1852 Lecanu1852-1855 Dictionnaire des prophéties et des miracles Tome I et II

1852 - Volume 24 de Nouvelle encyclopédie théologique ou Nouvelle série de dictionnaires sur toutes les parties de la science religieuse, publiée par l'abbé Migne. Volume 1 du Dictionnaire des prophéties et des miracles: précédé d'une introduction en forme de dissertation préliminaire ... et suivi du tableau général des prophéties bibliques.

1855 - Volume 25 de Nouvelle encyclopédie théologique ou Nouvelle série de dictionnaires sur toutes les parties de la science religieuse, publiée par l'abbé Migne. Volume 2 de Dictionnaire des prophéties et des miracles

Auteur : Auguste-François Lecanu
Rédacteurs Jacques-Paul Migne, Jacques-Paul Migne (Paris)
Éditeur : s'imprime et se vend chez M. J.-P. Migne, éditeur, 1852 (Tome 1) - 1855 (Tome 2).



1852 – Lecanu - Dictionnaire des prophéties et des miracles, tome I 

Article Illuminisme, Extrait, pages 853-855

La franc-maçonnerie, qui allait ouvrir ses premières loges vers la fin de ce siècle et le commencement du suivant, offrirait bientôt un dernier asile à l'illuminisme. Nous ne disons point ceci par haine ou par esprit de dénigrement, mais parce que c'est la vérité. Nous ne voulons pas donner à entendre, [page 854] toutefois, que les maçons illuminés aient reproduit les mœurs détestables de leurs ancêtres; oh ! non, telle n'est pas notre pensée, et telle n'est pas la vérité. Ce n'est pas que nous soyons pénétrés d'un grand respect pour la franc-maçonnerie; loin de là : nous avons trop étudié son histoire. Les livres mêmes qu'elle avoue, tels que l'Histoire du G. O., l'Histoire pittoresque de Clavel, les publications de Tschoudy, de Lévêque, de Luchet, fourniraient assez d'armes pour l'accabler, sans en emprunter aux écrivains qui lui sont hostiles, tels que Barruel, Picot, de Hammer, Cadet-Gassicourt, Péreau, Lefranc, Robinson, Proyart ; et sans recourir aux révélations de certains frères traîtres à leurs serments, mais indignés dans leurs consciences d'hommes probes. Les Francs-maçons trahis, les Francs-maçons écrasés, les Francs-maçons et leurs mystères, et cette fameuse Pierre de scandale, qui fit décréter l'abolition des hauts grades au congrès maçonnique de Wilhelmsbad, en 1782, décret qui n'eut point d'effet, fournissent de curieux renseignements.

Mais si les mœurs des maçons illuminés ne furent plus celles des gnostiques, ce fut toujours bien la même haine contre le christianisme et l'autorité des rois. Voilà ce que ne savent pas les maçons des quatre grades élémentaires, qui sont à peu près les mêmes dans toutes les maçonneries, et qui se composent d'une foule de pauvres niais, recevant leur inspiration de plus haut, de mystères auxquels ils ne participent pas, dont souvent même ils ne soupçonnent pas l'existence ; dociles instruments d'une main cachée, et toujours prêts à faire du voltairianisme, de l'impiété toute crue, du libéralisme, de l'opposition, suivant le vent qui souffle, et le but qu'il faut atteindre.

Mais occupons-nous d'une manière plus spéciale de la maçonnerie illuminée, et ne faisons que de l'histoire.

La franc-maçonnerie illuminée se divisa en bien des branches : il y eut la maçonnerie hermétique, cherchant la pierre philosophale, qui comprenait les rose-croix, les philosophes, les chercheurs; la maçonnerie cabalistique expérimentale ou magique, usant de certains procédés de physique et de mécanique, pour produire des effets capables d'émerveiller les frères des grades inférieurs, et leur faire croire aux connaissances magiques des grades supérieurs. Le frère Gannal, le célèbre embaumeur, a bien des prestiges de ce genre à se reprocher. Il y eut la franc-maçonnerie illuminée de Weishaupt, mais nous n'avons point à nous occuper de celle-ci, parce qu’elle fut purement politique et n'eut de l'illuminisme que le nom et la haine contre le christianisme. L'illuminisme contemplatif, représenté par Saint-Martin, Martines Pasqualis, et enfin Swedemborg, qui resta maître du terrain, et absorba dans sa maçonnerie la plupart des éléments de l'illuminisme. Doctrine nuageuse, vague, incompréhensible, renouvelée de la cabale gnomique, et qui a pour but les [page 855] communications directes avec le monde invisible. Le fameux Cazotte en était la dupe; de même que Court de Gébelin l'avait été de l'illuminisme expérimental et du mesmérisme. Il mourut au bord d'un baquet magnétisé par Mesmer. (Voy. les art. CAZOTTE, PASQUALIS, SAINT-MARTIN, SWEDEMBORG).

Mais il serait impossible de suivre la maçonnerie dans ses mille transformations, ses milliers de grades, ses essais, ses tentatives, le pêle-mêle de ses institutions plus ou moins éphémères, toujours anciennes et nées de la veille pour mourir le lendemain; dans sa direction changeant de maçonnerie à maçonnerie, de loge à loge, et souvent dans la même loge à la mort du vénérable.

Maçonnerie bleue, maçonnerie rouge, maçonnerie noire, maçonnerie à glaives, maçonnerie templière, écossaise, écossisme, égyptienne, d'Hérédom, d'Adoniram ; hermétistes, kadoschs, rose-croix, rose-croix d'or, chevaliers de tous grades et à tous grades; Grand-Orient, grandes loges de France et d'ailleurs, rite de Pythagore, de Cagliostro, de Swedemborg, martinistes; qui sait? la liste serait longue !

Nous n'osons entrer dans les détails, ils seraient infinis. Seulement nous devons dire qu'un peu d'illuminisme, un illuminisme quelconque, avait pénétré dans toutes les loges au moment où éclata la grande révolution de 1793, qui fut leur ouvrage, ou du moins à laquelle elles avaient très puissamment contribué. Cet élément, l'un des principaux, a été trop négligé par les historiens qui ont choisi la tâche d'en exposer les causes.

La maçonnerie est en France une exportation anglaise; il n'y en eut jamais d'heureuses, et celle-là moins que toute autre. La première loge fut fondée à Saint-Germain en Laye, par les personnes de la suite du roi Jacques II. Le fameux baron de Ramsay, la conquête de Fénelon, s'en fit l'ardent propagateur. La seconde loge paraît être celle qui se fonda en 1721 à Dunkerque; la troisième, celle qui s'établit à Paris, en 1725, par les soins de lord Dervent-Water, qui fut son vénérable jusqu'au moment où il porta sa tête à l'échafaud, en 1746. En 1789, il y avait plus de deux mille loges en France, et peut-être quatre fois autant dans le reste de l'univers. Persécutions des gouvernements, excommunications de l'Église (1 [Voy. la bulle in Eminenti de Clément XII, renouvelée, en 1751, par Benoît XIV.]), aucun obstacle n'avait pu en arrêter la propagation.

Qu'étaient ces hauts grades excommuniés en 1766 par la grande loge de France, et en faveur desquels réclamèrent les chapitres Irlandais, d'Arras, de Clermont, des empereurs d'Orient et d'Occident, la mère-loge de Marseille, et qu'il fallut réintégrer, sous peine de voir se former un nouveau schisme au sein de la maçonnerie, sinon des [page 856] débauches de sang, d'assassinats, de serments redoutables, ainsi que nous l'avons exposé ailleurs (2 [Voy. notre Histoire de la magie.]) ; ces mannequins de rois et de papes poignardés, cette lumière qu'on cherchait de grade en grade, ces chaînes qu'on brisait ? L'écossisme avec ses trois hérésies, qui se nomment écossisme philosophique, écossisme primitif, écossisme d'Héredom-de- Kilvinning, est-il plus pur ? Les excommunications qu'il a eu à subir de la part des grandes loges d'Edimbourg et de France, et qui ne l'ont pas empêché de se propager, répondent suffisamment à cette question. La franc-maçonnerie hermétique, composée en apparence des trois grades, chrétien, des fondeurs et de la religion naturelle, n'avait- elle pas pour couronnement ceux de Kadosch et de chevalier du Soleil, où l'on jurait haine à Dieu et aux rois, et dont les mots de passe étaient Sisamoro et Senamira; c'est-à-dire en lisant en sens inverse, Oromasis et Arimanes, les deux génies de la mythologie persane et du dualisme manichéen ?

Que dire des loges purement cabalistes de cette maçonnerie, qui comptaient dans leur sein : les Elus Coëns, cherchant la régénération de l'homme par des moyens physiques; les invisibles, ayant fait le serment éventuel du suicide; les princes de la mort, ayant fait serment d'immoler celui qui serait désigné à leur poignard par la cour vehmique de l'ordre ? Que dire en particulier de la loge d'Ermenonville, où le trop fameux comte de Saint-Germain faisait de la magie devant des imbéciles qui ne croyaient pas à l'Evangile, mais qui croyaient bien aux quinze cents ans qu'il avait vécu depuis sa troisième résurrection ?

Le monde, après avoir été rempli de martinistes, l'est maintenant de swédemborgiens; pauvres gens qui repoussent du pied l'Evangile, et qui cherchent l'illumination intérieure. Que de merveilles ils ont vues, que de visions cornues ils ont rêvées depuis Martinez-Pasqualis et Swedemborg, leurs fondateurs ! Les délires d'un fébricitant n'ont rien de pareil, les rêves d'un fou éveillé ne sont pas plus bizarres. Personne n'avait pu comprendre Pasqualis, ni lui- même ni ses disciples. Le monde avait ri, ou haussé les épaules aux génies de toutes formes, de tout langage et de toute espèce dont Swedemborg avait peuplé les quatre éléments, les astres, le soleil, la lune, les planètes, les comètes, les sept cieux. On s'était amusé de leurs mariages, de leurs métiers, de leurs petits ; on avait admiré les anges vignerons, les anges forgerons, les anges jardiniers, bûcherons, etc. C'est maintenant M. Alphonse Cahagnet qui a l'honneur de tenir la plume de la maçonnerie illuminée. Il la trempe, il est vrai, dans le magnétisme, mais ce n'est que pour mieux l'illuminer. Ses magnétisés ne voient pas au ciel des merveilles moins étranges que celles de [page 857] Swedemborg et de Saint-Martin, qu'il cite par fois, en bon et fidèle disciple (3 [Voy. Arcanes de la vie future dévoilés, par L. Alph. Cahagnet ; Paris, 1848, in-12.])

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Article Illuminisme, Extrait, pages 860-863

Tandis que Swedemborg rêvait ses étonnantes doctrines, et fondait sa nouvelle maçonnerie, un autre songe-creux, Martinez Pasqualis, probablement d'origine portugaise, dont l'histoire n'a recueilli que le nom, et dont la doctrine ne peut être devinée que dans les écrits de ses disciples, établissait sur les bases de l'illumination intérieure la maçonnerie cabalistique des élus coens. Il l'introduisit dans quelques loges : à Marseille en 1754, à Toulouse, à Bordeaux et enfin à Paris en 1767. Ce fut à Bordeaux qu'il enrôla le plus fameux de ses disciples, Saint- Martin (1), officier au régiment de Foix. Martinez prétendait posséder la théorie et la pratique de la cabale, ou du moins la clef active de cette science, par le moyen de laquelle l'homme peut, disait-il, se procurer non seulement une illumination intérieure, mais encore une manifestation sensible des êtres incorporels. Il avait été le jouet d'apparitions fantasmagoriques lors de sa réception dans des loges cabalistes, et il croyait à la réalité des ombres qui avaient passé sous ses yeux.

Le rite des élus coëns comprenait neuf grades. Il embrassait la création de l'homme, sa chute, et conduisait à sa régénération ; de sorte que le candidat s'élevait de degrés en degrés jusqu'au rang d'où le péché l'avait fait déchoir.

Il ne faut pas omettre, parmi les disciples de Martinez, le baron d'Holbach, auteur du Système de la nature, et Duchanteau, auquel on doit des tableaux mystiques très recherchés des amateurs du genre.

D'un autre côté, le bénédictin dom Pernetti (2), physiologiste, alchimiste, visionnaire, accommodait les dogmes de Swedemborg à ses propres idées sur la transmutation des métaux, et, aidé du frère Grabianca, staroste polonais, fondait à Avignon, en 1760, une espèce de maçonnerie illuminée, qu'il décora du nom de rite hermétique, et qui pénétra en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Russie et jusqu'à la Martinique. Le but principal de cette maçonnerie était d'enseigner symboliquement l’art de la chrysopée, la composition de l'élixir de vie et de la panacée universelle (3). [page 861] 

Un frère Chastanier, qui était vénérable d'une des loges de Paris en 1766, modifia le rite de Pernetty, et fonda les illuminés théosophes. Puis en 1783, le marquis de Tancé, dégageant la doctrine swédemborgienne de toutes ses superfétations , institua le rite swédemborgien proprement dit, qui se formait des grades d'apprenti, compagnon, maître, théosophe illuminé, frère bleu et frère rouge.

En même temps, c'est-à-dire en 1780, le baron de Blaerfindi créait en France une autre maçonnerie cabalistique, dite du rite de Pythagore, et qui s'intitulait Académie des sublimes maîtres de l'anneau lumineux ; elle n'a laissé de souvenir que son nom.

Cependant la maçonnerie illuminée de Pasqualis faisait des progrès, et recevait un certain lustre des écrits du fameux Saint-Martin (4), surnommé le Philosophe inconnu. Le plus célèbre est intitulé des Erreurs et de la Vérité (5). Tous sont enveloppés d'une [page 862] obscurité si profonde qu'elle est impénétrable. On devine plutôt qu'on ne l'aperçoit, que la doctrine de Saint-Martin est le dualisme persan.

On reconnaît assez facilement que le but qu'il se propose est l'abolition, par des voies lentes, de tout culte extérieur, et le retour à cet état social que, dans leur ignorance, les philosophes d'alors appelaient état de nature, condition voisine de la sauvagerie.

Saint-Martin reconnaissait dans les phénomènes produits aux séances de son maître Pasqualis, des manifestations de l'ordre intellectuel obtenues par la voie sensible, dans les rêveries de Swedemborg, une science des âmes fondée sur l'ordre sentimental ; dans les effets du magnétisme, une manifestation réelle, mais d'un ordre sensible inférieur. Il regardait comme la plus grande lumière qui eût encore paru dans le monde le philosophe teutonique Jacob Bœhm, qui passe en France pour un visionnaire, et dont la doctrine est tout uniment une cabale un peu rajeunie sur la nature divine et ses émanations, sur la chute de l'homme et celle du démon.

Saint-Martin fait de l'âme humaine une pensée de Dieu, souillée parle contact de la matière ; il se propose de la purifier, afin de la rendre propre à se réunir à son principe ; tel est le but de la maçonnerie qu'il invente, en rectifiant celle de son maître.

Le candidat à la régénération passe par dix degrés ou états différents, dont le dernier est celui de kadosch, c'est-à-dire homme saint.

Le martinisme, qui avait son centre à Lyon, se propagea rapidement dans les principales villes de France, en Allemagne [page 863] et jusqu'en Russie. Lorsque la loge de Lyon cessa ses travaux en 1778, il se fondit dans la maçonnerie des philalèlhes.

Celle-ci, composée d'un mélange des dogmes de Pasqualis et de Swedemborg, s'était formée à Paris en 1773. Le frère Savalette de Langes, le vicomte de Tavannes, Court de Gébelin, le président d'Héricourt, le frère de Saint-James et le prince de Hesse en furent les inventeurs. Rien n'est plus curieux qu'une circulaire que les philalèthes adressèrent, en 1780, à tous les hommes studieux, pour les conjurer de leur venir en aide dans la recherche de la vérité , plus que jamais persuadés, disaient-ils, qu'elle existe. Ils entendirent tour à tour Saint-Martin, le comte de Saint-Germain, Mesmer, Cagliostro; ils assistèrent aux expériences de Duchanteau sur la régénération physique de l'homme, expériences qui devaient bientôt lui coûter la vie.

Le but des philalèthes était aussi la régénération physique et morale de l'homme ; ils y ajoutaient le progrès des sciences occultes.

Ils divisaient la maçonnerie en douze classes, dont les six premières, appelées petite maçonnerie, étaient préparatoires. La haute maçonnerie comprenait les grades de rose-croix, chevalier du temple, philosophe, philosophe inconnu, sublime philosophe et philalèthe, ou maître à tous grades.

La franc-maçonnerie des philalèthes, fondée à Narbonne en 1780, fut une réforme de celle des philalèthes, qui s'intitula du régime primitif. Celle-ci forma trois catégories et se divisa eu dix degrés. Les plus hauts grades prirent le nom de 1er, 2e, 3e et 4e chapitres de rose-croix. Son but était le rétablissement de l'homme dans son état primitif par le moyen des sciences naturelles, occultes, philosophiques et mystiques.

Notes

(1) Ce n'est pas de celui-ci que la doctrine prit le nom de martinisme, et les disciples celui de martinistes, mais de Martinez lui-même. Martinez Pasqualis termina sa carrière d'extatique à Port au Prince, en 1779 [sic pour 1774].

(2) Né à Roanne en 1716, mort à Valence en 1800. Il est auteur d'un Dictionnaire hermétique et d'une Explication hermétique des fables du paganisme. Qui aurait pensé que les Métamorphoses d'Ovide contiennent le secret de la chrysopée?

(3) Voici sur quel système reposent les travaux des loges hermétiques modernes. Au centre de la terre est un grand vide, dont les quatre éléments se disputent l'empire. Deux de ces cléments sont froids et humides, deux sont chauds et secs. Les érosions atomitiques résultant du mouvement et de l'agitation continuelle où sont tenus les éléments par la rotation du globe, sont sublimées par la chaleur, mouillées par l'élément humide, projetées par l'effet de la force centrifuge dans un autre vide immense qui règne autour du premier, et que l'on nomme extracentre. Lancées ainsi sous la forme de vapeur onctueuse jusqu'à la croûte du globe, elles s'y insinuent en filons métalliques, partout où elles rencontrent des fissures, et se mélangent à la terre là où elles ne trouvent pais d'issue. C'est cette vapeur onctueuse qui est le mercure des philosophes, la semence des métaux, l'âme et la vie de tout ce qui végète et de tout ce qui respire. Il ne s'agit donc que de l'extraire des matières grossières avec lesquelles elle est mélangée, pour avoir de l'or, le baume de la vie, la panacée universelle enfin. Si on ne peut toujours l'extraire, on peut la produire en faisant une opération semblable à celle que fait la nature elle-même dans les entrailles du globe. C'est à obtenir ce double résultat que travaillent les alchimistes. Ce système n'a rien de plus absurde que celui de tant de cosmologistes, qui ont voulu créer un monde sans Dieu: il vaut au moins le fameux système de Buffon. (Voy. Catéchisme des philosophes inconnus, ou Rose-Croix, publié par Tschoudy.)

(4) Né en 1743, mort en 1783 [sic]. Ses principaux ouvrages sont : le Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers. — De l’Esprit des choses, ou Coup d'œil philosophique sur la nature des êtres et sur l'objet de leur existence. — L'Homme de désirs [sic]. — Des Erreurs et de la Vérité. Tous portent l'indication : Par un philosophe inconnu.

(5) Voici un rapide aperçu de cet ouvrage et de la méthode de Saint-Martin. Autrefois l'homme avait une armure impénétrable, et il était muni d'une lance composée de quatre métaux, qui frappait toujours en deux endroits à la fois. Il devait combattre dans une forêt formée de sept arbres, dont chacun avait seize racines et quatre cent quatre-vingt-dix brandies. Il devait occuper le centre de ce pays ; mais, s'en étant éloigné, il perdit sa bonne armure, en place de laquelle il en vêtit une autre qui ne valait rien. Egaré en allant de 4 à 9, il ne pouvait se retrouver qu'en revenant de 9 à 4. Cette loi terrible est imposée à tous ceux qui habitent la région des pères et des mères ; mais elle n'est point comparable à l'épouvantable loi du nombre 56; ceux qui s'exposent à celle-ci ne peuvent arriver à 64 qu'après en avoir subi toute la rigueur. « La religion de l'homme, dans son premier état, était soumise à un culte qui consistait à porter continuellement sa vue depuis l'Orient jusqu'à l'Occident, et depuis le Nord jusqu'au Midi : c’est-à-dire à déterminer les latitudes et les longitudes dans tout l'univers. » (Des Erreurs et de la Ver., art. Première religion de l'homme.)
« Le rapport du mal au bien en quantité, est de 9 à 1 ; en intensité, de 0 à 1 ; en durée, de 7 à 1. » (Des Rapports entre l'homme et Dieu, n 2.)
« Tout nous porte à croire que l'homme rétabli dans ses droits pourrait agir tant sur les êtres immatériels corrompus, que sur les êtres purs, dont il est actuellement séparé par de fortes barrières. » (Ibid., n° 8.)
Saint-Martin est aussi étonnant en physique qu'en métaphysique : « Il y a, dit-il (Des Rapports, etc., n° 9), trois éléments : le feu, la terre et l'eau. Le soleil est le caractère du feu principe ; la lune, celui de l'eau principe, et notre planète, celui de la terre principe. »

Voici le moyen qu'il indique pour se garantir du tonnerre : « Rompre les colonnes d'air dans tous les sens, c'est-à-dire celles qui sont horizontales, comme celles qui sont perpendiculaires; chasser aux extrémités la direction de la foudre, et alors, en se tenant au centre, on ne peut pas craindre qu'elle en approche. » (Des Erreurs, etc., art. Préservatif contre le tonnerre.)
Voltaire a dit des ouvrages de Saint-Martin qu'on n'imprima jamais rien de plus absurde, rien de plus obscur, rien de plus fou et de plus sot. (Voy. Lettre à Dalembert [sic], du -11 octobre 1776.)

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1855 Lecanu

1855 – Lecanu - Dictionnaire des prophéties et des miracles, tome II

Article Pasqualis (Martinez), pages 516-517

PASQUALIS (Martinez), chef de la secte des Martinistes ; personnage célèbre dans son école et même dans le monde, mais dont il n'y a que le nom de bien connu. On ignore sa patrie, sa nationalité, il ne reste de lui qu'un manuscrit très peu lu. Quelques-uns l'ont cru d'origine portugaise, plusieurs ont dit qu'il était juif. Il fonda en France, en 1754, un rite cabalistico-maçonnique, dit des élus Cohens, dans lequel les adeptes s'occupaient de théurgie, et qui compta plusieurs loges, tant à Marseille qu'à Toulouse, à Bordeaux et à Paris, le grand réceptacle du bien et du mal, des erreurs et de la vérité, le point où tout ce qui n'en procède pas vient aboutir. Martinez quitta cette dernière ville en 1778 [sic pour 1772], et alla terminer l'année suivante [sic pour 1774], à Port-au-Prince, sa carrière d'évocations et de communications avec les natures invisibles.

Si peu connu personnellement, il est impossible de savoir autrement que par l'intermédiaire de ses disciples, la nature et le [page 517] résultat de ses travaux ; mais aussi, après avoir interrogé le principal d'entre eux, le non moins célèbre Saint-Martin, il reste établi que Martinez fut le jouet de communications véritablement démoniaques. « Dans l'école où j'ai passé il y a vingt-cinq ans, écrivait celui-ci en 1793 à son ami Kirchberger, les communications de tout genre étaient fréquentes ; j'en ai eu ma part comme beaucoup d'autres. Les manifestations du signe du Réparateur y étaient visibles : j'y avais été préparé par des initiations. » « Mais, ajoute-t-il, le danger de ces initiations est de livrer l'homme à des esprits violents ; et je ne puis répondre que les formes qui se communiquaient à moi, ne fussent pas des formes d'emprunt. » C'est ainsi que ceux qui cherchent la vérité en dehors de l'Évangile ou au-delà, deviennent souvent le jouet de leurs propres illusions ou de celte de l'esprit de Ténèbres, qui se transforme en ange de Lumière, pour mieux les abuser.

Saint-Martin ne s'est pas expliqué autrement sur le fond de la doctrine de son maitre. Un autre élève de Martinez, Fournier [sic pour Fournié], auteur de Ce que nous avons été, Ce que nous sommes, et Ce que nous serons (Londres 1791), semble dire qu'il professait uniquement la cabale transcendante des juifs (Voyez l'art CABALE), et qu'il possédait la clef active de cette science, en d'autres termes le secret des communications avec le monde invisible ; et jugeait de ce point de vue la nature et les opérations des êtres intellectuels, Dieu, les anges, les démons, l'âme humaine.

Nous ne voudrions pas revenir à ce sujet sur ce que nous avons dit tant de fois, qu'il n'existe aucun moyen de contraindre l'ange déchu à se communiquer aux hommes ; mais que lui seul, cependant, répond aux évocations théurgiques, nécromantiques ou de toute autre nature, lorsque de telles pratiques sont suivies d'une réponse quelconque. Ni Dieu ni les anges, en effet, ne sauraient accepter ce qui est abominable, et après Dieu et les anges lui seul reste en évidence. Au temps du paganisme, il favorisait l'emploi des moyens en rapport avec le paganisme, parce qu'il en résultait une confirmation de l'idolâtrie ; au temps du gosticisme [sic pour gnosticisme], ce qui pouvait contribuer à étendre et propager les mauvaises mœurs ; aux siècles d'une philosophie antichrétienne, il relie son action à tout ce qui doit élever de plus en plus le drapeau de cette fausse sagesse. Mais toujours et partout, c'est l'illusion ; et s'il réserve sa liberté d'agir de la manière que bon lui semble, c'est à son profit et non à celui de l'humanité.

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Article Saint-Martin, pages 849-850

SAINT-MARTIN (Louis-Claude de), dit le Philosophe inconnu, né à Amboise le 18 janvier 1743, et mort à Paris le 13 octobre 1803, fut plutôt la dupe des écoles spiritualistes et théurgiques de son temps, que le chef d'aucune d'elles. Il les fréquenta, les admira, les jugea à son point de vue, et garda l'indépendance d'un esprit qu'il croyait supérieur, et qui n'était, en réalité, qu'illusionné d'une manière différente. Il considérait les séances cabalistiques de Martinez-Pasqualis, ou plutôt leurs résultats, [page 850] comme des manifestations de vertus actives de l'ordre intellectuel obtenues par la voie sensible ; selon lui, les visions de Swedemborg étaient de l'ordre sentimental, et conduisaient à la science des âmes. Les phénomènes du magnétisme somnambulique étaient d'un ordre sensible inférieur. Le célèbre visionnaire teutonique Jacob Boehm était, à son jugement, la plus grande lumière humaine qui eût apparu dans le monde.

Saint-Martin avait reçu dès l'enfance une éducation aussi pieuse que chrétienne, il avait cultivé avec attrait l'ascétisme ; mais dès qu'il sortit des voies tracées par les maîtres véritables de la vie spirituelle, pour chercher un christianisme transcendant, il rencontra sur sa route les théurgistes, et se laissa égarer après eux sans espoir de retour. Jouet désormais des illusions de son esprit et des prétendues manifestations obtenues dans leurs réunions, il perdit la charité, pour ne plus conserver que la bienfaisance, la religion, pour ne plus garder que la philosophie ; et l'Évangile devint pour lui un simple A, B, C, propre tout au plus à former le rudiment de la première enfance.

Cet esprit superbe en fut bien puni ; car dans les nombreux ouvrages qui sortirent de sa plume, et qu'il livra à un très petit public d'intimes amis, auxquels il recommandait de garder le secret, ce en quoi ils ne l'ont que trop bien servi, il n'y a rien à apprendre disons-le, rien à pouvoir comprendre. Il ne se comprenait pas lui-même, il l'avoue, et était quelquefois surpris de finir par se trouver un sens. C'est ainsi qu'il disait de son homme de désir, longtemps après l'avoir édité, qu'il y trouvait des germes épars çà et là, dont il ignorait les propriétés en les semant, et qui se développaient chaque jour pour lui, depuis qu'il avait connu Jacob Boehm.

Les mystiques du moyen âge et ceux des derniers temps, en s'unissant par la contemplation à leur principe, suivant la doctrine de Busbrock, leur maitre, étaient absorbés en Dieu par l'affection: mais les martinistes cherchaient une porte plus élevée. A leurs yeux, ce n'était pas seulement la faculté affective, mais plutôt la faculté intellectuelle qui devait connaître en elle son principe divin, et par lui le modèle de cette nature que Mallebranche voyait non activement en lui-même, mais spéculativement en Dieu, et dont Saint-Martin apercevait le type dans son être intérieur par une opération active et spirituelle, qui est le germe de la connaissance. Comprenne qui pourra, mais c'est vers ce but que tous les ouvrages de Saint-Martin sont dirigés. Nous avons rendu ailleurs un compte succinct des principaux, nous n'y reviendrons pas (Voyez l'art. ILLUMINÉS, col. 861, note 2); et nous ne croyons pas non plus qu'il soit utile de mettre davantage en lumière, par une biographie détaillée, celui qui se complut toute sa vie dans les ténèbres.

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