1887 - Histoire de la philosophie en France au XIXe siècle

1887 Ferraz t3Spiritualisme et libéralisme

Par Marin Ferraz, Professeur honoraire de la Faculté des lettres de Lyon
Ancien membre du Conseil supérieur de l'Instruction publique

Madame de Staël – Laromiguière – Maine de Biran – Ampère – Royer-Collard – De Gérando – Victor Cousin – Théodore Jouffroy – Guizot – Charles de Rémusat – Adolphe Garnier et Emile Saisset – Développements du spiritisme

Deuxième édition Paris Perrin et Cie, Libraires éditeurs

35, quai des Grands-Augustins

[1ère édition : 1876]

Tome 3 - 2e édition, 1887

Chapitre II – Laromiguière. Extrait, p.21-22

Laromiguière fut un de ceux qui suivirent, en 1795, les cours de l'École normale. En sa qualité d'ancien professeur de philosophie, il assista, en même temps que le mystique Saint-Martin, aux leçons de Garat et lui adressa même, par écrit, des objections très fines et très bien exprimées. Garat y répondit d'une manière aussi modeste que courtoise : « Il y a ici quelqu'un, dit-il en commençant, qui devrait être à ma place. » Nommé bientôt après professeur de logique au Prytanée, puis associé de l'Institut nouvellement fondé, Laromiguière lut, en [page 22] cette dernière qualité, devant l'Académie, deux mémoires qui appelèrent sur lui l'attention des hommes compétents. L'un était intitulé Analyse des sensations ; l'autre Détermination du mot idée. En 1798, il collabora à une édition des cuvres de Condillac, qu'il enrichit de notes importantes, et sa réputation s'en accrut. Aussi ne fut-on pas trop étonné de le voir appelé, en 1799, grâce à l'appui de Siéyès, aux fonctions de tribun, qu'il remplit avec autant de sagesse que de droiture; puis, en 1811, à celles de professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Paris, où il fit, au milieu d'un public à la fois nombreux et choisi, les mémorables leçons que nous avons encore.

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Chapitre VII – Victor Cousin. Extrait, p.203-204

La théorie de la spontanéité et de la réflexion ne fait pas moins d'honneur à Cousin que celle de la raison impersonnelle. Il avait pu en trouver le germe dans le Phèdre de Platon, où l'inspiration du poète et du héros est représentée comme une raison latente généralement supérieure à la raison réfléchie des [page 204] hommes de sens rassis, et aussi dans les écrits de Schelling, où l'intuition inconsciente qui saisit l'absolu est considérée comme le plus haut degré de la vie intellectuelle. Mais il l'a faite sienne par les développements qu'il lui a donnés et par le nombre et l'importance des problèmes qu'elle lui a servi à résoudre. C'est sur elle, en effet, qu'il s'est appuyé, dans sa métaphysique, pour établir, à l'encontre de Kant, la légitimité de la connaissance humaine, et, dans sa philosophie de l'histoire, pour distinguer l'esprit de l'Orient et celui de l'Occident, le génie des religions et celui des sciences ; c'est également sur elle qu'il s'est fondé, dans d'autres ordres d'études, par rendre compte de l'origine de l'État, de celle des religions, de celle du langage et de celle de la poésie. Il ne peut souffrir qu'on explique la formation de l'État par un contrat social murement réfléchi, et celle des religions par des fraudes pieuses longuement méditées. Le langage et la poésie ne lui paraissent pas davantage les fruits tardifs d'une raison patiente et calculatrice, à telles enseignes qu'Homère aurait composé l'Iliade tout exprès pour pacifier les Grecs et les détourner de la discorde. Si nous ne supportons plus aujourd'hui, nous non plus, cette manière plate et inintelligente de tout expliquer, nous le devons à la distinction de la spontanéité et de la réflexion laite par Victor Cousin, et aussi, il faut en convenir, aux vues de Saint-Martin et de de Maistre que nous avons exposées ailleurs.

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Chapitre XII – Développement du spiritualisme – Son influence. I. Développements du spiritualisme. Extrait, p.446

Un auteur qui se rapproche de Tissot par sa connaissance de la philosophie allemande et aussi par son style un peu germanique, mais qui diffère de lui par ses tendances doctrinales, c'est l'alsacien Matter (né en 1791, mort en 1864). Après avoir fait ses études au gymnase protestant de Strasbourg, Matter alla suivre. à Gœttingue, les leçons de Bouterweck. Il y puisa ce goût pour le mysticisme qu'il conserva toute sa vie et qui le caractérise au sein de l'école spiritualiste française. Ce fut ce goût qui lui inspira son Mémoire sur l'Ecole d'Alexandrie, qui fut couronné par l'Académie des inscriptions, en 1817, et qui devait frayer la voie à des travaux plus considérables, ainsi que son histoire si neuve et si savante du Gnosticisme (1828), qui fut également couronnée et qui n'a pas été dépassée depuis, Ce fut sous la même inspiration qu'il produisit, vers 1862 et 1863, son livre sur Saint-Martin et son livre sur Swedenborg à l'élaboration desquels nous avons nous-même assisté à Strasbourg, dans les soirées philosophiques auxquelles l'auteur voulait bien nous convier.

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