1874 deschamps t2

1874 - Les sociétés secrètes et la société  ou Philosophie de l'histoire contemporaine 

Par l'auteur du Monopole universitaire, destructeur de la Religion et des Lois

[R. P. Nicolas Deschamps, s.j.,

membre de l'Académie romaine, De Religione catholica]

Tome second

Avignon – FR. Seguin Aînés, Imprimeur-éditeur

13, rue Bouquerie

1874

Cet ouvrage de Nicolas Deschamps, Les sociétés secrètes et la société, comporte trois tomes. Les deux premiers ont été publiés en 1874 et le troisième tome seulement en 1876. L'éditeur explique ce retard par le décès de l'auteur survenu juste au moment de l'impression du premier tome :

« Il nous est enfin donné de reprendre et de terminer la publication de cet important ouvrage. La mort de l'auteur, survenue prématurément et presque subitement pendant l'impression du premier volume, est la seule cause d'une aussi longue interruption. Ce fâcheux événement, on le comprendra sans peine, nous prive de publier l'ouvrage avec tous les développements que l'auteur avait eu en vue et que lui seul était capable de donner à son travail. Nous pouvons du moins compléter, dans une certaine mesure, ce qui a déjà paru. M. Claudio JANNET, avocat distingué d'Aix, qui fut à la fois le disciple et l'ami du R. P. DESCHAMPS, a bien voulu dépouiller avec le soin le plus minutieux les manuscrits laissés par ce dernier; il a recueilli toutes les notes, coordonné les divers documents amassés par lui ; il en a extrait la matière d'un fort volume, que nous livrons aujourd'hui à la publicité. Une table analytique de tout l'ouvrage le termine et facilite ainsi les recherches. »

Nous publions sur cette page, le tome second. Avec les deux autres tomes (datée de1874 pour le 1e et 1876 pour le 3e), ils constituent la première édition. Une seconde édition des 3 tomes paraît en 1880 et 1881. Ces éditions ont été modifiées par Claudio Jannet, ami de Nicolas Deschamps, qui a poursuivi son étude.

Pour chaque tome, nous publions les éléments de la première édition (1874 pour les deux premiers tomes et 1876 pour le 3e) et ceux de l'édition plus complète de 1880-1881. Les occurrences recherchées sont : Saint-Martin, Martinistes, Philosophe inconnu. L'occurrence illuminisme, illuministe n'offre ici que peu d'intérêt, l'auteur confond les illuminés de Bavière avec l'illuminisme proprement dit.

Nous avons trouvé 12 fois le terme Saint-Martin, trois fois St-Martin, Martinistes et Philalètes, deux fois Martinisme, Chevaliers bienfaisants, une seule fois Willermoz et Philosophe inconnu.

Comme pour le premier tome, il y a plusieurs erreurs, des amalgames et une méconnaissance de l'ensemble de ces termes. Ainsi dès la première citation, Saint-Martin est considéré comme l'âme prépondérante des réformes de la franc-maçonnerie, posant « des principes plus radicalement encore destructeurs du mariage et de la famille. Le plus apparent, celui qui a servi de base à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, si souvent appelés principes de 89. » (p.21). N. Deschamps confond le Martinisme avec le Spiritisme (p.22) et considère Saint-Martin « comme le grand maçon, âme de tous les convents et de toutes les loges » (p.90).

Le contenu de cet ouvrage comme pour le premier tome, est à prendre avec précaution et réserve.


Les société secrètes, destructrices de la famille - II.Témoignages de leurs chefs et principaux fondateurs, réformateurs et propagateurs. Extrait, p.21-25 ; 25-26 ; 26-30

Extrait, p.21-25

Saint-Martin, cette autre souche féconde de la Franc-maçonnerie, l'âme prépondérante de ses réformes, pose des principes plus radicalement encore destructeurs du mariage et de la famille. Le plus apparent, celui qui a servi de base à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, si souvent appelés principes de 89, se formule ainsi dans le livre Erreurs et Vérité :

« La liberté étant de l'essence de l'homme (tous naissent et demeurent libres et égaux en droits, dit la déclaration de 89), l'association volontaire qui tendrait à l'enchaîner, n'est pas réellement plus juste, ni plus sensée que celle qui ne le serait pas. Par cet acte, il faudrait en effet que l'homme attachât à un autre homme un droit dont lui-même n'a pas la propriété, celui de disposer de soi ; puisque donc il transfère un droit qu'il n'a pas, il fait une convention nulle et qui ne peut lier ni lui ni les autres (Erreurs et Vérité, 2e part. sect. 5,.p. 9, ou, dans l'édition déjà citée [1782], p. 270, 271.). »

Certes, rien n'est plus clair que cette conséquence par rapport à la famille. Donc, nuls tous les contrats de mariage, qui enchaînent la liberté et l'égalité natives de l'homme envers la femme et de la femme envers l'homme. Donc, nuls [page 22] tous les liens qu'on voudrait en faire résulter, et les parents ne peuvent pas plus disposer des enfants que les uns et les autres ne peuvent disposer d'eux-mêmes, et la famille au moral est radicalement anéantie, absolument condamnée par la nature ou l'âge d'or que toutes les branches maçonniques ont pour but de ramener et de rétablir.

Dans l'état primitif, disait encore le philosophe inconnu, il n'y avait aucune distinction arbitraire et artificielle. Quoique doués, en qualité d'êtres intelligents, de facultés diverses, les hommes, dans cet état primitif ne se divisaient pas en maîtres et en sujets; il n'y avait ni pères, ni mères, ni enfants, ni subordination quelconque; chacun d'eux avait sa grandeur qui lui était propre ; tous étaient égaux, tous étaient rois, mais régnaient sur des êtres d'une espèce inférieure (Ibid. p. 279 et L. Blanc. Hist. de la Révolution, tome II, p. 101).

Les autres principes du Martinisme étaient la conséquence de celui-là. Plus profonds et plus latents, ils poussent plus loin encore, s'il est possible, à la destruction de la famille ; ils n'en brisent plus seulement les liens, ils en font disparaître jusqu'aux éléments même matériels.

L'homme, dans les doctrines martinistes, doctrines qui, sous le nom de Spiritisme, courent maintenant les rues, enfantant, dans de prétendus esprits forts, les plus niaises, les plus absurdes et les plus fanatiques superstitions ; l'homme n'est plus, comme l'a cru jusqu'ici le genre humain tout entier, une créature essentiellement composée d'un corps et d'une âme, mais une intelligence, un esprit, qui, déchu de son élévation première par une révolte inconnue, inexplicable et impossible, a été condamné, pour l'expier, à passer successivement par les corps, à mesure qu'ils naissent ou viennent au monde.

Les corps ne sont, en conséquence, et ne peuvent être pour lui qu'une prison odieuse, qu'un habit qu'il voit vieillir et se dissoudre avec plaisir, qu’un obstacle à l'exercice de toutes ses facultés les plus essentielles et dont il ne peut voir la cessation qu'avec joie.

Saint-Martin, nous l'avons vu, va même jusqu'à réduire [p.23] ces corps à une simple apparence et à ne leur donner ainsi qu'à la terre elle-même, d'autre valeur que celle de zéro. Or, devant de telles doctrines, que sont, que peuvent être les liens de la chair et du sang qui constituent essentiellement la famille et tous les rapports d'époux à épouse et de père et mère à enfants ? Quelle autorité, quelle subordination, quels devoirs entre de tels esprits essentiellement égaux entre eux, indépendants par essence les uns des autres, n'ayant pour points de contact que des corps qu'ils abhorrent et qui leur servent les uns aux autres de chaînes et de châtiments, corps aujourd'hui français ou allemands, demain chinois ou hottentots, et par lesquels, malgré eux, ils deviennent successivement et dans mille pays divers hommes ou femmes, pères ou mères, aïeux ou petits enfants les uns des autres. Quels liens de famille et de parenté peut-il y avoir dans d'aussi monstrueuses rêveries ? et de telles doctrines ne tendent-elles pas logiquement à amener et à justifier tous ces horribles forfaits que l'on nomme, en frémissant, suicide, parricide, infanticide, avortement, adultère, inceste, violation de toutes les lois de la nature, impudicités de toute espèce ? Que sont tous ces crimes par rapport aux esprits ? « Tout cela, écrivait Saint-Martin lui-même, n’affecte pas l'âme ; au feu, donnez au feu tout ce qu'il vous demande ; ce feu, c'est la matière, ce sont les sens, c'est le corps. En vain l'ennemi me poursuit par ses illusions ; il ne faut pas qu'ici-bas la matière ait mémoire de moi : les délices de la matière est-ce l'homme qui les goûte ? Lorsque ses sens ont de la peine ou du plaisir, ne lui est-il pas aisé de voir que ce n'est pas lui qui éprouve ce plaisir ou cette peine ? ( L'homme de désir, par l'auteur des Erreurs et Vérité, n° 255. Barrruel, Mémoires, etc., tome III. p. 105, note.) 

Aussi, le maçon des hauts grades, l'ex-grand-maître Cousin, le chef de l'école spiritualiste qui admet, comme Saint-Martin, un état pour nos âmes antérieur à celui de leur existence sous la forme humaine ou dans les corps, enseigne-t-il ouvertement que « le corps, quoiqu'il tienne à l'âme comme instrument d'action, n'a pourtant en lui-même aucun droit à des soins qui lui soient propres ; qu'effet de l'ordre, partie du [p.24] monde, il y aurait sans doute de la folie et, par conséquent, quelque mal à le détruire SANS RAISON, à le mutiler par caprice ; mais que cependant et après tout, il n'y aurait pas crime et injure ; que ce serait une atteinte à la nature (quelle nature !) et non à un être moral (M. Cousin, Essai sur l'Hist. de la philosophie au XIXe siècle, tome II, p. 257,). » Ce qui justifie tous les genres de crime contre les corps, ce qui les autorise même, pour peu qu'on ait de raison pour les commettre.

Aussi Allan Kardec, un des grands chefs du spiritisme, celui qui a fait un pacte avec les esprits supérieurs, qui se sont engagés, sous le symbole d'un pampre de vigne, d'être avec lui toutes les fois qu'il le demandera, à condition qu'il sera à leurs ordres chaque fois qu'ils l'appelleront, enseigne-t-il dans un livre, dicté par ces esprits et corrigé par eux, que l'union libre et fortuite des sexes est l'état de nature, l'état primitif (quelle contradiction !) ; que la polygamie est une loi humaine dont l'abolition marque un progrès social ; et que le mariage, qui est un progrès dans la marche de l'humanité, est pourtant, en tant qu'indissoluble, une loi humaine contraire à la loi de nature (ou de chute), aussi bien que le célibat ; ce qui n'empêche pas que les HOMMES ACTUELS soient les mêmes que les ÊTRES PRIMITIFS qui sont revenus se perfectionner, mais qui sont encore loin de la perfection, quoique cependant ils avancent toujours sans jamais reculer. Qu'on juge, si l'on peut, du nombre de leurs évolutions ; car la terre est le premier degré d'épuration, et les hommes actuels qui sont les mêmes que les êtres primitifs sont tous des esprits constituant le monde spirite qui est lui même, ainsi que ses composés évidemment, le monde normal, primitif, éternel, préexistant et survivant à tout (Allan Kardec : Le livre des esprits écrit sous la dictée et publié par l'ordre d'esprits supérieurs. Paris, Dentu 1857, p. 55, n° 86, p. 123, n° 335, 336, 337. Introduct. p. 10. Prolégomènes, p. 30.)

L'interprète autorisé du Grand-Orient, le maître à tous les degrés, grand fondateur et réformateur des loges modernes, frère Ragon, pour le nommer par son nom, en mettant, aussi bien que l'historien pittoresque de la Franc-maçonnerie et tous les écrivains maçonniques, le bon et le mauvais principe à la tête de la science et des doctrines des loges, et [page 25] faisant dépendre, comme les Manichéens, comme les Gnostiques et les disciples de Saint-Martin, le mariage du mauvais principe, range et fait marcher par conséquent lui-même aussi la Maçonnerie française, et avec l'approbation du Grand-Orient de Paris, de pair ou à la suite de toutes les autres sectes destructrices du mariage et de la famille chrétienne.

bouton jaune  II.Témoignages de leurs chefs, extrait, p.21-25

Extrait, p.25-26

Or, « comme le nombre un désignait l'harmonie, l'ordre et le bon principe, le nombre deux, continue maître Ragon, offrait l'idée contraire. Là commençait la science funeste [page 26] du bien et du mal. Tout ce qui est double, faux, opposé à l'unique réalité étant dépeint par le nombre binaire, il exprime aussi l'état de mélange et de contrariété dans lequel se trouve la nature, où tout est double : ainsi la nuit et le jour, la lumière et les ténèbres... l'erreur et la vérité, l'un et l'autre sexe. » Nous voilà déjà en plein Martinisme. Il n'y a de réel que l'unité; tout le reste, tout ce qui est double est le mauvais principe : au feu, au feu, mariage et famille !

Extrait, p.29-30

Et ce ne sont là pourtant que les premiers grades ; et le Suédois Jean Witt, qui est arrivé à leur sommet, dit, dans ses mémoires, que « enfin le voile se déchire tout à fait pour le principi summo patriarcho, et qu'on apprend alors que le but des Carbonari est tout à fait le même que celui des Illuminés ; que l'initié jure la ruine de toute religion et de tout gouvernement positif, despotique ou démocratique ; et que tous les moyens pour l'exécution de leurs projets sont permis. Qui ne se rappelle, à cette occasion, qu'à la suppression des Illuminés [page 30] on trouva, entre autres poisons, une tinctura ad abortum faciendum (Mémoires secrets, p. 21, 22, suite de la 2e partie, 131, 135, 136, 137, 140.). »

Lui-même, à la fin de ses mémoires, entre dans plus de détails sur l'objet particulier qui nous occupe et l'on retrouve sous sa plume toutes les doctrines de St-Martin et du Spiritisme, avec un petit amendement qui lui est propre et que nous soulignerons.


III. Les loges libres d'adoption ou la première maçonnerie des femmes. Extrait, p.49

« Parmi les grandes maîtresses qui ont illustré le maillet d'adoption (en ce temps-là ) nous citerons, dit Ragon, les illustres sœurs: duchesse de Bourbon, (la protectrice de Saint-Martin, le fondateur du Martinisme), la sœur de Philippe-Égalité (séparée bientôt après de son mari). Elle fut installée, en 1775, grande-maitresse de toutes les loges de France, à la loge de St-Antoine, climat de Paris.

Loges Androgynes ou d'Adoption (suite). Compagnonne et maîtresse, maîtresse parfaite et souveraine sublime écossaise. Extrait p.90-91

N. Deschamps donne une comparaison entre la doctrine des cathares et les franc-maçons, sous la forme d'un dialogue. Nous mettons seulement ce qui intéresse nos mots clés, ici Saint-Martin avec une citation de l'Homme de désir :

- Très bien, mesdames; on ne changera jamais pour vous les carafes en cruches et vous ne serez jamais franches-maçonnes. Quant à la réponse au signe de caractère, elle signifie, dit Guillemain, le bon usage qu'on doit faire de ses sens. Teissier n'en dit rien, mais Saint-Martin, le grand maçon, âme de tous les convents et de toutes les loges, l'explique plus fidèlement selon toutes les apparences. Il dit, dans son Homme de désir, que tout ce qui est dans les sens, peine ou plaisir, n'est pas l'homme et qu'il ne faut y attacher aucune importance : Au feu tout cela ! au feu ! dit-il encore, donnez au feu tout ce qu'il vous demande ; tout cela n'affecte pas l'âme, [page 91] et ce feu, c'est la matière, ce sont les sens, c'est le corps.


VII. Des templiers-maçons et de quelques pratiques des loges. Extrait, p.102

Certaines circonstances, certaines paroles des grades bavarois ou des écrits de Saint-Martin, ne supposent-elles pas aussi quelques-unes des conséquences pratiques de ces doctrines ? Les maçons eux-mêmes ne se sont-ils pas récriés, aussi bien que les profanes, contre les orgies de la loge de la Maçonnerie égyptienne d'adoption, fondée à Paris en 1782 par le fameux comte de Cagliostro ! Ne fut-on pas obligé de faire fermer, pour semblables causes, celles du même genre de Strasbourg, où ce monstrueux Adonis, dit un grave historien, croyait déjà nous avoir ramené aux mystères de la bonne déesse ou des Adamites ?

Les Sociétés secrètes destructrices de la propriété dans leurs grades et leurs interprétations autorisées. Extrait, p.149-150

Saint-Martin, lui, en homme plus habile, et en France avant 89, sans nier aussi radicalement le droit de propriété, le suppose, par concession, existant dans le principe, mais par des moyens imaginaires, en apparence, et l'attaque en fait, dans la justice civile elle-même, comme impossible à constater en droit ; ce qui est plus court et plus décisif encore.

« Je suppose, dit-il, tous les droits de propriété établis, je suppose le partage de la terre fait légitimement parmi les hommes, ainsi qu'il a eu lieu dès l'origine, par des moyens que l'ignorance ferait regarder aujourd'hui comme imaginaires. Alors, quand l'avarice, la mauvaise foi, l'incertitude même viendront à produire des contestations, qui pourra les terminer ? qui pourra assurer des droits menacés par l'injustice, et réhabiliter ceux qui auraient dépéri ? qui pourra suivre la filiation des héritages et des mutations, depuis le premier partage jusqu'au moment de la contestation ? Et cependant, comment remédier à tant de difficultés, sans avoir la connaissance évidente de la légitimité de ces droits, et sans pouvoir, à coup sûr, désigner le véritable propriétaire ? Comment juger sans avoir cette certitude, et comment oser prononcer, sans être sûr que l'on ne couronne pas une usurpation ? Or, personne n'osera nier que cette incertitude ne soit comme universelle ; d'où nous conclurons hardiment que la justice civile est souvent imprudente (pour ne pas dire toujours, comme le veut la logique) dans ses décisions,

« Mais voici où elle est bien plus condamnable encore, et où elle montre découvert sa témérité : c'est lorsque, dans [page 150] l'extrême embarras, où elle se trouve fréquemment, de reconnaître l'origine des différents droits et des différentes propriétés, elle fixe une borne à ses recherches, en assignant un temps, pendant lequel toute possession paisible devient légitime, ce qu'elle appelle prescription ; car je demande, dans le cas où la possession serait mal acquise, s'il est un temps qui puisse effacer une injustice. Il est donc évident que la loi civile agit d'elle-même en ce moment ; il est évident que c'est elle qui crée la justice, pendant qu'elle ne doit que l'exécuter, et qu'elle répète par là cette erreur universelle, par laquelle l'homme confond toujours les choses avec leur principe.

« ... Je ne peux donc me dispenser d'avouer combien la marché de la loi civile est défectueuse, tant dans ce qui regarde la personne des membres de la société, que dans ce qui regarde tous leurs droits de propriété : ce qui m'empêche absolument de regarder cette loi comme conforme au principe, qui devrait avoir dirigé l'association, et me force à reconnaître ici la main de l'homme, au lieu de cette main supérieure et éclairée qui devrait tout faire en sa place (Des erreurs et de la vérité, p. 317, 318, 319). »

Donc, il en est de la propriété comme des gouvernements de main d'homme : C'est un brigandage ; or, pour les brigandages il n'y a pas de lois (Déjà cilé, ibid. p. 298). »

Ainsi l'entend et l'explique L. Blanc : « Jamais, dit-il, en parlant du livre de St-Martin, ouvrage plus émouvant et plus singulier n'avait paru... Il y creusait la misère sociale jusqu'à d'effrayantes profondeurs, il ouvrait la terre jusqu'aux abîmes... La loi civile ? au milieu des débats qu'entraîne le partage illégitime du commun domaine, on la trouve s'égarant à la recherche du droit, ne sachant où se fixer, et, sous le nom de prescription, osant appeler justice une injustice qui dure (Hisloire de la Révolut., tome II, ch. 2, p. 100).


Quel est le but des sociétés secrètes ? Extrait, 212-213

Mais écoutons Weishaupt dans ce grade d'épopte, qui, avec l’esprit de l'Illuminisme allemand, et par les soins des Knigge, [page 213] des Mirabeau, des Talleyrand, des Sieyès, des Saint-Martin et de la loge des Philarètes [sic] et des différents convents maçonniques, de Wilhemsbad surtout, a pénétré, comme nous l'avons démontré dès notre premier chapitre, dans tous les rites et dans toutes les loges de l'univers.

Leurs moyens. Weishaupt et Mirabeau. Extrait, p.246-247 ; 251, 254

Extrait, p.246-247

Ici N. Deschamps présente un dialogue entre Weishaupt et Mirabeau :

-W.- Déjà, moi-même et nos principaux frères illuminés, nous nous sommes fait recevoir francs-maçons dans ce but, et Kigge, au convent de Wilhelmsbad, initia presque tous les envoyés de toutes les loges de l'univers, élus et Rose-Croix, frères Templiers, frères de Zimendorf et frères de Saint-Jean, chevaliers du Soleil et chevaliers Kadosh, à nos grades d'Épopte et de Régent; tous [page 247] furent extasiés de ces chefs-d’œuvre qui renferment, comme vous le savez, et très explicitement, la destruction de la religion, de la famille, de la propriété, de tout ce qui constitue les nationalités. Votre Saint-Martin et vos philalètes, qui se rapprochent beaucoup de nous, furent aussi fort goutés ; s'il était possible de nous entendre et de nous unir, nous serions bien vite maîtres des peuples et de leur destinée, et le retour à la liberté et à l'égalité primitives, avec leur âge d'or, serait, non seulement possible, mais fort rapproché.

Extrait, p.251, 254

Voici ces preuves, copiées, mot pour mot, sur l'extrait qu'en a fait, dans le livre de Bonneville, Bernard Picard, dans sa grande Histoire des cérémonies et des cultes, déjà citée plusieurs fois. (Tome IX, p. 484 et suiv.)

[page 254] Que serait ce si, à l'évidence de ces chiffres et à leur valeur numérique, je voulais joindre l’évidence et la valeur cabali-lique [sic] et de l'illuminisme de Saint-Martin et mème de F.:. Ragon ; les deux unités de 11 et de 141 formant des deux côtés le nombre 2, caractéristique des deux principes, et en composant 4, le nombre caractéristique du panthéisme et des quatre branches de la clef que portent les divinités égyptiennes, et qui représentent l'idée de la puissance infinie dans l'arrangement de l'univers, comme parle maitre Ragon ; puis, ces deux 4 forment 8 ou l'octoaire, désignant tout à la fois et la perfection maçonnique et la loi naturelle et primitive, qui fait tous les hommes égaux, comme il le dit encore. Et qui, dans la Maçonnerie, pourrait me donner un démenti ? Tandis que, en quelques mots, je veux montrer les absurdités, les contradictions et l'ignorance des preuves des très savants F.:. Bonneville et Mirabeau.


IV - Les faits (France). Concentration des loges, propagande par les livres impies et séditieux ; états généraux, abolition des mandats nationaux, destruction des trois ordres, de la religion catholique et de la monarchie, anéantissement des provinces et de l'antique constitution nationale de la France. Extrait, p.266-267

C'était en 1786 que Mirabeau, arraché, par l'influence maçonnique et par la clémence de Louis XVI, à ses juges et à l'échafaud mérité par ses crimes, avait été chargé d'une mission secrète pour Berlin, et qu'y ayant été initié par Mauvillon aux derniers mystères de l'Illuminisme, il s'était étroitement lié avec les membres les plus avancés de la secte: Nicolaï, Biester, Gedicke, Leuxhsenring et avait arrêté avec eux le plan de fusion de l'Illuminisme et de la Franc-maçonnerie française. A peine de retour en France, il se mit à l’œuvre pour parachever l’union anti-sociale, commencée à Wilhelmsbad, par Knigge et les Martinistes français. [...]

[page 266] ... C'était dans la loge des Amis réunis que siégeait, comme son nom l'indique, le Grand-Orient; c'était là aussi, dans un étage supérieur, que se tenait le comité secret, chargé de la correspondance étrangère. L'évêque d'Autun, le fameux apostat Talleyrand était, dit Robison, tout en en faisant l'éloge, le premier surveillant de cette loge ; on distinguait surtout parmi ses membres, Mirabeau, Sieyès, Bonneville, Barnave, Caro, Dupuis, Petion, St-Germain, St-Martin et ses principaux adeptes, Willermoz, Chappe de la Henrière, Court de Gébelin, Condorcet, Dietrich, d'Héricourt, Brissot, Ræderer, Fréteau, Duport, Target, Lepelletier de St-Fargeau, représentant la loge du Temple; Chamfort, Guillotin, Garat, Camille Desmoulins, Danton, Lalande, les apostats Pingré, Mulot et Lavalette [sic pour Savalette] de Lange qui en était et le trésorier et un des membres les plus actifs, quoique chargé, en même temps, de la garde du trésor royal.

Dans la loge des Philalètes ou chevaliers bienfaisants, ou [page 267] disciples de Paschalis, de Jacob Boehm et de St-Martin, dominaient, après les membres du Grand-Orient, le prince de Hesse, le vicomte de Tavannes, d'Amar, de Saint-Jammes, Tassin, de Bondy, Mesmer, Duchanteau, Cagliostro, etc., Grimm et le reste du club d'Holbach.

bouton jaune Extrait, p.265-267