Qu’est-ce que la magie des Élus Coëns ? (pages 7-10)

Théurgie : « Puissance de faire des choses merveilleuses et surnaturelles par des moyens miraculeux et licites, et invoquant le secours de Dieu et de ses anges ». Dictionnaire de Trévoux (1704)

La théurgie de Martines de Pasqually

1) Martines de Pasqually (1727-1774) a élaboré une doctrine complexe et précise. À partir de quelles données, outre son expérience personnelle qui, disait-il, avait été jusqu’à lui faire prendre sous dictée les enseignements de la Sagesse divine même ? La critique externe ne dispose d'aucun élément de réponse. La critique interne désigne le courant de l’ésotérisme judéo-chrétien, et plus particulièrement certains de ses rameaux provençaux et espagnols (avec dans ce dernier cas, une influence islamique de seconde main).

2) Le titre du Traité de la réintégration des êtres créés dans leurs primitives propriétés, vertus et puissances spirituelles divines, par Martines, l’annonce : la doctrine de Martines est une doctrine de la réintégration des êtres. Réintégration implique expulsion préalable, drame et dénouement. En effet. Et de le savoir sauve. Mais c’est un savoir opératif. Martines est un gnostique.

La réintégration doit être universelle. Sa tâche incombe à l'homme. À lui d’apprendre quelle fut l’origine et quelle est la destination, quelles sont les [page 8] voies communes de la chute et de la remontée : apprentissage d’une théorie. Mais d'une théorie qui est, en fin de compte, théorie de l'action, qui se confond avec elle, c’est-à-dire théorie de la technique opératoire ; théorie des intermédiaires et technique des moyens ; technique des agents et des opérations. Théorie des opérations théurgiques à la manière de Martines de Pasqually. Voilà la gnose particularisée en gnosticisme martinésien, en martinésisme.

À cette particularisation concourent aussi — mais l'analyse de la théurgie particulière suffirait à l’indiquer — les modalités et les détails spécifiques, du moins en leur assemblage, de l’épopée martinésiste. Résumons-les.

3) Dieu est un, mais ses puissances sont trines et son essence « quatriple ». Au commencement, il émane des êtres spirituels, libres et discrets qui forment sa cour. Certains de ces êtres cèdent à l'orgueil et « opèrent » — c’est-à-dire agissent — à l'instar de Dieu, en infraction, c’est-à-dire en prétendant à l'autonomie. Pour les punir et sauver la cour divine, ils sont chassés de celle-ci et emprisonnés dans le monde matériel, spécialement créé pour l'occasion par des esprits restés fidèles. La matière est créée, non pas émanée : elle est illusoire.

Dieu émane alors l'homme : « mineur » spirituel puisqu'il vient en dernier lieu, mais doué de privilèges supérieurs à ceux de ses aînés. Adam, androgyne, sera tout à la fois chargé de la garde et de la réhabilitation.

Mais Adam s’élève, à son tour, par son orgueil [page 9] jusqu'à vouloir être créateur tout seul. Il lie sa puissance divine avec celle des démons et il effectue une création de perdition. Sa création, sa créature, Houwa, est ratée. Mais, après son forfait, il dégénère et devient l'opprobre de la terre.

Son corps glorieux devient ténébreux, en se matérialisant.

De pensant il devient pensif et la communication directe, dont il jouissait avec Dieu, est coupée. Elle ne pourra plus s’effectuer désormais que par le truchement, éventuellement obtenu, des esprits, des intermédiaires.

4) Pour entrer en rapport avec ceux-ci, l’homme en partie matérialisé devra user de procédés en partie matériels. La mystique s’est dégradée en théurgie cérémonielle, science et sacrement. Le théurge prie d’abord, il demande à Dieu de lui restituer son pouvoir primitif sur les esprits. Puis il commande aux esprits bons et exorcise les mauvais. Des signes, quelquefois auditifs et tactiles, mais habituellement lumineux, indiquent le succès.

La faute d'Adam fut suivie d’une seconde. Dieu avait maintenu le coupable dans ses droits et devoirs et l’avait pourvu des moyens nouveaux requis par la nouvelle situation. Pourtant, ingrat, l'homme s’unit à sa femme dans une fougue sexuelle digne des bêtes. De cet emportement Caïn est issu.

5) Mais Dieu demeure encore fidèle à ses promesses et l'homme n’est point destitué de son poste.

La postérité de Caïn est incapable de tenir le rôle du [page 10] mineur. Naissance d’Abel. Caïn le tue. Seth sera l’ancêtre des opérateurs, des théurges. Aussi bien, après le déluge, plus de Caïnites. Noé perpétuera la postérité de Seth (mais Cham réincarnera Caïn). Ainsi d’une race pure sortiront, au cours de l’histoire, des mineurs élus, grands et petits prophètes. Les coëns y seront agrégés par élection.

6) La gnose martinésiste discerne, et s'approprie, dans les choses ce qui tient des choses de l’esprit, les symbolise, y mène. Elle trace le plan de la figure universelle où toute la nature spirituelle, majeure, mineure et inférieure opère ; où les immensités céleste et temporelle qu’enceint l’immensité de l’axe feu central communiquent, à travers l’immensité surcéleste, avec l’immensité divine.

Pour se réintégrer et aider à la réintégration des autres hommes et de tous les êtres (point de réintégration complète sans réintégration universelle), celui qui a cette vocation sacerdotale, l’élu coën, considère le nombre de ses doigts de pied (les nombres, fondement de toute loi de création temporelle et de toute action divine...) et s’instruit du nom des anges. Il suit une ascèse (actes de piété, règles alimentaires, etc.) et une morale. Il célèbre la théurgie.