Calendrier perpetuel 1853Année 1853

– Annales de la Société académique de Nantes - Étude historique et morale sur le compagnonnage
– Bibliothèque universelle de Genève - La baronne d’Oberkirch
– Louis Blanc - Histoire de la Révolution française
– Lerminier - Philosophie du droit
– Mercier - Tableau de Paris - Amour du merveilleux
– Nodier – Contes de la veillée - M. Cazotte
– Précis analytique des travaux de l’Académie de Rouen : Compte-rendu du livre de Caro
– Recueil de l’Académie des jeux floraux - Éloge du Comte Joseph de Maistre
– Revue des Deux Mondes - Compte-rendu du livre de Caro
– Simon- Étude historique et morale sur le compagnonnage
– Journal du magnétisme
– Krasinski - Histoire religieuse des peuples slaves- Chapitre XV. Russie : Les martinistes
– Ragon - Orthodoxie maçonnique etc. : Rite des élus Coëns & Rite des Philalète [sic] & Rite du Martinisme 
– Le Soleil mystique

1853 – Annales de la Société académique de Nantes 

1853 AnnalesSociété académique de Nantes et de la Loire-Inférieure,
Annales de Société académique de Nantes et de la Loire-Inférieure
Tome XXIV
Imprimerie de Mme Ve Camille Mellinet
Imprimeur de la Société Académique
1853

Étude historique et morale sur le compagnonnage en France par M. C.-G Simon

I. Origine du compagnonnage - Extrait, pages 132-133

Trois ouvrages particulièrement, publiés récemment en France, suffiraient à peu près seuls au besoin de la tâche :

1° Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie et des Sociétés secrètes anciennes et modernes, par F.-T.-B. Clavel. — Paris, 1844.

2° Histoire philosophique de la Franc-Maçonnerie, par MM. Kauffman et Cherpin. — Lyon, 1850.

3° Histoire générale de la Franc-Maçonnerie, basée sur les anciens documents et les monuments élevés par elle, depuis sa fondation en l'an 715 avant Jésus-Christ, jusqu'en 1850, par Emmanuel Rebold. — Paris, 1851.

De tous les auteurs qui ont écrit sur la Franc- Maçonnerie, Rebold, l'un des plus réservés, n'en fait remonter la naissance qu'à l'an 715 avant l'ère chrétienne; la plupart des autres veulent y voir une filiation directe, découlant sans interruption ni lacune des anciens mystères religieux*, des initiations égyptiennes et grecques, et mêmes de celles de la Perse et de l'Inde.

Saint-Martin l'illuminé ne va pas moins qu'à prétendre que la [page 133] Franc-Maçonnerie est née avec l'univers; et Smitz veut qu'Adam, le premier des initiés, ait été, dans les bosquets de l'Eden, le dépositaire de la science maçonnique.

Note * : Dans le texte original du livre est ajouté : « des Juifs ».

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1853 – Bibliothèque universelle de Genève

1853 bibliotheque geneveBibliothèque universelle de Genève
Tome vingt-quatrième
Genève
Joël Cherbuliez, libraire, rue de la Cité
Paris. Joël Cherbuliez, place de l’Oratoire, 6
Allemagne. J. Kessmann, Genève, rue du Rhône, 171
1853

La baronne d’Oberkirch. Extrait, page 98

Notre baronne est, nous allions l'oublier, grande amie du magnétisme et du somnambulisme dont le merveilleux séduisait son esprit chercheur. Elle connaît les systèmes de Martinez Pasqualis et de Saint-Martin, rend de fréquentes visites à Mesmer et magnétise elle-même chez la duchesse de Bourbon en séance publique. Elle nous rend également compte de plusieurs faits étonnants dont elle a été le témoin chez Cazotte et chez M. de Puységur, fervent [page 99] adepte de Mesmer et l'un des plus ardents propagateurs du somnambulisme.

L. Larchet

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1853 – Louis Blanc - Histoire de la Révolution française

1853 Blance t5Histoire de la Révolution française par M. Louis Blanc
Édition française, faite à Paris sous les yeux de l’auteur.
Paris, chez Langlois et Leclercq, rue de la Harpe, 81.
Pagnerre, rue de Seine, 11.
Perrotin, place de Doyenne, 3.
Tome cinquième. 1853

Chapitre VI. Interrègne. Extrait, page 452

Il est certain que tandis qu’ils repoussaient avec tant de véhémence l’idée de république, les constitutionnels de l’Assemblée se laissaient aller, sans y prendre garde, sur une pente qui y conduisait tout droit, par l’adoption des mesures les plus propres à avilir, dans Louis XVI, et le monarque et le chef de famille. Il avait été décrété, on l’a vu, qu’un gouverneur serait nommé au dauphin ; et, dans la séance du 28 juin, l’Assemblée avait déclaré que nul de ses membres ne pouvait être désigné pour cet emploi, se réservant toutefois de former elle-même la liste indicative des candidats : cette liste, qu’attendait impatiemment la curiosité publique, parut enfin. Parmi beaucoup de noms obscurs et qui étonnèrent, elle en contenait quelques-uns de connus, mais qui se trouvaient singulièrement rapprochés : Berquin, Bougainville, Ducis, Condorcet, Bernardin de Saint-Pierre, Lacépède, le mystique Saint-Martin, Hérault de Séchelles, Cérutti, Bossu, Dacier l’académicien, l’ancien avocat général Servan.

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1853 – Lerminier - Philosophie du droit

1853 LerminierEugène Lerminier, ancien professeur au Collège de France
Troisième édition, revue, corrigée et augmentée de plusieurs chapitres
Paris. Librairie de Guillaumin et Cie, éditeur du Journal des Économistes, de la Collection des principaux Économistes, du Dictionnaire de l’Économie politique, etc.
14, rue Richelieu – MDCCCLIII
1853 - 535 pages

Livre III – Chapitre III - Extrait, pages 151-152

Outre ces travaux éminents d'une orthodoxie positive, le catholicisme de l'Allemagne méridionale a produit encore de remarquables écrits de philosophie religieuse. Franz Baader, mort il y a plusieurs années, est incontestablement le plus attachant de ces théosophes. Il a donné de Jacob Boehme et de Saint-Martin, le philosophe inconnu, de profonds commentaires.

L'ambition de la théosophie est de s'élever à la pleine possession des vérités premières de la religion et de la nature [page 152] et de saisir en toute chose le sens caché. On pourrait, sous certains rapports, comparer la théosophie à ces écoles ésotériques, c'est-à-dire intérieures, de la philosophie antique, où un enseignement supérieur était donné à quelques adeptes. Il y a toujours eu des âmes ardentes, des imaginations contemplatives qui éprouvent le besoin d'un aliment plus fort, et d'une audacieuse recherche des plus hautes vérités.

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1853 – Mercier - Tableau de Paris

1853 MercierLouis-Sébastien Mercier
Tableau de Paris
Étude sur la vie et les ouvrages de Mercier, notes, etc. par Gustave Desnoiresterres
Paris. Pagnerre, éditeur, rue de Seine, 14 bis
V. Lecou, éditeur, rue du Bouloi, 10.
1853

XXII. Amour du merveilleux. Extrait, pages 77-78

Une secte nouvelle, composée surtout de jeunes gens, paraît avoir adopté les visions répandues dans un livre intitulé les Erreurs et la Vérité, ouvrage d'un mystique à la tête échauffée, qui a néanmoins quelques éclairs de génie (1).

Cette secte est travaillée d'affections vaporeuses ; maladie singulièrement commune en France depuis un demi-siècle ; maladie qui favorise tous les écarts de l’imagination, et lui donne une tendance vers ce qui tient du prodige et du surnaturel. [page 78] Selon cette secte, l’homme est un être dégradé, le mal moral est son propre ouvrage ; il est sorti du centre de vérité ; Dieu par sa clémence le retient dans la circonférence, lorsqu’il aurait pu s’en éloigner à l’infini ; le cercle n’est que l’explosion du centre : c’est à l’homme de se rapprocher du centre par la tangente.

Pour pouvoir enfiler cette tangente, les sectateurs de ces idées creuses vivent dans la plus rigoureuse continence, jeûnent jusqu’à tomber dans le marasme, se procurent ainsi des rêves extatiques, et éloignent toutes impressions terrestres, afin de laisser à l’âme une liberté plus entière et une communication plus facile avec le centre de vérité.

L’activité de l’esprit humain qui s’indigne de son ignorance ; cette ardeur de connaître et de pénétrer les objets par les propres forces de l’entendement ; ce sentiment confus que l’homme porte en lui-même, et qui le détermine à croire qu’il a le germe des plus hautes connaissances : voilà ce qui précipite des imaginations contemplatives dans cette investigation des choses invisibles ; plus elles sont voilées, plus l’homme faible et curieux appelle les prodiges et se confie aux mystères. Le monde imaginaire est pour lui le monde réel.

Note
1) Des erreurs et de la vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science, par un philosophe inconnu. Ce livre est du marquis Louis-Claude de Saint-Martin, écrivain mystique, né à Amboise en 1743, mort à Aunay, près Châtenay, en 1803. (Note de l'éditeur).

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1853 – Nodier – Contes de la veillée

1853 NodierContes de la veillée
Par Charles Nodier, de l’Académie française
Paris, Charpentier, libraire éditeur, 19, rue de Lille
1853

Jean-François les bas bleus – Extrait, pages 11-12

… Je croyais, dit-il, que toutes ces rêveries (car je lui avais raconté sans oublier un mot ma conversation avec Jean-François les Bas-Bleus ) étaient ensevelies pour jamais avec les livres de Swedenborg et de Saint-Martin dans la fosse de mon vieil ami Cazotte ; mais il paraît que ce jeune homme, qui a passé quelques jours à Paris, s'y est imbu des mêmes folies. Au reste, il y a une certaine finesse d'observation dans les idées que son double langage t'a suggérées, et l'explication que tu t'en es faite ne demande qu'à être réduite à sa véritable expression. Les facultés de l'intelligence ne sont pas tellement indivisibles qu'une infirmité du corps et de l'esprit ne puisse les atteindre séparément. Ainsi l'altération d'esprit que le pauvre Jean-François manifeste dans les opérations les plus communes de son jugement peut bien ne s'être pas étendue aux propriétés de sa mémoire, et c'est pourquoi il répond avec justesse quand on l'interroge [page 12] sur les choses qu'il a lentement apprises et difficilement retenues, tandis qu'il déraisonne sur toutes celles qui tombent inopinément sous ses sens, et à l'égard desquelles il n'a jamais eu besoin de se prémunir d'uni' formule exacte. Je serais bien étonné si cela ne s'observait pas dans la plupart des fous ; mais je ne sais si tu m'as compris.

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M. Cazotte – Extrait, pages 49-50

Indépendamment du motif principal de ce voyage, mon père se promettait à Paris le plaisir de revoir quelques amis plus ou moins célèbres alors, et qui le sont devenus davantage. Delille de Salles, dont le roman métaphysique, intitulé Philosophie de la Nature, conservait encore quelque vogue, avait été son confrère dans l'ordre de l'Oratoire. Legouvé se souvenait d'avoir reçu de lui [page 50] les premiers éléments de la rhétorique et les premiers principes de la versification. Des relations formées dans le monde, et entretenues par un goût commun pour la littérature, le tenaient depuis longues années en correspondance avec Collin d'Harleville et Marsollier des Vivetières, qui fut depuis la féconde providence de l'Opéra-Comique. Une affection beaucoup plus étroite l'unissait à l'honnête Jacques Cazotte, son aîné de vingt ans, dont il avait fait la connaissance à Lyon, chez un jeune officier nommé Saint-Martin, thaumaturge passionné d'une philosophie toute nouvelle, qui se recommandait peu par l'enchaînement des idées et par la clarté des formules, mais qui avait au moins, sur la triste philosophie du dernier siècle, l'avantage de parler à l'imagination et à l'âme. Mon père, qui était né avec un certain penchant pour le merveilleux, n'avait cependant pas conservé une longue fidélité aux théories des martinistes. Il s'était arrêté depuis nombre d'années à des systèmes moins séduisants, mais beaucoup plus positifs, sans cesser d'aimer Cazotte et ses rêveries, sur lesquelles il ne le contrariait jamais. Le bon Cazotte, qui regardait cette tolérance quelque peu ricaneuse comme une adhésion formelle, se félicitait tous les jours de plus en plus de la résipiscence de son adepte égaré, et ses visites se multipliaient en raison de l'opinion qu'il se formait de ses progrès, car jamais homme ne fut animé d'une plus rare ferveur de prosélytisme. Son arrivée était toujours accueillie avec la plus vive satisfaction par notre société ordinaire, qui se composait, avec les personnes que j'ai déjà nommées, de quelques femmes aimables et spirituelles de la connaissance de ma mère, ou que le hasard avait réunies dans notre hôtel ; mais il n'y avait certainement pas un seul habitué de nos veillées à qui elle fût plus agréable qu'à moi. …

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1853 – Précis analytique des travaux de l’Académie de Rouen

1853 academie rouenPrécis analytique des travaux de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Rouen pendant l’année 1852-1853.
Rouen, imprimerie de Alfred Péron, rue de la Vicomté, 55. - 1853 

Compte-rendu du livre de Caro - Pages 324-325

Classe des belles Lettres.
Extrait du Rapport de M. le Secrétaire perpétuel de la Classe des Lettres et des Arts.

Entre tous les rapporteurs qui, chaque année, consacrent tant de labeur et de judicieuse sagacité à extraire, des nombreux ouvrages qu’on renvoie à leur examen, tout ce qu’ils jugent digne d’intéresser notre Société, M. Lévesque, le digne vice-président de l'Académie, se distingue toujours par son exactitude à rendre bonne justice à tous, et à ne laisser aucun mérite dans l’ombre. Cependant, nous sommes forcé, comme pour beaucoup d'autres, dont les rapports ne concernent que des mémoires de Sociétés savantes, d’omettre la plupart de ses travaux ; mais il en est un que nous ne saurions passer sous silence, parce qu’il a trait à un ouvrage important, sous les auspices [page 325] duquel l’auteur a été admis parmi les membres de l’Académie. Nous voulons parler de l’ouvrage de M. Caro, professeur de philosophie au Lycée de Rouen, lequel a pour titre : Du Mysticisme au XIXe siècle ; essai sur la vie et les ouvrages de saint Martin, le philosophe inconnu.

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Rapport au sujet du livre de M. Caro - Pages 509-522

1853 academie rouen caroDu Mysticisme au XIXe siècle ; essai sur la vie et les ouvrages de saint Martin, le philosophe inconnu.
Par M. Caro, professeur de philosophie au Lycée de Rouen

Rapport fait par M. Lévesque, et lu dans la séance du 18 juin 1853.

Messieurs,

Vous avez renvoyé à une Commission, composée de MM. l’abbé Picard, l’abbé Neveu et Lévesque, l’examen d’un ouvrage dont a fait hommage à l’Académie M. Caro, professeur de philosophie au Lycée de Rouen, et qui a pour titre : Du Mysticisme au XIXe siècle. Essai sur la vie et la doctrine de saint Martin, le philosophe inconnu. Je viens, au nom de cette Commission, qui certes aurait pu être ici bien mieux représentée, vous rendre compte du travail que vous lui avez confié.

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1853 – Recueil de l’Académie des jeux floraux 

1853 academie jeux florauxRecueil de l’Académie des jeux floraux
1853 - Toulouse
Imprimerie de Jean-Matthieu Douladoure, rue Saint-Rome, 41

Éloge du Comte Joseph de Maistre, l’abbé Lagrange - Extrait, pages 240-242

… Telle était donc la manière large et profonde de philosopher du comte de Maistre ; toutefois, il ne s'en tient pas strictement aux dogmes révélés, et dans le champ des pures opinions humaines, il fait des excursions périlleuses. Au XVIIIe siècle, au sein de la fermentation des esprits et de la confusion des doctrines, on vit ce qui se produit toujours après un grand mouvement philosophique, d'un côté le scepticisme, de l'autre quelques âmes livrées à la ferveur du mysticisme et aux rêveries de l'illuminisme. Le représentant le plus remarquable de cette tendance est le philosophe inconnu, Saint-Martin, dont les écrits ont été assez familiers au comte de Maistre. Par un côté aventureux de son génie, l'auteur des Soirées incline a un mysticisme voisin de cet illuminisme ; il crée, dans toute la liberté du sens individuel, des théories qu'il essaie ensuite, par un coup hardi, de rattacher au dogme précis du catholicisme ; il se livre [page 241] sur les songes, sur les nombres, sur la vertu des noms, sur d'autres questions encore, à des spéculations tout orientales et pythagoriciennes ; il s'abandonne à la hardiesse de l'hypothèse, à la libre méthode des pressentiments, aux vues prophétiques, et semble alors n'avoir que du dédain pour la science, l'expérience et la raison. Est-ce une faiblesse de ce puissant esprit, une défaillance de sa raison supérieure, un épuisement de son génie ? Au contraire, c'est une surabondance de force et de lumière, une aspiration vers la vérité par toutes les puissances de son être. Tout n'est pas illusion dans le mysticisme ; l'homme n'est pas une pure intelligence privée d'amour et de sentiment, et l'erreur des mystiques n'est pas de s'abandonner à l'inspiration et à l'extase, mais de faire une méthode constante de ces passagères impressions. La raison ne parle pas seule ; tout en nous a une voix pour nous apprendre notre origine et nos désirs ; nos passions même nous rendent capables de saisir, ou d'entrevoir du moins, des vérités que la pensée plus calme ne découvre pas par elle-même... Sous ces réalités que nos mains étreignent, sous ces vérités que notre raison découvre, il y a , il doit y avoir une vérité plus haute, celle que contemple et respire l'âme affranchie, lorsque de ce monde de mouvement et d'analyse, elle s'est élancée à la lumière. Platon disait que les songes viennent du ciel ; et pourquoi pas ? Pourquoi, si le ciel nous appartient, si en définitive nous sommes faits pour lui, n'y aurait-il pas dès à présent des lueurs de l'avenir, des espaces entrevus, des délices pressenties ? C'est dans ce monde invisible, mais réel, que le comte de Maistre ne craint pas de s'aventurer pour y goûter de sublimes ravissements, au risque d'étreindre quelque chimère. Intelligence platonique, il arrive à la vérité [page 242] par la route lente et pénible du raisonnement ; mais il peut aussi la découvrir par intuition, s'élancer avec les ailes de l'amour et se plonger dans la lumière. Toutefois, et c'est ce qui le sépare profondément des illuminés, et le préserve de toute erreur grave, même dans ses plus hardis élans, il n'abandonne pas le guide supérieur auquel il a soumis sa raison, il se rattache toujours aux dogmes révélés et à l'autorité de l'Eglise. C'est donc par un abus manifeste de ses paroles et par le désir de s'abriter sous un grand nom, que la plus novatrice des sectes religieuses de notre âge a osé interpréter dans son sens ses pressentiments sur la régénération morale du monde. Quand il dit : « Si la Providence efface, sans doute c'est pour  écrire. Je suis si persuadé des vérités que je défends, que lorsque je considère l'affaiblissement général des principes moraux, la divergence des opinions, l'ébranlement des souverainetés qui manquent de base, l'immensité de nos besoins et l'inanité de nos moyens, il me semble que tout vrai philosophe doit opter entre ces deux hypothèses : ou qu'il va se former une nouvelle religion, ou que le christianisme va être rajeuni de quelque manière extraordinaire. C'est entre ces deux suppositions qu'il faut  choisir, suivant le parti qu'on a pris sur la divinité du christianisme » ; son choix à lui n'est pas douteux ; ce rajeunissement du christianisme n'est que le triomphe inévitable de l'éternelle et immuable Eglise. Nul n'est plus soumis à la foi que cet aventureux génie ; nul n'accepte plus pleinement le principe d'autorité ; on l'accuse même de l'avoir exagéré, et c'est le grand reproche qu'on a fait à son livre du Pape.

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1853 – Revue des Deux Mondes

1853 revue 2mondes t3XXIIIe année – Seconde série de la nouvelle période - T 3
Bureau de la Revue des Deux mondes, rue Saint Benoît, 20 - 1853

Compte-rendu du livre de Caro – pages 406-408

Du mysticisme au XVIIIe Siècle, Essai sur la rie et la Doctrine de Saint-Martin, le Philosophe inconnu, par E. Caro, professeur agrégé de philosophie au lycée de Rouen (Note : Paris, 1 vol. in 8°, chez Hachette).

Il se pourrait très bien que le mysticisme reprit du crédit. Lorsque l'esprit humain est mécontent des réalités, lorsque l'expérience a déçu la raison et que notre sagesse s'est vue la risée des événements, on se sent triste et humilié, et si l'on ne se jette dans une incrédulité moqueuse ou dans l'activité absorbante des intérêts matériels, on est tenté de se réfugier dans le monde spirituel et de remonter vers l'invisible. Dans toute société policée, ce refuge existe, il est publiquement, officiellement ouvert à tous, c'est la religion établie, et parmi nous, grâce à Dieu, la religion établie, c'est le christianisme. Toute religion est au fond un mysticisme, et le christianisme lui-même en est un, si l'on prend ce mot dans sa meilleure part, et s'il n'exprime que la foi dans une révélation directe de Dieu à l'homme; mais on sait que ce mot a un sens particulier; car dans le sein même du christianisme il y a des mystiques, secte innocente, touchante, admirable quelquefois, et qui peut rester orthodoxe, quoique toujours au moment de cesser de l'être ; secte dangereuse, hérétique, profanatrice, et qui peut arriver aux plus grands égarements sur le dogme et la morale. C'est que la disposition mystique, le tour d'esprit qu'elle suppose et le genre d'idées auxquelles elle conduit, sont en soi des choses difficiles à régler, comme tout ce qui ne reconnaît pas la loi de la raison; et lorsque la mysticité pénètre au sein du christianisme même, elle en accepte rarement le frein, elle trouve encore trop lourd le joug léger de l'Évangile, et, s'efforçant témérairement d'anticiper sur la vie éternelle, elle tend à se faire elle-même un ciel, et peut, sans le savoir, se tourner en une nouvelle sorte d'idolâtrie.

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1853 – Simon - Étude historique et morale sur le compagnonnage

1853 SimonÉtude historique et morale sur le compagnonnage et sur quelques autres associations d'ouvriers depuis leur origine jusqu'à nos jours
Par M. Claude-Gabriel Simon, membre de la Société académique de Nantes, secrétaire adjoint de la Société industrielle de la même ville, associé correspondant de la Société industrielle de Mulhouse
Paris, Capelle, libraire éditeur, rue Soufflot, 16, près le Panthéon.
1853

Chapitre premier – Origine du compagnonnage – Extrait, pages 1-3

Si peu qu'on y réfléchisse, on est vite amené, en étudiant les faits, à se convaincre que le Compagnonnage et la Franc-Maçonnerie ont une origine commune. « Les sociétés de métiers, dit Charles Nodier, sont probablement anciennes comme les métiers. On retrouve des traces de leur existence et de leur action dans toutes les histoires. La Maçonnerie n'est autre chose, dans [page 2] sa source comme dans ses emblèmes, que l'association des ouvriers maçons ou bâtisseurs, complète en ses trois grades : l'apprenti, le compagnon et le maitre ; et l'origine réelle de la Maçonnerie, c'est le Compagnonnage. »

Le Compagnonnage est l'enfant dégénéré, mais durci au travail et à la fatigue, d'une antique et grande institution : la Franc-Maçonnerie, telle qu'elle existe de nos jours, en est la fille aristocratique; fille douée de nobles vertus, de généreux sentiments, mais un peu quintessenciée de son caractère et pleine d'ambitieuses prétentions.

Rechercher l'origine primitive du Compagnonnage, c'est donc rechercher l'origine des Francs-Maçons. Des hommes plus compétents et plus intéressés que nous à cette étude, s'en sont occupés avec beaucoup de zèle et de soin ; ils disposaient pour cela de nombreux matériaux, et comme ils ont publié dans toutes les langues de l'Europe le résultat de leurs investigations, nous n'avons plus, – c'est le parti le plus simple et le meilleur à prendre, qu'à puiser à pleines mains dans leurs écrits. Trois ouvrages particulièrement, publiés récemment en France, suffiraient à peu près seuls au besoin de la tâche :

Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie et des Sociétés secrètes anciennes et modernes, par F.-T.-B. Clavel. — Paris, 1844. 

Histoire philosophique de la Franc-Maçonnerie, par MM. Kauffman et Cherpin. — Lyon, 1850.

Histoire générale de la Franc-Maçonnerie, basée sur les anciens documents et les monuments élevés par elle, [page 3] depuis sa fondation en l'an 715 avant Jésus-Christ, jusqu'en 1850, par Emmanuel Rebold. — Paris, 1851.

De tous les auteurs qui ont écrit sur la Franc-Maçonnerie, Rebold, l'un des plus réservés, n'en fait remonter la naissance qu'à l'an 715 avant l'ère chrétienne; la plupart des autres veulent y voir une filiation directe, découlant sans interruption ni lacune des anciens mystères religieux des Juifs, des initiations égyptiennes et grecques, et mêmes de celles de la Perse et de l'Inde.

Saint-Martin l'illuminé ne va pas moins qu'à prétendre que la Franc-Maçonnerie est née avec l'univers; et Smitz veut qu'Adam, le premier des initiés, ait été, dans les bosquets de l'Eden, le dépositaire de la science maçonnique.

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