Composée de cent trente membres environ, cette loge, qui comptait parmi ses adeptes le vicomte de Tavannes, Court de Gebelin, le président d’Héricourt, le prince de Hesse, M. de Saint-Jammes, Dietrich, Condorcet, Tassin, de Bondi, M. de Chef-de-Bien, etc., reconnut encore pour chef Savalette de Lange, déjà président du comité des Amis réunis.

Le rite comprenait douze grades, et le conseil particulier était composé des maîtres à tout grade de la douzième classe.

Les Philalèthes travaillaient beaucoup les sciences occultes, et ils soutinrent plusieurs des fameux intrigants de cette époque qui étaient leurs agents ; c’est ainsi qu’on comptait parmi eux Duchamteau, Mesmer, Cagliostro, Saint-Germain, Saint-Martin, etc. C’est dans leur loge que Duchamteau fit ses expériences sur la régénération physique de l’homme, suivant les préceptes de Cagliostro, expérience à la suite de laquelle il perdit la vie.

En 1782, le rite avait déjà vingt loges en France et à l’étranger. — En 1785, les Philalèthes conçurent le projet de réformer la Franc-Maçonnerie pour prendre sur elle une action puissante, et à cet effet ils convoquèrent un grand convent, à Paris, pour tous les maçons français et étrangers ; mais ce convent eut peu de succès, et un second convent, réuni en 1787, eut le même sort. La révolution et la mort de [page 146] Savalette de Lange, qui était l’âme de cette loge, achevèrent d’anéantir le rite. Tous leurs ouvrages et leurs manuscrits, qui étaient des plus curieux, furent pillés, et ce qu’on retrouva plus tard fut acquis par les archives du rite écossais philosophique.

 bouton jaune   § VII. Martinez Pasqualis et les Philalèthes

Extrait § VIII. Swedenborg, page 148

… En France, ce fut à Avignon que cette doctrine [celle de Swedenborg] fit le plus d’adeptes ; ils s’y mêlèrent aux Martinistes, et on leur donna le nom d’Illuminés théosophes. Sous tous les noms qu’ils prirent, c’étaient, parmi les Francs-Maçons, ceux qui se rapprochaient le plus des Illuminés allemands, et, des uns comme des autres, c’étaient les mêmes vœux en faveur d’une Révolution aussi antisociale qu’antireligieuse.

§ IX. Les Chevaliers bienfaisants de la cité sainte. Pages 148-150

Note : Voir Manuscrits du prince de Hesse et papiers relatifs aux philalèthes (en ma possession).

Toutes ces doctrines, pratiquées alors par un nombre immense d’adeptes, se concentrèrent sous [page 149] l’habile direction du duc de Chartres, dont le but fut de réunir tous ces pouvoirs dans une seule main, dans un espoir d’action qu’il n’est pas difficile de comprendre ; aussi eut-il soin de fonder également une secte particulière, secte à lui, qui, mêlant les croyances des Templiers et de la Philosophie à celles des anciennes sectes et aux absurdités des hermétiques et des alchimistes, s’allia secrètement avec la secte de la stricte Observance pour s’en servir, et se répandit dans l’Alsace et la Lorraine. — Pour tâcher de déjouer la police, ils prirent, au convent de Lyon, le nom de Chevaliers bienfaisants de la cité sainte. Saint-Martin et Villermoz furent les principaux agents de la secte. Leur influence, comme nous le verrons, fut immense au congrès de Wilhelmsbad, où ils se reconnurent bien vite, les Illuminés et eux, et résolurent de s’appuyer, quitte à se trahir ensuite. En 1776, le duc de Chartres entreprit dans les Loges de France un voyage qui fut pour lui un triomphe : à Bordeaux, il présida la Loge française et celle de l’Amitié ; à Agen, à Toulouse, il inspecta les ateliers ; à Poitiers, à Angoulême, à Montauban, à Montpellier, il fut entouré des hommages des Francs-Maçons, accueilli par des vœux, et, à son retour à Paris, il fut complimenté par les députés du grand Orient. — Il établit une discipline sévère dans l’Ordre, défendit de rien imprimer sans que les manuscrits lui eussent été communiqués, et, pour accoutumer à le connaître, [page 150] présida lui-même les travaux dans les Loges. — La grande Loge et le grand Orient, qui se disputaient pourtant depuis longtemps la direction de l’Ordre, le reconnurent tous deux pour leur chef, et enfin, en 1789, il présida les travaux de la mère Loge du rit écossais, réunissant ainsi pour la première fois, dans la main d'un seul, les trois pouvoirs maçonniques qui dirigeaient les ateliers de la France. Mais ambitieux sans courage, Cromwell sans génie, Danton sans audace, joué par des gens plus fins que lui, qu’il révoltera même plus tard par le cynisme infâme avec lequel il votera la mort du Roi, au milieu de la stupeur générale; l’espoir qu’il avait nourri de voir la France, après l’avoir jetée dans tous les malheurs, l’accepter comme ancre de salut, lui manquera au dernier moment. — Il aura peur et laissera briser ignominieusement devant lui son épée de grand Maître et voter la déchéance de tous ses droits avant de voir voter pour lui-même la mort qu’il a si honteusement votée et pour ses amis et pour ses proches.

Mais il est temps de nous occuper de la fameuse secte des Illuminés, qui fut une aide si puissante pour les autres sociétés secrètes dans leur œuvre de destruction.

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Extrait § XI. Swedenborg, page 163-164

Tels étaient la doctrine et le code de cette dangereuse secte [les Illuminés de Bavière], qui, par l’énergie de ses chefs, le nombre de ses adeptes, allait donner une nouvelle impulsion aux idées révolutionnaires, en se réunissant aux [164] Francs-Maçons, aux Swedenborgiens, aux Martinistes et à toutes les sectes qui couvraient alors l’Europe.

bouton jaune   § XI. Swedenborg

Extrait § XII. Congrès de Wilhelmsbad et ses résultats, page 166

Quant aux sectes bien dirigées en ce moment et qui avaient réellement un but et des secrets, comme les Illuminés et les Chevaliers bienfaisants, ils se gardèrent bien de les divulguer publiquement, et, se contentant de faire des recrues et d’établir leur influence, ils laissèrent les autres sectes se disputer et convenir, après vingt-huit assemblées, qu’on ne savait rien.

Knigge enrôla dans ce congrès des magistrats, des savants, des ecclésiastiques, des ministres d’État, sut offrir aux uns une protection puissante, à d’autres des honneurs, des emplois, à tous la flatterie, et s’allia avec les députés de Saint-Martin et de Villermoz [sic].

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Extrait : Épilogue, page 221

… Non ! de tout ce que nous avons vu et entendu des rites et croyances de Zoroastre, des Empereurs d’Orient, des Philalèthes, des Réformés, des sublimes Maîtres de l’anneau lumineux, de la stricte Observance, des Égyptiens, des Illuminés, des Misraistes, des Carbonari, des Philadelphes, des Souffrants, des Chercheurs, des Niveleurs, des Indépendants, du régime philosophique, du rite suédois, des Maçons éclectiques, écossais, cabalistiques, hermétiques, des Princes de la mort, des Sectaires de Zinnendorf, de Saint-Martin, de Swedenborg, des Invisibles, des Élus Coëns, des frères Noirs, des Maçons du Désert, Noachites, etc.

 bouton jaune   Épilogue

Extrait : Pièces justificatives : le système de la stricte observance, page 250

Dans l’Alsace et dans la Lorraine, ce système de Templiers s’était de même répandu sous les auspices du duc de Chartres ; mais de peur pour la police, les membres changèrent, sur un convent de Lion [sic], leur nom en chevaliers bienfaisants de la Cité sainte. Saint-Martin et Villermoz [sic] furent les principaux ressorts de ce changement. Ils composèrent plusieurs grades mystiques, dont l’esprit est connu par les écrits de cette école, comme les Archives mythohermétiques, des Erreurs et de la Vérité, etc.

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