Article Martinez Pasqualis, p. 1045-1046

MARTINEZ PASQUALIS, né vers 1715, en Portugal ou à Grenoble, d'une famille d'israélites portugais, est un illuminé plutôt qu'un philosophe. Il passa sa vie à propager dans les loges maçonniques et dans les sociétés mystiques un enseignement et des rites qu'il disait tenir d'une ancienne tradition. Il aurait voulu réunir toutes ces petites églises isolées, et peut-être devenir le grand prêtre d'une religion secrète et il employait à gagner des adeptes non seulement les ressources de la parole, mais encore le prestige d'une puissance surnaturelle. Il obtint de grands succès, s'affilia à Marseille, à Toulouse, à Bordeaux un certain nombre d'élus, et parmi eux le célèbre Saint-Martin; et déjà l'on parlait à Paris, où il était arrivé en 1768, de la secte des martinistes. Mais il éprouva bientôt des résistances qui le découragèrent. Il disparut et alla mourir en 1779 [erreur de Franck] à Port-au-Prince, dans l'île de Saint-Domingue. On n'avait jusqu'à ces dernières années que des renseignements assez incertains sur une doctrine que les initiés tenaient cachée. En publiant en 1862 un ouvrage sur Saint-Martin, M. Matter a annoncé qu'il avait entre les mains un manuscrit de Martinez intitulé Traité sur la réintégration des êtres dans leurs premières propriétés, vertus et puissances spirituelles et divines. Il en a donné une [page 1046] analyse, et depuis [M. Ad. Franck en a publié les premiers feuillets. On y trouve l'exposition d'une sorte de panthéisme mystique, affirmé comme un dogme, sans démonstration et servant de principe à des pratiques de théurgie. A l'origine, suivant Martinez, tous les êtres sont contenus dans le sein de Dieu, hors duquel rien ne peut exister sans détruire sa toute-puissance. Sa volonté les maintient dans cette unité primordiale, sa volonté les en fait émaner par une effusion perpétuelle et sous toutes les formes; puissances intellectuelles qu'on peut à peine nommer, chérubins, séraphins, archanges tous sortent du fond de cette inépuisable substance; mais en sortir c'est tomber; l'être créé est par cela même un être déchu, et la naissance est un exil. Tous aspirent à une réintégration dans cette vie purement divine; et elle ne peut s'opérer que si leur volonté s'identifie de nouveau avec celle de Dieu, c'est-à-dire, sans doute, si elle s'annihile elle-même. Les esprits purs, (l'homme et la nature entière peuvent donc reconquérir l'existence divine. La réintégration sera universelle elle renouvellera la nature, et finira par purifier le principe même du mal. Toutefois pour cette œuvre les êtres inférieurs ont besoin de l'assistance de ces esprits qui peuplent l'intermonde entre le ciel et la terre. Il faut donc entrer en commerce avec eux; établir des communications par degrés jusqu'à ce qu'on parvienne aux plus puissants et peut-être à Dieu lui-même. Les moyens de pénétrer dans cette région surnaturelle constituaient sans doute la pratique de ce culte mystérieux, et l'on peut présumer qu'ils n'étaient pas tous de nature spirituelle. M. Franck reconnaît dans le mysticisme de Martinez les traditions de la kabbale, et la métaphysique du Zohar, qui admettait au même sens l'émanation la chute, et la résipiscence de l'être pervers il est moins difficile de qualifier l'art de faire agir les puissances invisibles et d'en obtenir les manifestations « par la voie sensible ».

Voir Matter Saint-Martin, le philosophe inconnu, sa vie ci ses écrits, son maître Martinez et leurs groupes, Paris, 1862; Correspondance inédite de Saint-Martin, publiée par Schauer, Paris, 1862; -Ad. Franck, la Philosophie mystique en France à la fin du dix-huitième siècle, Paris, 1866. C'est à cet ouvrage qu'on a emprunté la substance de cette notice.

bouton jaune   Martinez Pasqualis