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MOREAU Louis

Le philosophe inconnu. Réflexions sur les idées de Louis-Claude de Saint-martin, le théosophe. Suivies de fragments d’une correspondance inédite entre Saint Martin et Kirchberger.
Paris. Jacques LECOFFRE et Cie, Libraires, rue du Vieux-Colombier, 29, Ci-devant rue du Pot-de-Fer-Saint-Sulpice, 8.
1850

Chapitre II. Débats à l’École normale entre Saint-Martin et Garat (pages 38-72)

Issue de Bacon par Hobbes, Gassendi et Locke, la philosophie du dernier siècle avait conclu au sensualisme en psychologie ; à la doctrine de l'intérêt en morale ; au déisme ou à l'athéisme en religion ; à la souveraineté du peuple en politique ; au matérialisme, dans toutes les parties de la science de la nature. Subversive du principe même de la morale, la théorie de la sensation anéantit la spiritualité de l'âme, et par conséquent les rapports de l'homme à Dieu, l'essence et la Providence divine. La négation de la spiritualité de l'âme équivaut à la négation de l'âme elle-même : l'homme n'est plus que corps. Un corps sans âme implique logiquement un monde sans Dieu et une vie sans règle : c'est ainsi que toutes les erreurs sont solidaires, parce que la vérité est une. Cependant, comme il n'est pas plus possible à l'homme de s'affranchir de l'idée de loi que de se débarrasser du principe de cause, dès qu'il cesse de placer en Dieu la source de son être et la [page 39] raison de ses devoirs, c'est dans la matière ou dans lui-même qu'il cherche sa loi. Il se substitue â Dieu ; ou bien, à la cause souverainement intelligente et libre, il substitue la force aveugle, l'énergie de la nature en un mot la créature au Créateur. La philosophie du XVIIIe siècle en était venue là. Elle avait exclu Dieu et de la nature et de la science ; elle l'avait banni de l'esprit et du cœur de l'homme. Appliqué par Condillac à l'idéologie, par Helvétius à la morale, par d'Holbach au système de l'univers, le sensualisme, dans les écrits de Rousseau, de Voltaire et de Boullanger, avait faussé la science politique et sociale, l'étude de l’histoire de l'antiquité.

C'est la gloire de Saint-Martin d'avoir voulu rasseoir toutes les institutions humaines sur les bases religieuses que cette téméraire philosophie avait renversées. Il s'indigne de lire dans Boullanger que les religions de l'antiquité n'ont eu d'autre origine que la frayeur causée par les catastrophes de la nature, et il écrit son premier ouvrage Des erreurs et de la Vérité. Il y rappelle les hommes au principe universel de la science, à la source unique de l'autorité, de la justice, de l'ordre civil, des sciences, des langues et des arts. Ce livre est un véritable manifeste publié contre les doctrines générales de l'époque. Plus tard, dans sa Lettre à un ami sur la Révolution française, dans l'Éclair sur l'Association 'humaine, dans les Réflexions d'un observateur, il combat en particulier les théories sociales d'Helvétius et de Rousseau. Enfin la réponse au professeur Garat et l'Essai sur les 'signes et les idées sont une réfutation originale et animée du système de Condillac.

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