1819

1819 verite societes secretes

1819 - La vérité sur les sociétés secrètes en Allemagne

À l’occasion de l'ouvrage ayant pour titre :
Des Sociétés secrètes en Allemagne et en d’autres contrées; de la Secte des Illuminés, du Tribunal secret, de l'assassinat de Kotzebue, etc.

Par un ancien illuminé.

PARIS.

DALIBON, LIBRAIRE,
PALAIS-ROYAL,
GALERIE DE BOIS, N.o 218.

1819.

Extraits, pages 7-9

Peu de temps avant la révolution, Mirabeau fut envoyé en Allemagne par le ministère français. Cette mission avait pour objet de recueillir sur plusieurs cabinets, et plus particulièrement sur celui de Berlin, des notions secrètes. Outre l'ouvrage qu'il fit paraître sur la Prusse, il en publia un second qui traitait de l'Illuminisme. Mais dans ce dernier écrit il s'était moins proposé de faire connaître les opinions des Illuminés, que de donner le change sur celles des démocrates; et l'on y remarque une confusion qui seconda puissamment ce dessein.

L'abbé Baruel tomba dans le piège que Mirabeau avait tendu à la curiosité publique. Chez lui l'ignorance est égale au défaut [page 8] de critique. Il a tout confondu; et les plans des démocrates, qui, visant à un contrat social, basé sur la prétendue raison, écartaient spécialement toute religion positive et surtout le caractère traditionnel qu'elle avait imprimé à toutes les sociétés; et les rêveries, la fausse science, les fausses traditions des mystagogues, des alchimistes, des magnétiseurs ; et la théosophie des Rose-Croix, de Jacob Böhme, de St.-Martin, et les jongleries de Schröpfer et de Cagliostro ; et les orgies de quelques hommes de la haute société qui avaient abjuré même le code de la nature, enfin toutes les divisions et subdivisions des sectes dont le monde était inondé. Il en était venu à se représenter l'univers entier comme une immense société liguée pour une vaste conspiration.

Mais, dans le fond, si les démocrates niveleurs ou jacobins ne voulaient point de l'ancien état de choses traditionnel et légitime, ils n'étaient pas moins ennemis des spéculations des mystiques appliquées à l'ordre social, [page 9]spéculations qui n'avaient rien de commun avec leurs utopies d'une raison pure.

C'est par ce motif que Mirabeau, dont les projets destructeurs n'avaient aucun rapport avec les rêves d'un mystique, cherchait à éveiller l'attention du gouvernement français et sur les théosophes d'Avignon dont le chef était St.-Martin [1], et sur les jongleries de Cagliostro.

[1] L’auteur parle ici des Illuminés d’Avignon, fondés par Dom Pernety en 1784.

  La vérité sur les sociétés secrètes en Allemagnebouton jaune

Œuvres complètes de l'abbé Proyart, ancien principal du collège du Puy, et chanoine d’Arras

1818 ProyartLouis XVI et ses vertus aux prises avec la perversité de son siècle

Tome troisième

Paris, à la librairie de la société typographique - Chez Méquignon fils aîné, éditeur, rue Saint Severin, n° 11

M DCCC XIX (1819) Œuvres complètes de l'abbé Proyart

Extrait, page 76-77

Enfin, ce fut encore cette même année 1776, car les dates ne sont pas ici à négliger, que notre franc-maçonnerie française se recruta d'un nouveau renfort, par la subite apparition de la secte qu'on appela des Martinistes, du nom de son chef Saint-Martin. Ce nouveau jongleur, tendant au même but que le jongleur Weisshaupt, mais sous des formes plus hypocrites, publiait à cette époque le code énigmatique de son institut, ouvrage que Voltaire, à la première lecture, appelait le dernier terme de l'absurdité et de la folie (1). Mais c'est qu'alors Voltaire, le suprême architecte de tout l'œuvre philosophique, n'était pas encore en rapport avec ce digne et zélé compagnon, qui, comme Swedenborg, n'avait publié une espèce d'Apocalypse que pour éveiller plus sûrement l'attention des curieux, et les attirer à la loge secrète qu'il avait établie à Avignon au pied du tombeau de Jacques Molay. Les philosophes de Paris et les philosophes de Lyon se disputèrent l'avantage [76] d'entendre le nouvel apôtre de la nature, et il se rendit dans ces deux villes pour y fonder des loges où les grands mystères étaient dévoilés à ceux qui étaient jugés dignes de les connaître. L'arrière-secret de Saint-Martin était le même absolument que celui qui était révélé aux élus du Grand-Orient, aux élus de Weisshaupt et de Swedenborg, aux élus du club d'Holbach, tous suppôts bien décidés du naturalisme : c’était le secret de la sape simultanée de la religion et des trônes. Ce secret s'appelait philosophiquement : « abattre le despotisme et la tyrannie, abolir le fanatisme, écraser l'infâme ; » et en langue maçonnique : « détruire les Assyriens, compléter le grand-œuvre, relever le temple de Salomon, rebâtir la Jérusalem céleste (23). »

Notes

1 Lettre à d'Alembert, 22 octobre 1776.

Note 23, pages 283-284

(23) Il suffit de vouloir ou de savoir lire, pour reconnaître dans les écrits de Saint-Martin, que cet illuminé matérialise les esprits, ou spiritualise la matière, et que tout son système, renouvelé du paganisme, conduit droit à l'athéisme. Aussi ne fût-ce pas un médiocre sujet d'étonnement pour nous [284] d'entendre un admirateur de l'enthousiaste Saint-Martin, l'appelé un philosophe digne de vénération ; admirateur encore de l'illuminé Kant, le féliciter d'avoir posé les points cardinaux; de la pensée; admirateur enfin des merveilleux résultats de la réforme de Luther, de ce moine énergumène qui, échappé de son cloître, et traînant avec lui sa Vénus impudique, mit l'Europe en feu, et changea, au dire de l'auteur même, l'empire germanique en un vaste cimetière, où deux générations furent englouties ; révolution, suivant l'auteur encore, qui peut n'être pas du goût de ces esprits modérés qu'effraient la marche bondissante et les fureurs des révoltés ; mais pourtant qui ne sont que les beaux effets de ces commotions terribles qui déplacent, toutes les propriétés.

Que ces contradictions et ces dangereuses folies se combinent dans une tête extravagante, cela se conçoit, mais, que toute une compagnie de savants juge cette tête digne d'une couronne, et qu'elle la décerne à une rapsodie révolutionnaire,' qui outrage à la fois le bon goût, la vérité, les mœurs et la religion du gouvernement, voilà ce qu'il nous paraît difficile d'expliquer, et pourtant ce que nous sommes forcés d'admettre, depuis que l'Institut a couronné l'ouvrage d'ignorance et d'impiété de M. Charles de V

Je ne pense pas que le savant auteur des Annales littéraires ait atteint son but, s'il a cru disculper les autres membres de l'Institut, en disant qu'une partie des commissaires nommés pour juger cet ouvrage, fait profession ouverte d'athéisme ou de principes antichrétiens, (XXIIe livre, page 484). Le corps, en pareil cas surtout, est solidaire pour les membres.

Extrait, page 84

La même année [1782] vit également circuler les Œuvres complètes de l'illuminé Saint-Martin, autre fatras d'absurdités énigmatiques, qui, pour le résultat, se confondaient avec les précédentes, en conduisant à ce naturalisme philosophique, système d'antique extravagance, renouvelé des païens par Spinosa, et suivant lequel le Créateur et ses créatures, Dieu et les hommes, les esprits et la matière, tout l'univers enfin, ne formeraient ensemble qu'un même être, substance éternelle, et soumise par le hasard aux modifications du temps.