Les société secrètes, destructrices de la famille - II.Témoignages de leurs chefs et principaux fondateurs, réformateurs et propagateurs. Extrait, p.21-25 ; 25-26 ; 26-30

Extrait, p.21-25

Saint-Martin, cette autre souche féconde de la Franc-maçonnerie, l'âme prépondérante de ses réformes, pose des principes plus radicalement encore destructeurs du mariage et de la famille. Le plus apparent, celui qui a servi de base à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, si souvent appelés principes de 89, se formule ainsi dans le livre Erreurs et Vérité :

« La liberté étant de l'essence de l'homme (tous naissent et demeurent libres et égaux en droits, dit la déclaration de 89), l'association volontaire qui tendrait à l'enchaîner, n'est pas réellement plus juste, ni plus sensée que celle qui ne le serait pas. Par cet acte, il faudrait en effet que l'homme attachât à un autre homme un droit dont lui-même n'a pas la propriété, celui de disposer de soi ; puisque donc il transfère un droit qu'il n'a pas, il fait une convention nulle et qui ne peut lier ni lui ni les autres (Erreurs et Vérité, 2e part. sect. 5,.p. 9, ou, dans l'édition déjà citée [1782], p. 270, 271.). »

Certes, rien n'est plus clair que cette conséquence par rapport à la famille. Donc, nuls tous les contrats de mariage, qui enchaînent la liberté et l'égalité natives de l'homme envers la femme et de la femme envers l'homme. Donc, nuls [page 22] tous les liens qu'on voudrait en faire résulter, et les parents ne peuvent pas plus disposer des enfants que les uns et les autres ne peuvent disposer d'eux-mêmes, et la famille au moral est radicalement anéantie, absolument condamnée par la nature ou l'âge d'or que toutes les branches maçonniques ont pour but de ramener et de rétablir.

Dans l'état primitif, disait encore le philosophe inconnu, il n'y avait aucune distinction arbitraire et artificielle. Quoique doués, en qualité d'êtres intelligents, de facultés diverses, les hommes, dans cet état primitif ne se divisaient pas en maîtres et en sujets; il n'y avait ni pères, ni mères, ni enfants, ni subordination quelconque; chacun d'eux avait sa grandeur qui lui était propre ; tous étaient égaux, tous étaient rois, mais régnaient sur des êtres d'une espèce inférieure (Ibid. p. 279 et L. Blanc. Hist. de la Révolution, tome II, p. 101).

Les autres principes du Martinisme étaient la conséquence de celui-là. Plus profonds et plus latents, ils poussent plus loin encore, s'il est possible, à la destruction de la famille ; ils n'en brisent plus seulement les liens, ils en font disparaître jusqu'aux éléments même matériels.

L'homme, dans les doctrines martinistes, doctrines qui, sous le nom de Spiritisme, courent maintenant les rues, enfantant, dans de prétendus esprits forts, les plus niaises, les plus absurdes et les plus fanatiques superstitions ; l'homme n'est plus, comme l'a cru jusqu'ici le genre humain tout entier, une créature essentiellement composée d'un corps et d'une âme, mais une intelligence, un esprit, qui, déchu de son élévation première par une révolte inconnue, inexplicable et impossible, a été condamné, pour l'expier, à passer successivement par les corps, à mesure qu'ils naissent ou viennent au monde.

Les corps ne sont, en conséquence, et ne peuvent être pour lui qu'une prison odieuse, qu'un habit qu'il voit vieillir et se dissoudre avec plaisir, qu’un obstacle à l'exercice de toutes ses facultés les plus essentielles et dont il ne peut voir la cessation qu'avec joie.

Saint-Martin, nous l'avons vu, va même jusqu'à réduire [p.23] ces corps à une simple apparence et à ne leur donner ainsi qu'à la terre elle-même, d'autre valeur que celle de zéro. Or, devant de telles doctrines, que sont, que peuvent être les liens de la chair et du sang qui constituent essentiellement la famille et tous les rapports d'époux à épouse et de père et mère à enfants ? Quelle autorité, quelle subordination, quels devoirs entre de tels esprits essentiellement égaux entre eux, indépendants par essence les uns des autres, n'ayant pour points de contact que des corps qu'ils abhorrent et qui leur servent les uns aux autres de chaînes et de châtiments, corps aujourd'hui français ou allemands, demain chinois ou hottentots, et par lesquels, malgré eux, ils deviennent successivement et dans mille pays divers hommes ou femmes, pères ou mères, aïeux ou petits enfants les uns des autres. Quels liens de famille et de parenté peut-il y avoir dans d'aussi monstrueuses rêveries ? et de telles doctrines ne tendent-elles pas logiquement à amener et à justifier tous ces horribles forfaits que l'on nomme, en frémissant, suicide, parricide, infanticide, avortement, adultère, inceste, violation de toutes les lois de la nature, impudicités de toute espèce ? Que sont tous ces crimes par rapport aux esprits ? « Tout cela, écrivait Saint-Martin lui-même, n’affecte pas l'âme ; au feu, donnez au feu tout ce qu'il vous demande ; ce feu, c'est la matière, ce sont les sens, c'est le corps. En vain l'ennemi me poursuit par ses illusions ; il ne faut pas qu'ici-bas la matière ait mémoire de moi : les délices de la matière est-ce l'homme qui les goûte ? Lorsque ses sens ont de la peine ou du plaisir, ne lui est-il pas aisé de voir que ce n'est pas lui qui éprouve ce plaisir ou cette peine ? ( L'homme de désir, par l'auteur des Erreurs et Vérité, n° 255. Barrruel, Mémoires, etc., tome III. p. 105, note.) 

Aussi, le maçon des hauts grades, l'ex-grand-maître Cousin, le chef de l'école spiritualiste qui admet, comme Saint-Martin, un état pour nos âmes antérieur à celui de leur existence sous la forme humaine ou dans les corps, enseigne-t-il ouvertement que « le corps, quoiqu'il tienne à l'âme comme instrument d'action, n'a pourtant en lui-même aucun droit à des soins qui lui soient propres ; qu'effet de l'ordre, partie du [p.24] monde, il y aurait sans doute de la folie et, par conséquent, quelque mal à le détruire SANS RAISON, à le mutiler par caprice ; mais que cependant et après tout, il n'y aurait pas crime et injure ; que ce serait une atteinte à la nature (quelle nature !) et non à un être moral (M. Cousin, Essai sur l'Hist. de la philosophie au XIXe siècle, tome II, p. 257,). » Ce qui justifie tous les genres de crime contre les corps, ce qui les autorise même, pour peu qu'on ait de raison pour les commettre.

Aussi Allan Kardec, un des grands chefs du spiritisme, celui qui a fait un pacte avec les esprits supérieurs, qui se sont engagés, sous le symbole d'un pampre de vigne, d'être avec lui toutes les fois qu'il le demandera, à condition qu'il sera à leurs ordres chaque fois qu'ils l'appelleront, enseigne-t-il dans un livre, dicté par ces esprits et corrigé par eux, que l'union libre et fortuite des sexes est l'état de nature, l'état primitif (quelle contradiction !) ; que la polygamie est une loi humaine dont l'abolition marque un progrès social ; et que le mariage, qui est un progrès dans la marche de l'humanité, est pourtant, en tant qu'indissoluble, une loi humaine contraire à la loi de nature (ou de chute), aussi bien que le célibat ; ce qui n'empêche pas que les HOMMES ACTUELS soient les mêmes que les ÊTRES PRIMITIFS qui sont revenus se perfectionner, mais qui sont encore loin de la perfection, quoique cependant ils avancent toujours sans jamais reculer. Qu'on juge, si l'on peut, du nombre de leurs évolutions ; car la terre est le premier degré d'épuration, et les hommes actuels qui sont les mêmes que les êtres primitifs sont tous des esprits constituant le monde spirite qui est lui même, ainsi que ses composés évidemment, le monde normal, primitif, éternel, préexistant et survivant à tout (Allan Kardec : Le livre des esprits écrit sous la dictée et publié par l'ordre d'esprits supérieurs. Paris, Dentu 1857, p. 55, n° 86, p. 123, n° 335, 336, 337. Introduct. p. 10. Prolégomènes, p. 30.)

L'interprète autorisé du Grand-Orient, le maître à tous les degrés, grand fondateur et réformateur des loges modernes, frère Ragon, pour le nommer par son nom, en mettant, aussi bien que l'historien pittoresque de la Franc-maçonnerie et tous les écrivains maçonniques, le bon et le mauvais principe à la tête de la science et des doctrines des loges, et [page 25] faisant dépendre, comme les Manichéens, comme les Gnostiques et les disciples de Saint-Martin, le mariage du mauvais principe, range et fait marcher par conséquent lui-même aussi la Maçonnerie française, et avec l'approbation du Grand-Orient de Paris, de pair ou à la suite de toutes les autres sectes destructrices du mariage et de la famille chrétienne.

bouton jaune  II.Témoignages de leurs chefs, extrait, p.21-25

Extrait, p.25-26

Or, « comme le nombre un désignait l'harmonie, l'ordre et le bon principe, le nombre deux, continue maître Ragon, offrait l'idée contraire. Là commençait la science funeste [page 26] du bien et du mal. Tout ce qui est double, faux, opposé à l'unique réalité étant dépeint par le nombre binaire, il exprime aussi l'état de mélange et de contrariété dans lequel se trouve la nature, où tout est double : ainsi la nuit et le jour, la lumière et les ténèbres... l'erreur et la vérité, l'un et l'autre sexe. » Nous voilà déjà en plein Martinisme. Il n'y a de réel que l'unité; tout le reste, tout ce qui est double est le mauvais principe : au feu, au feu, mariage et famille !

Extrait, p.29-30

Et ce ne sont là pourtant que les premiers grades ; et le Suédois Jean Witt, qui est arrivé à leur sommet, dit, dans ses mémoires, que « enfin le voile se déchire tout à fait pour le principi summo patriarcho, et qu'on apprend alors que le but des Carbonari est tout à fait le même que celui des Illuminés ; que l'initié jure la ruine de toute religion et de tout gouvernement positif, despotique ou démocratique ; et que tous les moyens pour l'exécution de leurs projets sont permis. Qui ne se rappelle, à cette occasion, qu'à la suppression des Illuminés [page 30] on trouva, entre autres poisons, une tinctura ad abortum faciendum (Mémoires secrets, p. 21, 22, suite de la 2e partie, 131, 135, 136, 137, 140.). »

Lui-même, à la fin de ses mémoires, entre dans plus de détails sur l'objet particulier qui nous occupe et l'on retrouve sous sa plume toutes les doctrines de St-Martin et du Spiritisme, avec un petit amendement qui lui est propre et que nous soulignerons.