Extrait de la Lettre 9 - KIRCHBERGER À SAINT-MARTIN - Le 7 septembre 1792

Les mêmes raisons qui ont procuré des embarras m'ont aussi occasionné des obstacles qui m'empêchèrent de lire notre ami B. [Bœhme]. Le peu que j'en ai lu confirme néanmoins très complètement le jugement que vous en portez et la comparaison que vous faites de ses écrits avec ceux de madame Guyon. Je lui trouve une précision, un aplomb et une solidité inébranlables. J'adopte, comme vous voyez, votre jugement, tout votre jugement, et rien que votre jugement. Cet homme, privé d'instruction et d'études, serait inconcevable sans la lumière d'en haut. J'ignore si la vie de notre ami se trouve dans votre édition ; si elle ne s'y trouve pas, je vous en manderai les principales époques, et mon assertion sur l'inconcevabilité de ses talents vous deviendra lucide. Vous avez très bien présumé les questions que j'ai été tenté de vous faire sur le Tableau naturel ; mais comme je suis obligé de concentrer mes facultés sur un seul point, sur le seul nécessaire, sur le grand mystère que saint Paul confia aux Coloss., chap. 1, vers. 26, je réserve mes demandes pour un autre temps. En attendant, je vous suis réellement obligé pour vos éclaircissements sur vos deux nomenclatures, et je prévois que j'aurai bien des questions à vous faire sur celle de notre amis (sic) mise en parallèle avec les vôtres.

 

Je crois aux communications libres, mais mon goût est on ne peut pas plus éloigné de ce qui tient aux communications forcées, c'est à dire à celles qui ne sont pas une suite naturelle et spontanée de l'état de notre âme avancée aux degrés supérieurs ; et puis, lorsqu'on a bien soif de la source, l'on ne songe guère à s'arrêter dans les chemins agréables qui semblent y conduire, sans parler des dangers pour notre intérieur qui peuvent accompagner ces sortes de communications, dangers que vous avez très bien touchés dans l'Ecce Homo, p. 24.

 

[…]

 

Votre observation sur mad. G. [Madame Guyon], touchant son expression de propriété, est importante ; elle n'a pas eu soin de rendre cette idée principale assez lumineuse pour ses lecteurs, moyennant quoi il est vraisemblable qu'elle soit restée infructueuse chez plusieurs. Dans ce sens, il me paraît qu'on ne peut jamais avoir trop de lumières. Lorsque, dans ma lettre du 25 juillet, j'ai fait mention des lumières distinctes qui ne me paraissaient pas essentielles pour notre œuvre, je parlais des manifestations, des vues mystiques, des communications qui tombent sous le sens extérieur, et je trouve, comme vous, que mad. G. n'est ni assez claire, ni assez assurée sur la propriété qu'il faut conserver et sur celle dont il faut se défendre.