[De la Franc-maçonnerie]

La Franc-Maçonnerie moderne, née en Angleterre, ne tarda pas, nous dit-il, à se partager en deux tronçons rivaux : l’un, la Grande Loge anglaise de France, à tendances pratiques (vengeance des Templiers) ; l'autre, celle du Rite écossais, plus philosophique, issue de l'Illuminisme, aboutissant au Conseil des Empereurs d'Orient et d'Occident (la reconstruction du Temple, les traditions des thérapeutes et la Rose-Croix).

C'est à ce second groupe que se rattachent les loges martinistes. Puis la scission s'accélère ; de misérables scandales accentuent le caractère sectaire des loges françaises qui aboutissent par l'intrigue à la [page 16] fondation du Grand Orient. Le Rite écossais, en partie déchu lui-même, fusionne à son tour avec ce Grand Orient en lui fournissant ses grades mystiques supérieurs, tandis que les loges martinistes isolées s'endorment petit à petit. Puis la Franc-Maçonnerie abandonnée depuis longtemps déjà des supérieurs inconnus (SI) va, à travers les désordres sanglants de 1793, après avoir porté et maintenu quelque temps la bourgeoisie au pouvoir, tomber dans cet état de matérialisme dégénérescent où nous la voyons aujourd'hui (2).

D'où vient donc cette échec ? Il faut l'attribuer au caractère trop restreint encore de l'Initiation martiniste : sa Théurgie manquait trop des pratiques volontaires ; restée trop près de l'Illuminisme elle n'avait pas assez développé chez ses disciples ces facultés actives du magisme qui donnent la puissance réelle sur le monde terrestre ou inférieur.

L'adaptation par Martines de l'occultisme à l'accomplissement terrestre, n'étant pas complète, ne pouvait satisfaire les esprits pratiques, ou forger assez fortement tous les anneaux de la chaîne hiérarchique qui relie les moindres disciples aux plus initiés ; la rupture était inévitable. Le mystère qui n'avait sa raison d'être que dans les grades supérieurs, ou dans [page 17] ceux qui auraient dû y conduire sans discontinuité, fut conservé partout après la scission ; mais il ne pouvait plus être alors qu'une forme de la conspiration politique, au lieu d'être la condition de la régénération sociale ; agent de la révolution, non d'évolution : telles furent les créations des ventes et des carbonari qui achevèrent la décadence.

Cette remarque nous donne le caractère du grand [page 15] mouvement martiniste. Ce n'était pas tout à fait une école d’Illuminisme, car l’illuminisme est purement mystique ; c'était une tentative d'application sociale avec diffusion prudente par les loges, c'est-à-dire un effort très remarquable de restitution d'un collège ésotérique pour l'initiation la plus pure et la plus synthétique et en vue d'une régénération sociale,

Cet effort a-t-il réussi, comme le pouvaient faire espérer les premiers succès et la haute valeur des disciples qui s'y étaient consacrés ? – Nullement !

Dans cet excellent chapitre sur les sociétés secrètes qui sont comme l'âme de ce livre substantiel, Papus nous montre avec sa netteté de vue et d'exposition ordinaires ce qu'il est advenu du Martinisme ; nous allons voir pourquoi.