Calendrier perpetuel 1837Année 1837

- Abrantès (d’) : Histoire des salons de Paris
- Guttinguer : Arthur 
- Journal général de la littérature de France : À propos d’un livre de Mme de Krüdner 
- Muller : Histoire de la confédération suisse  
- Potter : Histoire philosophique, politique et critique du christianisme  
- Revue de Bordeaux : De l’Evangile 
- Revue de Paris : Mme de Varnhagen 
- Revue des Deux Mondes, T. 11, Sainte-Beuve : Madame de Krüdener 
- Revue universelle : Poètes et romanciers modernes de la France
- Sénac : Le Christianisme considéré dans ses rapports avec la civilisation moderne 
- Villeneuve-Bargemont - Économie politique chrétienne 

1837 - Abrantès (d’) - Histoire des salons de Paris

1837 salons paris t1Histoire des salons de Paris. Tableaux et portraits du grand monde sous Louis XVI, le Directoire, le Consulat et l’Empire, la Restauration, et le règne de Louis-Philippe Ier
Par la duchesse Laure Junot d’Abrantès.
Tome premier, troisième édition.
A Paris, chez Ladvocat, libraire de S. A. R. M. le duc d’Orléans, place du Palais Royal.
M DCCC XXXVII - https://books.google.fr/books?id=DsauzF0ihCEC

Introduction, page 16

Nous montrerons, en regard de ces savants estimables dans leurs travaux comme dans leur caractère privé, plusieurs hommes dont l'existence bizarre révèle plus d'intrigue que de vraie science… les Martinistes, Cagliostro, Bleton, Mesmer, Delon, les somnambules et tous les sectateurs, dont les fantastiques rêveries ont jeté parmi nous des semences de folie et de sinistres malheurs !...

1837 – Guttinguer – Arthur

1837 arthur

Paris. Eugène Renduel, 22, rue des grands Augustins

Imprimerie de P. Baudouin
Rue et hôtel Mignon, 2

Deux extraits où L.-C. de Saint-Martin est cité:

dans la  Lettre IV. – Arthur à Louise de et dans le paragraphe VII de Fragments

=> Voir l'article sur le site : 1837 – Guttinguer – Arthur

1837 - Journal général de la littérature de France 

1837 confederation suisseJournal général de la littérature de France, ou Indicateur bibliographique et raisonné des livres nouveaux en tout genre, qui paraissent en France, classés par ordre de matières.
Suivi d’un Bulletin de la littérature étrangère.
Année 1837.
A Paris, chez Treuttel et Würtz, libraires, rue de Lille, n° 17.
A Strasbourg, même Maison de commerce.
1837 - https://books.google.fr/books?id=CScGAAAAQAAJ

À propos d’un livre de Mme de Krüdner

Pages 139-140

Valérie. Roman. Par Mme de Krüdner, avec une notice par [p.140] M. Sainte-Beuve. 2 vol. in-8. Chez Ollivier. 15 fr.

Si la célébrité ne se rattachait à madame de Krüdner que par le rôle mystique et prophétique qu’elle a joué, en 1815, il suffirait d’ajouter son nom à la liste de ces âmes enthousiastes, comme madame Guyon, Saint-Martin et Swedenborg, qui, croyant à la charité comme moyen de régénération, ont diversement accompli leur apostolat.

1837 – Muller – Histoire de la confédération suisse  

1837 confederation suisseHistoire de la confédération suisse
Par Jean de Muller
Traduite de l’allemand, et continuée jusqu’à nos jours par MM. Charles Monnard et Louis Vulliemin
Tome premier – Jean de Müller, traduit par M. Ch. Monnard
Paris. Th. Ballimore, éditeur, 20 rue Hautefeuille.
Lausanne, Benjamin Corbaz, libraire, n° 30, à la Cité Devant.
1837 - http://books.google.fr/books?id=rUUPAAAAQAAJ

Une nouvelle édition est publiée en 1839 : http://books.google.fr/books?id=-MgXAAAAQAAJ

Biographie de Jean de Muller. Biographie, Extrait, page CXVIII

… « L'homme de désir (de Saint-Martin) est pour moi le livre des livres ; je l'aimerai plus encore, quand je l'aurai achevé, pour le recommencer toute ma vie. Il est un signe du temps, une preuve que tous n'ont pas fléchi le genou devant le Baal de Voltaire. C'est l'œuvre d'une grande expérience et d'une force divine. » 11 février 1791.

1837 – Potter – Histoire philosophique, politique et critique du christianisme 

1837 de potterHistoire philosophique, politique et critique du christianisme et des églises chrétiennes, depuis Jésus-Christ jusqu’au dix-neuvième siècle
Louis Joseph Antoine de Potter
Tome huitième
Paris. Librairie historique, rue Hautefeuille, 14
A Bordeaux, chez Granet, allée de Tourny, 2
1837  - http://books.google.fr/books?id=ZKkFAAAAQAAJ

Époque II, partie II, livre X – Chapitre IV : Les martinistes, etc. page 315

Les martinistes. - La sœur de la Nativité. - Amour qu'elle inspire. - Ses visions. - Ses prédictions. - Société des victimes. - Jung Stilling. - Les peschélites. - Madame Krudner. - Ses publications. - Ses relations avec l'empereur Alexandre.

A la fin du dix-huitième siècle, Martinez Paschalis et, après lui, Saint-Martin fondèrent une secte de théosophes ou martinistes, espèce de fous, qui ne savent pas encore assez bien ce qu'ils sont eux-mêmes pour que nous cherchions à le savoir, Martinez disserte sur ce qu'était l'homme avant d'exister, aussi sérieusement et aussi savamment que bien d'autres ont disserté sur ce qu'il sera lorsqu'il n'existera plus. Saint-Martin se déclara surtout l'ennemi des philosophes qui ne s'occupent ordinairement de l'homme que pendant qu'il existe : il soutint que les déistes, par exemple, s'ils étaient réunis, s'entredévoreraient comme des araignées; c'est ce que Pie VI avait dit avant lui, en parlant de l'assemblée des constituants français, qui, cependant, n'était pas toute composée de déistes. Nous jugerons plus charitablement des théosophes : seulement nous nous permettrons de croire qu'une société de ces mystiques ne serait pas fondée sur des principes bien cohérents et bien solides.

1837 – Revue de Bordeaux - De l’Évangile

1837 revue bordeauxRevue de Bordeaux et Gironde unies
Par l’Association intellectuelle des provinces
1re année de l’Association
5e année de la Gironde
1836-1837
Bordeaux, aux bureaux de la Revue
1837 - http://books.google.fr/books?id=xDobAAAAYAAJ

Article : De l’Évangile, par M. de Latour du Pin

De l’Evangile, considéré comme source de tout progrès, par M. de Latour du Pin (p.246)

… Reconnaissons aussi que les aberrations de Fourier sont bien près quelquefois des plus hautes vérités. Il me semble, Messieurs, qu'on pourrait ranger de ce nombre les analogies, les correspondances qu'il remarque entre les passions de l'homme et les animaux qui, selon lui, en seraient les vivants hiéroglyphes. Toutefois , il est à remarquer que cette partie de son système pourrait être revendiquée par un disciple exalté de l'Evangile, par le mystique Saint-Martin qui, dans plusieurs de ses écrits presque toujours énigmatiques, a cependant lumineusement exposé, surtout dans son ouvrage sur l’esprit des choses, ces mêmes analogies que le suédois Swedenborg avait déjà indiquées, et que Fourier a, selon moi, comme entrevues pour les dénaturer et pour en faire une fausse application.

Revue de Paris - T.47

Revue de Paris
Nouvelle série – Année 1837
Tome quarante septième
Paris. Au bureau de la Revue de Paris, quai Malaquais, 17.
1837 - http://books.google.fr/books?id=elJrWaHx0x4C

Article : Mme de Varnhagen, par A de Custine

Extrait, page 207

Ses lettres, recueillies et publiées depuis sa mort, n'étaient point des œuvres; c'étaient des éclairs qui partaient de son cœur et de son brillant esprit pour toucher le cœur de ses amis (1). Pour elle, écrire, ce n'était pas briguer la gloire, c'était chercher un remède à l'absence. Il me semble qu'on peut la définir d'un mot : elle avait l'esprit d'un philosophe avec le cœur d'un apôtre; et malgré cela elle était enfant et femme autant qu'on peut l'être. Son esprit pénétrait dans les obscurités les plus profondes de la nature; elle pensait avec autant de force et plus de clarté que notre théosophe Saint-Martin, qu'elle comprenait et admirait, et elle sentait comme un artiste. Ses perceptions étaient toujours doubles; elle atteignait aux vérités les plus sublimes par deux facultés qui s'excluent chez les hommes ordinaires : par le sentiment et par la réflexion. Ses amis se demandaient d'où sortaient les éclairs de génie qu'elle lançait dans la conversation.

Il me semble qu'on peut la définir d'un mot : elle avait l'esprit d'un philosophe avec le cœur d'un apôtre; et malgré cela elle était enfant et femme autant qu'on peut l'être. Son esprit pénétrait dans les obscurités les plus profondes de la nature; elle pensait avec autant de force et plus de clarté que notre théosophe Saint-Martin, qu'elle comprenait et admirait, et elle sentait comme un artiste. Ses perceptions étaient toujours doubles; elle atteignait aux vérités les plus sublimes par deux facultés qui s'excluent chez les hommes ordinaires : par le sentiment et par la réflexion. Ses amis se demandaient d'où sortaient les éclairs de génie qu'elle lançait dans la conversation. Était-ce le résultat de longues études ? Était-ce l'effet d'inspirations soudaines ? C'était l'intuition accordée pour récompense, par le ciel, aux âmes vraies; ces âmes martyres luttent pour la vérité qu'elles pressentent, souffrent pour le Dieu qu'elles aiment, et leur vie entière est l'école de l'éternité.

Note
(1) Ce livre a paru à Berlin, en 3 volumes, sons le titre de Rachel à ses amis. Il a été publié en allemand par Dunker et Humblot. Berlin, 1834.

Revue des Deux Mondes – T 11 

1837 revue deux mondes t11Revue des Deux Mondes
Quatrième série – Tome onzième
Au bureau de la Revue des Deux Mondes, rue des Beaux Arts, 10
1837 - http://books.google.fr/books?id=sjEZAAAAIAAJ

Sainte-Beuve – Madame de Krüdener

Extrait, pages 36-37

Il ne paraît pas que la révolution française, en éclatant, ait dérangé la vie et la tournure, encore toute mondaine, de celle que plus tard les évènements de la fin devaient tant exalter. Ses passions, [p.37] ses tendresses et ses gaietés lui faisaient encore trop de bruit dans cet âge heureux pour qu'elle entendît autre chose. La partie profonde de son âme était (pour me servir d'une expression de Valérie) comme ces sources dont le bruit se perd dans l'activité et dans les autres bruits du jour, et qui ne reprennent le dessus qu'aux approches du soir. Malgré 89, malgré 93, quand déjà des voix prophétiques et bibliques devenaient distinctes, quand Saint-Martin, moins inconnu qu'auparavant, écrivait son Eclair, quand De Maistre lançait ses premières et hautes menaces, quand Mme de Staël arrivait, en parlant de sentiment, à de puissants éclats d'éloquence politique, Mme de Krüdener ne parait pas avoir cessé de voir dans Paris, dans ce qu'elle traitera finalement comme Ninive, une continuelle Athènes.

Extrait, page 49

Après tout, sous une forme particulière, dans son langage biblique vague, mais avec un sentiment vivant et nouveau, Mme de Krüdener n'a fait autre chose qu'entrevoir à sa manière et proclamer de bonne heure, du sein de l'orage politique, cette plaie du néant de la foi, de l'indifférence et de la misère moderne, qu'avec plus ou moins d'autorité, de génie, d'illusion et de hasard, ont sondée, adoucie, aigrie, déplorée et tourmentée tour à tour, ceux qui, en des sens divers, tendent au même but de la grande régénération du monde, Saint-Martin, de Maistre, Saint-Simon, Ballanche, Fourrier et La Mennais.

Revue universelle - Poètes et romanciers modernes de la France 

1837 revue universelle t4Revue universelle
Bibliothèque de l'homme du monde et de l'homme politique au XIXe siècle
Cinquième année – Tome IV
Bruxelles – Société belge de librairie, etc.
[Louis] Hauman, Cattoir et C°.
1837 - http://books.google.fr/books?id=vu1aAAAAQAAJ

Poètes et romanciers modernes de la France – Madame de Krüdener. Valérie, par Sainte-Beuve

Extrait, page 173

Il ne paraît pas que la révolution française, en éclatant, ait dérangé la vie et la tournure, encore toute mondaine, de celle que plus tard les événements de la fin devaient tant exalter. Ses passions, ses tendresses et ses gaietés lui faisaient encore trop de bruit dans cet âge heureux pour qu'elle entendît autre chose. La partie profonde de son âme était (pour me servir d'une expression de Valérie) comme ces sources dont le bruit se perd dans l'activité et dans les autres bruits du jour, et qui ne reprennent le dessus qu'aux approches du soir. Malgré 89, malgré 93, quand déjà des voix prophétiques et bibliques devenaient distinctes, quand Saint-Martin, moins inconnu qu'auparavant, écrivait son Éclair, quand De Maistre lançait ses premières et hautes menaces, quand Mme de Staël arrivait, en parlant de sentiment, à de puissants éclats d'éloquence politique, Mme de Krüdener ne paraît pas avoir cessé de voir dans Paris, dans ce qu'elle traitera finalement comme Ninive, une continuelle Athènes.

Extrait, page 184

Après tout, sous une forme particulière, dans son langage biblique vague, mais avec un sentiment vivant et nouveau, Mme de Krüdener n'a fait autre chose qu'entrevoir à sa manière et proclamer de bonne heure, du sein de l'orage politique, cette plaie du néant de la foi, de l'indifférence et de la misère moderne, qu'avec plus ou moins d'autorité, de génie, d'illusion et de hasard, ont sondée, adoucie, aigrie, déplorée et tourmentée tour à tour, ceux qui, en des sens divers, tendent au même but de la grande régénération du monde, Saint-Martin, de Maistre, Saint-Simon, Ballanche, Fourrier et La Mennais.

Sénac - Le Christianisme considéré dans ses rapports avec la civilisation moderne 

1837 senacLe Christianisme considéré dans ses rapports avec la civilisation moderne
Par l’abbé Augustin Sénac, premier aumônier du collège Rollin
Tome premier – Deuxième édition
Paris. Librairie de Charles Gosselin et Cie, 9, rue Saint Germain des Prés
M DCCC XXXVII - http://books.google.fr/books?id=4ACJEbq6oVUC

1ère partie – Chapitre II. Réfutation de la doctrine du siècle contre la chute primitive. Extrait, pages 90-92

… Quand même la chute originelle n'aurait pas laissé dans l'homme des traces indélébiles, qui en sont, je l'ai assez prouvé, un témoignage permanent, l'accord unanime des peuples, se transmettent [p.91] d'âge en âge cet événement, dont ils font une des bases de leur culte, car tous le consacrent par des rites expiatoires, ainsi que l'ont clairement montré, après tant d'autres écrivains, MM. de Maistre et B. Constant, cet accord suffirait seul pour le placer au-dessus de toute contestation. Quel autre moyen de s'instruire des événements, que l'histoire, ou la tradition, qui n'est que l'histoire parlée ? La récuser, lorsqu'elle réunit tous les caractères de certitude exigés par la critique, n'est-ce pas renverser l'histoire elle-même, rompre la communication entre les époques, les rendre étrangères les unes aux autres, et faire recommencer le monde avec chacune d'elles ? Qu'est-ce qui élève un fait à la certitude, sinon la multitude des autorités qui le rapportent, leur désintéressement, le petit nombre et surtout l'absence de celles qui le contredisent ? Dès lors, quel fait égale en certitude la chute originelle, que proclame la voix imperturbable des peuples et des générations, si peu intéressés à la transmettre, que le souvenir en est toujours effrayant et douloureux, et les condamne souvent à de terribles pratiques ? Et qu'on n'allègue pas ici les fables du paganisme; car la mythologie païenne n'est universelle, ni quant aux lieux, puisque chaque peuple avait la sienne, ni quant aux temps, car elle a commencé et elle a péri. La chute primitive au contraire, sous un nom ou sous un [p.92] autre, se rencontre dans tous les systèmes de religion, dans tous les états de civilisation ; elle retentit dans les quatre coins du monde, chez les modernes, comme chez les anciens. Et aujourd'hui même, si elle perd son crédit dans certains esprits que le besoin d'innover tourmente et que le dédain des opinions communes agite, elle subsiste dans les autres, et trouve toujours des écrivains, des philosophes, qui la défendent contre les attaques qu'on lui livre. Personne n'ignore les points de vue nouveaux sous lesquels l'a présentée M. de Maistre, comme avant lui Saint-Martin et toute l'école théosophique; et ils n'ont eu d'autre tort que de l'exagérer. Mais cette école, malgré ses erreurs, a bien autant de poids que l'école sensualiste et l'école écossaise-allemande, qui seules favorisent l'opinion contraire.


1837 - Villeneuve-Bargemont - Économie politique chrétienne 

1837 economie politiqueÉconomie politique chrétienne ou Recherches sur la nature et les causes du paupérisme en France et en Europe et sur les moyens de le soulager et de le prévenir
Par M. le Vte Alban  de Villeneuve-Bargemont, ancien conseiller d’État, préfet du Nord, ancien député, etc.
Bruxelles. Meline, Cans et C°, libraire, imprimerie et fonderie
1837 - http://books.google.fr/books?id=ISgPAAAAQAAJ

Chapitre III. – Des deux théories de la civilisation.

Que celui qui l'a fait explique l'univers !
Plus je sonde l'abîme, hélas! plus je m'y perds.
Ici-bas la douleur à la douleur s'enchaîne;
Le jour succède au jour et la peine à la peine.
Borné dans sa misère, infini dans ces vœux,
L'homme est un Dieu tombé, qui se souvient des cieux.
Lamartine. [Œuvres, Bruxelles, 1838. Méditations poétiques, p.418]

Deux vastes sectes se partagent le monde philosophique (1), et s'appliquent à la vie sociale: l'une attribue l'intelligence et le perfectionnement de l'homme à un sentiment inné de sa destinée immortelle. [p.60]  Elle regarde ce sentiment comme un fait; et à ses yeux la philosophie ne peut avoir d'autre but que la signification et l'explication de ce fait. Suivant l'autre, tout nous arrive par les sensasions [sic] ; elles sont l'origine des idées et constituent l'homme tout entier.

La première règne principalement en Allemagne, où Leibnitz a la gloire d'avoir maintenu la philosophie de la liberté morale de l'homme contre celle de la fatalité sensuelle. Nous n'avons pas besoin de dire que le spiritualisme se confond avec les vérités morales du christianisme, et qu'il tend à fortifier par la métaphysique, ce que la philosophie chrétienne a puisé dans la révélation.

La seconde secte, celle qui a pour base le sensualisme, s'est répandue d'abord en Angleterre, et ensuite en France. Elle se trouve exposée dans de nombreux écrits qui tous, plus ou moins, ne sont que le développement des idées de Hobbes. Or, d'après ce philosophe, l'âme est soumise à la nécessité comme au despotisme, car il admet le fatalisme des sensations pour la pensée comme celui de la force pour les actions. Conséquent à ses doctrines, Hobbes fut alliée et esclave (2).

Madame de Staël, dans son admirable ouvrage sur l'Allemagne, peint à grands traits les principaux caractères des deux sectes philosophiques.

« C'est en vain, dit-elle, qu'on veut se réduire aux jouissances matérielles ; l'âme revient de toutes parts.

« Tout ce qui est visible parle en nous de commencement et de fin, de décadence et de destruction ; une étincelle divine est seule en nous l'indice de l'immortalité.

« Il n'y a plus de nature spirituelle dès qu'on l'unit tellement à la nature physique que ce n'est plus que par respect humain qu'on les distingue encore. Cette métaphysique n'est conséquente que lorsqu'on en fait dériver, comme en France, le matérialisme fondé sur les sensations, ou la morale fondée sur l'intérêt. La théorie abstraite de ce système est née en Angleterre. Les métaphysiciens français avaient établi que les objets extérieurs étaient le mobile de toutes les impressions. D'après cette doctrine rien ne devait être plus doux que de se livrer au monde physique et de l'inviter comme un convive à la fête de la nature. Mais, par degrés, la source intérieure s'est tarie, et jusqu'à l'imagination, qu'il faut pour le luxe et pour les plaisirs, va se flétrissant à tel point qu'on n'aura plus bientôt assez d'âme pour goûter un bonheur quelconque, si matériel qu'il soit.

« Un abîme sépare ceux qui se conduisent par le calcul, de ceux qui sont guidés par le sentiment.

« Quand on veut s'en tenir aux intérêts, aux convenances, aux lois du monde, le génie, la sensibilité, l'enthousiasme agitent péniblement notre âme.

« Ce n'est pas assurément pour les avantages de cette vie, pour assurer quelques jouissances de plus à quelques jours d'existence, et retarder un peu la mort de quelques moments, que la conscience et la religion nous ont été données. C'est pour que les créatures en possession du libre arbitre choisissent ce qui est juste, en sacrifiant ce qui est probable, préfèrent l'avenir au présent, l'invisible au visible, et la dignité de l'espèce humaine à la conservation même des individus.

« La morale fondée sur l'intérêt serait aussi évidente qu'une vérité mathématique, qu'elle n'exercerait pas plus d'empire sur les passions qui foulent aux pieds tous les calculs. Il n'y a qu'un sentiment qui puisse juger d'un sentiment. Quand l'homme se plaît à dégrader la nature humaine, qui donc en profitera ?

« Quelque effort que l'on fasse, il faut en revenir par reconnaître que la religion est le véritable fondement de la morale. C'est l'objet sensible et réel au dedans de nous qui seul peut détourner nos regards des objets extérieurs. »

Un philosophe spiritualiste, moins connu qu'il ne mériterait de l'être (3), a, ce semble, jeté à son [p.61] tour de grandes lumières sur ces hautes questions qui intéressent si vivement l'ordre social.

« Il y a des êtres, dit-il, qui ne sont qu'intelligents; il y en a qui ne sont que sensibles. L'homme est à la fois l'un et l'autre : voilà le mot de l'énigme. Ces différentes classes ont chacune un principe d'action différent. L'homme seul les réunit tous les deux, et quiconque voudra ne les pas confondre sera sûr de trouver la solution de toutes les difficultés.

« Depuis la dégradation primitive [le texte original dit : « Depuis sa chute »] , l'homme s'est trouvé revêtu d'une enveloppe corruptible, parce qu'étant composée, elle est sujette aux différentes actions du sensible qui n'opèrent que sensiblement, et qui, par conséquent, se détruisent les unes les autres. Mais, par cet assujettissement au sensible, il n'a point perdu sa qualité d'être intelligent; en sorte qu'il est à la fois grand et petit, mortel et immortel. Toujours libre dans l'intellectuel, mais lié dans le corporel par des circonstances indépendantes de sa volonté, en un mot, étant un assemblage de deux natures diamétralement opposées, il en démontre alternativement les effets d'une manière si distincte, qu'il est impossible de s'y tromper. [Car] Si l'homme actuel n'avait que des sens, ainsi que des systèmes humains le voudraient établir, on verrait toujours le même caractère dans toutes ses actions, et ce serait celui des sens, c'est-à-dire qu'à l'égal de la bête, toutes les fois qu'il serait excité par ses besoins corporels, il tendrait avec effort à les satisfaire, sans jamais résister à aucune de leurs impulsions, si ce n'est pour céder à une impulsion plus forte provenant d'une source analogue.

« Pourquoi donc l'homme peut-il s'écarter de la loi des sens ? Pourquoi peut-il se refuser à ce qu'ils lui demandent ? Pourquoi, pressé par la faim, est-il néanmoins le maître de refuser les mets les plus exquis qu'on lui présente ? de se laisser tourmenter, dévorer, anéantir même par le besoin, et cela, à la vue de ce qui serait le plus propre à le calmer ? Pourquoi, dis-je, y a-t-il dans l'homme une volonté qu'il peut mettre en opposition avec nos sens, s'il n'y a pas en lui plus d'un être ? Et deux actions si contraires peuvent-elles tenir à la même source ?

« En vain on m'objecterait à présent que quand la volonté agit ainsi, c'est qu'elle est déterminée par quelque motif. J'ai assez fait entendre, en parlant de liberté, que la volonté de l'homme, étant cause elle-même, devait avoir le privilège de se déterminer seule et sans motif, autrement elle ne devrait pas prendre le nom de volonté. Mais en supposant que, dans le cas dont il s'agit, sa volonté se déterminât en effet par un motif, l'existence des deux natures de l'homme n'en serait pas moins évidente, car il faudrait toujours chercher ce motif ailleurs que dans l'action de ses sens, puisque sa volonté la contrarie ; puisque lors même que son corps cherche toujours à exister et à vivre, il peut vouloir le laisser souffrir, s'épuiser et s'éteindre. Cette double action de l'homme est donc une preuve convaincante qu'il y en a en lui plus d'un principe. » [Louis-Claude de Saint-Martin, Des Erreurs et de la Vérité, 1775, p.49-51].

Notes

(1) Il n'entrait point dans le plan et dans les bornes de cet ouvrage d'exposer l'histoire de la philosophie et des diverses sectes dérivées du sensualisme et de l'idéalisme; nous n'avons voulu indiquer ici que les deux grandes écoles principales et leurs conséquences pratiques sur le bonheur de la société. On sait que les théories du sensualisme, développées par l'école de Hobbes et de Hume, etc., ont été combattues avec autant de talent que de conviction par les fondateurs de l'école écossaise, Reid et Dugald-Stewart, dont M. Royer-Collard a introduit les doctrines en France, et que M. V. Cousin appelle une protestation honorable du sens commun, contre l'extravagance des dernières conséquences du sensualisme. Nous n'avons pas parlé non plus de l'éclectisme, nouvelle secte sortie de l'école écossaise. La philosophie éclectique est trop récente, et d'ailleurs d'un genre trop neutre, si nous pouvons nous exprimer ainsi, pour avoir exercé une influence marquée sur le sort de la société humaine. Elle ne serait cependant pas sans danger, si elle parvenait à s'introduire dans les théories politiques et économiques. Une philosophie qui s'annonce comme l'harmonie des contraires et l'optimisme historique, qui regarde les défaites et les victoires comme les arrêts de la civilisation et de Dieu même sur un peuple; qui considère les guerres et les bataille» comme inévitables et bienfaisantes ; qui démontre la moralité constante du succès, et ne s'attache qu'au vainqueur; qui s'annonce comme l'autorité des autorités, même en matière de religion, tout en reconnaissant que dans le christianisme sont renfermées toutes les vertus ; une telle philosophie, disons-nous, aboutit à l'indifférence en toutes choses, et à un égoïste fatalisme qui s'accommode de tout, de la vertu comme du vice, de l'impiété comme de la foi. Du reste, il était impossible que des esprits élevés et positifs pussent longtemps persister dans cette voie aussi fausse que funeste. Les derniers écrits de M. Jouffroy, l'un des premiers et des plus éloquents interprètes de l'éclectisme, annoncent un retour formel vers les principes immuables de la philosophie chrétienne, et leur promettent un puissant défenseur de plus.

(2) Madame de Staël.

(3) S. Martin, auteur des Erreurs et de la Vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science, par un philosophe inconnu ; de l'Ecce homo, du Tableau naturel qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers ; des rapports de l'Homme de désir, etc.
S. Martin pensait que les hommes sont naturellement bons ; mais il entendait, par la nature, celle qu'ils avaient originairement perdue, et qu'ils pouvaient recouvrer par leur bonne volonté ; car il les jugeait, dans le monde, plutôt entraînés par l'habitude vicieuse que par la méchanceté.
Ce philosophe reconnut les desseins terribles de la Providence [61] dans la révolution française, et crut voir un grand instrument temporel dans l'homme qui vint plus tard la comprimer. Il prit la défense de la cause du sens moral contre Garat, professeur de la doctrine du sens physique, ou de l'analyse de l'entendement humain. Son but était d'expliquer la nature par l'homme, et de ramener toutes nos connaissances au principe dont l'esprit humain peut être le centre. « La nature actuelle, dit-il, déchue et divisée d'avec elle-même, et d'avec l'homme, conserve dans ses lois comme dans plusieurs de ses facultés, une disposition à rentrer dans l'unité originelle. Par ce double rapport, la nature se met en harmonie avec l'homme, de même que la nature se coordonne à son principe. » II pensait qu'il y a une raison à tout ce qui existe, et que l'œil interne de l'observateur en est le juge : il considérait l'homme comme ayant en lui un miroir vivant qui lui réfléchit tous les objets, et qui le porte à tout voir et à tout connaître. Mais ce miroir vivant étant lui-même un reflet de la Divinité, c'est par cette lumière que l'homme acquiert des idées saines, et découvre l'éternelle lumière dont parle Jacob Bœhm.
L'objet de son ouvrage intitulé Ecce homo, est de montrer à quel degré d'abaissement l'homme infirme est déchu. On y trouve cette belle expression : « l'âme de l'homme est primitivement une pensée de Dieu. »