[Réintégration]

Cette doctrine ne ressort pas complètement des quelques passages que Papus a eu soin de rassembler en un chapitre spécial : il nous la développera sans doute dans l'ouvrage qu'il nous promet sur Willermoz ; en attendant, il la résume très nettement en quelques mots. C'est de l'homme tout particulièrement qu'elle s'occupe, et, plus spécialement encore, de sa chute et de sa « réintégration ».

Parmi les Anges créés tout d'abord, que Martines nomme « les Esprits premiers libres », quelques-uns ayant prévariqué par orgueil, l'Univers physique fut [page 14] formé pour les « contenir en privation », puis l'Homme fut créé à son tour et placé dans la même enceinte avec mission de régénérer les anges déchus. Mais, s'étant au contraire laissé corrompre par eux, par imprudence et présomption, il tomba à son tour dans son état actuel de matérialité.

Il lui est permis de se « réintégrer » en identifiant à nouveau sa volonté à celle de Dieu, et, alors, la Nature entière déchue avec les anges rebelles sera réintégrée avec lui ; mais il lui faut pour cela l'assistance des Anges restés purs, et il lui est permis d'entrer avec eux en communication.

Saint-Martin nous apprend en outre que la réintégration se fait par trois moyens successifs : l'effusion du sang (guerres et sacrifices), la douleur et l'amour ; à ces trois moyens correspondent trois âges principaux de l'humanité dont le dernier a commencé avec Jésus-Christ que Saint-Martin nomme « le Réparateur ».

Cette doctrine de la Chute, que le philosophe Baader (de 1797 à 1832) a spécialement développée et soutenue était issue de celle de Boehm dont cet auteur était disciple comme Martines. Toutefois, il faudra remarquer, parmi les lettres que Papus nous révèle, celle où Saint-Martin distingue clairement le grand maître Boehm de ses disciples. Les théories de ces derniers sont moins universelles et moins exclusivement mystiques, « plutôt spirituelles que divines ». Elles s'attachent au progrès de l'humanité avec le secours des messagers divins ; Boehm songe plutôt à la réintégration directe au sein de la Divinité.