1884 Denis OrigeneChapitre X : Origène au VIe siècle et jusqu’aux temps modernes, Extraits, pages 596-611

Ce texte ne présente aucun titre ni subdivision. Pour faciliter la lecture, nous avons mis [entre crochets] des sous-titres et quelques notes supplémentaires. 

[Saint-Martin]

[…]« On distinguait, dit M. Franck, l’école de Lyon, fondée et gouvernée par Cagliostro, celle d’Avignon [Les Illuminés d'Avignon de Antoine-Joseph Pernety], qui fut plus tard transportée à Rome ; celle de Zurich, suspendue aux lèvres éloquentes de Lavater ; celle de Copenhague ou du Nord, qui ne jurait que par le nom de  Swedenborg ; celle de Strasbourg, uniquement nourrie des écrits de Jacob Bœhm ; celle de Bordeaux, attentive aux oracles de Martinez Pasqualis [sic pour Pasqually] ; celle des philalèthes de Paris [Savalette de Langes], qui, cherchant sa voie entre Martinez et Swedenborg, empruntait également ses inspirations à l’un et à l’autre.»

Nous ne nous occuperons que de Saint-Martin, le philosophe inconnu, comme il aimait à s’appeler, et seulement sur les points où ses spéculations rappellent celles d’Origène. Élève du juif portugais Martinez Pasqualis, très familier avec les écrits de Jacob Bœhm, en relation plus ou moins suivie avec Swedenborg ou quelques-uns de ses disciples et avec beaucoup de théosophes étrangers, Saint-Martin, l’homme de désir, et qui avait par conséquent plus d’aspirations que d’idées précises et bien démêlées, confond volontiers les différents mystiques entre eux et admet les principes les plus contradictoires.

[De la liberté]

On ne peut douter qu’il ne professe la théorie de l’émanation et par conséquent le principe de l’unité absolue de substance, soit qu’il parle le langage kabbalistique de Pasqualis, soit qu’il se laisse aller à la phraséologie alchimiste[1], de Jacob Bœhm ; ce qui ne l’empêche pas de proclamer hautement, en Dieu comme dans l'homme, la personnalité et la liberté, incompatibles avec cette doctrine. « L'Éternel, dit-il avec une singulière énergie, a donné à l’homme le pouvoir sublime de créer en soi la vertu, parce que l’Éternel a voulu que [page 597] chacune de ses productions attestât qu’il est le Créateur[2]. »

Dieu est donc à ses yeux une cause active et intelligente, comme, de son côté, l’homme est essentiellement une volonté ou, pour parler plus exactement (car Saint-Martin confond la volonté et le désir), une activité libre[3]. La meilleure ou, pour mieux dire, la seule preuve de l’existence de Dieu, celle qu’il répète dans la plupart de ses ouvrages, est celle qui résulte du sentiment de l’amour ou du sentiment de l’adoration. Or, lorsqu’on le considère, soit au regard de celui qui l’inspire, soit dans celui qui l’éprouve invinciblement, ce sentiment implique l’idée de la liberté, parce qu’il va non d’une chose ou d’une personne à une chose, mais d’une personne à une personne, c'est-à-dire d’un être libre à un être libre[4]. Par-là, Saint-Martin sort de la kabbale pour rentrer dans le christianisme et, par conséquent, pour revenir à Origène, celui de tous les Pères qui a le plus insisté sur la liberté.

[De l'influence d'Origène]

Mais est-ce de lui-même ou sous l’influence du philosophe alexandrin qu’il insinue, sans en avertir et peut-être sans en avoir une conscience bien nette cette correction aux leçons de ses principaux maîtres en spiritualité ? Je ne saurais le dire. Le philosophe inconnu a eu une connaissance telle quelle d’Origène ; rien ne prouve qu'il l’ait pratiqué assidûment ni qu’il en ait fait une étude profonde. Mais il aspirait à être le Descartes de la spiritualité [voir l'encadré ci-dessous], en se servant de l’homme-esprit comme d’un instrument d’analyse pour pénétrer « dans cette espèce de géométrie vive et divine qui embrasse tout »[5] ; car l’homme est « la plus vaste manifestation que la pensée intérieure divine ait laissée sortir hors d’elle-même. Il est le seul être qui doit être envoyé pour être le témoin universel de l’universelle vérité. » [Ecce Homo, p.17] Tous les enseignements du dehors, Écritures, [page 598] traditions, ne sont pour Saint-Martin que des signes et des symboles, traduction incomplète de notre propre pensée ; et naturellement on ne peut les interpréter qu’à la lumière de la connaissance intérieure[6].

Le philosophe inconnu croyait donc ouvrir une voie nouvelle ; il ne s’apercevait pas qu’il reprenait celle des Pères de l'Église, qui, en s’appuyant sur la tradition juive et sur la philosophie grecque dans leurs démêlés avec les gnostiques, s’appuyaient sur le sentiment de la personnalité si fortement empreint dans cette philosophie et dans cette tradition, c’est-à-dire s’appuyaient sur la conscience[7]. Et le but que Saint-Martin se proposait dans cette étude de l’homme intérieur ou de ce qu’il nomme l’homme-esprit, était analogue à celui que poursuivait Origène. Celui-ci cherchait à lire dans l’Évangile historique, à l’aide de la lumière intérieure, quelques pages du livre divin qu’il appelait Évangile éternel ; celui-là ambitionnait de trouver, par l’étude de soi et par l’interprétation spirituelle, la religion même ou quelque chose de supérieur à la religion, le christianisme. Car le Christianisme n’est pas une religion pour lui, mais, comme il disait, le terme et le lieu de repos de toutes les religions[8]. « Le christianisme, écrivait-il, n’est que l’esprit même de Jésus-Christ dans sa plénitude. Il nous montre Dieu à découvert au sein de notre être, sans le secours des formes et des formules. Le christianisme n’a point de mystères, et ce nom même lui répugnerait, puisque, par essence, le christianisme est l’évidence et l’universelle clarté. » N'est-ce point la même prétention que celle des philosophes chrétiens d’Alexandrie à la recherche de la gnose ? Aussi, que de découvertes a-t-il cru faire qui n’était que des réminiscences, renouvelées par son imagination vive et ingénieuse !

Ce n’est pas toutefois dans sa cosmologie ou dans sa doctrine de la création qu’elles se rencontrent ; sous l’identité des termes [page 599] on s’aperçoit bien vite, pour peu qu’on fasse attention, qu’il s’agit de choses différentes. Pour Saint-Martin, comme pour Origène, Dieu, étant esprit, ne peut faire que des esprits. Mais pourquoi ? Selon Saint-Martin, parce que de la cause suprême il n’émane rien qui ne soit de même nature qu’elle ; les créatures sont des extraits de la substance divine ; selon Origène, parce que Dieu, étant bon, ne peut vouloir faire que des êtres parfaits et bienheureux comme lui, autant que cela est possible. Aussi, tandis que le mystique moderne se représente la création comme une série d’esprits, miroirs actifs et vivants qui se renvoient les uns aux autres l’image du Créateur plus ou moins effacée, plus ou moins brillante, selon qu’on descend du premier au dernier ou qu’on remonte du dernier au premier, Origène, à tort ou à raison, se représente la création sous sa forme première comme une communauté d’esprits tous égaux : il n’y a point de degré dans la nature rationnelle. L’homme donc, selon Origène, n’était originairement ni plus grand ni moindre que les autres esprits qui formaient le monde primordial divin. On ne sait s’il en était le premier ou le dernier dans la pensée de Saint-Martin. Désir de Dieu, pensée de Dieu, parole de Dieu, ce Dieu pensé, ce Dieu parlé, ce Dieu opéré, paraît être le centre de la création, et, à ce titre, supérieur à toutes les autres natures spirituelles, puisque c’est à lui que toutes aboutissent comme les rayons au centre. D’un autre côté, par cela même qu’il est le roi de ce monde qu’on appelle la nature, il doit être en contact avec elle et lui appartenir par son corps ; ce qui le placerait dans l’échelle de l’être au-dessous des purs esprits. Il est placé sur la terre, qui est comme la première étape de son voyage triomphal à travers l’immensité : ce qui veut dire, sans doute, qu’il peut se développer, progresser, et qu’il ne possède pas originairement toute la perfection à laquelle il est appelé. Se tenant en un sens plus près de la tradition biblique qu’Origène, Saint-Martin reproduit moins sa pensée que celle de Grégoire de Nysse, et fait de l’homme un intermédiaire entre le monde suprasensible et le [page 600] monde sensible. Car, de même que Dieu se réfléchit dans l’homme, l’homme se réfléchit dans la nature ; miroir et apanage de Dieu, l’homme a la nature pour miroir et pour apanage : ce qui rappelle, sinon la pensée de Grégoire de Nysse, au moins la métaphore par laquelle il exprime les rapports de l’homme et du monde corporel[9]. Ajoutons que la fécondité ou la faculté de se reproduire dans d’autres soi-même ne semble, dans Origène, qu’une conséquence de la chute, tandis que dans Saint-Martin, elle est un des attributs essentiels de l’homme primitif, qu’il appelle un hermaphrodite spirituel[10].

[Du monde après la chute et de la rédemption]

Mais si les rapports entre les imaginations d’Origène et celles de Saint-Martin, dans cette partie de la cosmologie qui concerne la création première, sont si éloignés qu’ils vous échappent lorsque vous croyez les entrevoir,  ils deviennent plus sensibles et moins incertains lorsqu’il s'agit du monde après la chute.

Origène et Saint-Martin se représentent tous deux à peu près de la même manière ce fait capital, qui n’a pas moins altéré le monde que l’homme. Toutes les fois qu’Origène veut en expliquer la cause, il l’attribue à la nonchalance, à l’ennui et à la fatigue de l’effort pour conserver le bien, à la distraction et à la [page 601] négligence du meilleur : Desidia ac laboris tœdium in servando bono, et aversio[11] ac negligentia meliorum initium dedit recedendi a bono[12]. C’est exactement ce que dit Saint-Martin sous une autre forme. Le péché du premier homme n’est pas, comme on le pense, un orgueil satanique mais de la légèreté, de la faiblesse. Seulement Saint-Martin explique mieux qu’Origène cette défaillance, par cela seul qu’il admet plusieurs mondes (le monde spirituel, le monde naturel, le monde astral) subsistant ensemble. C’est l’éblouissement de la splendeur du monde sensible qui a fait négliger et oublier à l’homme les perfections de la nature divine. Ce qu’on nomme péché originel est donc moins un crime dans celui qui en est l’auteur qu’une défaillance, et, dans ceux à qui il est transmis, qu’un malheur. « Nous avons, dit Saint-Martin, des regrets au sujet de notre triste situation ici-bas, mais nous n’avons point de remords sur la faute primitive, parce que nous n’en sommes pas coupables ; nous sommes privés, mais nous ne sommes pas punis[13]. » Clément et Origène auraient reculé devant une pareille assertion ; elle est cependant la conséquence naturelle de leur manière d’envisager la première faute de l’homme.

Nous retrouverons la même analogie entre leur doctrine et celle de Saint-Martin au sujet de la rédemption. Nous avons remarqué que la chute a dû avoir des degrés, selon Origène, que l’homme ne roula pas instantanément au fond de l’abîme après sa faute, que le monde divin auquel il appartenait ne fut pas corrompu tout à coup de manière à produire le monde actuel. Nous trouvons quelque chose d’analogue dans Saint-Martin. Il suppose que l’homme, qui avait la nature tout entière pour domaine, fut alors placé dans le Paradis Terrestre où il vivait et pouvait continuer de vivre en toute innocence. Mais là il écouta [page 602] les suggestions du démon et à la faiblesse succéda l’orgueil, d’où tous les maux se répandirent sur le genre humain comme d’une source empoisonnée. J’ignore si Origène faisait du Paradis une des stations de l’homme avant sa relégation sur la terre et dans ce corps charnel. Mais il pouvait d’autant plus admettre l’explication de ses progrès dans le mal, telle que la présente Saint-Martin, que lui aussi il faisait intervenir le démon dans la chute graduelle des esprits qui sont devenus des hommes.

[De la faute]

Le bouleversement que le péché causa, non seulement dans la nature humaine, mais encore dans tout le monde matériel, était de tradition, et je ne trouve dans le détail que des analogies éloignées et incertaines entre les Pères d’Alexandrie et le philosophe inconnu. Même lorsque Origène et Saint-Martin développent chacun à sa manière le mot de Paul, que « toute la nature est en travail et dans les douleurs de l’enfantement », quelles que soient entre eux les ressemblances, on voit qu’ils suivent des veines d'idées différentes. Dans l’un comme dans l’autre, la nature pâtit et gémit de la faute de l’homme qui l’a déréglée et corrompue elle-même ; dans l’un et dans l’autre, elle ne cessera de gémir et de souffrir, elle ne reviendra à sa pureté et à son bonheur originel, que lorsque l’homme sera relevé lui-même de sa corruption et de sa misère. Il y a donc une certaine solidarité entre la nature et l’homme ; mais dans Origène cette solidarité est toute morale ; elle paraît surtout physique dans Saint-Martin. Pourquoi celui-ci nous représente-t-il, par exemple, le soleil se couchant tous les soirs dans les larmes et soupirant en vain après la véritable lumière[14] ? C’est que, comme toute la nature, que Saint-Martin suppose animée, intelligente, sensible, en réfléchissant l’homme tombé il ne réfléchit plus l’homme véritable, qui est le miroir de Dieu. Pourquoi soleil gémit-il dans Origène ? C’est que l’ange ou l’esprit qui le régit a consenti, sur un signe de Dieu, à participer à la vanité et à la corruption pour le service du coupable[15] et sans doute [page 603] par commisération pour lui (?). Il y a là un sacrifice, un abaissement volontaire un acte de libre amour que je ne retrouve plus dans les imaginations de Saint-Martin.

[De la matière et du temps]

Mais l’homme n’était pas tombé sans espoir de relèvement, et la bonté divine prépara, dans les conditions nouvelles auxquelles elle l’assujettit, à la fois sa punition et sa délivrance. Je ne sais si Saint-Martin s’est directement inspiré d’Origène ou s’il s’est simplement rencontré avec lui, mais il y a ici un accord remarquable entre leurs pensées. Dieu, selon Origène, voyant la création sur le point de se dissoudre, une fois que le mal y eut fait son entrée par la diversité et la contrariété des volontés, créa la matière pour enchaîner les esprits[16] ; et comme l’habitation des esprits doit être appropriée à leurs dispositions morales il plaça l’homme sur la terre, qui devint ainsi sa prison et un lieu d’expiations salutaires. C’est ainsi que Saint-Martin considère la matière et notre propre corps, qui en est tiré, comme la barrière dressée devant le mal et, selon son expression, comme l’absorbant de l’iniquité[17]. Sans la lenteur et la faiblesse de ses organes, l’homme, emporté par la fougue de ses passions, ne connaîtrait plus de bornes à ses crimes et à sa perversité. Ce que ce corps de chair fait pour l’homme, la terre le fait pour le genre humain : elle l’arrête et le contient dans ses désordres ; elle fait plus : par les obstacles qu’elle lui oppose et par les peines qu’elle lui inflige, elle l’aide sinon à se purifier, du moins à penser de le faire. C’est pourquoi Saint-Martin l’appelle « la grande piscine »[18] où nous nous lavons de nos souillures. La matière en général lui semble donc, comme à Origène, avoir la puissance de contenir la « grande iniquité », celle de l’esprit tentateur et du mal personnifié.

[Du temps]

À ces considérations sur la terre Saint-Martin en ajoute d’autres qui lui sont propres sur le temps, cette autre condition de notre salut. Origène sans doute, ainsi que Grégoire de Nysse, [page 604] tiennent grand compte des « siècles temporels », ou du temps dans leurs théories de l’expiation et de la réhabilitation des créatures raisonnables. Mais ils n’ont rien de pareil aux idées ingénieuses et parfois profondes de Saint-Martin sur cette condition de notre délivrance graduelle. C’est seulement sur les conclusions que l’accord redevient évident, au point que l’on pourrait croire que le théosophe français copie Grégoire de Nysse, lorsqu'il écrit : « C’est par cette même loi du temps que toutes les justices divines s’accomplissent ; car Dieu laisse porter à l’extrême l’action perverse, parce que là elle ne peut manquer de se briser et de se détruire[19]. »

[De la rédemption]

Je supprime les idées bizarres de Saint-Martin sur les sacrifices ou sur le sang, réceptacle des premières influences du démon et dont l’effusion, fût-ce celle du sang humain, a je ne sais quelle vertu purificatrice[20]. Mais elles se rattachent assez étroitement à ses vues sur la rédemption. Car le sacrifice du Golgotha devait être le dernier et « l’effusion volontaire du sang (du Christ), auquel nul sang sur la terre ne saurait se comparer, pouvait seule opérer la transposition des substances étrangères qui nageaient dans celui de l’homme[21]. » Ces singularités écartées, il reste une doctrine de la rédemption qui rappelle celle d’Origène et, en général, des Pères grecs. Nous avons déjà signalé, au sujet de Poiret, une hypothèse qui, sans être celle de l’âme du Christ dès le principe unie au Verbe, nous paraît en procéder. Saint-Martin nous montre une supposition analogue. Il y a, selon lui, deux homifications[22], l’homification spirituelle et [page 605] l’homification corporelle. Le Verbe, qui, dans les idées de Saint-Martin et de Bœhm, n'est pas l’intelligence, mais l’amour de Dieu, ne vit pas plus tôt l’homme tombé qu’il voulut s’unir à lui pour le redresser et, se revêtant de la forme invisible qui représente l’âme humaine dans sa primitive perfection, il se fit homme au sens spirituel : hypothèse qui est peut-être venue de celle d’Origène, mais qui rentre mieux dans l’économie divine de la rédemption que celle du philosophe alexandrin, en même temps qu’elle est moins grossière que celle de Poiret[23]. Mais ce premier abaissement du Verbe n’était plus suffisant lorsque l’homme, s’enfonçant de plus en plus dans le mal, se fut fait l’esclave de la chair et du sang, de la matière, de la vie et de la nature. Pour le délivrer de toutes ces servitudes et des misères qui en étaient la suite, il a fallu que le Verbe s’unit aux principes de la nature, de la vie et de la matière, et qu’il devint chair dans le sein d’une vierge formée de chair et de sang. C’est ainsi que le salut est rentré dans le monde.

Laissons de côté l’espèce de changement chimique que l’effusion du sang du Réparateur sur la croix a opéré dans le nôtre, et nous trouverons que les idées de Saint-Martin sur la rédemption, si elles s’éloignent beaucoup de celles de l’Église romaine, sont très voisines au contraire de celles des Pères grecs. Il est vrai qu’ils disent beaucoup plus formellement que Saint-Martin que le Christ est venu nous délivrer du péché originel, qu’il nous a rachetés des supplices et de l’opprobre éternels par son supplice et par l’ignominie de sa mort. Mais, en somme, le point de vue dominant de leurs spéculations, c’est que le Christ nous a montré le chemin du salut par ses préceptes et par ses exemples. Tel est aussi le point de vue que développe à peu pris uniquement Saint-Martin. Par son immolation volontaire sur la croix le Christ nous a appris à mourir à ce corps charnel, à moins redouter la mort qu’à l’aimer et qu’à « y voler, comme à la [page 606] conquête qui nous assure de nos propres domaines et qui nous fait sortir du rang des criminels et des esclaves[24]. » Par sa vie toute de sacrifice et de pureté, il nous a appris non seulement à mourir au corps, mais à mourir à nous-mêmes, pour « laisser tous les principes divins de l’éternelle essence délibérer et agir en nous[25]. » Par sa parole il nous a appris à mépriser la vie transitoire et les pensées de la terre, pour ne nous occuper que de la vie et des pensées de l’éternité.

[De la situation des âmes après la sortie de cette vie]

Saint-Martin était trop mystique pour se plonger dans des questions dogmatiques telles que celles de la liberté et de la grâce. Il aurait cependant plus incliné du côté d’Origène que d’Augustin. « Ce n'est pas assez, dit-il quelque part, de ne pas douter de la puissance du Seigneur, il faut encore ne pas douter de la tienne. Car il t’en a donné une, puisque il t’a donné un nom[26], et il ne demande pas mieux que tu t’en serves. Ne laisse donc point l’œuvre entière à la charge de ton Dieu, puisqu’il a voulu te laisser quelque chose à faire[27]. » D’ailleurs cette question perd, si je puis le dire, son acuité et son intérêt tragique, dès qu’on ne la complique plus de celle de la prédestination entendue dans le sens augustinien ; et Saint-Martin, en adoptant les doctrines d’Origène ou de la kabbale, rejetait par cela même toute idée de la prédestination au mal et à la damnation éternelle. Lui aussi, il reconnaît la mort comme la condition d’une transfiguration de notre être, comme le premier pas d’une vie plus spirituelle ; lui aussi, tout en admettant qu’il y a parmi ceux qui meurent des bons, des méchants et des neutres qui ont oublié de vivre bien ou mal, il ne fait aucun doute que tous soient sauvés et glorifiés à la fin. Lui aussi, il professe la réconciliation non seulement de toutes les âmes, même celles des démons, mais encore de la nature entière avec Dieu. Mais, comme [page 607] je l’ai indiqué, on peut se demander si ces doctrines lui viennent d’Origène ou s’il ne les tiendrait pas de son premier maître en spiritualité, Martinez Pasqualis, qui les tenait lui-même des traditions occultes de sa race. C’est par le détail seulement qu’une pareille question pourrait se décider, puisque le détail seul pourrait nous apprendre dans quel sens précis Saint-Martin accepte ces doctrines et quelle portée il leur donne. Mais, sans nous étendre sur des particularités qui ne seraient pas de saison dans ce résumé rapide, il nous possible d’arriver au but par une voie abrégée.

Quelle est selon Saint-Martin, la situation des âmes après la sortie de cette vie ? Et comment s’achève leur éducation spirituelle avant le jour du renouvellement universel ? Pour les âmes qui se sont immolées avec le Christ et qui, à force de s’appliquer à lui, sont rentrées dans la nature divine ou plutôt ont mérité que la nature divine rentrât en elles, il n’y a pas de difficulté, non plus que « pour les âmes du torrent », c’est-à-dire pour celles qui se sont abandonnées au torrent qui emporte les enfants d’Ève. Dans la doctrine d’Origène comme dans celle des kabbalistes, les unes continuent leur ascension vers l’Éternel ; les autres, abandonnées à elles-mêmes, s’enfoncent dans leur malice, jusqu’à ce qu’elles en touchent le fond et que commence alors leur douloureux retour. Pour les unes comme pour les autres, la vie future n’est que la continuation et la conséquence de celle-ci. Mais les âmes inertes qui n’ont pas connu la vie, que deviennent-elles ? Saint-Martin flotte ici entre deux doctrines opposées, entre la kabbale et Origène. « Il faudra, dit-il d’un côté comme les kabbalistes, que la vie de ces hommes-là recommence, lorsqu’ils auront quitté cette région visible et apparente, puisqu’ils n’auront pas vécu pendant le temps qu’ils l’auront traversée ; et c’est ce prolongement de temps qui fera leur supplice[28]. » Mais ce n’est qu’avec répugnance qu’il adopte cette hypothèse, et il serait prêt à la répudier, s’il n’en faisait une application qu’il croit nouvelle et [page 608] qui n’est qu’une réminiscence d’Origène. Ce ne sont plus les âmes vulgaires qui renaissent pour acquérir l’expérience et, par conséquent, les mérites ou les démérites qui leur manquent ; ce sont les âmes supérieures, celles d’Hélie, d’Hénoch, de Moise, qui apparaissent de nouveau en ce monde, « pour concourir sensiblement à l’avancement du grand œuvre, parce que le bien coule toujours par les canaux qu’il s’est choisis. » [Correspondance, Lettre XXXVIII du 17 nivôse (6 janvier 1794), p.113]. Origène est en apparence contraire à une telle imagination, parce que, s’il admet l’entrée d’une âme dans un corps (ενσωματωσις), il rejette le passage d’une âme d’un corps dans un corps (μετενσωματωσις). Mais ne suppose-t-il pas, ce qui est bien voisin de l’hypothèse de Saint-Martin, qu’il y a des âmes saintes et pures qui, volontairement et sans y être obligées par leurs antécédents, descendent, comme celle de Jean Baptiste, dans un corps pour secourir leurs frères égarés et souffrants d’ici-bas ? Voilà déjà la métempsycose des kabbalistes tempérée et rectifiée par une supposition analogue aux vues de l’auteur des Commentaires sur saint Jean.

[De la vie future]

Mais Saint-Martin devait entrer plus pleinement dans les voies d’Origène et de Grégoire de Nysse. La vie future, telle qu’il la conçoit après la vie présente, n’est elle-même, dans sa pensée, qu’une épreuve transitoire, qu’une simple initiation à cet état supérieur qu’amènera la révolution suprême de l’univers. « La mort, dit-il ingénieusement, ne doit se regarder que comme un relais dans notre voyage. Nous arrivons à ce relais avec des chevaux fatigués et usés, et nous y venons pour en prendre qui soient frais et en état de nous conduire plus loin. Mais aussi, il faut payer tout ce qu’on doit pour la course qui est faite, et, jusqu’à ce que les comptes soient soldés, on ne vous met point en route pour la course suivante. » [Œuvres posthumes, tome 1, p.286, §134].

[Du démon et de sa résipiscence]

Saint-Martin ne dépasse pas beaucoup Pasqualis ou la kabbale sur la fin du démon. Si le démon n’est que la réalisation d’une abstraction, et s’il ne représente que la dernière limite de l’existence ou l’écorce de la création, c’est-à-dire la matière, il est évident qu’il disparaît dans l’anéantissement du monde matériel. [page 609] Mais un anéantissement n’est pas une réhabilitation, et Saint-Martin, qui considère le démon non comme une limite ou comme un rien, mais comme une substance et même comme un esprit de premier ordre, devait aboutir à la résipiscence du démon et à son rétablissement dans sa perfection originelle, et non à un simple évanouissement. Aussi parle-t-il de la réconciliation finale avec Dieu, « qui n’a pas d’autre existence que de pardonner. » [De l'Esprit des choses, T.2, p.15]. Mais cette réconciliation devrait s’expliquer par d’autres principes que celui de l’identité du démon avec la matière, et ces principes, Saint-Martin ne les développe pas. Quoi qu’il en soit, tous les esprits rentrent en grâce avec Dieu, et il n’y a pas plus d’enfer éternel que de mort éternelle. Car « toutes les justices, dit Saint-Martin, soit divines, soit spirituelles, soit temporelles, soit humaines, ne tendent qu’à réveiller une affection, » [De l'Esprit des choses, T.2, p.10] c’est-à-dire le désir du bien qui est au fond de notre être.

[Conclusion]

Je m’arrête dans cette course à travers les temps, et je finis par cette remarque, que, même dans les théories voisines de l’origénisme et qui ont pu profiter des écrits d’Origène, nous hésitons toujours à attribuer à son influence telle ou telle idée plutôt qu’à celle de tout autre écrivain mystique : ce qui revient à dire que l’action d’Origène sur les âges suivants n’est nullement en rapport avec la hardiesse et la grandeur de son système. Cela tient à beaucoup de causes diverses. Ce système était beaucoup trop décousu dans son exposition, les grandes lignes en étaient trop masquées par des questions incidentes, parfois puériles, le plus souvent irritantes et suspectes, pour s’emparer fortement des esprits. Aussi, tandis qu’il ne subsiste que par lambeaux dans les écrivains qui lui sont les moins défavorables, comme dans Grégoire de Nysse, il s’éclipse pour les autres devant un système contemporain, plus solidement constitué en apparence. Le néoplatonisme de Plotin prima bientôt l’origénisme, même parmi les chrétiens et dans son lieu d’origine. De la fin du IIIe siècle au VIe, Origène a dans l’Orient des partisans non moins furieux que leurs adversaires ; ce qui pourrait faire croire que sa philosophie était toujours vivante ; mais, tandis qu’ils s’injurient et [page 610] s’anathématisent mutuellement, qu’ils vont même jusqu’à en venir aux mains, on ne cite ni pour lui ni contre lui aucun ouvrage qui mérite l’attention : les Libri Paschales de Théophile, traduits librement par Jérôme, n’ont rien à démêler avec l’histoire des idées. Le concile de Constantinople aurait donc pu épargner une condamnation à l’ombre d’Origène, car sa doctrine ne fut ni plus ni moins vivante qu’auparavant. La préexistence des âmes et l’éternité de la création, combattues au VIe, l’une par Énée et Zacharie sous le nom de Proclus, l’autre par Philopon sous le nom d’Aristote, continuèrent à être discutées et, par cela même, enseignées dans les écoles, qui ont conservé et nous ont transmis les ouvrages du Stagyrite, de Platon et des principaux néoplatoniciens d’Alexandrie et d’Athènes. La catastase ou réhabilitation finale passa sous le patronage de Grégoire de Nysse et de Maxime. Mais les Grecs ne conservèrent même point les écrits d’Origène avec le même soin que les Latins. Il eut toutefois moins encore d’influence en Occident que dans l’Orient, où du moins certains lambeaux de sa doctrine subsistèrent, comme nous venons de l’indiquer.

Très considéré, mais peu connu jusqu’au Ve siècle, il devint suspect dès qu’on put le lire, moins peut-être à cause de la hardiesse de ses idées que parce que saint Jérôme se tourna contre lui, par haine de Rufin. Ce qui est certain, c’est que saint Augustin paraît le connaître assez peu[29], et que c’est moins à lui qu’à Porphyre qu’il doit une grande partie de son spiritualisme. Puis le triomphe de la doctrine de la grâce et de la prédestination, la vogue extrême et l’autorité des écrits d’Augustin, l’ignorance et la barbarie s’épaississant de jour en jour par les invasions sans cesse renaissantes des hordes germaines et par celles des bandes musulmanes, toutes ces causes et d’autres encore, en rétrécissant le champ des études, ne permettaient guère de s’occuper d’Origène. On possédait une grande partie de ses écrits traduits en langue latine, on les gardait précieusement au fond de [page 611] quelque couvent sans y toucher. Ce n’est qu’au IXe siècle que nous rencontrons en Occident des réminiscences manifestes de sa philosophie. Mais Jean Scot les tenait-il d’une étude directe de ses écrits, ou les avait-il prises dans Maxime, qui les avait puisées lui-même dans Grégoire de Nysse ? C’est ce qu’il est difficile de décider. Dans tous les cas, ces éléments origéniques sont faussés, quand ils ne sont pas étouffés, dans Scot Érigène, par le panthéisme néoplatonicien, qui lui vient de Denys l’Aréopagite, comme ils le sont, s’il y en a, dans le catharisme, par le principe manichéen. Quant à Amaury, à David de Dinant, à Joachim de Flore et à ses principaux sectateurs, chez lesquels on a soupçonné l'influence du système d’Origène, je n’oserais dire qu’aucun d’eux en ait eu la moindre connaissance directe ou indirecte : il ne subsista vraiment au moyen âge que son nom.

Les temps modernes ont pu remettre au jour ses écrits, ils n'ont pas rendu la vie à ses doctrines. Quelques-unes de ses idées se sont glissées dans Jacob Bœhm, dans Poiret, dans Saint-Martin ; son système leur est resté étranger. Jusqu’à l’auteur de Terre et Ciel, tous les mystiques, quoique peu difficiles en fait de physique, puisqu’ils ont souvent adopté le langage et même bien des rêves des alchimistes, semblent avoir été effrayés de sa cosmologie. C’est encore cette cosmologie, autant que les fantaisies de la méthode allégorique, qui a le plus écarté les philosophes, et qui me paraît rendre bien difficile, pour ne pas dire impossible, la conciliation de l’esprit moderne avec l’origénisme, comme j’aurai à le mettre en lumière dans mes conclusions, en examinant rapidement l’essai tenté par Jean Reynaud.

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Notes 

[1] L’alchimie d’ailleurs tient très intimement à la kabbale. « L’alchimie c’est encore la kabbale, mais la kabbale en acte, cherchant les secrets les plus cachés de la nature dans la nature elle-même, » dit M. Rousselot (Ét. sur la Phil. au moyen âge, t. III, p. 95). Il distingue, parmi les alchimistes, les souffleurs et les philosophes ; mais je crois qu’il eût pu ajouter que les souffleurs étaient philosophes, et réciproquement. Or, d’après les textes qu’il cite du Gloria mundi (seu paradisi tabula) et d’un manuel intitulé Physica restituta, la philosophie des alchimistes n’était autre que le panthéisme de la kabbale. Ils comptaient Adam comme le premier de leurs maîtres, en souvenir probablement de l’Adam Kadmon.

[2] L’Homme de désir, p. 68 [chant 39, v.10].

[3] Je traduis ainsi le mot de volonté, parce que Saint-Martin parle souvent « de la puissance libre de notre être ».

[4] Nous avons vu quelque chose d’analogue dans Poiret démontrant non l’existence de Dieu, mais l’intime corrélation de la liberté et de la grâce, celle-ci supposant invinciblement celle-là, ou aboutissant à rien.

[5] Ministère de l’homme-esprit, préf., p. XIV.

[6] Grégoire de Nysse, interprète en cela de la pensée d’Origène, considère la conscience comme plus complète et plus claire que les Écritures.

[7] Vacherot, Hist. crit. de l’École d’Alexandrie, t. I, p. 215.

[8] Ministère de l’homme-esprit, p. 370.

[9] Dans Grégoire de Nysse, si l’esprit est le miroir qui réfléchit Dieu, le corps est le miroir qui réfléchit la nature. Mais si l’homme qui réfléchit Dieu, est à son tour réfléchit par la nature sensible, selon Saint-Martin, il faut qu’il la réfléchisse par un certain côté ; sinon, on ne comprendrait pas qu’elle devint la cause ou l’occasion de sa chute.

[10] Cet hermaphrodisme-là me paraît une invention de Philon, qui, confondant l’idée d’homme avec l’être réel de ce nom, dit que l’homme n’est ni mâle ni femelle, mais mâle et femelle tout ensemble : ce qui est vrai logiquement de l’espèce humaine comme de toutes les autres espèces d’êtres animés chez lesquels les sexes sont séparés ; cela ne veut pas dire que l’homme soit androgyne dans la réalité. Cette conception de Philon n’a d’autre fondement dans la Bible que le double récit de la création de l’homme. Dans le premier chapitre de la Genèse il est dit : « Dieu créa l’homme à son image ; il le créa à l’image de Dieu ; il les créa mâle et femelle, » ce qui signifie naturellement que Dieu, en créant l’espèce humaine, fit un mâle et une femelle. Mais dans le second récit (chap. II) il est encore question de la formation de l’homme, puis celle de la femme. Il n’en faut pas davantage à Philon pour supposer que, dans le premier récit, il s’agit de l’homme purement spirituel, qui réunissait en lui les deux sexes, et, dans le second, de l’homme charnel, qui vit sur la terre et qui s’est dédoublé en mâle et femelle.

[11] Aversio dit moins que notre mot aversion. C’est l’acte de se détourner d’une chose pour une cause ou pour une autre. Je mettrais « le détour » comme Poiret, si le mot était français en ce sens.

[12] De principiis, II, ch. IX, §2. Cette formule se trouve plusieurs fois dans les Principes ; nous n’en avons pas malheureusement le texte grec. Rufin peut l’avoir traduite en termes plus ou moins impropres ; il ne l’a pas imaginée. [La paresse et l'ennui du travail pour sauver les bons, et l'aversion et la négligence des meilleurs ont commencé à s'éloigner des bons - traduction du latin par Google]

[13] Ministère de l’homme-esprit, p. 24.

[14] Ministère de l’homme-esprit, p. 56.

[15] Voir pages 371 et 372 de notre exposition.

[16] De principiis, II, I,§ 1 et 2.

[17] De l’esprit des choses, t. I, 133. [p.132, titre de la section : « Preuve que la nature a pour objet de servir de prison ou d’absorbant à l’iniquité. »]

[18] Œuvres posthumes, t. I, 221.

[19] De l’esprit des choses, t. II, p. 24. Voyez notre exposition, p. 480-481.

[20] Aussi les tueries et les échafauds de la Révolution, « cet évènement providentiel » aux yeux de Saint-Martin, n’étaient pas pour l’effrayer et l’indigner. Des innocents y périssaient trop souvent avec les coupables. « Les victimes innocentes, écrivait-il, entrent dans le plan de l’économie divine, qui les emploie comme un sel pur et conservateur afin de préserver par là de l’entière corruption et de la dissolution totale les victimes coupables avec lesquelles elles descendent dans le tombeau. » (Esprit des choses, t. II, 180 ; Minist. de l’homme-esprit, p. 214.

[21] Ministère de l’homme-esprit, p. 275.

[22] Ce mot barbare est la traduction presque littérale de celui qu’emploient les Pères grecs (ενανθρωπησις).

[23] Je soupçonne pourtant que Poiret et Saint-Martin ont emprunté leur hypothèse au même auteur, et qu’elle pourrait bien leur venir d’Origène indirectement par Jacob Boehm.

[24] Ministère de l’homme-esprit. [p.271]

[25] Le nouvel homme, p. 45.

[26] Cette formule, qui sent la kabbale, signifie sans doute « puisqu’il t’a donné d’être un être ».

[27] L’homme de désir, p. 15 [chant 8, v.18-20].

[28] Portrait historique n° 404.

[29] Il y a peut-être dans le silence d’Augustin moins d’ignorance que de réserve et de respect pour un des grands hommes du christianisme.