1875 Franck1875 - Franck - Dictionnaire par une société de professeurs et de savants

sous la direction de M. Ad. Franck (1809-1893),
membre de l’Institut.

2e édition 1875.
Paris,
Librairie Hachette et Cie.
79, boulevard Saint germain.
1875

Article sur : François Baader, Bautain, Bœhme, Dieu
Articles sur : Lavater, Macrocosme – microcosme, Métaphysique, Nature, Pythagore – Pythagorisme,
Articles sur : Martinez Pasqualis, Théosophes, Saint-Martin.

Article sur Baader François. Extraits, p.155

… Les mystiques du moyen âge, Paracelse, Van Helmont, sainte Thérèse Mme Guyon, Swedenborg, Pascalis, et surtout Saint-Martin, étaient également familiers à Baader.

Article sur Bautain. Extraits, p.155

Ainsi que de Bonald, Saint-Martin, et l'on peut dire ainsi que tous les mystiques, Bautain attribue une origine et un rôle surhumains à la parole. Sans elle l'intelligence, toute divine qu'elle est par son objet et son principe, nous serait absolument inutile, parce qu'elle resterait inactive. » La parole, pour lui, est la manifestation la plus pure du divin par l'humain, de l'absolu par le relatif, de Dieu par l'homme (ubi supra, t. II, p. 251). Non-seulement la parole dans son ensemble, mais chacun de ses éléments considéré à part et principalement les voyelles, présentent à son esprit des mystères insondables. Il n'y aurait aucun intérêt à le suivre sur ce terrain; mais après avoir résumé ses opinions sur l'univers et sur l'homme, il nous reste à dire quelle idée il se fait de Dieu. […]

Mais si Dieu n'est pas la cause de l'univers, comment donc a-t-il produit l'univers ? Comment en est-il le créateur? Bautain pense, comme Saint-Martin, que le monde est la pensée divine devenue visible « en sorte qu'en affirmant que Dieu a créé l'univers, nous entendons dire qu'il a divinement exprimé son idée, qu'il a parlé l'univers (Philosophie du Christianisme, t. II, p. 243). »

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Article sur Bœhme, extraits p.183-184

Or ce qu'il y a de plus parfait, c'est la lumière, et ce qui est en opposition avec la lumière ce sont les ténèbres. Ces deux principes, ou plutôt ces deux aspects de la nature divine, se divisent à leur tour, et ainsi se distinguent, les unes des autres, les sept essences, ou, comme les appelle Saint-Martin, les Sources-Esprits qui constituent le fonds commun de toute existence finie et de l'univers tout entier.

La première de ces essences, c'est le désir, qui engendre successivement l'âpre, le dur, le froid, l'astringent, en un mot tout ce qui résiste. C'est le désir qui a présidé à la formation des choses et les a fait passer du néant à l'existence.

[…] p. 184

Saint-Martin a traduit en français les trois ouvrages suivants 1° l'Aurore naissante, 2 vol. in-8, Paris, an VIII; 2° les Trois Principes de l'essence divine, 2 vol. in-8, Paris, an X; 3° le Chemin pour aller à Christ, 1 vol. in-12, Paris, 1822.

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Article sur Dieu, extrait p. 398

Cependant ce n'est pas la raison seule qui nous révèle l'existence de Dieu le sentiment en est une autre preuve, mais beaucoup plus variable et plus obscure. En effet, n'est-il pas vrai, quand des passions basses ou des besoins grossiers n'arrêtent pas l'essor de nos facultés, que nous éprouvons un besoin d'aimer et d'admirer, un amour du bien et du beau que rien d'imparfait ni de fini ne peut satisfaire ? D'où nous viendrait un pareil sentiment, sinon de celui qui est lui-même le beau et le bien dans leur essence, ou la source inépuisable de toute admiration et de tout amour? Cette preuve est précisément celle que le mystique Saint-Martin, dans son livre de l'Esprit des choses, et plusieurs autres philosophes de son école, par exemple François Baader, ont recommandée comme la plus simple à la fois et la plus inattaquable. Mais elle remonte beaucoup plus haut déjà à Platon en a consacré l'usage dans sa théorie de l'amour, en nous représentant l'amour et la dialectique comme les deux ailes sur lesquelles notre âme s'élève à la contemplation de l'absolu. Ce que nous disons du beau et du bien s'applique aussi à l'infini; en d'autres termes, nous avons le sentiment de l'infini comme nous en avons l'idée. Quel autre sens donnerions-nous à ces émotions mystérieuses, à ce respect indéfinissable que la vue de la nature nous fait éprouver au milieu de la solitude et du silence? Comment expliquer autrement cette terreur en quelque sorte innée de l'invisible et de l'inconnu qui poursuit tous les hommes, qui a pesé d'un si horrible poids sur les premiers peuples, et que la voix de la raison parvient si difficilement à maîtriser? C'est un fait remarquable que dans l'antiquité païenne tant de riches et de bizarres fictions n'aient pas pu suffire à ce sentiment, et qu'on ait imaginé, au-dessus de toutes les divinités de l'Olympe et de l'enfer, une puissance inconnue, indéfinissable, inaccessible aux dieux comme aux hommes, le Destin (voy. ce mot). C'est que toutes les fictions mythologiques ne représentaient après tout que des êtres finis, et que rien de pareil ne peut satisfaire ce que nous appellerions volontiers l'instinct de l'infini. Au reste, les preuves de cette nature ne doivent être employées qu'avec une extrême circonspection. Le sentiment seul, comme le prouvent les faits mêmes que nous venons de citer, n'aboutit qu'au mysticisme ou à la superstition. Joint à l'examen approfondi de la raison, il est de la plus haute importance il ménage à l'idée de Dieu un plus facile accès dans les esprits, il la fait pénétrer plus profondément dans l'âme, en même temps qu'il lui donne une réalité immédiate, inattaquable au scepticisme; car cet être qui excite en moi, avant même que je le connaisse, l'amour, l'admiration le respect la terreur, qui est l'objet véritable de mes désirs et des plus constantes aspirations de mon cœur, ne peut pas être, comme on l'a prétendu, un pur idéal, une vaine abstraction, une illusion métaphysique sur laquelle les faits de la conscience et ceux de la nature gardent un complet silence.

bouton jaune   Dieu

Article sur Lavater, extraits p.922-923

Le prosélytisme de Lavater ne fut pas plus heureux à l’égard de Goethe, également sommé de devenir chrétien de nom, chrétien de fait et d’esprit. Mais ces démarches infructueuses [293] signalèrent le nom de Lavater à la ligue qui commençait à se former contre les excès de ce qu'on appelait le parti des lumières. Lavater en fut proclamé le chef, et il le resta jusqu'à l'époque où un praticien de Berne, Kirchberger, s'unit à un Français, Saint-Martin, pour renouveler les doctrines de Jacob Bœhme, et pour les opposer à la fois à la philosophie mourante du XVIIIe siècle et aux systèmes naissants de Kant et de des successeurs.

Article sur Macrocosme – microcosme, extraits p.995

… Que l’on passe en revue les différents écrivains qui ont attaché leurs noms à ces rêveries, Jacob Boehm, Robert Fludd, Van Helmont, Saint-Martin, on les verra tous dominés par cette pensée, qu'il y a une corrélation parfaite entre l'homme et l'univers par exemple, entre nos différents organes et les différents métaux; entre les métaux et les principales constellations ; entre la vie qui nous anime et la vie générale du monde. Ces idées se rattachent à un système plus général, panthéiste au fond et mystique dans la forme, qui n'admet qu'une substance se révélant dans l'univers par une variété infinie, et se concentrant ou plutôt se résumant dans l'homme.

Article Métaphysique, extrait p. 1091

Enfin, d'autres se sont efforcés de s'élever au-dessus de la raison même et d'atteindre à la suprême vérité, à la contemplation de l'infini, en s'affranchissant de toutes les conditions que la science impose, par les seules forces de l'enthousiasme et de l’amour. Cette tentative est le fond commun du  mysticisme, le trait distinctif de tous les systèmes qu'il a mis au jour depuis l'école d'Alexandrie jusqu'à Jacob Boehm, Fénelon et Saint-Martin. Avec des procédés comme ceux-ci l'inspiration aveugle, une dialectique chimérique qui n'a que le nom de commun avec celle de Platon, et des définitions des axiomes arbitraires faussement imités de la géométrie, comment s'étonner qu'on soit arrivé à discréditer les recherches vers lesquelles l'esprit humain, malgré tant de déplorables échecs, se sentira toujours entraîné ?

Article Nature, extrait p. 1175

Disciple des éléates mais précurseur de Spinoza et de la nouvelle philosophie allemande, Giordano Bruno admet que Dieu est l'être un, infini et unique, en dehors duquel rien ne peut exister, mais qu'il est la nature naturante, c'est-à-dire la substance et la cause productrice de la nature naturée, de l'univers, qui existe en lui et par lui, et qui est infini comme lui-même. Il prétend prouver a priori la vérité du système de Copernic; pourtant il n'est pas allé jusqu'à entreprendre de démontrer de même a priori les principales lois du monde physique. Dans ce grand mouvement des esprits vers l'étude de la nature, les doctrines les plus influentes sont celles de l'animisme et du vitalisme universels, des forces occultes, des sympathies et des antipathies; ce sont les théories mystiques des théosophes et des kabbalistes, qui essayent d'effacer la distinction de l'esprit et de la matière, à force de matérialiser l’un et de spiritualiser l'autre. Telles sont les tendances de Reuchlin, d'Agrippa, de Paracelse, de Cardan; le péripatéticien Porta l'averroïste Cesalpini, Fracastor, Gilbert et la plupart des grands physiciens de ce temps y participent plus ou moins. Les mêmes tendances reparaissent au XVIIe· siècle avec les deux Van Helmont, Marcus Marci de Kronland, Robert Fludd, Jacques Boehm, Jean Amos Comenius au XVIIIe siècle, avec Swedenborg et Saint-Martin; et la nouvelle philosophie allemande s'y est livrée avec un enthousiasme réfléchi et méthodique.

Article Pythagore – Pythagorisme, extrait, p. 1439.

Depuis le XVIe siècle le pythagorisme n'a plus eu aucune place dans la philosophie. On en trouverait des traces dans les doctrines secrètes; mais ce n'est pas notre objet. A la fin du XVIIIe siècle, le pythagorisme eut certainement sa part dans toutes les espèces d'illuminisme qui séduisirent un moment cette société incrédule. Dans notre temps, assez semblable, par la confusion des doctrines, aux XVIe siècle et à l'époque alexandrine, le pythagorisme a encore trouvé des partisans, surtout parmi les esprits hardis et aventureux. Le comte Joseph de Maistre, qui, malgré la raideur de son orthodoxie, trahit une certaine faveur pour l'illuminisme de Saint-Martin, développe avec complaisance et avec l'originalité passionnée de son éloquence les mystères et les beautés de la doctrine des nombres.