Troisième partie - Chapitre I. Du mal métaphysique.

Ce chapitre développe un exposé sur le mysticisme dont nous donnons quelques extraits.

1er extrait, page 418

Or, que fait le mysticisme ? Il ne croit pas pour croire, il explique les mystères par les mystères, en les identifiant pour faire disparaitre ces différences qui désespèrent la raison. C'est pourquoi il cherche à rendre compte de l'univers par la musique des sphères, ou de la musique par les nombres, ou des nombres et de la musique par la lumière ou par la vie, ou par des générations où le verbe est à moitié idéal, à moitié matériel. Il s'ensuit que le mysticisme des religions est aussi positif, aussi logique que les systèmes de l'école, et comme il est identifié avec la poésie, les traditions, les craintes, les espérances, les intérêts et les vertus de la société tout entière, il est actif et on ne peut le violer sans que la société tout entière jette un cri d'horreur contre les profanateurs. Quant au mysticisme scolastique, depuis Numénius jusqu'à Proclus et depuis Pic de la Mirandole jusqu'à Saint-Martin, c'est encore une tentative d'expliquer les mystères par les mystères et de déterminer tout ce torrent de sentiments et de poésie qui reste en dehors des abstractions de la philosophie rationnelle.

bouton jaune 1er extrait, page 418

2e extrait, page 421

Le mysticisme n'est que l'utopie de la philosophie. Les éléments de cette utopie se réduisent à la vie, aux mystères, à l'inspiration, bref, à l'harmonie poétique qui se révèle dans toute la création ; et, par conséquent, les droits du mysticisme se réduisent aux droits de la poésie. Quels sont donc les droits du mysticisme ? Tous les hommes sont mystiques devant le spectacle de la nature ou de l'art, tous éprouvent des sentiments, tous sont entraînés par cette poésie de la vie que l'intelligence affirme, décrit et ne sait jamais comprendre. La pensée, l'action, la moralité ne sont données qu'à la condition de ce mysticisme universel, de cette force occulte et incompréhensible qui forme le fond de la vie et se révèle partout. Mais ce mysticisme est nul avant l'affirmation de la pensée ; aussitôt qu'il est affirmé il doit obéir à la pensée, et lors même qu'il obéit à la pensée, il est inexplicable comme le phénomène de la pensée.

bouton jaune  2e extrait, page 421