[De l’occultisme]

Sachons apprécier le très haut enseignement que nous donne ici l'histoire sur le rôle véritable de l'occultisme et la mission de ses initiés. Ceux-ci ne doivent négliger aucune branche de science divine, aucun des deux pôles de sa pratique, s'ils veulent être en état d'accomplir le grand œuvre du Solve et coagula dont Moïse et le Christ nous ont laissé des modèles si sublimes.

Et comme aucun de nous n'est capable, sans doute, d'un travail aussi vaste, comme en notre faiblesse de néophytes nous sommes obligés de spécialiser nos études mêmes, nous ne pourrons mériter les appuis supérieurs que nous cherchons encore qu'en unissant en une fraternité cordiale et sincère tous nos efforts divers vers le Bien et la Science.

Ce fut la pensée première du groupe ésotérique : c'est aussi fort heureusement celle qui se formule parmi nous tous de plus en plus en ce moment par des projets d'union multipliés (3). Reconnaissons bien [page 18] que, si les rivalités des premiers temps se sont montrées trop ardentes, ce n'était que par excès de zèle et de conviction ; hâtons-nous maintenant de nous rassembler en unité où toutes les dispositions individuelles trouveront un libre exercice avec un but commun : la conquête de l’invisible supérieur pour le perfectionnement terrestre. Une fois l'union faite, la hiérarchie s'établira bientôt pour effacer les personnalités au profit exclusif du Grand-Œuvre.
Voilà la première leçon que nous donnent les lettres de Martines ainsi éclairées par Papus.

La seconde est relative à l'action sociale.

C'est encore un devoir pressant pour l'occultiste que celui d'adapter la Science des Principes à tous les besoins sociaux de son temps, parce que ces besoins se modifient avec la marche de l'évolution. Ce n'est pas assez qu'il tente de perfectionner, en même temps que la sienne, quelques âmes particulièrement disposées aux efforts suprêmes, il faut encore qu'il puise dans l'ésotérisme les formules pratiques et simples adaptées aux justes instincts, aux désirs légitimes de la foule, ou celles qui doivent ennoblir ces désirs [page 19] eux-mêmes. C'est encore une tâche où l'école Martiniste semble s'être montrée insuffisante, si l'on en juge par l'œuvre du plus célèbre et de ses initiés, Saint-Martin, ou par les sombres conceptions de son disciple Joseph de Maistre.

Nous avons aujourd'hui un grand maître en cette œuvre d'adaptation sociale ; tout le monde a nommé Saint-Yves, l'éminent disciple qui a su réserver si complètement, selon la tradition occidentale, les principes orientaux ou payens de son maître, avant lui presque ignoré, Fabre d'Olivet. C'est en cette école que nous trouverons nos modèles pour compléter ceux du Martinisme.

Bien d'autres questions encore, fort imposantes, surgissent à la lecture de ces curieuses lettres, mais il faut se borner à celle qui viennent d'être effleurées, et laisser au lecteur le charme de résoudre les autres. Les réflexions que nous venons de soulever avaient surtout pour but de préciser quelque peu l'entraînement de l'initiation occultiste. C'est par là que le livre attrayant de Papus se rattache à celui dont nous avons encore à parler [*].

F.-Ch. Barlet

* [Il s’agit du livre Les Miroirs magiques, dont le compte-rendu suit celui-là et que nous ne présentons pas puisqu’il est hors de notre sujet]