1848 – Cahagnet - Magnétisme : arcanes de la vie future dévoilés

1848 cahagnet magnetismeMagnétisme. Arcanes de la vie future dévoilés où l'existence, la forme, les occupations de l’âme après sa séparation du corps sont prouvées par plusieurs années d’expériences au moyen de huit somnambules extatiques qui ont eu quatre-vingts perceptions de trente-six personnes de diverses conditions décédées à différentes époques, leur signalement, conversations, renseignements, preuves irrécusables de leur existence au monde spirituel 
Par L.[ouis] Alph.[onse] Cahagnet 
Paris, chez l’auteur, 17, rue Tiquetonne. - Au bureau du Journal du Magnétisme, 12, rue d’Antin.
1848 - Cahagnet - Magnétisme

Séance 92. Huitième extatique. Extrait, pages 251-255

[…] Mme Gouget m'offrit encore une spécialité que n'ont pas au même degré tous les somnambules. Je la mis en rapport avec Adèle, et je désirai qu'elle vît cette dernière à l'époque où elle fit une cruelle maladie, il y a vingt ans de cela ; elle entra dans des détails à ce sujet qui durèrent une demi-heure; elle dépeignit avec minutie les lieux, meubles, personnages, paroles dites alors, jusqu'aux fleurs et légumes du jardin, qui certes n'existent plus, ainsi que la multitude d'objets qu'elle vit ;  elle raconta à Adèle jusqu'à ses moindres habitudes du jeune âge, choses futiles, qu'aucun être humain ne se donnerait la peine d'écrire pour s'en ressouvenir. Nous restâmes des plus surpris par la netteté de ces détails (1). Adèle, qui n'a cette [p.252] spécialité que par révélation, dans une consultation que lui demanda à son tour Mme Gouget, [p.253] prit sa revanche, en disant à cette dernière des particularités très-cachées de sa vie, que celle-ci [p.254] eut beaucoup de peine à se rappeler. Jamais je n'avais obtenu une séance plus curieuse; [p.255] l'amour-propre s'en mêlait, sans tourner à la jalousie, et j'obtins la certitude, comme je l'ai dit avec intention, que si les moindres pensées et actions sont réservées avec un tel soin dans le domaine de la mémoire, et survivent à l'anéantissement du corps, pourquoi l'âme qui a élaboré ces pensées serait-elle seule détruite, ou n'aurait-elle pas souvenance de son moi, de [p.256] son individualité, puisque tout ce qui a constitué cette individualité n'est nullement dispersé dans le domaine de l'univers ! bien au contraire semble y faire un faisceau plus compacte et bien mieux appréciable que dans la vie matérielle. Je dois une dernière observation sur la manière dont on a vu dans le commencement de la séance de Mme Gouget que je voulais éloigner ce saint Paul, dans lequel j'avais peu de confiance ; je désirais apprécier une dernière fois le pouvoir de la volonté du magnétiseur sur le magnétisé, et reconnaître jusqu'où l'influence du premier pouvait s'étendre. J'acquis la certitude, comme tout le monde l'aura dans ce genre de recherches, que ce prétendu pouvoir de la volonté perdait tout son empire dans les expériences spirituelles, car j'ai soutenu maintes fois à mes lucides des croyances qu'ils n'ont pu anéantir chez moi ; je les ai horriblement contrariés, fatigués par des raisonnements captieux, et je n'ai jamais pu obtenir leur assentiment sur des idées qui n'étaient pas les leurs. Aucun n'a voulu admettre le non libre arbitre ; aucun n'a représenté Dieu autrement que par un soleil brillant; aucun n'a voulu de l'enfer des catholiques…

Note de la page [251] qui se poursuit sur plusieurs pages

(1) Je vous vois couchée, dit-elle, dans un lit à rideaux bleus qui est dans une chambre où il y a deux portes. Une grande armoire est au pied de votre lit. Voilà une grande cheminée dans laquelle il y a de forts chenets. Il y a une [252] espèce de petit pot blanc devant le feu dans lequel chauffe votre tisane ; c'est votre mère que je vois qui veut seule vous la donner et vous soigner. Je l'entends qui vous donne des consolations ; elle vous défend aussi de ne pas vous gratter à la figure, qui est le principal siège où s'est porté votre mal ; vos yeux en sont couverts, vous êtes aveugle quelque temps ! Que de soins cette bonne mère vous donne ! elle passe des nuits près de vous et veut que personne ne la remplace. Je vois sous le lit une paire de sabots fins. Voilà sur la cheminée une glace antique dont l'encadrement est tout dédoré. Il y a aussi une espèce de petit bureau près d'une porte ; on sort par là pour entrer dans une autre pièce; on descend par là dans un jardin. Tiens, je vous vois y cueillir des roses et les cacher dans votre estomac, puis grappiller quelques fruits en regardant si l'on ne vous aperçoit pas. C'est surtout quand vous alliez cueillir du beau cerfeuil, que je vois là près du mur, sous un abricotier. Tiens, voilà une cabane à lapins dans le bout qui n'est pas mal garnie ; il y en a des gros, des petits ; elle a une petite porte grillée en fil de fer, une grosse pierre la tient fermée. Je vois votre mère qui arrache de belles carottes avec un piquet en bois ; elle paraît contente, elle aime bien les belles carottes. Voilà des fleurs, de la salade dans cette allée ; il y a des fleurs jaunes. Tiens, par où va-t-on par là? c'est une écurie. Voilà une belle vigne le long du mur ! etc., etc. Adèle se rappelle, au fur et mesure que Mme Gouget les lui décrit, ces détails très-exacts : lorsque cette dame est dans le jardin, Adèle croit à chaque instant qu'elle va lui dire qu'elle y voit un puits ; mais tout en passant auprès elle ne l'aperçoit pas, ce qui fait dire à Adèle : « Si elle voit tout cela dans ma pensée, puisque je pense, et veux lui faire voir ce puits, pourquoi ne le voit-elle pas ? [p.253]

Cette communication n'est plus une simple vision de choses et objets existants, puisque tout cela a disparu depuis bien des années. Mme Gouget entend les paroles, voit les gestes comme si cette scène était pleine de vie. Quand on voudrait admettre à tout prix que ces choses étaient gravées dans la mémoire d'Adèle, ce qui est très vrai, il n'en resterait pas moins à expliquer comment une telle gravure est pleine d'activité en tout temps ! Qui la fait agir ? et quel emplacement tient-elle ? On croit par ce mot : elle voit dans la pensée ! avoir tout dit. Je trouve au contraire qu'on agrandit la difficulté de répondre. S'il est possible au lucide de voir dans la mémoire des faits tels que je viens d'en décrire un, et l'histoire du magnétisme en fournit de non moins incroyables, il lui est donc possible d'y retrouver tout ce que l'homme a pu voir, entendre, dire ou faire toute sa vie. Des faits partiels peuvent être gravés dans cette mémoire non pas une fois, mais des milliers de fois; et cette impression de la plus petite scène de notre vie offre au lucide assez d'espace pour y découvrir un ciel, une terre, des lieux dans lesquels il se promène à son aise. Quel est donc l'espace que peut remplir une âme ? en comparaison de celui que doivent tenir ces images dans notre mémoire ! Répondez, princes de la science ? c'est un spiritualiste qui vous adresse cette question et vous condamne au ridicule dont vous le couvrez si vous ne pouvez la résoudre. Je vous le répète, sachez que le lucide voit dans votre pensée ce que vous ne pensez plus, mais ce que vous avez pensé ; ce que vous ne voyez plus, mais ce que vous avez vu ; ce que vous n'entendez plus, mais ce que vous avez entendu. Ainsi les secrets serments que vous avez faits à la jeune fille que vous avez trompée ! déshonorée ! abandonnée ! il les voit, et vous les dira ; il voit aussi les larmes que vous avez fait répandre, il vous entend chanter la romance qui captivait son cœur et [p.254] que vous avez oubliée, ainsi que la victime dont l'image ne vous a pas quitté ; vous la posséderez encore dans l'éternité ! Elle fait partie de vous, vous ne pouvez l'en détacher ; tout est présent et plein de vie aux yeux du lucide. Quand les corps qui ont exécuté ces actions sont rongés par les vers, il les voit agir, les entend parler, parle avec eux, se promène dans les lieux qui ne sont plus ; il trouve de ces tableaux, de ces scènes dans le domaine de votre mémoire autant qu'il s'en peut passer dans l'univers ! Entendez-vous, l'univers ! vous êtes donc un univers, répondez ? Non, puisque l'univers est un composé d'une multitude d'unités, et qu'au contraire ces unités, ces lieux, ces scènes peuvent exister chez vous des milliers de fois ! Vous êtes donc un millier d'univers ? vous êtes plus encore ! Eh bien ! si vous ne pouvez répondre à cette question, étudiez cette âme, chef-d'œuvre de la création ! vous lui accorderez bien un peu d'immortalité, puisque les plus infâmes actions en ont ! Dites qu'à défaut de mieux, vous étudierez les révélations que M. Swedenborg m'a faites au sujet de la nature des pensées, qui sont des êtres vivants, engendrant, s'immortalisant comme nous. Systèmes des corpuscules, des émanations, des images, pressentis, démontrés sous une multitude de faces depuis Pythagore à saint Martin, depuis M. Delachambre, dans son traité du système de l'âme (1), aux savantes propositions du docteur Gall, par ses protubérances, progressant, débordant et troublant les autres localités ; cet assemblage d'atomes ne peut agir sans vie ! le mot atome emporte avec lui une forme quelconque ! le mot vie emporte aussi un moi. Ainsi quelles formes donnerez-vous aux pensées du docteur Gall ? Quelle vie donnerez-vous à cet atome, si ce n'est la forme de la [255] chose même ? si ce n'est un moi qui s'unit à un autre moi. Cet atome, tout minime qu'il est, se meut, dans un but qui sort d'une volonté; voyez où nous arrivons, car il n'y a rien de mort dans la nature ; tout y est donc vivant d'une vie divisée à l'infini. Partant des formes à l'infini, nous voyons que les pensées et les actions humaines ne sont pas perdues pour le lucide, qu'elles sont bien agissantes ; en un mot, des images vivantes; les sons, le chant vibrent à son oreille ! Pensez- vous un son ? qui nous paraît avoir entré en vibration matériellement voilà vingt ans et plus, touche avec la même force et harmonie l'ouïe du lucide ; il résonnera ainsi toute l'éternité, et cette impression d'actions, d'images ne s'effacera jamais ! elle agira toujours ; car il n'y a pas une particule de la création matérielle et spirituelle en repos, nous ne pouvons donc pas priver ces actions, ces sons, ces pensées, ces images enfin, d'une vie non généralisée, confondue dans le torrent de l'existence universelle, mais individualisée, ayant une forme qui leur est propre, puisque le lucide les retrouve en tout temps ; elles sont donc spirituellement, comme nous l'ont dit le guide de Binet, MM. Mallet, Swedenborg, indestructibles, inaltérables, éternelles ! Tout étrange que paraisse cette révélation, il ne faut qu'y réfléchir pour l'admettre; il en est de même pour l'expliquer ; je tâcherai de le faire dans un ouvrage qui fera suite à celui-ci.

Note 1 de la note, page 254 :

1. Voyez encore le Journal du Magnétisme, 1er vol., pag. 160, art. Théories ; par M. J. P. Meade, n° 10, rue d’Antin.

Remerciements aux souscripteurs et conseils aux savants. Extrait, page 310-311

[310] … Je dois aussi remercier tous les souscripteurs, dont l'intuitive confiance ne sera pas désabusée, je l'espère ; ne vivant pas encore dans une atmosphère de liberté de conscience sans nuages, je dois taire quelques noms d'hommes bienveillants qui ont plus ou moins contribué à la publication de cet ouvrage, en me facilitant à obtenir le nombre que je désirais de souscripteurs, ne voulant rendre personne responsable d'une œuvre qu'on a peut-être acceptée avec trop de faveur, sans la connaître. Que ne puis-je citer le nom d'un confiant disciple de Swedenborg qui m'a avancé les fonds nécessaires à l'impression, et celui d'un généreux ami des lumières qui a souscrit pour 100 francs.

Mais honte aux savants auxquels je me suis adressé et qui ne m'ont pas fait l'honneur d'une réponse. Quelle peut en être la raison? Je voulais leur démontrer mathématiquement l'existence [311] d'une âme de laquelle ils parlent, mais à laquelle ils ne croient pas ! Je voulais leur enseigner une école, où tous les hommes en général seront forcés d'aller faire de nouvelles études. Je venais solliciter humblement l'obole de la philanthropie, pour m'aider dans cette publication. A qui m'adressé-je, hélas ! Je voulais éclairer qui enseigne ! Je demandais à qui mendie ! J'offrais de vendre aux princes du commerce ! Je dois m'écrier avec Saint-Martin : « Rien n'est plus aisé que d'arriver à la porte des vérités, rien n'est plus rare et difficile que d'y entrer, » [Œuvres Posthumes, Tome premier, 1807, p.200] et c'est là le cas de la plupart des savants de ce monde !