1811

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. J.B.G. Haillet de Couronne

1811 catalogue hailletDe Jean Baptiste Guillaume Haillet de Couronne, Ancien Lieutenant - Général Criminel au Bailliage de Rouen, Secrétaire perpétuel honoraire de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de la même ville, Membre de l'Académie des belles-lettres et arts de Caen, etc.

Paris Tilliard frères, libraires, rue Haute Feuille, n° 22. Août 1811 – 311 pages, https://books.google.fr/books?id=nGc-AAAAIAAJ=

Page 44

344- Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers (par de Saint-Martin). Edimbourg, 1782, 2 vol. in-8. br.

Page 45

347. Des erreurs et de la vérité (par de Saint-Martin). Edimbourg, 1782, 2 vol. in-8. br.

Page 101

780. L'aurore naissante, ou la racine de la philosophie, de l'astrologie et de la théologie, trad. de l'all. de J. Behme (par de Saint-Martin). Paris, 1800, 2 vol. in-8. br.

Dictionnaire universel, historique, critique et bibliographique

1811 dictionnaire universelOu Histoire abrégée et impartiale des personnages de toutes les nations qui se sont rendus célèbres, illustres ou fameux par des vertus, des talents, de grandes actions, des opinions singulières, des inventions, des découvertes, des monuments, ou par des erreurs, des crimes, des forfaits, etc., depuis l’origine du monde jusqu’à nos jours; contenant aussi celle des dieux et des héros de toutes les mythologies; enrichie des notes et additions des abbés Brotier et Mercier de Saint-Léger, etc., etc.

D’après la huitième édition publiée par MM. Chaudon et Delandine.
Neuvième édition, revue, corrigée et augmentée de 20.000 articles environ, par une société de savants français et étrangers.
Suivie de Tables chronologiques, pour réduire en corps d’histoire les articles répandus dans ce dictionnaire. Ornés de 1200 portraits en médaillons.

Tome XV. Paris, de l’imprimerie de Prudhomme fils. 1811, http://books.google.fr/books?id=viIPAAAAQAAJ

 Article Saint-Martin, pages 416-418

L’orthographe du texte a été respectée.

SAINT-MARTIN (Louis-Claude), né à Amboise le 18 janvier 1743, d’une famille distinguée par ses services militaires, obtint une lieutenance dans le régiment de Foix. Son caractère tranquille, son amour pour la solitude, son recueillement presque continuel ne pouvoient s’accorder avec l’activité des camps et le tumulte des armes ; aussi, après cinq ou six ans de service, il demanda et obtint sa retraite. A cette époque il réunissoit à la connoissance des langues anciennes celle des principaux idiomes de l’Europe, et il en profita pour voyager en Allemagne, en Suisse, en Angleterre et en Italie. .Livré tout entier aux idées métaphysiques, il resta trois ans à Lyon, où il vécut solitaire, presqu’inconnnu, gardant le silence et ne le rompant qu’avec un très petit nombre d’amis. Il se retira ensuite à Paris, où sa vie paisible et obscure le mit à l’abri des fureurs de la révolution. Elle le trouva, impassible ; sans crainte, comme sans enthousiasme, n’approuvant ni ne blâmant rien avec excès ; son âme, repliée sur elle-même, ne parut jamais oublier un moment les idées philosophiques qui lui étoient chères. Une grande douceur, l’exercice de la bienfaisance une simplicité de mœurs extraordinaire, des connaissances variées, le goût de la musique et des autres arts, le don d’intéresser sans paroître y prétendre, lui acquirent des amis et même des admirateurs. Il est mort à Aunai, dans la maison du sénateur Le Noir-la-Roche, à l’âge de près de 60 ans. Saint-Martin doit sa réputation au livre intitulé des Erreurs et de la vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science. Quelle est cette science ? Elle est inconnue, incompréhensible pour des lecteurs vulgaires ; mais ses disciples appelés Martinistes, du nom de leur maître, l’entendent sans doute, puisqu’ils la révèrent. Tout au moins, l’auteur pourra passer pour le Lycophron de la métaphysique. Les profanes ont cherché à donner diverses explications de ce livre qui parut en 1775, in 8° ; et il en est même qui ont prétendu qu’il traitoit de la constitution et de l’extinction ries jésuites, et que par le mot cause universelle, il fallait entendre leur père général. On a [417] imprimé à Londres, en anglais, un ouvrage en 2 vol. comme une suite de celui de Saint-Martin ; mais ce dernier n’y a eu aucune part ; et cette prétendue suite, dit-on, n’a aucun rapport avec la base du système et les opinions de l’auteur. Saint-Martin a encore publié, I. Un volume in-8°, sous le titre de Tableau de l’ordre naturel. Comme il étoit un peu moins obscur que le précédent, il a obtenu moins de succès ; car les énigmes sont toujours recherchées par un grand nombre de lecteurs. II. De l’Esprit des choses. III. Ministère de l’Homme-Esprit. IV. Eclair sur l’association humaine ; dans cet écrit, l’auteur, se plaçant hors de la nature, cherche les fondemens du pacte social dans le régime théocratique, et les communications entre Dieu et l’homme. V. Le Livre Rouge. VI. Ecce Homo. VII. L’Homme de Désir, VIII. Le Cimetière d’Amboise. IX. Le Crocodile ou la Guerre du bien et du mal arrivée sous le règne de Louis XV ; poème épico-magique en 102 chants, dans lequel il y a de longs voyages sans accidens qui soient mortels ; un peu d’amour sans aucune de ses fureurs ; des grandes batailles sans une goutte de sang répandu ; quelques instructions sur le bonnet de docteur, par un amateur de choses cachées, 1799, in-8°. Cet ouvrage est le chef-d’œuvre de l’obscurité ; vainement en connoît-on la clef, et sait-on que madame Jof est la Foi ; Sedir le Désir, Ourdeck le Feu : il ne reste pas moins inintelligible, X. L’auteur a encore traduit de l’allemand en français les Principes, l’Aurore Naissante et autres ouvrages de Bœhm. C’est ainsi que M. Tourlet  interprète les idées générales de Saint-Martin. « Son système, di-il, a pour but d’expliquer tout par l’homme. L’homme, selon lui, est la clef de toute énigme et l’image de toute vérité prenant ensuite à la lettre, le fameux oracle de Delphes, nosce te ipsum, il soutient que pour ne pas se méprendre sur l’existence et sur l’harmonie de tous les êtres composant l’univers, il suffit à l’homme de se bien connoître lui-même ; parce .que le corps de l’homme a un rapport nécessaire avec tout ce qui est visible, et que, son esprit est le type de tout ce qui est invisible. Que l’homme étudie donc et ses facultés physiques dépendantes de l’organisation de son corps, et ses facultés intellectuelles dont l’exercice est souvent influencé par les sens ou par les sujets extérieurs, et ses facultés morales, ou sa conscience qui suppose en lui une volonté libre : c’est dans cette étude qu’il doit rechercher la vérité, et il trouvera en lui-même tous les moyens nécessaires pour y arriver. Voilà ce que Saint-Martin appelle 1a Révélation naturelle. Par exemple, la plus légère attention suffit, dit-il, pour nous apprendre que nous ne communiquons, et que nous ne formons même aucune idée, qu’elle ne soit précédée d’un tableau ou d’une image engendrée par notre intelligence ; c’est ainsi que nous créons le plan d’un édifice et d’un ouvrage quelconque. Notre faculté créatrice est vaste, active, inépuisable ; mais en l’examinant de près, nous voyous qu’elle n’est pas secondaire, temporelle, dépendante ; c’est-à-dire, qu’elle doit son origine à une faculté créatrice supérieure, indépendante, universelle dont la nôtre n’est qu’une foible copie. L’homme est donc un Type qui doit avoir son prototype ; c’est une [418] effigie, une monnoie qui suppose une matrice ; et le créateur, ne pouvant puiser que dans son propre fonds, a dû se peindre dans ses œuvres ; et retracer en nous son image et sa ressemblance, base essentielle de toute réalité. Malgré le rapport ou la tendance que nous conservons vers ce centre commun, nous a avons pu, en vertu de notre libre arbitre, nous en approcher ou nous en éloigner. La loi intellectuelle nous ramène constamment à notre première origine, et tend à conserver en nous l’empreinte de l’image primitive : mais notre volonté peut refuser d’obéir à cette loi ; et alors la chaîne naturelle étant interrompue, notre type ne se rapporte plus à son modèle, il n’en dépend plus et la place sous l’influence des êtres corporels qui ne doivent servir qu’à exercer nos facultés créatrices, et par lesquels nous devions naturellement remonter à la source de tout bien et de toute jouissance. Cette disposition vicieuse, une fois contractée par notre faute, peut, comme les autres impressions organiques, se transmettre par la voie de la génération : ainsi nous hériterons des vices de nos parens. Mais la vertu, mais l’étude et la bonne volonté pourront toujours diminuer on détruire ces affections dépravées, et corriger en nous ces altérations faites à l’image vivante de la divinité ; nous pourrons, en un mot, nous régénérer et seconder a ainsi les vues réparatrices de l’homme Dieu. » Telle est à peu près la marche que M. de Saint-Martin suit dans son système. Il ne voit point tout en Dieu comme Mallebranche [sic], au contraire Dieu voit tout en l’homme qui est son image ; et l’homme actuel ne connoît Dieu qu’en réformant sa propre image dégradée. Les philosophes anciens veulent que l’homme devienne Dieu en s’identifiant avec lui par la pensée : « Celui qui connoît Dieu, disent-ils, devient Dieu lui-même. Saint-Martin soutient seulement que l’homme vertueux redevient l’image de Dieu : ce qui rétablit, la communication entre Dieu et l’homme, et ce qui suffit pour le bonheur de ce dernier. » Saint-Martin se plaisait à lire Rabelais pour son amusement, et Burlamaqui pour son instruction. Il dit qu’il avoit puisé dans cet auteur, dès sa jeunesse, le goût de la méditation qu’il conserva toujours. La meilleure de ses maximes, ou du moins la plus claire, étoit celle-ci « Il est bon de jeter continuellement les yeux sur la science, pour ne pas se persuader qu’on sait quelque chose ; sur la justice, pour ne pas se croire irréprochable ; sur toutes les vertus, pour ne pas penser qu’on les possède. »