[L’écriture]
Dans l'intervalle, il fit imprimer plusieurs ouvrages dont le premier, composé à Lyon, fut publié en 1775, sous le titre Des erreurs et de la vérité ou les hommes rappelés au principe universel de la science. Il y prend position contre la philosophie du jour : « J'ai été moins l'ami de Dieu, dit-il, que l'ennemi de ses ennemis, et c'est ce mouvement d'indignation contre les ennemis de Dieu qui m'a fait faire mon premier ouvrage. » [Mon Portrait, 8]. Mais ce livre qui allait à défendre la Providence et les premiers principes ne porta point et fut comme non avenu. Voltaire, à qui le maréchal de Richelieu en avait parlé avec éloges, écrivait à d'Alembert (22 octobre 1776) : « Votre doyen (6) m'avait vanté un livre intitulé Les Erreurs et la Vérité ; je l'ai fait venir, pour mon malheur. Je ne crois pas qu'on ait jamais rien imprimé de plus absurde, de plus obscur, de plus fou, et de plus sot. Comment un tel ouvrage a-t-il pu réussir auprès de monsieur le doyen ? » De tous les livres que Saint-Martin composa et publia en ces années du règne de Louis XVI, il n'en est qu'un seul, [201] L'Homme de désir, imprimé en 1790, qui appelle l'attention des profanes et à la fois des sincères par des beautés vives jaillissant en sein des obscurités et par des espèces d'effusion ou d'hymnes affectifs annonçant un précurseur. Il aurait pu y mettre en épigraphe cette pensée de lui : « J'ai vu, au sujet des vérités si importantes pour l'homme, qu'il n'y avait rien de si commun que les envies, et rien de si rare que le désir. » Quand on songe que ce dernier ouvrage, L'Homme de désir, paraissait en regard des Ruines de Volney, on sent que le siècle, à ce moment extrême, était en travail, et qu'en même temps qu'il donnait son dernier mot comme négateur et destructeur, il lui échappait une étincelle de vie qui, toute vague qu'elle était, disait que l'idée religieuse ne pouvait mourir.