Ode & Stances

Sur le texte original, il n'y a pas de chiffres. Nous les avons mis entre crochets. En parallèle, nous avons mis la photo des Stances sur l'origine et la destination de l'homme, telle que Saint-Martin l'a publiée, après les avoir raccomodées quant à la forme et quant au fond en 1796.

[1]

Flambeau surnaturel, âme de ma pensée !
De mon être, par toi, l’énigme est expliquée.
C’est peu que tu découvres aux yeux de mon esprit
Une source de feu qui jamais ne tarit ;
Je lis, à la splendeur de ce feu qui m’éclaire,
Que je suis émané de sa propre lumière ;
Que des célestes lieux citoyen immortel,
Mes jours sont la vapeur du jour de l’Éternel.

[2]

Néant ! cède à l’éclat que ma source m’imprime ;
Ne prétends pas juger le flambeau qui m’anime ;
Tu ne peux attenter à sa sublimité,
Sans être consumé par sa divinité.
Tels sont les droits vivants dont la Vérité sainte
Dans l’homme incorporel voulut graver l’empreinte ;
Et quand Dieu le fit naître au sein de ses Vertus,
Voici les mots sacrés qui furent entendus :

[3]1796.SM.Stances3

Organe de mes lois ! tel qu’un foyer immense,
Réfléchis tous les feux dont brille mon essence,
et dissous les autels de la corruption.
Si je verse sur toi ma divine onction, [page 364]
C’est pour te conférer l’auguste ministère
D’exercer la justice en mon nom sur la terre,
De porter ma lumière où domine l’erreur,
Et d’exprimer partout des traits de ma grandeur.

[4]1796.SM.Stances4

Éléments enchaînés dans vos actes serviles ! 
Suivez aveuglément vos aveugles mobiles ;
Vous ne partagez point les fonctions des Dieux.
L’homme ici jouit seul de ce droit glorieux
D’être l’imitateur de la sagesse même ;
De rester en aspect de ce soleil suprême,
Dont les rayons, perçant l’immensité des airs,
Viennent montrer dans l’homme un Dieu pour l’Univers.

[5]1796.SM.Stances5

L’homme un Dieu !... vérité ! n’est-ce pas un prestige ?
Comment l’homme, ce Dieu, cet étonnant prodige,
Languit-il dans l’opprobre et dans l’infirmité ?
Quel pouvoir si contraire à son autorité
Tient comme interceptée au sein de l’azurée
Les sons harmonieux de la lyre sacrée !
Et l’ayant concentré dans la borne des sens,
L’empêche de s’unir à ces divins accents !

[6]1796.SM.Stances6

Autrefois, dominant sur tout ce qui respire,
Sa présence fixait la paix dans son empire ;
Aujourd’hui subjugué par ses anciens sujets,
C’est à lui de venir leur demander la paix. [page 365]
Autrefois il puisait au Fleuve salutaire
Que la Vie envoyait pour féconder la terre ;
Aujourd’hui, quand il songe à la fertiliser,
Ce n’est qu’avec des pleurs qu’il la peut arroser.

[7]1796.SM.Stances7

À nul autre qu’à lui n’imputons son supplice ;
C’est lui qui provoqua les coups de la justice ;
C’est lui qui s’égarant d’un pas audacieux
Se rendit le rebut de la terre et des cieux.
Trompé dans un espoir qu’il fonda sur un crime,
De sacrificateur il devint la victime ;
Et la mort, ce seul fruit du culte des faux Dieux,
Fut le prix de l’encens qu’il brûla devant eux.

[8]1796.SM.Stances8

Éternel ! les humains faits tous à ton image,
Auraient-ils pour jamais dégradé ton ouvrage ?
Tes enfants seraient-ils à tel point corrompus,
Que, ne pouvant renaître au nom de tes Vertus,
Ils eussent altéré ton plus saint caractère,
Ton plus beau droit, celui d’être appelé leur père ?
Et verraient-ils tomber dans la caducité
Un nom qui leur transmit ton immortalité ?

[9]

J’appris, quand j’habitais dans ta gloire ineffable, 1796.SM.Stances9
Que ton amour, comme elle, était inaltérable ;
Je ne crains plus de voir épuiser tes bienfaits
Grand Être ! et plein d’espoir en tes puissants décrets, [page 366]
De toi j’attends encor une lumière sûre,
Qui m’aide à recouvrer les droits de ma nature,
Et m’apprenne à remplir ce superbe destin
Qui distinguait mon être en sortant de ton sein.

[10]

Homme ! lorsque le feu comprimé dans des gouffres, 1796.SM.Stances10
Sait vaincre les torrents, les métaux et les soufres,
Qu’il sait tout embraser, tout dissoudre, pourquoi  
Ne prends-tu pas pour guide une semblable loi ?
Si tu veux opposer une force constante
Aux funestes objets dont l’effort te tourmente,
Tu pourras diviser leurs mortels éléments,
Et laisser loin de toi leurs grossiers sédiments.

[11]

N'as-tu pas vu l’éclair qu’enfante le tonnerre ? 1796.SM.Stances11
Aussitôt que sa flamme a brillé sur la terre,
Il disparaît, et rentre aux régions de l’air :
Ton principe et ta fin sont peints dans cet éclair.
L’homme est un feu, lancé du haut de l’empyrée,
Qui, traversant d’un vol les champs de l’éthérée,  
Vient, comme un trait, frapper sur les terrestres lieux,
Et doit du même choc rejaillir jusqu’aux cieux.

[12]

A de pareils tableaux, fais que ton œil s’épure, 1796.SM.Stances12
Et saches que le Dieu qui régit la nature,
Pour seconder tes pas, la tient en action.
L’astre du jour t’apprend ta destination ; [page 367]
Parmi les animaux tu peux voir la prudence,
La douceur, le courage et la persévérance ;
Le diamant t’instruit par sa limpidité,
La plante par ses sucs ; l’or par sa fixité.

[13]

Ce n’est pas même assez qu’en toi tout corresponde  1796.SM.Stances13
Avec l’esprit des lois qui gouvernent le monde ;
Ton nom veut que tu tende [sic] encor à d’autres droits,
Et que, te modelant sur de plus grandes lois,
Ta bouche soit ton sceptre, et la terre ton trône ;
Que les Vertus de l’air te servent de couronne,
Tout l’univers, d’empire ; et qu’une illustre Cour
Retrace autour de toi le céleste séjour.

[14]

Dieu parle, unissons-nous, Agents incorruptibles  1796.SM.Stances14
De ce Dieu qui remplit vos demeures paisibles !
Il m’a fait votre frère, et s’il paraît jaloux,
C’est de me rendre heureux et sage comme vous ;
C’est de justifier ma sublime origine ;
C’est d’ouvrir les trésors de sa source divine,
Pour que nous allions tous recueillir, tour-à-tour,
Les fruits de sa science et ceux de son amour.

[15]

Vos yeux, voyant par lui, la distance où nous sommes 1796.SM.Stances15
Ne saurait vous cacher les actions des hommes ;
En vous tout serait donc apperçu des mortels,
S’il mettait dans leurs yeux ses regards virtuels. [page 368]
Ils sont en moi : venez, que rien ne nous sépare.
Mon être veut vous suivre aux cieux, dans le Tartare,
Il veut mêler ses chants avec vos hymnes saints,
Et siéger avec vous au conseil des destins.

[16]

Ils m’exaucent, j’entends la voix de tes oracles ; 1796.SM.Stances16
O vérité ! je touche à ces vivants spectacles
Où l’œil et le tableau, partageant ta clarté,
Sont animés tous deux par ta Divinité.
Il semble, en admirant ces foyers de lumière,
Où ton éternité fixa ton sanctuaire,
Que les sentiers du temps s’abaissent devant moi,
Et que dans l’infini je m'élance après toi.

La signature de Saint-Martin

À la suite de ce texte, se trouve cette signature !

SM.signature.ode

mais elle ne correspond pas à la signature authentique de Saint-Martin.

Le Philosophe inconnu était à Lyon en mai 1786 et assiste au baptême d'un petit neveu de Jean-Baptiste Willermoz, Pierre Jacques Claude Willermoz, le fils de son frère, Antoine. Dans cet acte se trouve la signature de Saint-Martin à côté de celle de son ami, Jean-Baptiste Willermoz.

signatures 1786 05 19 Signature de Louis-Claude de Saint-Martin, le dix-neuf mai 1786 lors du baptême de Pierre Jacques Claude Willermoz, né la veille, fils d'Antoine Willermoz, négociant et de Marie Anne Dupré, son épouse. Le parrain est Pierre Jacques Willermoz, docteur en médecine, la marraine Claudine Thérèse Willermoz veuve de Pierre Provensal.

Paroisse Saint Nizier, Lyon

Comme l'indique l'acte de baptême, tous ont signé avec le père.

 

Le texte de l’État du Grand Orient se poursuit :

Ceux de nos FF∴ qui sont véritablement attachés aux hautes connaissances de l’Art R∴﮲, trouveront dans chacune des strophes de cette Ode, jusques, même dans chacun des vers qui le composent, une inépuisable matière à de profondes méditations… Heureux les FF∴ qui en découvriront le sens, qui en combineront le développement et en feront une sage et victorieuse application.