[Commentaires et précisions]
Le frère Jean Bricaud assuma la Grande Maîtrise de l’Ordre Martiniste le 25 septembre 1918, à la mort de Téder. Il avait été en contact avec Blitz par l’intermédiaire du Dr Fugairon et par Téder lui-même. Il avait fréquenté les derniers représentants du Willermozisme à Lyon — M. C.. et le Dr L... en particulier — et recueilli leurs enseignements. Il appartenait donc à la lignée traditionnelle des disciples de Martinez, dont Saint-Martin s’était jadis écarté pour se réfugier dans la spiritualité et la mystique pures. Ce dernier courant, rénové par Papus, en 1887, cadrait bien théoriquement avec le courant Martinésiste ; mais il laissait aux adeptes, dans l’éclectisme le plus absolu, le libre accès de tous les sentiers de la mystique. De plus, Papus, comme Saint-Martin, s’adressait aux profanes, leur demandant la seule bonne volonté. En théorie, c’est bien ; mais, en matière d’illuminisme, bonne volonté signifie bien souvent : curiosité. Or, le problème de la Réintégration est inaccessible à la curiosité et même à la bonne volonté ordinaire. Pour l’atteindre, il faut une triple discipline : celle de l’esprit, celle de l’âme, celle du corps. C’est précisément cette discipline [page 12] que procurait l’enseignement progressif des Élus Cohens et, par la suite, celui de la Stricte Observance et des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte. Bricaud le comprit dès l’abord et c’est pourquoi il travailla à rattacher le Martinisme de Papus à la discipline de la Gnose.
Papus signa, en 1911, un traité par lequel il reconnaissait que l’Église Gnostique universelle comme Église officielle du Martinisme. Par cet acte, il liait l’ordre rénové par lui à la doctrine occidentale séculaire dont Martinez s’était inspiré à l’origine. Ce traité, confirmé et élargi, en 1917, par Téder, donnait, dans sa deuxième version, aux membres du Haut Synode Gnostique, le droit de siéger au sein du Sup. Cons. Martiniste, à titre de réciprocité. L’union intime des deux organismes était ainsi réalisée.
En prenant la Grande Maîtrise, Bricaud fit plus encore, il revint de façon totale à la conception de Martinez et Willermoz, déjà remise à l’étude depuis le convent de 1908. Il superposa le Martinisme à la Maçonnerie et décréta, comme il le dit plus haut, que, seuls, les maçons réguliers de tous les rites pourraient être admis dans l’ordre et, « a fortiori », dans son cercle intérieur. Pour recevoir le premier degré Martiniste, il fallut être maître maçon et, pour être investi des autres, posséder les hauts grades selon une hiérarchie établie minutieusement. Le Martinisme n’était plus incorporé à la Maçonnerie, comme chez Willermoz ; il gardait sa personnalité propre, mais il était basé sur elle et était appelé à développer l’enseignement reçu dans les grades sous-jacents de la Maçonnerie traditionnelle.
[L’après-guerre]
La guerre avait relâché et, parfois, rompu le lien qui, jadis, unissait les diverses communautés Martinistes de l’ancien et du nouveau monde. Les loges s’étaient mises en sommeil, les adeptes étaient dispersés, ils ne représentaient plus qu’une unité morale. Le premier geste du G. M. Bricaud fut de rétablir la chaîne. Il restitua l’unité de l’ordre en France, dès le début de 1919. Le cercle lyonnais fut réveillé le premier, puis celui de Paris et, successivement, tous les centres de la métropole. Le mouvement [page 13] gagna les colonies ; l’Algérie et Madagascar furent les premières à reconstituer leurs groupements.
En 1921, toutes les relations internationales avaient été renouées et le Martinisme avait même élargi son rayonnement. L’Angleterre était représentée au Sup. Cons. Par le frère Baron de Th... ; des délégués généraux agissaient en Pologne, au Danemark, en Tchécoslovaquie, en Italie, au Portugal, en Belgique, en Roumanie. Des groupes Russes et Ukrainiens, arrachés à leur sol natal, s’établissaient en France. Le mouvement organisé par Blitz, aux Etats-Unis, en 1901, reprit contact à son tour. Le Mexique, l’Amérique centrale et le Chili réunirent à nouveau leurs adhérents et s’adressèrent à la Puissance Centrale en la personne de son G. Maître. Les directives qu’il donna, dans le cadre de sa réforme, furent suivies par tous ceux qui avaient à cœur la tradition primitive du Martinisme. On peut dire qu’en 1925, l’ordre avait repris son essor, restauré son unité et accepté, dans son ensemble, la constitution originelle de Martinez et de Willermoz.
Et lorsque Bricaud mourut, le 21 février 1934, son œuvre était au point, le Cercle Intérieur était constitué sur des bases solides.