1897 - La Presse Néo Spiritualiste en 1896, par le Dr PAPUS

Le Bulletin de la presse française et étrangère
Organe professionnel des publicistes et
Petites Affiches de la Presse, de l'Imprimerie et de la Librairie

Paraissant le 10 et le 25 de chaque mois

Paris
21, quai Saint-Michel
3^e série, n° 3, 25 janvier 1897

Cet article est divisé en trois parties :

1. Presse de langue française
2. Étranger
3. Les Sociétés

1. Presse de langue française

J'ai déjà eu l'honneur, en 1892, de faire pour le Bulletin de la Presse une revue de la Presse néo spiritualiste. Nous allons reprendre cette analyse et refaire l'étude de la question telle qu'elle se présente à la fin de 1896. Nous divisons notre travail en deux parties formant chacune un article.

1° Presse de langue française ;
2° Presse de langue étrangère.

Dans la première partie, celle qui nous intéresse surtout, nous ferons, comme jadis, une étude des organes d'après les Ecoles qu'ils représentent.
Rappelons intégralement l'exposé que nous avions placé en tête de notre première étude. [page 2]

À la suite de l'avènement dans l'enseignement scientifique officiel des doctrines matérialistes ou, du moins, des plus illustres d'entre leurs représentants, il s'est formé un peu partout un courant d'opinions tendant à lutter contre ce matérialisme et à défendre les idées spiritualistes. – Cette défense, pour avoir quelque valeur, devait abandonner les errements des divers cultes ou des vieilles philosophies, dont les représentants sont incapables de lutter contre les nouvelles doctrines. – C'est principalement sur le terrain scientifique, avec des arguments tirés de l'expérimentation ou des doctrines de l'évolution et du transformisme, que la lutte devait se circonscrire. Le matérialisme niait a priori l'existence de certains phénomènes, en apparence extranaturels, produits par les adeptes de l'ancienne magie et les modernes représentants du magnétisme et de la force psychique. Ce sont ces phénomènes qui constituent le point d'appui nécessaire à toute discussion théorique en notre siècle de positivisme et d'expérimentation.

C’est une nouvelle science qu'il s’agit de créer ; c'est un monde tout nouveau qu'il s'agit d'explorer ; aussi la plus grande liberté possible est-elle laissée aux explorateurs et c'est sans union et par petits groupes que l'on s'avance dans l'inconnu. Il s'est créé une foule de « petites chapelles » dont les effets tendent au même but : détruire le matérialisme. – Mais on peut comparer ces « petites chapelles » à ces groupes d'Européens lancés dans l'Afrique Centrale à la conquête des régions inexplorées. – Le but est bien identique : « Introduire la civilisation chez les nègres » ; mais chaque groupe brûle d'être le seul à faire profiter les sauvages des effets des armes perfectionnées, et deux groupes qui se rencontrent dans ces solitudes ont une forte tendance à se considérer mutuellement comme des « sauvages » et à exterminer le plus faible au profit de la « grande idée civilisatrice. » – Il en est de même dans cette exploration du monde inconnu de la Science et chaque groupe qui se respecte a son ORGANE attitré. – Quand « l'organe » manque de copie, on abîme un confrère quelconque et l'on crée ainsi une série de polémiques qui tiennent en haleine les lecteurs et empêchent un peu les rédacteurs de tomber dans les redites habituelles.

Notre intention est de faire une revue rapide de ces organes peu connus et de présenter aux lecteurs de ce Bulletin un état aussi complet que possible de cette portion encore assez nombreuse, quoique peu familière au public, de la presse philosophique. Nous dirons en passant quelques mots des principales écoles représentées par ces organes.

Les Écoles principales qui sont actuellement représentées par les organes néo spiritualistes sont :

1° L'Occultisme, occidental ou kabbalistique et chrétien, ou oriental et bouddhiste ;
2° Le Spiritisme ;
3° Le Magnétisme ;
4° Divers aspects particuliers de la question (Expériences pures. Littérature, etc., etc.).

Nous allons passer en revue les organes et le caractère de chaque école en résumant les diverses opinions de notre mieux.

Occultisme

Les adeptes de la science occulte s'efforcent d'étudier la tradition hermétique d'une part – tradition immuable depuis la plus haute antiquité, – la science contemporaine, d'autre part, et d'appuyer sur ces deux piliers l'explication des faits, en apparence extranaturels.

L'occultisme demande donc des études sérieuses et assez longues ; aussi la plupart des Sociétés contemporaines d'occultisme ne reçoivent leurs membres qu'à l'initiation comme l'Ordre Martiniste, ou à l'examen comme l'Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix. – L'initiation Martiniste en Loge et les examens de la Rose-Croix Kabbalistique confèrent aux membres qui les ont subis des grades actuellement reconnus par toutes les hautes fraternités d'Initiation de la Terre, grâce à l'Union Idéaliste universelle formée entre tous les chefs des principaux centres mystiques légitimement constitués. Le succès de l'occultisme, dans ces dernières années, a poussé plusieurs individus plus ou moins fantaisistes à se faire appeler « Mages », « Initiés » ou autres titres empruntés aux traditions de l'occultisme. Mais ces individus ne possèdent aucun des signes secrets auxquels les membres des hautes fraternités se reconnaissent entre eux et ne peuvent produire aucun diplôme régulier attestant leur rattachement à un centre initiatique légitimement reconnu. – Aussi est-il nécessaire de rappeler, à propos de chaque organe dit « occultiste », les centres d'initiation que cet organe représente ; car l'initiation est toujours conférée gratuitement et à l'examen dans les écoles d'occident, ce qui assure son caractère élevé.

Voici la liste des revues avec les centres représentés 

 Voir l'ensemble des revues et des centres représentés

À côté de ces revues, uniquement consacrées à l'Occultisme, il faut noter les chroniques faites chaque mois dans plusieurs revues littéraires d'avant-garde par un certain nombre d'officiers de l'ordre Martiniste, MM. Jacques Brieu, Sedir, Louis Esquieu, Jollivet-Castelot, qui analysent le mouvement néo-spiritualiste et en décrivent les progrès dans la Plume, le Mercure de France, la Revue Blanche, l'Aube.

Passons aux autres écoles.

Spiritisme.

Les occultistes admettent la possibilité de la communication entre le monde visible et le monde invisible. Mais ils pensent que si, une fois sur cent, il est possible de communiquer réellement avec l'Esprit d'un être mort à la vie terrestre, ils affirment que quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, ces prétendues communications se réduisent à des phénomènes de suggestion personnelle ou collective, à des faits d'extériorisation de la sensibilité et de la motricité, ou, souvent, à des fraudes et à de grossières supercheries.
C'est donc une erreur de confondre l'occultisme, qui demande des études longues et difficiles autant que techniques, avec le spiritisme qui permet d'avoir sous la main une théorie simple, consolante et très suffisante pour les intelligences courantes, car le spiritisme renferme une très grande part de vérité et il en contiendrait bien plus encore si ses adeptes voulaient se lancer résolument dans la critique scientifique sans parti pris.
Pour les spirites, on peut communiquer de plusieurs manières et assez facilement avec les esprits des morts qu'on a connus pendant leur vie terrestre. Ces communications se font, soit au moyen de coups frappés dans des objets matériels (typtologie), soit au moyen d'incarnation de l'Esprit dans le corps d'un médium, soit que l'Esprit s'empare seulement du bras du sujet pour le guider, soit que l'Esprit s'empare du corps du médium et parle par sa bouche (incarnation), soit encore que l'Esprit se montre sous formes lumineuses et visibles à plusieurs personnes (matérialisation).

Parmi les journaux spirites, les uns auront des allures tout à fait scientifiques, les autres atteindront les limites de l'extravagance, et la plupart garderont une bonne moyenne.

Ainsi, un homme de science pourra lire avec fruit la Revue scientifique et morale du spiritisme, publiée depuis six mois, sous la direction de Gabriel DELANNE, 5, rue Manuel, Paris, ainsi que le Progrès spirite, 1, rue Oberkampf, Paris, paraissant deux fois par mois, magistralement dirigé par M. LAURENT DE FAOET, poète très distingué.

Depuis deux ans la vieille Revue spirite (38° année), dirigée par M. LEYMARIE, a abandonné la stérile polémique pour se rajeunir et, ma foi, à son grand avantage. D'excellents articles philosophiques du directeur et surtout une très impartiale et très consciencieuse analyse des sommaires ont redonné un très beau cachet à cette publication (42, rue Saint-Jacques, Paris).

Le train-train des consolations et des communications médianimiques est suivi dans le Messager de Liège (Belgique), le Moniteur spirite et magnétique de Bruxelles (Belgique) où nous relevons cependant de bons articles de BOUVERY, le Phare de Normandie, rue des Charrettes, à Rouen, la Vie d'outre-tombe de Charleroi (Belgique), presque tous mensuels.
Cependant il nous faut signaler tout à fait à part un organe très sérieux qui fait tous ses efforts pour concilier le positivisme éclairé avec le spiritisme, c'est l'Humanité intégrale, dirigée par M. CAMILLE CHAIGNEAU, 20, avenue Trudaine, Paris, et qui compte parmi ses rédacteurs M. EMILE di RIENZI, un écrivain aussi [page 4] fin qu'érudit et MARIUS GEORGE, esprit positif et ennemi de toute extravagance.

Ah ! l'extravagance serait peut-être bannie du milieu spirite si La Lumière n'existait pas. Mais La Lumière existe, 97, boulevard Montmorency, Paris, et mensuellement encore ! Non contente de compter parmi ses rédacteurs Melchissédec et Jeanne-d'Arc inspirant la directrice de cette revue, Mme LUCIE GRANGE, excellent médium, du reste, La Lumière a inauguré la rédaction d'Hermès qui signe aussi SALEM.
Or, Hermès était le nom donné par les sages d'Egypte à leur Université centrale. De là le nom de livres hermétiques donné aux 2.000 ouvrages les plus élevés issus de cette haute Université. Faire d'une Université un monsieur et écrire des communications et des articles sous la dictée dudit monsieur, cela aboutit fatalement à un résultat facile à prévoir : un tort énorme causé au spiritisme tout entier. – Et nous disons cela d'autant plus franchement que nous connaissons la loyauté et la sincérité de M^e Lucie Grange qui est absolument persuadée que Salem-Hermès vient écrire en langue française dans La Lumière. Que ne nous donne-t-il pas une page d'hiéroglyphes ou quelques bons caractères coptes !

En résumé, le mouvement spirite compte en France, en 1896, neuf revues mensuelles défendant les différents points de la doctrine.

Magnétisme

Deux publications :

- Le Journal du Magnétisme, 23, rue Saint Merri, Paris, mensuel, dirigé par M. H. DURVILLE, organe de la Société Magnétique de France et de l'Ecole de Magnétisme et de Massage (reconnue par l'Etat comme établissement d'Instruction supérieure libre).
- La Chaîne magnétique, écho des salons magnétiques, dirigée par M. Louis AUFFINGER, 15, rue du Four, Paris (mensuel).
- (La Paix universelle de Lyon, 5, cours Gambetta, citée parmi les revues occultistes, fait aussi beaucoup l'étude du magnétisme.)

Divers

Citons enfin un recueil scientifique d'expériences et d'observations positives, les Annales des Sciences psychiques, paraissant chez Alcan, tous les deux mois, sous la direction du Dr DARIEX (24 fr. par an. - Le N° 2 fr. 50) ; c'est le meilleur recueil à recommander aux savants qui veulent connaître des faits bien positifs.
Un nouvel organe consacré au reportage impartial des faits occultes vient de paraître, c'est l'Echo du Merveilleux, dirigé par GASTON MERY, 21, boulevard de Clichy, Paris, et paraissant deux fois par mois. Le nom de son directeur nous dispense de tout autre éloge.
Le côté sociologique du spiritisme est représenté par la Religion universelle, dirigée par LESSARD, 3, rue Mercœur, Nantes, et le Devoir, dirigé par Mme V^e GODIN, à Guise (Aisne),
La littérature compte comme organe spécial l'Aube, 26, quai d'Orléans, Paris, excellente publication mensuelle.

Résumé

(changements survenus depuis 4 ans.)

En 1892, la Presse spiritualiste comptait 25 journaux en langue française dont 9 occultistes, 1 spirites, 4 magnétiques, 4 sociologistes, 1 maçonnique.
En 1896 elle comprend 25 revues dont 9 occultistes, 9 spirites, 2 magnétiques, 2 sociologiques, 2 expérimentales, 1 littéraire.
Les changements survenus sont les suivants :

I. Revues poursuivant sans interruption le cours de leur publication (12).

4 Occultistes. – L'Initiation, Le Voile d'Isis, La Paix universelle, Le Lotus bleu.
4 Spirites. – La Revue spirite, Le Messager, Le Moniteur spirite et magnétique, La Lumière.
2 Magnétiques. – Journal du Magnétisme, La Chaîne magnétique.
2 Sociologistes. – La Religion universelle, le Devoir.

II. Revues disparues (13)

5 Occultistes. – Psyché, l'Etoile, Le Socialiste chrétien, L'Aurore, Revue trimestrielle des étudiants swedenborgiens libres.
3 Spirites. – Le Spiritisme, La Pensée des Morts, Le Journal spirite de l'Est.
2 Magnétiques. – Revue des Sciences psychologiques illustrée, Revue théurgique.
2 Sociologistes. – La Rénovation, l'Unité humaine.
1 Maçonnique. – La Renaissance symbolique.

Ill. Revues parues depuis 1892 (13).

5 Occultistes. – L'Hyperchimie, La Thérapeutique intégrale, La Curiosité, La Résurrection, L'Isis moderne.
5 Spirites. – Revue scientifique et morale du spiritisme, Le Progrès spirite, L'Humanité intégrale, Le Phare de Normandie, La Vie d'outre-tombe.
2 Expérimentales. – Annales des Sciences psychiques, l'Echo du Merveilleux.
1 Littéraire. – L'Aube.

Résumé statistique

En 1892 : 25 Revues.
En 1896 : 25 Revues.
Revues ayant continué à paraître : 12.
Revues ayant cessé de paraître : 13.
Revues nouvelles : 13.

En somme le nombre des revues est stationnaire depuis 1892, et une nouvelle revue remplace chaque revue disparue.

Répartition

Périodiques publiés

- à Paris : 14.
- en Province : 8.
- à l'Etranger : 3. (Pays de langue française).

Voici un tableau résumé de tous ces périodiques classés par école.

Dr PAPUS.

Source Google livres : 1897 - La Presse Néo Spiritualiste en 1896

2. Étranger