Année 1789

1789 - Luchet - Essai sur la secte des illuminés

Luchet 1789

Essai sur la secte des illuminés - Jean-Pierre-Louis de Luchet - Paris, 1789. - Essai sur la secte des illuminés

Avertissement, page I,

Quoique l’Allemagne soit le foyer de ces erreurs funestes, quoiqu’elles y jouissent d’une haute protection ; elles ne sont pas tout à fait étrangères aux autres Nations. La France n’est pas entièrement pures ; et si dans la crise qui nous tourmente, les Martinistes n’osent, ou peut-être ne peuvent se faire entendre, ils reparaîtront avec plus de danger lorsque le calme sera revenu.

Introduction, page VII -

[…] Chacun tend à expliquer la Bible en faveur de son système, à fonder la Religion, à remplir son temple, à multiplier ses cathécumènes [sic]. Ici Jésus-Christ joue un grand rôle ; là c’est le Diable ; ailleurs c’est la Nature ; plus loin c’est la Foi. Partout la raison est nulle, la science inutile, l’expérience une chymère [sic]. Barbarin somnambulise, Cagliostro guérit, Lavater console, Saint-Martin instruit, d’E*** [d'Eprémesnil] (1)… res sacra miser. Tous employent [sic] l’erreur pour arriver à une réputation utile ; et si l’on excepte Lavater, qui, par un mélange d’esprit et de bonhomie, fait de bonne foi des dupes, les visions sont dans la main des autres un ressort dont ils combinent les mouvements avec adresse.

1. Il subissait alors les horreurs de l’exil aux îles Sainte Marguerite.

Chapitre 1erDu penchant des hommes aux choses extraordinaires, pages 2-3

[orthographe originale]

« Auroit-on prévu que la fin déshonorée de ce siècle seroit témoin encore des fruits honteux de la crédulité ; que le flambeau de la philosophie pâliroit devant les torches du fanatisme; que la patrie des Fontenelle ; des Montesquieu, des Voltaire, des Diderot, des Helvétius, des d'Alembert, accueilleroit un S*****[Saint-Martin, ou Swedenborg], un W**** [Willermoz], un Cagliostro , un Lavater (1), un [p.3] d'**** [d’Eprémesnil], & vingt autres Théosophes, dont les noms devroient avoir le sort de leurs talens, c'est-à-dire demeurer à jamais inconnus.

1) M. W**** [Willermoz] est connu pour un honnête-homme, que le zèle de la maison du Dieu des Illuminés dévore. Il assista, il y a quatre ans, au conventicule de Wilemsbad, dont le résultat fut un livre que personne n'a lu..... Cagliostro a perdu son crédit, dès que ses procès l'ont fait connoître. S'il savoit faire des prodiges, il a eu une belle occasion de montrer son talent. Mais ce fameux procès n'a servi qu'à révéler des turpitudes. Redevenu libre, Londres n'a pas épousé la cause du Jongleur ; & la paisible Suisse ensevelit aujourd'hui les miracles & le thaumaturge. Lavater défendu avec mal-adresse, attaqué avec acharnement, suivi avec enthousiasme, est un grand homme à Zurich. Il ne fait pas lui-même le mal qu'il fait; mais il fait to ut le mal dont on l'accuse. M. d'**** [d’Eprémesnil] a transporté au barreau l'enthousiasme qui l'avoit saisi. Quoiqu’il ait mérité son malheur, il faut le plaindre. Parmi ceux qui excitent de la commisération, il en est peu qui n'aient commencé par mériter le blâme. »

Note VI, extrait, page 138

[a trait à la page 32, « Ou les nocturnales de Berlin »] Orthographe respecté

[…] Ces messieurs ont un art perfide pour séduire les esprits tendans à la crédulité, & à les conquérir au Jésuitisme. Ils font un mélange adroit de leurs connoissances occultes & de leur crédit connu ; ils promettent la fortune ou des distinctions, s'emparent des premiers de l'Etat, & affurent ainsi un certain nombre de suffrages à leurs coupables opérations. Enfin, ils cachent leur ambition effrénée sous une apparente modération , & confondent la Maçonnerie, les Illuminés & les Martinistes : ils emploient les erreurs populaires à leur système, & s'élevant au-dessus, se nomment citoyens du monde ; ils graduent les confidences , les préparations avec beaucoup d'art , & même redoublent de prudence , depuis que des adeptes ont été transfuges de leur ordre, ne pouvant apaiser leur conscience révoltée à la vue des horreurs qui font naturalisées dans cette secte. Mais ces vertueux apostats n'ont pu révéler les mystères, soit parce qu'ils avoient proféré des sermens, soit parce que leurs jours étoient menacés ; c'est ce qu'on a vu dans la manière dont ils ont masqué leurs vrais sentimens.