Calendrier perpetuel 1860Année 1860

Poésies, par Louis-Claude de Saint-Martin, nommé le Philosophe inconnu. Liepsic, 1860

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- Barbey d’Aurevilly - Les philosophes et les écrivains religieux
- Catalogue annuel de la librairie française
- Faloux – Vie de madame Swetchine – T I
- Figuier Louis - Histoire du merveilleux – T 4
- Gavet - La magie maternelle
- Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France
- Maron - Histoire littéraire de la Convention nationale
- Revue européenne
- Morin - Du magnétisme et des sciences occultes
- Revue de l'instruction publique
- Edmond Henri Adolphe Scherer - Mélanges de critique religieuse.
- Sainte-Beuve - Causeries du Lundi.  T. 15
- Revue suisse
- Revue des Deux Mondes
- Martin. Histoire de France - T XVI
- Lazare Augé - Thèses d'après Hoené Wronski. Philosophie de la religion
- Firmin Didot - Complément de l'Encyclopédie moderne
- Éliphas Lévi – Histoire de la magie


 1860 – Barbey d’Aurevilly - Les philosophes et les écrivains religieux

1860 Barbey aurevillyLes œuvres et les hommes
Par Jules Barbey d’Aurevilly
1ère partie
Les philosophes et les écrivains religieux
Paris.
Amyot, éditeur, 8, rue de la Paix

MDCCCLX

M. Eugène Pelletan. Extrait, page 413

[…] M. Pelletan est de cette race d'âmes qui ont le sens mystique en elles, et selons [sic] nous, c'est là une supériorité. Assurément on peut abuser de cette supériorité-là comme de toutes les autres ; car c'est une observation qui n'a pas été assez faite, que plus les facultés sont rares et grandes, plus l'usage en peut tourner vite à l'abus, apparemment par la raison qu'il est plus aisé de tomber, à mesure qu'on s'élève. Mais quoi qu'il en puisse être, l'auteur de la Profession de foi du dix-neuvième siècle est un mystique ; c'est un mystique dans l'erreur comme il y a des mystiques dans la vérité. Dépravé par la philosophie qui a remplacé pour le dix-neuvième siècle le matérialisme du dix-huitième, c'est une espèce de Saint-Martin du Panthéisme. Il veut, comme tous les illuminés de la philosophie, réaliser une foi scientifique, et il n'y a pas d'âme mieux créée pour la foi intuitive que son âme. Il y a en lui des tendresses de cœur, des forces de sentiment qui ne savent plus que devenir dans ce système, sans Dieu personnel, de l'humanité progressive ! En vain transpose-t-il Dieu et s'efforce-t-il d'en remplacer l'amour par l'amour de l'humanité; en vain s'enferme- t-il dans cette prison des siècles dont il a beau reculer les murs, il n'a jamais l'espace qui conviendrait à l'énergie de son âme immortelle. Et si, par impossible, il pouvait réussir dans sa tentative de philosophie, il soulèverait encore, pour respirer, ce ciel qu'il croirait avoir abattu sur lui...

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VIII - Du mysticisme et de Saint-Martin

(Du mysticisme au dix-huitième siècle. Essai sur la vie et les doctrines de Saint-Martin, le philosophe inconnu, par M. CARO)

Voici une surprise. Lorsque nous avons ouvert le livre que M. Caro a publié sur Saint-Martin, et qu’à la première page nous avons trouvé, à côté du nom de l’auteur, le titre toujours suspect jusqu’à l’inventaire des doctrines de celui qui le porte, « de professeur de philosophie », quand, à la seconde page, nous avons lu une dédicace de MM. Jules Simon et Saisset, traités respectueusement et affectueusement « de maîtres et d’amis, » nous avons naturellement pensé que le Rationalisme contemporain allait, sans être un aigle, avoir beau jeu du bec et des griffes contre le mysticisme pris à partie, pour l’exécuter mieux et plus vite, dans la personne de Saint-Martin. Nous n’avons pas hésité croire que ce grand égaré de Saint-Martin, qui a fait un livre intitulé Ecce homo, ne fut pris à son tour pour l’Ecce homo du mysticisme et outrageusement traité comme tel. Se marier, — [page 94] disait le grand lord Bacon, — c’est toujours donner des otages à la fortune. Entre philosophes, la dédicace d’un livre, n’est-ce pas comme un mariage d’idées ? Et quand cette dédicace est adressée à MM. Saisset et Jules Simon, n’est-ce pas là un otage au Rationalisme qu’ils représentent et qu’ils servent, au Rationalisme qui est la mauvaise fortune de ce temps Voilà ce que nous disions, quand heureusement la lecture de l’ouvrage de M. Caro a répondu à toutes nos prévisions, en les trompant. Ce livre qui, de la personne très peu connue jusqu’ici et maintenant plus étudiée de Saint-Martin et de ses idées, s’élève jusqu’à la hauteur d’une discussion et d’un jugement sur le mysticisme en général, est une œuvre qui veut être impartiale et sévère.

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1860 - Catalogue annuel de la librairie française

1860 catalogue librairie frCatalogue annuel de la librairie française publié par C. Reinwald, libraire commissionnaire

Troisième année. 1860.

C. Reinwald, 15, rue des Saints Pères.

Janvier 1861

Page 191

Saint-Martin, Louis Cl. De (nommé le philosophe inconnu.) – Poésies. In-12. (Leipzig, Literarisches Institut)

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1860 – Faloux – Vie de madame Swetchine – T I

1860 FallouxMadame [Anne-Sophie] Swetchine
Sa vie et ses œuvres
Publiées par le
Cte [Alfred-Frédéric-Pierre] de Falloux [du Coudray]
de l’Académie française
Tome I – Vie de Madame Swetchine
Paris
Auguste Vaton, libraire éditeur
Rue du Bac, 50
Et à la librairie académique Didier et Cie, libraires éditeurs,
35, quai des Augustins.
1860

Chapitre V. Liaison de Mme de Krüdener et de Melle Stourdza - Extrait, page 115

Suite de la correspondance de Mme de Krüdener et de Melle Stourdza

Mme de Krüdener, parvenue à sa cinquantième année, était vouée alors à un genre de vie qu'absorbait exclusivement la prédication religieuse. Quelques ministres protestants de Genève et de Baden l'accompagnaient, l'inspirant et s'inspirant d'elle tour à tour. C'était une sorte de Mme Guyon, pour laquelle Fénelon et la soumission à l'autorité catholique étaient remplacés par quelques aventureux apôtres, sans tradition, sans but précis, et pour lesquels le Philosophe inconnu, Saint-Martin, avait été à la fois initiateur et pontife. Mme de Krüdener avait commencé ses liaisons royales par une intimité passagère avec la reine Louise de Prusse, puis avait parcouru l'Allemagne, tantôt reprenant quelques habitudes mondaines , tantôt séjournant chez les frères Moraves, tantôt prêtant l'oreille à l'illuminé JungStilling (1), et prêchant avec lui les pauvres habitants des belles vallées du Danube et du Rhin.

Note
(1) Jung Stilling avait été habile oculiste, était devenu l'un des théosophes allemands qui témoignaient le plus d'intérêt au sort des masses et avait été fixé à Baden en qualité de conseiller aulique par le grand-duc Charles-Frédéric. C'est dans la maison même de Jung Stilling que Mme de Krüdener s'était établie en arrivant à Carlsruhe.

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Extrait, page 139-140

« Vous me dites dans votre première lettre que M. de La Harpe était arrivé, mais que vous ne l'aviez pas encore vu ; et dans la seconde, vous oubliez de m'en parler. Revenez sur ce sujet ; je suis extrêmement curieuse d'en avoir une juste idée. Tout ce qu'on m'en disait m'en plaisait, jusqu'au cordon bleu, qu'il était naturel à l'Empereur de lui offrir, mais qu'il ne fallait pas recevoir pour prouver qu'on le méritait. Cette action, que je n'ose pas juger, puisque j'en ignore les motifs qui peuvent répondre à toutes les objections, a cependant brouillé mes idées sur lui. M. de La Harpe reviendra-t-il en Russie ? Je vous envie de pouvoir accoler des visages à tous ces noms fameux ; je voudrais au moins connaître tous ceux des gens qui vous ont intéressée, ne serait-ce qu'un moment et même dans un accès d'oisiveté et de caprice. Ce M. de Berckheim (1) dont vous me parlez a de meilleurs titres que ceux-là, à en juger par les deux ou trois traits de crayon qui me donnent son portrait. J'ai lu l'Homme de Désir qu'il vous a prêté (2) : c'est un très beau poème, dont la scène est dans la région des nuages. En le lisant, [page 140] il semble qu'on voit la terre de ce même point de vue d'où l'aigle la découvre du plus haut des airs; mais cet ouvrage ouvre-t-il l'âme aux impressions vraiment célestes ? la pénètre-t-il d'amour ? Je crois que non. Parlant davantage à l'imagination qu'à la sensibilité, il élève l'esprit et touche peu le cœur. Voilà du moins l'effet qu'il produit sur moi et que me produit toujours tout ce qui, en fait de langage religieux, n'a point la simplicité antique de l'Évangile, son adorable sagesse d'expression. Trop oser sent toujours l'humain, et ce n'est pas ainsi que l'Esprit divin inspire.

Notes
(1) Gendre et disciple de Mme de Krüdener.
(2) L'Homme de Désir est un ouvrage de Saint-Martin, publié en 1790, caractérisé ainsi par M. Sainte-Beuve : « Il appelle l'attention des profanes et à la fois des sincères par les beautés vives jaillissant au sein des obscurités et par des espèces d'effusions ou d'hymnes affectifs annonçant un précurseur. » Causeries du Lundi, tome X.

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1860 – Figuier Louis - Histoire du merveilleux – T 4

1860 FiguierHistoire du merveilleux dans les temps modernes
Par Louis Figuier
Deuxième édition
Tome quatrième :
Les tables tournantes – Les Médiums et les esprits
Paris.
Librairie de L. Hachette et Cie
Rue Pierre Sarrazin, n° 14
1860

Chapitre VIII - Extrait pages 142-1431860 Figuier chap8

Pendant que l’illuminisme régnait ainsi en maître [page 143] dans les esprits au delà du Rhin, les rares adeptes qu’il avait en France semblaient sommeiller. L’homme qui secoua leur torpeur fut un écrivain illustre et un catholique fougueux, le comte de Maistre. Voici ce qu’il écrivait de Saint-Pétersbourg :

« Vous avez donc décidément peur des illuminés, mon cher ami ; mais je ne crois pas, à mon tour, être trop exigeant si je demande humblement que les mots soient définis, et qu’on ait enfin l’extrême bonté de nous dire ce que c’est qu’un illuminé, afin qu’on sache de qui et de quoi on parle, ce qui ne laisse pas que d’être utile dans une discussion. On donne le nom d’illuminés à ces hommes coupables qui osèrent, de nos, jours, concevoir et même organiser en Allemagne, par la plus criminelle association, l’affreux projet d'éteindre en Europe le christianisme et la souveraineté. On donne ce même nom au disciple vertueux de saint Martin, qui ne professe pas seulement le christianisme, mais qui ne travaille qu’à s'élever aux plus sublimes hauteurs de cette loi divine. Vous m’avouerez, messieurs, qu’il n’est jamais arrivé aux hommes de tomber dans une plus grande confusion d’idées. Je vous confesse même que je ne puis entendre de sang-froid, dans le monde, des étourdis de l’un et de l’autre sexe crier à l’illuminisme, au moindre mot qui passe leur intelligence, et avec une légèreté et une ignorance qui pousseraient à bout la patience la plus exercée. » (1. Soirées de Saint-Pétersbourg, t, II, p. 329)

Dans un autre endroit de ce livre, le même écrivain n’hésitait pas à déclarer qu’il attendait, qu’il aspirait même à une époque où « la science actuelle devait être incessamment honnie par une postérité vraiment illuminée, qui parlerait de notre stupidité actuelle comme nous parlons aujourd’hui de la superstition du moyen âge.

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1860 - Gavet - La magie maternelle

1860 GavetLa magie maternelle
Daniel Gavet
Paris.
P. Houin, libraire.
5, 7, passage Vivienne
1860

Introduction. Extrait, page 5

… J'ai scruté cette fièvre américaine et sa propagation européenne non moins consciencieusement que la foule de ses parallélismes, dont les vieux tiges transmirent l'obscur rudiment aux temps modernes, fièvre déjà inintermittente chez l'extatique suédois Swedenborg, et que l'on pouvait déjà pressentir de quelques passages de Jérôme Cardan, des Marie d'Agréda, des Martinez Pasqualis, des Saint-Martin (au Christianisme annonçant, d'après Joseph de Maistre, des « mystères ineffables, nullement inaccessibles à l'homme »), des Jacob Boehme, des visions de Pordage, de Jeanne Leade de Bromley, de Hooker, de Saberton, de la pratique de Cagliostro, de la partie mystique des travaux magnétologiques de Mesmer lui-même , des frères Puységur , des Ledru, des Destin, des Thouvenel, des Deslon, des Deleuze, des Lavater, des Pétetin, des Ghardel, des Billot, des Ricard, des Possin, des Teste, des Laforgue, des Brice de Beauregard, des Jos. Barthet (de la Nouvelle-Orléans), des néo-swedenborgiens-mesméristes Renard, Cahagnet, etc., etc.

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1860 – Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France

1860 hatinHistoire politique et littéraire
de la presse en France
avec une introduction historique sur les
Origines du journal et la
Bibliographie générale des journaux depuis leur origine
Par [Louis] Eugène Hatin
Tome sixième
Paris
Poulet-Malassis et De Broise, imprimeurs libraires éditeurs,
9, rue des Beaux-Arts
1860

Fauchet – Bonneville. Extrait, pages 377-379

Le Tribun du Peuple. Le Cercle social. La Bouche de Fer. Journal des Amis. Bulletin des Amis de la Vérité.

« Un fou nommé Bonneville, et une autre espèce de fou, l'abbé Fauchet, enthousiaste qui n'est pas sans quelque talent, quoiqu'il soit absolument dénué de goût, se sont avisés (de quoi ne s'avise-t-on pas aujourd'hui pour être quelque chose ?) de joindre les mystères de la Maçonnerie aux principes de la Constitution, et de cet amalgame bizarre ils ont composé un journal qu'ils appellent la Bouche de Fer, attendu qu'ils ont, en effet, placé une bouche de fer au dépôt de leur journal, près du Théâtre- Français, en invitant tous les citoyens à y jeter, comme on fait dans celle de Venise, leurs idées sur le gouvernement, leurs questions, leurs accusations, etc. Cette invention n'a pas prospéré jusqu'ici; car il est clair, par leur journal, que ce sont eux qui font les demandes et les réponses. Rien n'est plus plaisant ni plus ridicule que la démence [page 378] sérieuse qui règne dans cet ouvrage, où se trouvent pêle-mêle toutes les rêveries des illuminés avec les discussions politiques, le jargon de la mysticité avec l'emphase des prédicateurs, où l'on remonte jusqu'à la tour de Babel et l'arche de Noé, pour redescendre aux sections et aux districts, où l'on ne projette rien moins qu'une religion universelle, une régénération universelle, etc. Nos deux prophètes ont ouvert un Cercle social, par lequel ils prétendent communiquer avec toutes les nations de l'univers. Ainsi, grâce à eux, la Révolution aura eu aussi ses illuminés, tout comme si nous étions au temps des Frères rouges de Cromwell et des confréries de la Ligue. Heureusement, ceux-ci ne sont pas dangereux; ils ne sont qu'extravagants, et ne veulent régénérer l'univers que par l'amour. »

C'est La Harpe qui parle ainsi, mais dans sa Correspondance littéraire (lettre 293), et l'on sait que ces épanchements confidentiels du célèbre critique ne se recommandent pas précisément par leur impartialité. Cependant c'était bien là le fond de l'opinion contemporaine, et la postérité n'a guère porté d'autre jugement sur ces deux novateurs.

« Anacharsis Clootz, Fauchet et Bonneville, dit M. Lanfrey, allaient, par leurs complaisantes utopies, remuer au fond des cœurs cette soif de l'impossible, cette passion de l'absolu, ces aspirations vers le rêve, qui ne plaisent tant aux peuples que [page 379] parce qu'elles les flattent en dissimulant sous des chimères les labeurs de leur tâche, et qui perdent infailliblement les révolutions où elles parviennent à prévaloir. L'abbé Fauchet, qui vaut mieux que sa descendance, est le père légitime de ces apôtres de l'amour qui ont depuis pullulé pour notre honte, et dont les maximes, lâches et efféminées ont tant contribué à énerver la virilité des hommes de ce siècle (1. Essai sur la Révolution française, p. 249.). »

On connaît Claude Fauchet, ancien abbé, l'un des premiers électeurs de Paris et des présidents de la Commune, l'un des vainqueurs de la Bastille, et l'un des hommes qui se placèrent tout d'abord, par le courage de la pensée et de la parole, au premier rang parmi les athlètes de la Révolution, celui de tous peut-être que la nature et l'éducation semblaient avoir plus particulièrement formé pour remuer les passion s vulgaires et électriser les passions les plus nobles. On connaît également sa doctrine : Fauchet proclama l'accord du christianisme et de la démocratie; le premier il fit de cette idée, jusqu'alors vague et à l'état de sentiment, un système rigoureux qu'il appuyait de preuves métaphysiques et historiques (2. Voir une remarquable étude de la doctrine de Fauchet dans E. Maron, Histoire littéraire de la Révolution, p. 137 et suiv.).

Philosophe nourri du mysticisme de Saint-Martin, un des plus enthousiastes et des plus audacieux [380] parmi les publicistes, Bonneville appelle l'attention moins par son talent, qui était assez médiocre, que par ses doctrines, qu'on a vues reparaître de nos jours sous le nom de socialisme, et conquérir de nombreux adeptes. Comme Fourier, et avant Fourier, Bonneville avait forgé sa théorie du bonheur parfait; elle devait se réaliser, suivant lui, par deux moyens fort simples : une nouvelle répartition des biens, et la communauté des femmes. Dès avant 1789, on le voit préoccupé de donner à la Révolution, qu'il était facile de prévoir, la direction qu'il croit la plus conforme aux besoins et au bonheur de l'humanité. Vers le milieu de 1789, il publie, sous le titre de Tribun du Peuple, des lettres à l'imitation de celles de Junius….

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1860 – Maron - Histoire littéraire de la Convention nationale

1860 MaronHistoire littéraire de la Convention nationale
Par Eugène Maron
Paris.
Poulet-Malassis et De Broise
Imprimeurs libraires éditeurs
9, rue des Beaux-Arts
1860

Première partie - Chapitre III. Discussions spéciales - Fondation de l’École normale. Extrait, pages 140-150

Ce fut avec un accent autrement solennel que la Convention proclama l'établissement de l'École normale. La parole vibrante et passionnée de son rapporteur Lakanal n'est que l'écho des espérances, et l'on peut dire des émotions, qui agitaient non seulement l'Assemblée, mais encore le public lettré, les savants, les hommes les plus illustres et les hommes pratiques, qui voyaient dans la création de cette école la régénération de l'esprit humain. Déshabituons- nous un instant de notre esprit de specticisme [sic] et d'ironie, et nous n'entendrons plus qu'avec respect l'aveu de ces hautes et nobles ambitions. Le rapporteur commence par justifier la Révolution d'avoir encore peu fait pour l'instruction publique :

« Née du milieu de tant d'événements qui ébranlaient le monde, incessamment agitée par de nouveaux événements qui naissaient dans son sein et [page 141] hors de son sein et auxquels il fallait faire face, la Convention nationale n'a pas pu et n'a pas dû s'occuper en même temps du soin d'éclairer la France et de la faire triompher. Lorsque, du milieu de tant de crises, de tant d'expériences morales si nouvelles, il sortait tous les jours de nouvelles vérités, comment songer à poser pour l'instruction des principes immuables ? Les hommes de l'âge le plus mûr, les législateurs eux-mêmes, devenus les disciples de ces événements qui éclataient à chaque instant comme des phénomènes, et qui, avec toutes les choses changeaient toutes les idées, les législateurs ne pouvaient pas se détourner de l'enseignement qu'ils recevaient pour en organiser un à l'enfance et à la jeunesse. C'était une nécessité, c'était une sagesse d'attendre la fin de ce grand cours d'observations sociales que nos malheurs mêmes avaient ouvert devant nous. Le temps, qu'on appelle le grand maître de l'homme, le temps devenu plus fécond en leçons plus terribles et mieux écoutées, devait être en quelque sorte le professeur unique et universel de la République.

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1860 - Revue européenne

1860 revue europeenne t11Revue européenne: lettres, sciences, arts, voyages, politique
Tome onzième
Paris. Bureau de la Revue européenne, 13, quai Voltaire et à la librairie Dentu, Palais Royal
Bruxelles, Brouwet, rue montagne de la Cour, n° 39
Leipzig. Brochaus, libraire éditeur, Alph. Durr, éditeur.
1860

Bulletin bibliographique de la revue européenne - Critique du livre de Maron – (non paginé – fin du volume)

Histoire littéraire de la Convention nationale, par Eugène Maron. 1 vol. in-18. Paris, Poulet-Malassis.

M. Eugène Maron, continuant ses travaux sur la Révolution, vient de publier l'Histoire littéraire de la Convention. La littérature, en ces temps de trouble, s'était toute réfugiée à la tribune politique, et la seule forme littéraire qui méritât d'être étudiée était la forme oratoire. M. E. Maron a parfaitement compris cela : il n'a pas manqué à sa tâche. La littérature proprement dite tient fort peu de place dans ce volume. La première partie est exclusivement consacrée à l'éloquence dans les discussions d'intérêt général; les Girondins et les Montagnards y sont tour à tour appréciés d'une manière ferme et précise. L'auteur, en un tel sujet, a trouvé l'occasion de tracer quelques beaux portraits. La dernière partie contient une intéressante étude du journalisme politique représenté par Murat. Camille Desmoulins, Fréron ; et, après un rapide coup d'œil sur les doctrines philosophiques, morales et religieuses de Fauchet, Rétif de la Bretonne, Anacharsis Clootz, Condorcet et Saint-Martin, le philosophe inconnu (voir a ce sujet le beau travail de M. Caro sur Saint-Martin), l'ouvrage se termine par quelques pages de critique très vigoureuse sur La Harpe, Ginguené, Ducis, Lebrun et les deux Chénier. Le livre de M. Eugène Maron est l'œuvre d'un esprit judicieux, net, vif; il est d'une lecture attrayante et facile : on le lira donc avec un véritable intérêt. N. V.

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1860 - Morin - Du magnétisme et des sciences occultes

1860 MorinDu magnétisme et des sciences occultes
André Saturnin Morin, avocat, ancien préfet
Paris Germer Baillière, libraire éditeur
17, rue de l’École de médecine
Londres H. Baillière, 219, Regent Street
New York, Baillière Brothers, 440, Brodway
Madrid, C. Bailly-Ballière, Calle des Principe, 11
1860

Seconde partie : Des sciences occultes - Chapitre IV – De la nécromancie moderne – Extrait, page 420

Swedenborg est un des premiers qui aient cherché à remettre en honneur le commerce avec les Esprits ; il se croyait en communication habituelle avec eux, reproduisait leurs discours et décrivait ce qui se passait dans les sphères supérieures; mais c'est spontanément que les Esprits se manifestaient à lui, il n'avait pas besoin de les évoquer, il n'avait donc à faire usage d'aucun rituel. Il en fut de même des théosophes de son temps, tels que Saint-Martin. Cagliostro se rapprocha davantage de l'ancienne magie; il répandit dans les hautes classes le goût des sciences occultes et il passa pour faire apparaître les morts. Un peu plus tard, le mesmérisme compta parmi ses sectateurs un certain nombre de mystiques qui se crurent en communication avec les Esprits ; il y eut notamment les membres de la société exégétique de Stockholm qui se persuadèrent que les facultés merveilleuses du somnambulisme ne pouvaient appartenir à l'homme matériel, et qu'il fallait que ce fût une intelligence pure qui parlât par la bouche des malades tombés dans cet état.

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Chapitre VI – Des prodiges du spiritualisme – Extrait page 458-459

Le spiritualisme, indépendamment des communications intellectuelles avec les Esprits, prétend que ces êtres invisibles manifestent leur commerce avec l'humanité par des faits extraordinaires : ce sont les miracles de la nouvelle religion. Plusieurs des anciennes religions sont réduites à vivre de leur splendeur passée, à alléguer des miracles qui auraient eu lieu à des époques bien reculées et dont la constatation est aujourd'hui d'une grande difficulté-, le spiritualisme, au contraire, étant en voie de formation, présente toute la richesse de merveilleux qui entoure le berceau des religions; bien plus, il est un foyer incessant d« miracles qui éclatent de tous côtés et s'offrent à tous les regards.

Le fait seul de cette prétention est une chose très remarquable. Car un siècle comme le nôtre paraît peu propre à l'éclosion des légendes : non seulement l'esprit en est généralement positif, mais aussi les moyens de contrôle sont infiniment plus puissants qu'ils ne l'étaient dans l'antiquité, l'instruction est plus répandue, les moyens de communication sont extrêmement perfectionnés, la presse vient chaque jour rendre compte de ce qui peut intéresser le public, [page 459] propage toutes les nouvelles, les discute, donne lieu à une polémique nécessairement funeste aux merveilles controuvées; la science donne la clef de bien des prétendus prodiges, et son flambeau dissipe les ténèbres qui sont la condition du succès des impostures et des illusions. Comment donc, en plein dix-neuvième siècle, pourrait-on fabriquer une mythologie?... L'histoire nous offre des exemples de pareilles anomalies : le siècle de Voltaire et de Montesquieu n'a-t-il pas vu les miracles des convulsionnaires de Saint- Médard et les succès de Swedenborg, de Saint-Germain, de Saint-Martin et de Cagliostro ?

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1860 – Revue de l'instruction publique

1860 revue instruction publicRevue de l'instruction publique
de la littérature et des sciences
en France et dans les pays étrangers
recueil hebdomadaire politique
20e année n°8 – 24 mai 1860
Éditeur            Hachette, 1860

Bibliographie – Analyses et comptes-rendus – Littérature - Maistre : Quatre chapitres inédits sur la Russie – pages 116-118

Quatre Chapitres Inédits Sur La Russie, par le comte Joseph De Maistre, publiés par son fils le comte Rodolphe De Maistre. In-8° Paris, Vaton 1859.

Décidément tout conspire à dégager le vrai Joseph de Maistre des nuages d'encens dont l'avait entouré l'idolâtrie naïve de la génération précédente. Chaque document nouveau vérifie l'opinion exprimée depuis longtemps par cette Revue, à savoir que le prétendu théologien de l'école ultramontaine ne fut, au fond, qu'un homme d'affaires et de chancellerie, un diplomate, un politique, si l'on veut; que les connaissances les plus indispensables au vrai théologien comme au philosophe lui faisaient complètement défaut, ainsi que la puissance de penser et que tout son génie consista à être, comme écrivain, le plagiaire, très étourdi et très éloquent de Saint-Martin l'illuminé.

Dernièrement nous citions une intéressante publication de M. de Chanlelauze à l'appui de notre thèse. Voici encore un opuscule récent qui la confirme : opuscule qui est bien authentiquement du grand Joseph, opuscule que sa famille ne répudie point, qui est publié par elle, où nous trouvons une partie de son âme. Les données qu'il renferme méritent donc d'être recueillies avec soin.

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1860 - Edmond Henri Adolphe Scherer - Mélanges de critique religieuse.

1860 SchererMélanges de critique religieuse
Edmond Henri Adolphe Scherer
Paris
Joël Cherbuliez, éditeur
10, rue de la Monnaie
A Genève, même maison
A Amsterdam, chez van Bakkenes et Cie
1860

Avertissement, extrait p.VI

Il est un mot que je prendrais volontiers pour épigraphe de ce volume. « La vie nous a été donnée, dit Saint-Martin, pour que chacune des minutes dont elle se compose soit échangée contre une parcelle de la vérité. » Noble et saint idéal ! Assurément je ne suis pas de ceux qui peuvent se vanter d'avoir ainsi employé leur existence, et cependant j'ose me rendre un témoignage : Oui, c'est bien ainsi que j'ai compris la vie.

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Remarque

Cette phrase que Scherer attribue à Saint-Martin et qu’on ne retrouve pas dans les écrits du Philosophe inconnu, est reprise dans de nombreux autres ouvrages.

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1860 - Sainte-Beuve - Causeries du Lundi. 

1860 sainte beuve t15Causeries du Lundi
Sainte-Beuve
de l'Académie Française
Troisième édition
Tome Quinzième
Paris
Garnier Frères, libraires-éditeurs
6, rue des Saints-Pères

Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer (Paris, Cherbuliez, 10, rue de la Monnaie)

Lundi, 29 octobre 1860 – Extrait, p.56-57

Nous sommes avertis, en effet, par l'auteur dans la courte préface qu'il a mise en tête, que ce volume renferme « des manières de dire et de penser qui lui sont devenues à peu près étrangères. » Où en est-il aujourd'hui? Jusqu'à quel point la connaissance, l'analyse sévèrement appliquée a-t-elle dissous ou transformé la foi en lui? Il ne nous appartient pas de le fixer. Ce qui est certain, c'est qu'il est encore et toujours chrétien, en ce sens au moins que le Sermon sur la montagne lui paraît d'inspiration divine et quelque chose de tel que l'humanité d'après ne doit point ressembler à l'humanité d'avant; ce qui est certain, c'est qu'à ses yeux, comme il le dit excellemment; et à ne parler même qu'au nom de l'histoire, « Jésus en tout est l'unique, et que rien ne saurait lui être comparé. » M. Scherer est un des nobles types des esprits sérieux qui croient à une vérité absolue, qui, même lorsqu'ils ont le sourire fin, ne l'ont pas léger et moqueur; et quand il ne nous le déclarerait pas, on sent, en le lisant, qu'il signerait volontiers cette pensée du théosophe Saint-Martin : « La vie nous a été donnée pour que chacune des minutes dont elle se compose soit échangée contre une parcelle de la vérité. » Voilà une vocation. [page 57] Maintenant il peut chercher toujours, ne s'arrêter jamais; il n'est pas de ceux qui doutent radicalement, et qui ont pour chef de file Montaigne, le badin charmant et intrépide. Il est de la famille opposée, de la race de Lessing.

bouton jaune   Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer

Remarque

Cette phrase que Scherer attribue à Saint-Martin que cite Sainte-Beuve, mais qu’on ne retrouve pas dans les écrits du Philosophe inconnu, est reprise dans de nombreux autres ouvrages.

bouton jaune   Voir à ce sujet : 1866 - Revue des cours littéraires de la France et de l'étranger


1860 – Revue suisse

1860 revue suisse t23Revue suisse
Vingt-troisième année
Tome XXIII
Neuchatel
Au bureau de la Revue suisse
Librairie E Klingebeil, Grand’rue
1860

Chronique de la Revue suisse. Paris, 10 novembre 1860 - Extrait, page 786

À propos d’un jugement de Sainte-Beuve sur les Mélanges de critique religieuse de Edmond Schérer

… M. Schérer est un des nobles types des esprits sérieux qui croient à une vérité absolue, qui, même lorsqu'ils ont le sourire fin, ne l'ont pas léger et moqueur; et, quand il ne nous le déclarerait pas, on sent, en le lisant, qu'il signerait volontiers cette pensée du théosophe Saint-Martin :

« La vie nous a été donnée pour que chacune des minutes dont elle se compose soit échangée contre une parcelle de la vérité. » Voilà une vocation. Maintenant il peut chercher toujours, ne s'arrêter jamais ; il n'est pas de ceux qui doutent radicalement, et qui ont pour chef de file Montaigne, le badin charmant et intrépide. Il est de la famille opposée, de la race de Lessing.

bouton jaune  À propos d’un jugement de Sainte-Beuve


1860 - Revue des Deux-Mondes (15 août 1860)

1860 revue 2mondesLouis Binaut, Lamennais et sa philosophie. Extrait page 806

Il fut donc du petit nombre de ceux qui, après la grande révolution française, comprirent d'une part qu'on n'en avait point fini avec la théologie, et d'autre part eurent l'intuition obscure, imparfaite, mais certaine, d'un nouvel état des âmes dans l'ordre religieux. Comme Saint-Martin, de Maistre, Bonald, ces hommes que la philosophie opposée n'avait pas compris, qu'elle avait même quelque peu persiflés. Lamennais avait pressenti un besoin d'élargissement de la pensée croyante; mais c'est de Joseph de Maistre qu'il relève le plus directement sur les points principaux. Froissés par les événements extérieurs de la révolution, Lamennais et de Maistre l'ont tous deux haïe, mais en même temps ils en ont reçu le contre-coup intellectuel à des profondeurs qu'ils ignoraient eux-mêmes.

bouton jaune  Louis Binaut, Lamennais et sa philosophie


1860 – Martin. Histoire de France - T XVI

1860 Maron 2 CopieHistoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789
Par Henri Martin
Tome XVI – Quatrième édition
Paris. Furne, libraire éditeur.
M DCCC LX
1ère édition 1844
Prix : Prix de l’Académie des Inscriptions et Belles lettres en 1844
Grand Prix  Gobert de l’Académie Française en 1856 et 1859

Livre CV. Louis XVI. Extrait : Mouvement mystique, Mesmer, Saint-Martin, pages 526-531

Les sociétés secrètes devaient être et furent le réceptacle de toute cette fermentation d'idées et d'aspirations ardentes. A partir de 1770, ou un peu avant, la franc-maçonnerie, déjà très répandue, a pris un développement immense et tend à changer de caractère. D'abord simple instrument de tolérance, d'humanité, de fraternité, agissant d'une manière générale et un peu vague sur les sentiments de ses adeptes et de la société qu'ils influencent, elle tend à devenir instrument de mouvement et d'action, [page 527] organe direct de transformation. Les trois espèces de mysticisme que nous venons d'indiquer la travaillent et la pénètrent à la fois : le mysticisme qu'on peut appeler sensualiste; le mysticisme politique, qui n'a de mystique que l'apparence; le mysticisme théosophique, qui est le véritable.

A partir de 1778, un médecin allemand a profondément remué Paris en annonçant la guérison de toutes les maladies par la vertu d'un agent universel qu'il a découvert et qu'il dirige à son gré. Tous les êtres, assure Mesmer, sont plongés dans un océan de fluide par l'intermédiaire duquel ils agissent les uns sur les autres. L'homme peut concentrer ce fluide et en diriger les courants sur ses semblables, soit par le contact immédiat, soit, à distance, par la direction du doigt ou d'un conducteur quelconque. Ces courants portent avec eux la santé et la vie dans les corps dont les fonctions sont troublées. Ils guérissent immédiatement les maux de nerfs et médiatement les autres maux. Par analogie avec les attractions de l'aimant ou du magnétisme minéral, Mesmer qualifie cette influence de magnétisme animal. Certains prodiges des anciennes religions, les cures miraculeuses par l'imposition des mains, les extases collectives et autres phénomènes extraordinaires opérés par des hommes sur d'autres hommes, n'ont été, suivant l'audacieux novateur, que des phénomènes magnétiques.

L'impression produite par Mesmer est immense : il entraîne les femmes, les jeunes gens, tous les esprits amoureux de l'inconnu et saisis par les espérances, sans bornes qui sont le caractère du temps (1). Bien des penseurs sont satisfaits de voir enfin donner une autre explication des faits mystérieux de l'histoire que la banale accusation d'imposture contre tous les thaumaturges et tous les chefs des religions. Quant à la foule, elle se précipite au baquet de Mesmer avec un entraînement bien plus général qu'elle ne courait autrefois au tombeau du diacre Paris. [page 528] Nous ne raconterons pas ces incidents bizarres, mais si connus, où l’on voit presque se renouveler les convulsions de Saint Médard sous un aspect moins violent et moins sombre, ni les luttes opiniâtres de Mesmer et de ses disciples contre les corps savants, luttes qui aboutissent au célèbre rapport rédigé par Bailli au nom d'une commission prise dans la Faculté de médecine et l’Académie des sciences (1784). La science, par la voix de Bailli, écarte comme arbitraire l’hypothèse du fluide magnétique, et, par conséquent, le pouvoir que s’attribuent Mesmer et ses adeptes de diriger ce fluide, ne nie pas absolument les phénomènes signalés, mais les attribue exclusivement à une cause morale, au pouvoir de l’imagination. Nier ces phénomènes emporte, en effet, des difficultés historiques bien autrement graves que les admettre dans une limite quelconque ; mais il est très douteux que l’explication de Bailli soit suffisante, quoiqu’on puisse croire que la cause inconnue qui agit si puissamment sur le système nerveux de l’homme soit beaucoup plus morale que physique.

Les développements que reçut le Mesmérisme, et qui en transformèrent tout à fait le caractère, allèrent dans la direction que nous venons d’indiquer. On connaissait plus ou moins obscurément le somnambulisme naturel et ses étonnants effets, expliqués dans les temps passés par des causes surhumaines, bienfaisantes ou malfaisantes. Le XVIIIe siècle avait négligé ces faits étranges. Tout à coup se produit un somnambulisme artificiel. Les frères Puy-Ségur, disciples de Mesmer, déterminent par l’action magnétique, quelle qu’en soit la nature, exercée sur des malades, non plus les crises nerveuses du baquet de Mesmer, mais un sommeil extatique durant lequel le somnambule a la vue intérieure de son propre corps, celle du corps de la personne avec laquelle on le lie d’un rapport magnétique, et, parfois même, à ce qu’on prétend, dépassant toutes les bornes assignées à l’action et à la portée de nos sens, étend au loin dans l’espace et même dans le temps une vue qui n’est plus celle du corps, c’est-à-dire retrouve la seconde vue des voyants et des sibylles. Ici, le matérialisme encore enveloppé dans la théorie de Mesmer achève de disparaître, et nous nageons en plein mysticisme. L’interprétation des traditions [page 529] historiques par le magnétisme se complète et embrasse tous les mystères de l’antiquité. La séduction redouble, comme aussi l’opposition : les matérialistes s’exaspèrent d’une réaction si soudaine et si imprévue ; les savants s’effraient et s’indignent de voir le vieux monde des sciences occultes reparaître tout à coup et défier la philosophie expérimentale et les prudentes méthodes, mères de tant de progrès. La philosophie spiritualiste elle-même peut s’inquiéter à bon droit d’une telle disposition dans les esprits, si pleine de périls et d’illusions. Cette disposition, toutefois, il faut le dire, est superficielle chez le grand nombre; le génie du XVIIIe siècle doit bientôt revenir sur l’espèce de surprise qu’il a subie et reporter cette effervescente ardeur sur la politique ; néanmoins le magnétisme et le somnambulisme continueront à exciter par intervalles de vives préoccupations et à manifester des faits en dehors des lois ordinaires de la physique, sans que ces faits puissent être suffisamment fixés pour entrer dans le domaine de la science : le problème restera problème.

Le mouvement mystique avait atteint son degré le plus élevé ailleurs que dans le magnétisme. II s’était toujours maintenu ça et là, depuis le XVIe siècle, des adeptes secrets de doctrines émanées de la Cabale ou philosophie mystique des Juifs, et du néoplatonisme alexandrin et gnostique réveillé par la Renaissance. Un personnage singulier, Martinez Pasqualis, juif portugais, à ce qu’on croit, introduisit, de 1754 à 1768, dans un certain nombre de loges maçonniques françaises, un rite portant le titre hébraïque des cohens (prêtres). Il s’agissait, dans les initiations des Martinistes, comme s’appelèrent les disciples de Martines, non seulement de communications intérieures avec le monde des esprits, mais de manifestations visibles, c’est-à-dire d’évocations théurgiques, de pratiques superstitieuses mêlées à une idéalité d’ailleurs élevée. Un jeune officier nommé Saint-Martin (2) fut initié à Bordeaux par Martinez. C’était une des âmes les plus religieuses et les plus pures qui aient passé sur la terre. Il ne resta pas longtemps engagé dans cette secte cabalistique; tout en admettant la réalité des relations surhumaines qu’on y cherchait, il les écarta [page 530] comme dangereuses et s’enferma dans la pure théosophie. Le livre des Erreurs et de la Vérité, par un philosophe inconnu (3), œuvre d’une grandeur voilée et d’une fascination d’autant plus saisissante qu’on y sent l’âme parlant à l’âme en dehors de toute préoccupation terrestre, le livre anonyme de Saint-Martin n’expose pas méthodiquement le fonds commun du mysticisme hébraïque et platonicien, la théorie de l’homme créé dans un état de lumière, de liberté, d’immortalité, tombé par sa faute dans le domaine de la nature corporelle et de la mort, dans la région des pères et des mères, comme dit énergiquement Saint-Martin, mais pouvant remonter vers son origine par le bon usage de ce qui lui reste de liberté (4). Saint-Martin ne discute pas en philosophe ou en théologien ; il ravive ces antiques idées par une effluve de sentiment chrétien d’une singulière puissance : c’est la vie spirituelle elle-même qui se montre en action dans sa parole. Quoi qu’on pense du fond de sa doctrine, il est admirable quand il montre la science humaine se dispersant dans les phénomènes, au lieu de remonter vers la cause, et s’obstinant follement à expliquer l’univers sans Dieu, au lieu d’expliquer l’univers par Dieu. Nous n’avons pas à le suivre dans le développement de son à priori gigantesque (5), mais nous devons indiquer les traces de sa pensée dans l’histoire. C’est à lui qu’appartient l’idée théocratique qui fera explosion, après 1830, dans la secte saint-simonienne, secte bien contraire d’ailleurs à l’esprit de Saint-Martin. Le Philosophe inconnu veut le gouvernement d’un seul; le plus aimant, le plus éclairé, l’homme réhabilité, doit s’affirmer, se poser, d’autorité divine. Il n’y a de gouvernement légitime que celui de l’homme réhabilité [page 531] sur les hommes qui ne le sont pas. Dans l’idéal, si l’humanité était réhabilitée toute entière et relevée à son état primitif, il n’y aurait pas de gouvernements : tout homme serait roi.

Cette idée, longtemps avant le saint-simonisme, s’infiltra plus ou moins obscurément dans la Révolution jusque chez Robespierre, et les ennemis du redoutable chef des Jacobins en eurent l’instinct ; car Saint-Martin, fort étranger de sa personne aux luttes désespérées des partis et à l’interprétation sanglante qu’on faisait de ses idées, fut enveloppé dans la persécution dirigée contre Catherine Théot, dom Gerle et quelques autres révolutionnaires mystiques, peu avant le 9 thermidor, par les hommes qui préparaient la chute de Robespierre.

Notes

1. La correspondance de La Fayette avec Washington conserve des traces bien curieuses de cet enthousiasme. — Mém. de La Fayette, t. II, p. 93. Le jeune défenseur de la liberté américaine est entièrement subjugué par Mesmer.
2. La ressemblance de son nom avec celui de son maître les a fait souvent confondre.
3. Imprimé à Lyon, en 1775, sous la rubrique d’Edimbourg.
4. C’est une des deux grandes explications contradictoires de la destinée humaine, et l’antithèse de celle de nos pères, des druides et des bardes, qui est la création dans le plus bas degré de l’être, avec progression ascendante.
5. Il publia d’assez nombreux ouvrages, tant originaux que traduits du grand mystique allemand Jacob Bœhme, de 1775 à 1803, époque de sa mort. — Nous ferons remarquer seulement que Saint-Martin ne sort pas des données de la théologie chrétienne ordinaire sur le principe du mal, sur l’introduction du mal dans le monde par un être supérieur à l’homme et déchu avant lui ; tandis qu’un autre célèbre mystique du XVIIIe siècle, le Suédois Swedenborg, n’admet d’autres anges bons et mauvais que les âmes des hommes transmigrées dans l’autre vie. — Les Merveilles du Ciel et de la Terre de Swedenborg furent traduites en 1783.

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1860 – Lazare Augé - Thèses d'après Hoené Wronski. Philosophie de la religion

1860 AugeThèses d'après Hoené Wronski.
Philosophie de la religion
Ou Solution des problèmes de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’homme
Et comme corollaires :
Constitution de la philosophie absolue dans ses trois conditions de philosophie spéculative, de philosophie pratique et de philosophie de l’histoire ; et finalement Accomplissement des destinées de l'humanité sous la garantie d'une politique péremptoire.
Lazare Augé
Paris.
Auguste Durand, libraire, 7, rue des Grès.
1860

Extrait, pages 365-368

L'élucubration mystique, dans la poursuite de ses vues perversives, se manifeste comme MYSTICISME MOYEN, par opposition au Mysticisme oriental, dont l'esprit cherche à se dépouiller pour revêtir les page 366] allures parallèles au développement régulier du savoir, et ainsi anticiper sur un Mysticisme occidental qu'il s'agit de constituer. — Ainsi, dans la 1re partie de la 4e période, l'Être-occulte, un des deux pôles de ce Mysticisme moyen, puise la virtualité qui lui manque dans le Mysticisme chrétien à la dualité duquel il se combine; et fort de cette relation dans laquelle il a puisé le Savoir-occulte, il se manifeste dans des EXERCICES DE SORTILÈGE son expression populaire, et dans les SCIENCES OCCULTES, son expression scientifique, que nous fournissent les ouvrages de Paracelse et les actes des Rose-croix, en alchimie, la Pierre philosophale qui devait donner la possession des biens terrestres, et en médecine, le fameux Elixir de longue vie. Le Savoir-occulte, par une même participation à l'Être-occulte, puisée dans le dualisme du Mysticisme chrétien, se manifeste dans la Morale mystique chez Tauler (ses Institutions), et dans la Théologie mystique chez Weigel et Bodenstein, par des EXERCICES D'EXORCISME, imitation satanique des pieux exercices d'excommunication religieuse. Dans cet état initial de développement, ces deux parties constituantes d'un Mysticisme ultérieur tentèrent un essor supérieur. Ce fut, d'abord, de la part des Sciences occultes, en suite de sa participation au savoir de la Réalité mystique, la prétention de fonctionner comme Morale et Théologie mystiques, ce [page 367] qui donna lieu à la DOGMATIQUE MYSTIQUE, avec des règles de conduite morale et la détermination d'observances religieuses, chez Pic de la Mirandole, Reuchlin, Agrippa de Nettesheim, Cardan, etc. : efforts qui vinrent se perdre vers la 2° partie de la 4° période, dans la PHYSIOSOPHIE, comme résultat de l'influence du Savoir-occulte dans l'Être-occulte, par une application du Mysticisme à l'étude de la nature chez Helmont, père et fils, chez Kronland, l'auteur bizarre des Ideœ seminales, chez Andréa, l'auteur pseudonyme du « Mariage chimique » et de la « Réformation du monde » au moyen de la Fama fraternitatis des Rose-Croix, dont il fut ainsi le fondateur. Et de la part de la Morale et de la Théologie mystiques, en suite de leur participation à l’être de la Réalité mystique, ce fut la prétention de fonctionner comme Sciences occultes, ce qui donna lieu à l'HERMÉNEUTIQUE MYSTIQUE dans une prétendue restauration de la Bible et par conséquent une interprétation mystique de la Genèse cosmique, chez Hutchinson, Fabre d'Olivet, et leurs sectateurs : efforts qui, aussi, par une influence de l'Être-occulte dans le Savoir-occulte, se perdirent dans la THÉOSOPHIE, par des prétendues visions qui mettent en communication avec Dieu et les esprits; communication due à l'extase réunie à la somnolence de la raison mystique, dans laquelle ils prétendent puiser les notions du Créateur et de la création, nullement [page 368] transmissibles à autrui, à moins que ce dernier ne soit pétri de la même argile. C'est ce que nous montrent les ouvrages de Boehme, Jane Leade, Poiret, More, Pordage, Tauler, Swedenborg, Saint-Martin, et M. Cousin, dans sa traduction de Proclus; etc.

bouton jaune   Extrait, pages 365-368

Extrait, page 373

Or, le Mysticisme ne trouve pas de moyen plus expéditif d'accomplir la Morale et la Théologie mystiques, que d'en exclure les Sciences occultes, comme étant étrangères au savoir qui intéresse essentiellement ces deux dérivés organiques de la Réalité mystique. Et c'est ce qui se manifeste dans l'établissement d'un Système hiérocratique de la société, dû primitivement à Saint-Martin, appuyé de Martinez-Pasqualis, à Coissin avec ses « Neuf livres » et ses « Enfants de Dieu » etc., jusqu'à J. de Maistre; développé ultérieurement par les Fédéralistes et les Communistes, et qui finit par dégénérer en une sorte de syncrétisme mystique de religion et de politique, espèce de tempérament modérateur par la réintégration de l'être mystique dans la résurrection des Droits de l'homme, et surtout les « Paroles d'un croyant, » parodie infernale de la bible, couvrant, avec les semblants du Sentiment religieux, l'incitation aux mouvements politiques insurrectionnels. C'est là, le deuxième exploit du Mysticisme français, et la divulgation de la DEUXIÈME SUCCURSALE DE LA BANDE MYSTÉRIEUSE.

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1860 – Firmin Didot - Complément de l'Encyclopédie moderne

1860 Firmin didotComplément de l'Encyclopédie moderne
Dictionnaire abrégé́ des sciences, des lettres, des arts, de l'industrie, de l'agriculture et du commerce
Publié par MM. Firmin Didot frères
Sous la direction de MM. Noel Des Verges et Léon Renier et de M. Édouard Carteron
Tome neuvième
Paris.
Firmin Didot Frères, Fils et Cie
Imprimeurs libraires de l’Institut de France
Rue Jacob, 56.
1860

Article : Microcosme – Pages 403-405

MICROCOSME (μικρος, κοσμος, petit univers), « homme considéré comme abrégé de l'univers. » Telle est l'explication du Dictionnaire mytho-hermétique de D. Ant. Jos. Pernety, religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur. (Delalain aine; Paris, 1787.) Il est, en ce sens, opposé au Macrocosme, ou grand univers.

C'est, en effet, l'idée fondamentale de la philosophie hermétique que cette corrélation entre le grand monde et le petit monde, entre l'univers et l'homme. Une grande partie des philosophes de l'antiquité, Platon, Pythagore, l'École stoïcienne tout entière, avaient considéré la nature comme un être vivant, semblable à l'homme en ce qu'elle aurait eu comme lui un corps et une âme. Cette âme du monde, plus ou moins bien définie, c'était la force occulte qui donne à la matière le mouvement et la vie.

… Deum namque ire per omnes
Terrasque, tractusque maris, cœlumque profundum [page 404]
Hinc pecudes, arments, viros, genus omne ferarum
Quemque sibi tenues nascentem arcessere vitas.
(Virgile, Georg., IV, 221.)

Ce principe d'une âme universelle circulant dans la matière et engendrant tous les êtres, l'homme comme les animaux, inspira la doctrine de la cabale, et cette secte mystique, philosophique autant que médicale, qui eut tant d'adeptes au moyen Age, qui eut son dernier représentant au siècle dernier, et prétendait recevoir sa tradition des livret d'Hermès Trismégiste. Que l'on parcoure tous les écrivains de cette École hermétique, Jacob Bœhm (Aurora, Les Principes de l'Essence divine , La triple Vie, Le Miroir de l'Éternité; Amsterdam, 10 vol., 1682); Van Helmont (Ortus medicinæ; Amsterdam, 1648, in-4°); Paracelse (Œuvres, 3 vol. in-f; Genève, 1658), Robert Flud, Saint Martin, on les verra tous dominés par l'idée d'un rapport rigoureusement symétrique, non seulement entre la vie qui nous anime et la vie des autres êtres, mais entre nos divers organes et les diverses parties de l'univers; et de cette concordance on les verra naturellement déduire la mutuelle action de la nature sur l'homme et de l'homme .sur la nature, de notre volonté sur le monde extérieur, des astres sur nos destinées.

Robert Flud est peut-être celui qui a poussé le plus loin cette comparaison ; il y a consacré deux gros volumes in-4° sous ce titre : Utriusque Cosmi majoris scilicet et minoris metaphysica, physica atque technica historia (Oppenheim, 1617). C'est, comme on le voit, l'encyclopédie hermétique. Le premier tome est consacré au macrocosme : le premier traité de ce tome retrace l'histoire métaphysique et physique du macrocosme, c'est-à-dire la génération des êtres; le second, l'histoire des productions de l'art, singe de la nature, c'est-à-dire de toutes les sciences et de tous les arts, l'arithmétique, la musique, la géométrie, la perspective, la peinture, l'art militaire, les sciences du mouvement et du temps, la cosmogonie, l'astrologie, la géomancie. Le second tome est consacré au microcosme, avec ce titre : De supernaturali, naturali, præternaturali et contranaturali microcosmi historia in tractatus tres distributa. C'est là qu'est développée l'idée fondamentale du système : « Nous concluons avec Trismégiste que le monde est l'image de Dieu, et l'homme l'image du monde. » Tel est le résumé du chapitre intitulé: « Que Dieu a fait en tout l'homme égal au monde en perfection ; d'où le microcosme. » (Tract. 1, sect. 1, l. 3, c. 1.)

La correspondance ne s'arrêtera pas là. Le microcosme intérieur « ou invisible, a en lui [405] toutes les parties idéales du monde. » (C. 2.) De même, le microcosme extérieur reproduira toutes les parties du monde visible. (Tract. I, sect. 1, l. 5.) Et ici une figure du corps humain sert à faire comprendre, en la rendant sensible aux yeux, la théorie du philosophe. La tête, correspondant au cœlum empyreum, est divisée en trois régions, mens, intellectus, ratio; mens, c'est dans la tête de l'homme ce qu'est dans le ciel empyrée radius Dei seu lux increata; intellectus, c'est sphæra luminis seu lucis creatæ ; ratio : sphæra spiritus empyrei. Au-dessous de la tête se place la région de la poitrine, thorax, correspondant au cœlum æthereum, et contenant le cœur, l'analogue du soleil, sphæra vitæ. La troisième région, c'est celle du ventre, venter, correspondant au ciel des éléments, et contenant quatre parties principales, comme le ciel contient quatre éléments : cholera, cistæ fellis (le feu) ; sanguis hepatis et venarum (l'air) ; pituita ventriculi (l'eau) ; fæx seu stercus viscerum (la terre).

En voilà assez peut-être pour donner l'idée d'un système qui ne révèle une grande connaissance ni de la physique ni de la physiologie, et qui témoigne seulement des théories artificielles que peut échafauder un esprit rêveur, dans le silence du cabinet, quand il se débarrasse des liens étroits de l'expérience.

Le dernier et le plus profond des disciples de la même école, Saint-Martin, reproduit la même idée en essayant de la dégager des subtilités et des erreurs que répudie la science moderne, dans son ouvrage anonyme intitulé : Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers. (Edimbourg, 1782, 2 vol. in-12.) Il ne s'agit plus de macrocosme et de microcosme, ni d'un rapprochement factice entre la nature et l'homme, l'homme et le Créateur. Dieu même est nettement distingué de l'univers physique : « Comment s'est-il trouvé des hommes assez peu attentifs pour assimiler Dieu et cet univers physique, cet être sans pensée, sans volonté, à qui l'action même qu'il manifeste est étrangère, cet être enfin qui n'existe que par des divisions et par le désordre? » (C. 2.) Cette assimilation se réduira donc à des signes, à des symboles ; l'homme qui trouve en lui le type amoindri de la divinité retrouve à son tour dans la nature l'image de ses sentiments et de ses pensées: «Avouons-le donc hautement, si chacun des êtres de la nature est l'expression d'une des vertus temporelles de la sagesse, l'homme est le signe ou l'expression visible de la divinité même : c'est pour cela qu'il doit avoir en lui tous les traits qui la caractérisent ; autrement, la ressemblance n'étant pas parfaite, le modèle pourrait être méconnu.» (Ch. 3). [page 406] Et l'univers, d'un autre côté, offre à l'homme les signes de ses idées. « Aussi l'homme ne peut-il porter ses regards autour de lui sans apercevoir les images les plus expressives de toutes les vérités qui lui sont nécessaires. » (Ch. 8). De là découle tout un système de symboles. L'analogie de l'homme et du monde extérieur n'est plus que dans les images que la nature matérielle offre de la chose immatérielle. La mythologie antique est expliquée dans ce sens, et les diverses religions ramenées facilement à un culte commun. Aussi la conclusion naturelle du livre est-elle une prophétie de paix universelle et d'unité religieuse.

Ainsi se transforme la doctrine première, conservant sans doute une grande part de son obscurité et de ses principes arbitraires, mais répudiant ce panthéisme grossier qui faisait l'homme esclave du monde extérieur, et soumettait sa destinée aux obscures combinaisons de la matière et au cours lointain des astres. Cette doctrine, en effet, était intimement liée aux sciences occultes, qui ont été presque toute la science du moyen âge. L'homme, étant le résumé du monde, offrait dans son front, dans ses yeux et jusque dans les lignes de sa main les signes mystérieusement écrits des révolutions extérieures dont il devait ressentir le contrecoup; et à son tour il pouvait lire sa destinée dans le cours des astres auxquels elle se trouvait attachée. C'est ainsi que la doctrine hermétique renfermait dans son sein l'astrologie, la chiromancie, la géomancie, et toutes les prétendues sciences de prédiction qui se sont évanouies avec elle à l'aurore de la science moderne. (Voy. Eusèbe Salverte, Des sciences occultes, ou Essai sur la magie, les prodiges et les miracles. Baillière, un vol.in-8°, 1856.) A. BLANCIIET.

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1860 – Éliphas Lévi – Histoire de la magie

1860 eliphas levy magieHistoire de la magie
Avec une exposition claire et précise de ses procédés, de ses rites et de ses mystères.
Par Éliphas Lévi [Alphonse-Louis Constant – 8 février 1810 Paris – 31 mai 1875 Paris].
Auteur de Dogme et rituel de la haute magie.
Avec 18 planches représentant 90 figures.
Paris Germer Baillière, libraire éditeur, 17, rue de l’École de médecine.
Londres et New York, H. Ballière.
Madrid, Ch. Bailly-Baillière.
1860

Livre I. Chapitre V. Magie en Grèce - Extrait, page 93

On a dit que le beau est la splendeur du vrai. C'est donc à cette grande lumière d'Orphée qu'il faut attribuer la beauté de la forme révélée pour la première fois en Grèce. C'est à Orphée que remonte l'école du divin Platon, ce père profane de la haute philosophie chrétienne. C'est à lui que Pythagore et les illuminés d'Alexandrie ont emprunté leurs mystères. L'initiation ne change pas ; nous la retrouvons toujours la même à travers les âges. Les derniers disciples de Pascalis Martinez sont encore les enfants d'Orphée, mais ils adorent le réalisateur de la philosophie antique, le verbe incarné des chrétiens.

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Chapitre III. Prophéties de Cazotte. Pages 435-440

Sommaire. — Les martinistes. — Le souper de Cazotte. — Le roman du Diable amoureux. — Nabéma, la reine des stryges. — La montagne sanglante. — Mademoiselle Cazotte et mademoiselle de Sombreuil. — Cazotte devant le tribunal révolutionnaire.

L'école des philosophes inconnus fondée par Pasqualis Martinez et continuée par Saint-Martin, semble avoir renfermé les derniers adeptes de la véritable initiation. Saint Martin connaissait la clef ancienne du tarot, c'est-à-dire le mystère des alphabets sacrés et des hiéroglyphes hiératiques ; il a laissé plusieurs pantacles fort curieux qui n'ont jamais été gravés et dont nous possédons des copies. L'un de ces pantacles est la clef traditionnelle du grand œuvre, et Saint-Martin le nomme la clef de l'enfer, parce que c'est la clef des richesses ; les martinistes parmi les illuminés furent les derniers chrétiens, et ils furent les initiateurs du fameux Cazotte.

Nous avons dit qu'au 18e siècle une scission s'était faite dans l'illuminisme : les uns, conservateurs des traditions de la nature et de la science, voulaient restaurer [page 436] la hiérarchie ; les autres, au contraire, voulaient tout niveler en révélant le grand arcane, qui rendrait impossibles dans le monde la royauté et le sacerdoce. Parmi ces derniers, les uns étaient des ambitieux et des scélérats, qui espéraient trôner sur les débris du monde ; les autres étaient des dupes et des niais.

Les vrais initiés voyaient avec épouvante la société lancée ainsi vers le précipice, et prévoyaient toutes les horreurs de l'anarchie. Cette révolution qui plus tard devait apparaître au génie mourant de Vergniaud sous la sombre figure de Saturne dévorant ses enfants, se dressait déjà toute armée dans les rêves prophétiques de Cazotte. Un soir qu'il se trouvait au milieu des instruments aveugles du jacobinisme futur, il leur prédit, à tous, leur destinée : aux plus forts et aux plus faibles, l'échafaud; aux plus enthousiastes, le suicide; et sa prophétie qui ne parut alors qu'une lugubre facétie fut pleinement réalisée (l. Deleuze, Mémoire sur la faculté de prévision, in-8, 1836.). Cette prophétie n'était, en effet, qu'un calcul des probabilités, et le calcul se trouva rigoureux, parce que les chances probables étaient déjà changées en conséquences nécessaires. La Harpe que cette prédiction frappa d'étonnement plus tard, y ajouta quelques deuils pour la rendre plus merveilleuse, comme le nombre exact des coups de rasoir que devait se donner un des convives, etc.

Il faut pardonner un peu de cette licence poétique à tous les conteurs de choses extraordinaires ; de pareils ornements ne sont pas précisément des mensonges, c'est tout simplement de la poésie et du style. [page 437]

Donner aux hommes naturellement inégaux une liberté absolue, c'est organiser la guerre sociale ; et lorsque ceux qui doivent contenir les instincts féroces des multitudes ont la folie de les déchaîner, il ne faut pas être un profond magicien pour voir qu'ils seront dévorés les premiers, puisque les convoitises animales s'entredéchireront jusqu'à la venue d'un chasseur audacieux et habile qui en finira par des coups de fusil ou par un seul coup de filet. Cazotte avait prévu Marat, Marat prévoyait une réaction et un dictateur.

Cazotte avait débuté dans le monde par quelques opuscules de littérature frivole, et on raconte qu'il dut son initiation à la publication d'un de ses romans intitulé le Diable amoureux. Ce roman, en effet, est plein d'intuitions magiques, et la plus grande des épreuves de la vie, celle de l'amour, y est montrée sous le véritable jour de la doctrine des adeptes.

L'amour physique en effet, cette passion délirante, cette folie invincible pour ceux qui sont les jouets de l'imagination, n'est qu'une séduction de la mort qui veut renouveler sa moisson par la naissance. La Vénus physique, c'est la mort fardée et habillée en courtisane ; l'amour est destructeur, comme sa mère, il recrute des victimes pour elle. Quand la courtisane est rassasiée, la mort se démasque et demande sa proie à son tour. Voilà pourquoi l'Église qui sauve la naissance par la sainteté du mariage, dévoile et prévient les débauches de la mort en condamnant sans pitié tous les égarements de l'amour.

Si la femme aimée n'est pas un ange qui s'immortalise par les sacrifices du devoir dans les bras de celui qu'elle aime, c'est une stryge qui l'énerve, l'épuise et le [page 438] fait mourir, en se montrant enfin à lui dans toute la hideur de son égoïsme brutal. Malheur aux victimes du diable amoureux ! Malheur à ceux qui se laissent prendre aux flatteries lascives de Biondetta ! bientôt le gracieux visage de la jeune fille se changera pour eux en cette affreuse tête de chameau qui apparaît si tragiquement au bout du roman de Cazotte.

Il y a dans les enfers, disent les kabbalistes, deux reines des stryges : l'une, c'est Lilith la mère des avortements, et l'autre, c'est Nahéma, la fatale et meurtrière beauté. Quand un homme est infidèle à l'épouse que lui destinait le ciel, lorsqu'il se voue aux égarements d'une passion stérile, Dieu lui reprend son épouse légitime et sainte pour le livrer aux embrassements de Nahéma. Cette reine des stryges sait se montrer avec tous les charmes de la virginité et de l'amour : elle détourne le cœur des pères et les engage à l'abandon de leurs devoirs et de leurs enfants ; elle pousse les hommes mariés au veuvage, et force à un mariage sacrilège les hommes consacrés à Dieu. Lorsqu'elle usurpe le titre d'épouse, il est facile de la reconnaître : le jour de son mariage elle est chauve, car la chevelure de la femme étant le voile de la pudeur, lui est interdite pour ce jour-là ; puis après le mariage, elle affecte le désespoir et le dégoût de l'existence, prêche le suicide, et quitte enfin avec violence celui qui lui résiste en le laissant marqué d'une étoile infernale entre les deux yeux.

Nahéma peut devenir mère, disent-ils encore, mais elle n'élève jamais ses enfants ; elle les donne à dévorer à Lilith, sa funeste sœur.

Ces allégories kabbalistiques qu'on peut lire dans le [page 439] livre hébreu de la Révolution des âmes, dans le Dictionnaire kabbalistique du Zohar, et dans les Commentaires des Talmudistes sur le Sota, semblent avoir été connues ou devinées par l'auteur du Diable amoureux ; aussi assure-t-on qu'après la publication de cet ouvrage, il reçut la visite d'un personnage inconnu, enveloppé d'un manteau à la manière des francs-juges. Ce personnage lui fit des signes que Cazotte ne comprit pas, puis enfin il lui demanda si réellement il n'était pas initié. Sur la réponse négative de Cazotte, l'inconnu prit une physionomie moins sombre, et lui dit : Je vois que vous n'êtes pas un dépositaire infidèle de nos secrets, mais un vase d'élection pour la science. Voulez-vous commander réellement aux passions humaines et aux esprits impurs ? Cazotte était curieux, une longue conversation s'ensuivit, elle fut le préliminaire de plusieurs autres, et l’auteur du Diable amoureux fut réellement initié. Son initiation devait en faire un partisan dévoué de l'ordre et un ennemi dangereux pour les anarchistes, et, en effet, nous avons vu qu'il est question d'une montagne sur laquelle on s'élève pour se régénérer suivant les symboles de Cagliostro, mais cette montagne est blanche de lumière comme le Thabor, ou rouge de feu et de sang comme le Sinaï et le Calvaire. Il y a deux synthèses chromatiques, dit le Zohar : la blanche, qui est celle de l'harmonie et de la vie morale ; la rouge, qui est celle de la guerre et de la vie matérielle : la couleur du jour et celle du sang. Les Jacobins voulaient élever l'étendard du sang, et leur autel s'élevait déjà sur la montagne rouge. Cazotte s'était rangé sous l'étendard de la lumière, et son tabernacle mystique était posé sur la montagne blanche. La [page 440] montagne sanglante triompha un moment, et Cazotte fut proscrit. Il avait une fille, une héroïque enfant, qui le sauva au massacre de l'Abbaye. Mademoiselle Cazotte n'avait pas de particule nobiliaire devant son nom, et ce fut ce qui la sauva de ce toast d'une horrible fraternité, par lequel s'immortalisa la piété filiale de mademoiselle de Sombreuil, cette noble fille qui, pour se disculper d'être une fille noble, dut boire la grâce de son père dans le verre sanglant des égorgeurs !

Cazotte avait prophétisé sa propre mort parce que sa conscience l'engageait à lutter jusqu'à la mort contre l'anarchie. Il continua donc d'obéir à sa conscience, fut arrêté de nouveau et parut devant le tribunal révolutionnaire ; il était condamné d'avance. Le président, après avoir prononcé son arrêt, lui fit une allocution étrange, pleine d'estime et de regret : il l'engageait à être jusqu'au bout digne de lui-même et à mourir en homme de cœur comme il avait vécu. La révolution, même au tribunal, était une guerre civile et les frères se saluaient avant de se donner la mort. C'est que des deux côtés il y avait des convictions sincères et par conséquent respectables. Celui qui meurt pour ce qu'il croit la vérité, est un héros, même lorsqu'il se trompe, et les anarchistes de la montagne sanglante ne furent pas seulement hardis pour envoyer les autres à l’échafaud, ils y montèrent eux-mêmes sans pâlir : que Dieu et la postérité soient leurs juges !

bouton jaune   Chapitre III. Prophéties de Cazotte